représentations chargé d’affect
5. C’est ainsi que chez « Anna O. » la
contracture parésique du bras serait directement liée à l’angoisse
provoquée par une rêverie nocturne lorsqu’elle veillait auprès du lit de
son père malade, ou que le spasme de la glotte remonterait à une
querelle au cours de laquelle elle n’aurait pas pu répondre.
La représentation est considérée ici encore comme une trace
correspondant directement à un événement vécu et à cette représentation
reste lié l’affect qui l’a accompagnée. Quelques années plus tard, vers
1900, Freud reviendra sur cette première conception en élaborant la
notion de fantasme. La dimension fantasmatique de la représentation
s’insinue cependant, en quelque sorte, dans ce texte de 1895, quoique
les auteurs ne lui donnent pas encore l’acception que Freud lui donnera
plus tard. Dans le cas d’Anna O., Breuer insiste, par exemple, sur le rôle
de la « rêverie diurne », du « théâtre privé », sur l’importance qu’ont
pour la malade les « histoires » qu’elle imagine et les « récits »
poétiques qu’elle en fait. Dans ses « Considérations théoriques », Breuer
admet, pour l’analyse de la pathologie hystérique, l’existence et l’action
déterminante des « représentations inconscientes » qui ne peuvent pas
devenir conscientes6. Mais au-delà du fait de remarquer la présence de
ces états et de ces productions, et de leur attribuer de manière générale
un « rôle » en tant que facteur de maladie, le médecin ne s’intéresse pas
ici à l’analyse systématique de ces histoires ni à leur fonction précise
5 Le concept de représentation a progressivement quitté le domaine de la
métaphysique occidentale dans lequel il avait été élaboré, pour adopter de plus
en plus une définition psychophysiologique. Ce faisant, la représentation est
devenue une entité psychique, synonyme de l’idée, tout en ayant une assise
neuronale. La représentation [Vorstellung] est un concept fondamental dans la
pensée de Freud, en ce qui concerne les phénomènes de ladite vie psychique.
Or, chez le fondateur de la psychanalyse, la représentation est surtout un
délégué psychique de la pulsion — le refoulement pouvant agir, du point de
vue dynamique, sur cette réalité pour l’empêcher de devenir consciente. Dans
la représentation d’objet consciente, Freud a distingué deux types de
représentation : la « représentation de mot » [Wortvorstellung], qui est essen-
tiellement la trace acoustique et l’image verbale motrice correspondant au mot,
et la « représentation de chose » [Sachvorstellung], trace essentiellement
visuelle, à caractère mimétique, renvoyant à un contenu de pensée, à un objet, à
une image de souvenir. Pour qu’il puisse y avoir, dans la théorie freudienne,
une représentation consciente, ces deux types de représentations doivent être
liés par le système Préconscient-Conscient. La représentation n’est ainsi plus
définie comme un phénomène nécessairement conscient, elle peut être
consciente ou inconsciente. Nous avons travaillé longuement sur une révision
critique du concept de représentation dans notre thèse doctorale (Patiño-
Lakatos, La métaphore comme opération charnière entre langage, pensée et
monde (2013).
6 Freud, Breuer, Études sur l’hystérie (1956), p. 178.