L’interview
«Nos arbres
ont souertl’été
dernier»
Lausanne compte environ10 000 arbresle long de ses
axes routiers et quelque80 000 dans sesparcs.
MichaëlRosselet,responsabledu patrimoine arboré,
constate l’impact négatifdu réchauement
climatique surlesallées boisées le long desavenues.
dure donc généralement que jusqu’en fé-
vrier, ce qui augmente considérablement le
risque de gels tardifs printaniers. Tout le dé
consiste aujourd’hui à sélectionner les es-
sences qui sauront le mieux résister à ces
conditions météorologiques extrêmes. Un
travail très complexe puisqu’il doit tenir
compte de nombreuses contraintes: «Les
arbres doivent notamment pouvoir résister
au chaud, au froid et au sel des routes. Fina-
lement, et c’est là le plus grand dé, il faut ju-
ger de leur contribution à la biodiversité…
Déjà soumise à une grande pression en
Suisse!» Logiquement, la priorité est donc
donnée à des espèces locales.
Des arbres de type méditerranéen
Mais d’autres pistes sont également prises
en compte pour les spécialistes en sciences
forestières. «Nous avons remarqué que le
climat qui régnera dans les villes suisses
dès 2030 ressemblera aux conditions
météo actuelles de la Croatie ou la Bosnie.
D’où notre proposition de rééchir à
implanter chez nous des arbres de type
méditerranéen, capables de résister autant à
des sécheresses l’été qu’à des températures
négatives en hiver.» Quelques-unes de ces
essences, notamment l’orme de montagne, le
charme houblon, le chêne chevelu, le frêne à
eurs ou encore le chêne de Hongrie, sont
déjà présentes dans nos villes.
Le bienfait des arbres en ville n’est plus à
prouver. S’ils sont d’agréable compagnie en
cas de canicules, ils participent également à
absorber une partie du dioxyde de carbone
présent dans l’atmosphère. Selon la Haute
Ecole spécialisée bernoise, la surface
couverte par des arbres en ville de Berne a
augmenté de 18% pendant les trente
dernières années. Ces arbres ont permis de
compenser quelque 250 tonnes de CO2par
an, soit l’équivalent de 100 vols à destination
de la Thaïlande. Un apport modeste, certes,
mais qui, selon Oliver Gardi, «pourrait jouer
un rôle non négligeable à l’échelle de la
planète, où déforestation et urbanisation
progressent tous deux à grands pas».
A Genève, des employés du Service des espaces
verts (SEVE) plantent un grand chêne.
Quels sont les arbres qui
sourent du changement
climatique à Lausanne?
A Lausanne, comme à Berne ou
dans les autres cités helvétiques,
nous connaissons les mêmes
contraintes d’un point de vue
climatique. Une sourance
accrue de nos arbres a d’ailleurs
été constatée lors de la canicule
de l’été dernier. Nous
remarquons que ce sont les
spécimens situés dans des zones
largement bétonnées qui
rencontrent les plus graves
problèmes. Le taux de
renouvellement des arbres sur
avenue est d’environ 2% par
année, ce qui signie qu’ils
vivent en moyenne une
soixantaine d’années. Dans les
parcs en revanche, ce taux se
monte à 0,4% avec des plantes
qui vivent généralement en
moyenne jusqu’à 250 ans!
Comment expliquez-vous cette
diérence?
La raison principale est que
le sol aux abords et sous les
routes est aujourd’hui constitué
essentiellement de matériaux
construits et minéraux. Il est
donc de plus en plus dicile
pour les arbres de grandir
dans cet environnement peu
terreux et très sec. Le sel,
répandu en hiver sur les routes
et qui s’inltre jusque dans le
sous-sol, renforce d’ailleurs les
problèmes de dépérissement.
Finalement, les arbres sur allées
sont également victimes de
la circulation. Un problème
qui a tendance à s’aggraver
puisque le trac a
considérablement augmenté ces
dernières années…
Quelles sont vos pistes pour
améliorer la situation?
Je crois que cela passe d’abord
par une amélioration des
conditions des sous-sols aux
abords des allées boisées. Depuis
quelques années, nous utilisons
un mélange terre-pierre
permettant à la fois une bonne
stabilité du sol et une quantité
de terre susante pour que les
arbres puissent s’y développer
convenablement. Depuis une
dizaine d’années nous
privilégions la réalisation de
fosses de plantation le plus
larges possible. Mais nous
manquons encore de recul pour
juger de l’ecacité sur le long
terme de ces aménagements.
Vous n’envisagez donc pas la
piste d’essences d’origine
méditerranéenne?
Nous privilégions tant que
possible les essences indigènes,
qui sont les plus intéressantes
en termes de biodiversité. Mais
nous rééchissons aussi à
d’autres pistes… Plusieurs
espèces étrangères sont déjà
présentes en ville de Lausanne,
par exemple des marronniers
d’Inde. Il y a quelques décennies,
nos avons planté des
micocouliers de Provence. Une
plante qui semble très adaptée
au stress urbain. La piste
d’autres arbres méridionaux est
étudiée. Peut-être anticipons-
nous seulement leur processus
naturel… puisque, avec le
réchauement climatique, il est
probable que ces espèces
remontent naturellement la
vallée du Rhône pour parvenir
nalement jusque chez
nous. MM
MichaëlRosselet,
responsable du
Service des parcs
et domaines de
Lausanne.
Photo: Keystone/Martial Trezzini
SOCIÉTÉ |MM41,5.10.2015 | 29