Commentaire
évidente. Sans interruption, le pénitent se confesse jus-
qu’au bout de sa liste. Cette même catharsis et libération
se produisent quand un patient dévoile ses désappointe-
ments, ses anxiétés et ses échecs perçus. La leçon à
tirer ici pour les médecins, c’est d’accorder du temps au
patient sans interruption avant de répondre1,2.
À la fin de la confession, le pénitent récite l’acte de
contrition8: «Mon Dieu, j’ai l’extrême regret… je prends
la ferme résolution de ne plus vous offenser et de faire
pénitence». Dans la perspective de la psychothérapie,
l’acte de contrition est la déclaration d’un engagement
à changer9. Mais, bien avant l’actuel modèle transthéo-
rique10-13, sur lequel repose la compréhension par la
profession médicale de la relation entre le counseling
et le changement comportemental, le confessionnal de
l’Église, à toutes fins pratiques, se servait de stratégies
cognitives et fondées sur le rendement pour aider les
pénitents à en arriver à un équilibre décisionnel. Les
patients qui consultent un médecin de famille pour avoir
un counseling médical ressemblent aux pénitents qui
vont se confesser, parce qu’ils doivent eux aussi faire
leur examen de conscience et surmonter la résistance
à se confier et à discuter. C’est là une progression du
«précontemplatif» au «contemplatif». Une autre ressem-
blance avec le modèle du counseling médical se situe
dans la suggestion d’une pénitence par le prêtre; en
proposant une pénitence, les prêtres font en fait passer
les pénitents de la «contemplation» à «l’action», et par
conséquent, font pencher la balance décisionnelle en
faveur du changement comportemental.
Véhicules de changement
La médecine a abordé le changement comportemental
à la suite d’études rigoureuses14-16. L’Église catholique a
abordé le changement comportemental en se fondant
sur des siècles de réflexion sur l’expérience pratique
des confessions entendues7. Que peuvent apprendre la
médecine et l’Église l’une de l’autre?
Si l’absolution spirituelle ne relève pas de la méde-
cine, la médecine peut mettre davantage à contribution
le pouvoir de guérison des rituels. Au lieu d’être une
punition pour les péchés, les aspects rituels de la péni-
tence (p. ex., jeûne, offrandes et prière) peuvent en réa-
lité distraire la personne de ses péchés et l’aider à se
concentrer davantage sur faire le bien17. Cette dimension
curative et spirituelle de la pénitence offre des idées à la
profession médicale. La médecine devrait considérer le
potentiel thérapeutique de la pénitence et donner au
processus du counseling une dimension plus «sacrée».
Le counseling dans les soins de santé est souvent
axé sur les solutions. La question de culpabilité et l’idée
du «péché» sont rarement explorées5,8,9. C’est très dif-
férent du processus de la confession. Si la plupart des
médecins sont habituellement mal à l’aise ou peu habi-
les dans la discussion du péché ou de la culpabilité,
ces questions peuvent quand même peser lourd sur les
pénitents et sur les patients5. Comment la médecine
peut-elle mieux examiner et aborder les crises mora-
les des patients qui sont parfois à la source de leurs
autres présentations cliniques? Il existe des possibilités
en counseling médical d’étudier plus en profondeur les
confessions.
L’Église peut aussi apprendre de la compréhension
médicale contemporaine et de l’exécution du change-
ment comportemental; la formation dans les séminai-
res catholiques peut bénéficier d’un enseignement plus
rigoureux et structuré du changement comportemen-
tal. La formation actuelle des séminaristes et du clergé
est souvent faible et non systématique. Les théories du
counseling peuvent aider les prêtres à mieux compren-
dre les principes qu’ils appliquent au quotidien pour
mieux conseiller leurs pénitents.
Le confessionnal traditionnel cache à la fois le péni-
tent et le confesseur; un grillage de bois dissimule sou-
vent les 2 parties l’une à l’autre dans un lieu sombre.
Depuis la fin des années 1960, après le Concile Vatican
II, la plupart des prêtres entendent les confessions en
dehors du traditionnel confessionnal; le pénitent et le
confesseur se parlent face à face sans cacher leur iden-
tité. Comment cette pratique change-t-elle la dynamique
de la confession? L’Église peut bénéficier de la rigueur
de l’approche médicale pour répondre à ces questions.
La confession, ou sacrement de réconciliation, offre
aux pénitents la promesse de l’absolution. Le counse-
ling dans le cabinet du médecin offre aux patients la
promesse du changement d’un comportement malsain.
Il y a des parallèles et de la convergence dans le style, le
contenu et le processus. Les 2 sont des véhicules dans
lesquels les gens recherchent le «salut». La confession
est passée de la pénitence à la réconciliation; la méde-
cine est passée d’une approche centrée sur la maladie à
une approche holistique. Si de moins en moins de péni-
tents se confessent, de plus en plus de patients deman-
dent du counseling à leurs médecins. L’Église est aux
prises avec le défi de rendre le sacrement de la récon-
ciliation plus attrayant et efficace et la médecine doit
relever le défi d’accroître la pertinence et l’accessibilité
du counseling. L’Église et la médecine ont beaucoup à
apprendre l’une de l’autre.
Dr Leung est médecin membre du personnel et chargé de cours au
Département de médecine familiale et communautaire de l’University of
Toronto au St Michael’s Hospital en Ontario. Révérend Leung est pasteur
associé à la paroisse St Basil à l’University of St Michael’s College de l’Univer-
sity of Toronto.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Correspondance
Dr Fok-Han Leung, St Michael’s Hospital, Département de médecine familiale
et communautaire, 30 Bond St, Toronto, ON M5B 1W8; téléphone 416 867-
Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur
publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des méde-
cins de famille du Canada.
Références
1. Harris RD, Ramsay AT. Health care counselling: a behavioural approach.
Sydney, Austral: Williams & Wilkins and Associates Pty Ltd; 1988.