
Hypothèses et bis dans les sciences
au rang de loi. Si les résultats ne sont pas conformes aux prévisions,
l'hypothèse est en principe rejetée ou au moins elle est retenue
provisoirement avec la conscience qu'on doit la corriger. Dans les
cas où on n'est pas encore arrivé à concevoir ou à réaliser le contrôle
expérimental, l'hypothèse demeure dans son statut d'hypothèse.2
Ce schéma admet des variations plus ou moins importantes.
Déjà à l'aube de la science moderne, F. Bacon brosse certaines lignes
de la procédure inductive qui devrait conduire à la formulation de
l'hypothèse, mais sans arriver à concevoir le moment du contrôle
expérimental proprement dit. Galilée, par contre, trace un tableau
complet de cette méthode, et confère un rôle plus décisif à la
conjecture rationnelle qui est derrière la formulation d'une hypothèse,
plutôt que de la faire dépendre d'un travail minutieux de récolte des
données.3 Mais dans tous les cas, on a affaire à un effort de transition
Pour une bonne présentation de cette conception classique de la méthode
expérimentale on peut consulter le iivre de Bénézé
[1967].
Par exemple, quand il se propose de déterminer la loi du mouvement accéléré
de la chute des graves, il nous dit avoir commencé par une hypothèse (ex
suppositione) et, en effet, par l'hypothèse la plus simple (à savoir que les
augmentations de la vitesse se font proportionnellement aux intervalles de
temps écoulés). Une telle hypothèse lui a été suggérée par l'idée
philosophique que la Nature adopte toujours les voies les plus simples ; elle
n'est donc pas le résultat de pures
observations*
car celles-ci se limitent à
montrer que le mouvement est accéléré, sans pourtant nous donner la mesure
de cette accélération. L'hypothèse ainsi formulée a ensuite été soumise au
contrôle expérimental et — nous dit Galilée — elle a été confirmée, de sorte
qu'on peut en conclure qu'elle correspond vraiment à la loi naturelle de ce
mouvement (Galilée n'utilise pas encore l'expression de « loi », mais bien
celle de « nature
véritable
» du mouvement). Si elle n'avait pas été confirmée,
elle serait restée au niveau d'un simple modèle mathématique d'un
mouvement
possible,
mais il aurait fallu formuler d'autres hypothèses pour
arriver à découvrir la véritable loi naturelle du mouvement des graves. Voici
le passage des Nouvelles sciences où Galilée explique tout cela
:
«
L'occasion
ne me semble pas favorable pour rechercher la cause de l'accélération du
mouvement naturel, problème sur lequel différents philosophes ont formulé
différentes opinions, certains l'expliquant par le rapprochement vis-à-vis du
centre, d'autres par la réduction progressive des parties du milieu restant à
traverser, d'autres encore par une extrusion du milieu ambiant dont les
parties, en venant se réunir dans le dos du mobile, le presseraient et le
repousseraient continuellement; il nous faudrait examiner toutes ces
imaginations, avec bien d'autres, et sans grand profit. Pour le moment le but
de notre Auteur est seulement de nous faire comprendre qu'il a voulu