Estimation du stock de carbone dans deux unités de terre en zone de savane
du Cameroun.
Estimated carbon stock in two land units in the savanna zone of Cameroon.
*Joseph Armathé AMOUGOU (1), Lucas Dominique BEMBONG EBOKONA (2), Romain
Armand Soleil BATHA (1) Armand William MALA (2), Hortense NGONO (2)
1Department of Geography, Faculty of Arts, Letters and Human Sciences (FALSH), University of
Yaoundé I;
2Department of Biology and Plant Physiology, University of Yaoundé I
Auteur principal
Auteur correspondant : [email protected]
Résumé
Le changement d’affectation des terres et l’agriculture sont souvent considérés comme
des causes principales des émissions de dioxyde de carbone (CO2). L’objectif de cette étude est
d’évaluer et comparer les stocks de carbone des savanes non exploitées (SNE) à ceux des
agroforêts-cacao (AFC) établies sur savanes dans l’optique de montrer que ces pratiques
pourraient permettre de réduire les émissions de CO2. Cette étude a été menée de Décembre 2013
en Février 2014 dans l’écotone forêt-savane localisé dans l’arrondissement de Bokito (région du
Centre Cameroun), dans deux sites Kédia et Ediolomo, les AFC sont principalement établies
sur savane. Pour la mener, une enquête socio-économique a été réalisée auprès de 60 ménages
paysans. Un inventaire des ligneux a été réalisé sur 30 parcelles dont 14 témoins (SNE) afin de
caractériser la composition floristique des unités de terre (UT). Les données dendrométriques et
les équations allométriques ont permis d’estimer la biomasse afin de calculer les stocks de
carbone et de CO2.
Les résultats révèlent que 93 % des ménages ont pour activité principale génératrice de
revenu l’agriculture et d’autre part, la totalité des ménages crée leur AFC dans les savanes.
L’inventaire révèle la diversité floristique de ces AFC et montre que 26 espèces ligneuses à
Kédia, 33 à Ediolomo sont associées aux cacaoyers contre 14 espèces recensées dans les SNE.
Les espèces les plus courantes dans les AFC sont Dacryodes edulis, Citrus spp., et Persea
americana. Une SNE stocke en moyenne 15,47 tC.ha-1 à Kédia et 16,40 tC.ha-1 à Ediolomo
contre 68,12 tC.ha-1 stockés dans les AFC à Kédia et 76,99 tC.ha-1 à Ediolomo ce qui correspond
à 197,21 tCO2.ha-1 en moyenne et à une valeur monétaire de 553 309,33 FCFA.
Ces résultats montrent que les stocks de carbone des AFC sont supérieurs aux stocks de
carbone des SNE. Donc, la pratique de la cacaoculture dans la savane permet de réduire les
émissions de CO2, d’éviter la déforestation et la dégradation des forêts tout en garantissant une
sécurité alimentaire durable pour le paysan.
Mots clés: stock de carbone, savanes non exploitées, agroforêt cacao, écotone, Bokito.
Abstract
In Cameroon, land use change and agriculture are often considered as the main causes of carbon
dioxide (CO2) emissions. The objective of this study is to evaluate and compare the carbon stocks in
unexploited savannas (UES) to those in cocoa-agroforests (CAF) established in savannas, with the aim of
showing that these practices could reduce CO2 emissions. This study was conducted from December 2013
to February 2014 in the forest-savanna ecotone located in the Bokito district (Central region Cameroon),
at two sites Kedia and Ediolomo where CAFs are mainly established in Savanna. To achieve this goal, an
inventory of wood was carried out on 30 plots with 14 controls (UES) to determine the floristic
composition of land units (LU). Dendrometric data and allometric equations were used to estimate
biomass to calculate carbon stocks and CO2.
The most common species in the AFC are Dacryodes edulis, Citrus spp., and Persea americana.
An UES stores an average of 15.47 tC.ha-1 in Kédia and 16.40 tC.ha-1 in Ediolomo against 68.12 tC.ha-1
stocked in the CAF at Kédia and 73.99 tC.ha-1 in Ediolomo which corresponds to an average of 197.21
tCO2.ha-1 and to a monetary value of 553 309,33 FCFA.
These results show that carbon stocks of savanna in the CAF are greater than carbon stocks of the
UES. The practice of cocoa cultivation in the savanna thus permits to reduce CO2 emissions by avoiding
deforestation and forest degradation while ensuring sustainable food security for the farmers.
Keywords: carbon stock, unexploited savannas, cocoa-agroforests, ecotone, Bokito.
I. Introduction
Le besoin d’atténuer les effets néfastes du changement climatique a déterminé le besoin
d’information sur l’évolution dans le temps de la couverture végétale et d’estimer le stock de
carbone séquestré par tous les écosystèmes dans l’optique de définir une politique climatique
mondiale. Le protocole de Kyoto faisant suite à la Convention Cadre des Nations Unies sur les
Changements Climatiques, souligne la cessité de protéger le carbone déjà emmagasiné dans
les forêts (au niveau des arbres et du sol), mais aussi de mener toute activité de boisement et/ou
de reboisement pour piéger le carbone (Anonyme, 2007). Or dans la zone de transition forêt-
savane de Bokito, les Agroforêts Cacao (AFC) sont établies sur les savanes diminuant ainsi, la
pression sur les forêts et convertissant les savanes en agroforêts. Cette transformation de la
savane en agroforêt contribue significativement à la séquestration du CO2 grâce au labour du sol
et par l’intégration des espèces ligneuses (Amougou et al., 2013).
L’émergence du mécanisme de Réduction des Emissions issues de la Déforestation et de
la Dégradation des forêts (REDD+) dans le marché carbone va entrainer à une demande des
informations crédibles, accessibles et actualisées sur les stocks de carbone (Brown, 2002; Joosten
et al., 2004). Les pays ou les régions qui disposent d’informations fiables et au moment indiqué
seront les mieux placés pour tirer profit de ces opportunités qui se profilent à l’horizon. Fort de
cela, plusieurs travaux ont été réalisés au Cameroun pour estimer les stocks de carbone dans les
forêts ainsi que dans les AFC (Nolte et al., 2001; Kotto-Same et al., 2001; Zapfack, 2005 ; Nasi
et al., 2008). La majorité des travaux qui existent sur les AFC ont été réalisés pour la plupart,
dans les zones forestières, et très peu dans les écotones forêt-savane les AFC sont établies
dans les savanes. D’où l’intérêt de la présente étude dont l’objectif est d’évaluer et de comparer
les stocks de carbone des savanes et à ceux des agroforêts-cacao de l’écotone forêt-savane de
Bokito (région du Centre Cameroun).
Plus spécifiquement, l’étude vise à (1) identifier et à caractériser les différents types
d’acteurs en présence ainsi que leurs différentes pratiques et stratégies, (2) caractériser la
composition floristique des arbres dans les agroforêts à base de cacaoyers et les savanes non
exploitées ; (3) estimer les stocks de carbone (épigés et racinaires) des arbres ; et (4) évaluer la
valeur monétaire du dioxide de carbone (CO2) séquestré lors de la conversion savanes-AFC.
II. Matériel et méthodes
II.1 Localisation/ Présentation de la zone d’étude
Relief, sol et hydrographie
La zone d’étude est caractérisée par une succession de plaines et collines de faibles altitudes. On
se situe au niveau de la transition entre basse plaine et plateau. Le paysage de la zone d’étude est
caractérisé par une mosaïque forêt-savane sur des pénéplaines légèrement ondulées à sol
ferralitique faiblement désaturé. Le soubassement de la surface intérieure est d’âge précambrien
et se compose essentiellement de roches cristallines (granites, gneiss, micaschistes) qui ont subi
un aplanissement très poussé, responsable du relief peu marqué. A l’Est, au sud et au Nord, les
moyennes vallées du Mbam et de la Sanaga ont échancré le plateau sud camerounais pour
creuser une vaste plaine basse d’une altitude moyenne de 450 m. A l’ouest se dressent les
montagnes Lémandé dont la direction Sud/Sud-ouest Nord/Nord-est va apporter des
modifications au schéma zonal. Le versant oriental, dont le secteur de Bokito fait partie, est
abrité de la mousson venant de l’Ouest/Sud-Ouest. Ceci permet d’expliquer sa sécheresse
relative.
Le village de Kédia se situe précisément entre 430 et 480 m d’altitude (relevés GPS, 2014).
A Ediolomo, l’altitude moyenne varie entre 500 m et 600 m, avec des sommets pouvant parfois
atteindre 700 m. Le cours d’eau présent dans cette zone est le Noubomo. Ces irrégularités sont
révélatrices du climat ambiant de la zone.
Sous cette latitude, la nature des sols est fortement dépendante de leur position topographique.
Dans la région trois classes sont distinguées :
- les sols peu évolués sur les massifs ou talwegs à forte pente ;
- les sols hydromorphes dans les bas-fonds ou vallées ;
- les sols ferralitiques sur le reste de l’interfluve.
Ce sont ces derniers qui dominent au centre Cameroun. Ils peuvent être selon la
topographie : de faiblement à fortement désaturés, de couleur jaune à rouge, et plus ou moins
hydromorphes. La fertilité de ceux-ci serait principalement liée à la pente et à la présence de
l’horizon gravillonaire conditionnant la profondeur de sol accessible aux racines.
Végétation
D’un couvert végétal particulier (simultanément composée de forêts et de savane, elle
justifie sa position transitoire entre le septentrion et la région australe du pays), il s’agit en fait
d’une zone de contact entre la forêt et la savane. Cette particularité offre à cette zone la
possibilité d’un large éventail des cultures, ipso facto, forêts et savanes sont utilisées
concomitamment et par conséquent accueillent les plantes différentes. Ainsi, on peut y pratiquer
soit l’agriculture des régions forestières soit alors celles des zones de savanes.
Cette double tendance de système agricole confère à Bokito un paysage végétal
particulier constitué de forêts et de savanes, d’étendues variées qui s’imbriquent mutuellement;
les forêts sont discontinues parce que morcelées et entrecoupées par la savane. Les forêts
occupent le quart de la superficie de la région. La savane quant à elle, occupe les autres trois
quarts de la région parsemée d’arbres de moyenne taille.
Le paysage de cette zone est caractérisé par une mosaïque forêt-savane sur des
pénéplaines légèrement ondulées à sol ferralitique. Elle est dominée par la savane à graminées
vivaces : Imperata cylindrica sur les versants et Andropogon sp. en bas des versants. Ces
particularités confèrent à cette zone des caractéristiques socio-économiques et culturelles qui lui
sont propre.
Caractéristiques socio-économique et culturelles
Elles sont décrites à plusieurs niveaux:
Au niveau démographique
Kédia est un village du canton Maala. Il est peuplé de Yambassa avec une densité de 32
habitants/km², soit environ 40 ménages pour un total de 240 habitants (Aboubacar et al., 2012).
Le village Ediolomo quant à lui, est aussi un village du canton Maala peuplés de
Yambassa avec environ 35 ménages pour un total de 175 habitants.
Au niveau de l’agriculture et la gestion des ressources forestières
La population de ces deux villages pratique majoritairement l’agriculture qui constitue la
principale activité génératrice de revenus. Cette agriculture est dominée par la culture du cacao.
En effet, la cacaoculture occupe plus de 60 % de la population active (Aboubacar et al., 2012).
Le maraîchage y est également pratiqué surtout en saison sèche. Les cultures vivrières (arachide,
maïs, manioc, igname, plantain, etc.) sont plantées parfois en association avec les fruitiers
servant d’ombrage (agrumes, manguier, safoutier, avocatier, etc.). L’on y pratique aussi la
culture du palmier à huile parfois dans les systèmes complexes en association avec le cacaoyer.
Les PFNL d’origine végétal les plus connus et les plus usuels dans la zone sont
Rhicinodendron heudelotii, Garcinia kola, Gnetum africanum, Irvingia gabonensis, Coula edulis
et les feuilles des Maranthaceae.
Au niveau des activités non agricoles
A côté des agriculteurs, on compte les fonctionnaires de l’administration publique
(enseignants d’école primaires), les éleveurs de bovin (qui viennent du Nord du pays), des
personnes exerçant le petit commerce, et les ‘moto-taximen’. Les autres activités telles que
l’artisanat, la pêche et la chasse sont pratiqués manière accessoire par une infirme partie de la
population de la zone d’étude.
Au niveau des infrastructures sociales
Sur le plan scolaire, ces deux villages disposent chacun d’une seule école primaire
publique. En plus de cette école primaire Kédia dispose d’une maternelle publique.
Sur le plan sanitaire, Ediolomo ne dispose d’aucun centre médical de santé. Kédia
dispose d’un centre de santé altéré. Ediolomo et Kédia disposent de plusieurs forages publics
pour l’alimentation en eau potable et sont alimenté en énergie électrique.
Ces villages ne disposent d’aucun marché ouvert. Les habitants se ravitaillent au marché
de Bokito chaque Lundi en produits de première nécessité.
Sur le plan routier, ces villages ne disposent communément d’un réseau routier non
goudronné et difficilement praticable en saison des pluies.
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