Melanie Walburger Julia Lorinser Johanna Kirchhofer Les chroniques de langage dans la presse québécoise 2 Table des matières 0. Introduction.............................................................................................................4 1. Le débat sur la qualité de langue et la norme du français au Québéc...............4 1.1 La perspective puriste..............................................................................4-5 1.2 Vue historique..........................................................................................5-6 1.3 L'insécurité linguistique...........................................................................6-7 1.4 Le discours normatif dans les chroniques de langues au Québec............7-8 2. La chronique Je pense donc je dis..........................................................................8 2.1 Présentation de l'Office de (québécoise) de la langue française..............8-9 2.2 Analyse de la chronique Je pense donc je dis.............................................9 2.3 Manière de procéder dans la chronique.................................................9-10 2.4 Thèmes principaux traités.........................................................................10 2.5 Ouvrages de références utilisés dans Je pense donc je dis.......................11 2.6 Conclusion.................................................................................................11 3. Les chroniques de langage dans le journal La Presse – Mots et actualité de Paul Roux...................................................................................................................11 3.1 Introduction...............................................................................................11 3.2 Le journal La Presse et ses chroniques de langage...............................11-13 3.3 Analyse de la chronique Mots et actualité de Paul Roux..........................13 3.3.1 Présentation de Paul Roux..........................................................13 3.3.2 La structure des billets................................................................14 3.3.3 Les sujets..............................................................................14-15 3.3.4 Les ouvrages de référence utilisés........................................15-16 3.3.5 Roux et sa position par rapport à la norme.................................16 3.4 Conclusion................................................................................................17 4. Chroniques de langage au Québec – Antoine Robitaille: Mots et maux de la politique …................................................................................................................17 4.1 Introduction..........................................................................................17-18 3 4.2 Le quotidien Le Devoir …........................................................................18 4.3 Analyse de « Mots et maux de la politique ».......................................18-19 4.3.1 Le chroniqueur............................................................................19 4.3.2 La structure des billets..........................................................19-20 4.3.3 Les catégories.............................................................................20 4.3.4 Les ouvrages de référence ….....................................................21 4.3.5 Les exemples.........................................................................21-22 4.4 Une approche descriptive....................................................................22-23 4.5 Conclusion...........................................................................................23-24 5. Conclusion........................................................................................................24-25 6. Bibliographie....................................................................................................26-27 4 0. Introduction Le débat sur la qualité de langue au Québec existe depuis le 19e siècle. Dès lors, ce débat a été présent dans les médias, soit à la télévision, soit à la radio, soit dans la presse écrite et ici plus particulièrement dans les chroniques de langage. Dans ce travail, nous nous proposons d’analyser ce débat sur la qualité de la langue dans les chroniques de langage des journaux québécois. Une chronique de langue se définit comme un ensemble d'articles (appelés billets) consacrés à la langue, produits par une même personne et publiés sur une base (plus ou moins) régulière, le plus souvent dans la presse écrite (journaux et magazine notamment). 1 Dans un premier temps, nous expliquons la notion de purisme et nous donnons une vue d'ensemble de l'histoire du débat autour de la qualité de la langue, de la discussion autour de la norme et du débat actuel. Dans un deuxième temps, nous nous penchons sur trois chroniques de langage, à savoir Je pense donc je dis et Mots et actualité publiées dans La Presse et Mot et maux de la politique publiée dans Le Devoir. Le but de cette analyse est de systématiser les sujets linguistiques et les attitudes normatifs véhiculés dans ces chroniques de langage. 1. Le débat sur la qualité de langue et la norme du français en usage au Québec 1.1 La perspective puriste Compte tenu du fait que la France est un des pays dominants européens, le français est devenu une langue internationale d'une importance diplomatique et culturelle qui a fait l'objet de réglementations et de codifications. Le français parlé par l’élite parisien a servi de norme de référence, ce qui a donné lieu à un certain purisme linguistique. Cette idéologie vise à préserver la soi-disant pureté de la langue française. Tout ce qui est conforme à cette norme imaginaire a été jugé comme étant le bon usage et tout ce qui en dévie a été estimé mauvais. La francophonie à l’extérieur de Paris a commencé à se référer plus ou moins inconsciemment à cette norme.2 1.2 Aperçu historique 1 Voir Remysen (2011). 2 Voir Reinke (2004). 5 Le français en usage au Québec a été longtemps dévalorisé, bien que les premiers jugements de valeur que les voyageurs français3 ont faits de la langue parlée dans la Nouvelle-France au début du 19e siècle aient été plutôt positifs.4 Ces voyageurs ont été confrontés à un français relativement standardisé qui s’est greffé sur les patois des nouveaux arrivés. Par contraste, il est à noter que les patois concurrençaient encore le français en France métropolitaine.5 En outre, les colons français avaient une bonne connaissance du français étant donné qu'ils venaient de villes françaises qui disposaient d’un système éducatif développé.6 Ainsi, les voyageurs considéraient ce français importé au Québec comme étant pur. En outre, durant leur visite, ils n’ont eu que de contact qu'avec les représentants des hautes couches sociales québécoises qui parlaient un français cultivé7 considéré comme étant le bon usage à l’époque.8 Un autre aspect qui influence le débat sur la qualité de la langue au Québec est la conquête anglaise en 1760 qui a entièrement rompu les liens avec la France. Pour cela, le français québécois n'a plus été en contact avec le français de France et il s’est développé au fur et à mesure d’une façon autonome. Ainsi, le français québécois s’est caractérisé non seulement par la dominance d’un registre populaire parlé par la majorité de la population à l’époque, mais aussi par l'influence de l'anglais qui a introduit beaucoup d'emprunts. Au début du 19e siècle, la population anglaise a jugé le français québécois comme étant archaïque et populaire. Elle a critiqué le grand nombre d’anglicismes qu’elle considérait comme la raison principale de la dégradation du français en usage au Québec. Comparé au français dit ‘pur’ qui a été parlé avant la conquête anglaise, on a estimé que le français s’était dégradé. Cette prise de position des Anglais a été le début d’une autoperception négative qui a longtemps dominé le rapport des Québécois à leur propre langue. Au début du 20e siècle, le contact entre le Québec et la France s'est intensifié. Par conséquent, les Québécois ont commencé à constater les différences qui existent entre le français québécois et le français de France.9 Ainsi, le discours sur la qualité 3 Voir Reinke (2004 : 2). 4 Voir Reinke (2004 : 3). 5 Contrairement à la Nouvelle-France, il n’existait pas encore une unité linguistique en France. Ainsi, la situation linguistique se caractérisait encore par une concurrence entre les patois et le français (voir Reinke 2004 : 3). 6 Voir Reinke (2004 : 3). 7 Voir Reinke (2004 : 3). 8 Voir Reinke (2004 : 4). 9 Voir Reinke (2004 : 7). 6 de langue s'est désormais surtout concentré à la relation entre le français québécois et le français de France. 1.3 Insécurité linguistique La relation problématique que les Québécois entretiennent avec leur langue est souvent caractérisée par la notion d'insécurité linguistique. Ce terme décrit la divergence ressentie entre la dévalorisation de la propre variété jugée comme mauvaise et la valorisation de la variété exogène souvent considérée comme étant la norme à suivre.10 Cette insécurité linguistique se manifeste dans l’utilisation de dictionnaires qui décrivent, ou voire prescrivent, les usages tels qu’ils existent dans la variété exogène, par la consultation des services linguistiques, par exemple ouverts par l'Office de la langue française11 et par la discussion sur la qualité de la langue utilisée à l'école, dans l'administration, au travail et dans les médias.1213 Pour adoucir ce sentiment d’insécurité linguistique, il est nécessaire d’atténuer la référence à la norme du français de France par une conscience normative qui valorise la réalité linguistique du Québec. 1.4 Le discours normatif dans les chroniques de langues au Québec Au Québec, « les chroniques de langues connaissent une riche tradition »14 et elles contiennent « des commentaires à propos des faits de langues qui constituent des difficultés et qui risquent de poser problème à ceux qui souhaitent se conformer au ‘bon usage’ ».15 De plus, elles contribuent à « l'élaboration de la norme ».16 Les premières chroniques de langues qui sont apparues vers la fin du XIXe siècle étaient essentiellement prescriptives. À partir du XXe siècle sont apparues des chroniques plus descriptives.17 On trouve les arguments suivants qui déterminent si un usage est bon ou mauvais : l'usage d'une expression est considéré comme étant la norme si l'écart sémantique d'une expression est faible comparé à son usage en France, si les 10 11 12 13 Voir Reinke (2004 : 11). Voir Reinke (2004 : 15). Voir Reinke (2004 : 12). Pour plus d’informations, voir Reinke et Ostiguy (2005) 14 Voir Remysen (2010). 15 Voir Remysen (2011 : 53). 16 Voir Remysen (2010 : 673). Pour plus d’informations sur l’élaboration de la norme dans les chroniques de langue, analysée à l’aide du modèle de l'imaginaire linguistique, voir Remysen (2011). 17 Voir Remysen (2011 : 53). 7 mots « exprim[ent] bien ce qu'il[s] désigne[nt] »18, si la formation des mots est faite selon les règles en France, quand ils « comblent un vide lexical »19, si l'usage d'un mot apparait dans les dictionnaires et dans les grammaires utilisées en France, « pour des raisons uniquement esthétiques »20, si « un emploi est bien ancré dans l'usage des Canadiens »21 et si un emploi a un caractère « français ».22 Parmi ces arguments, celui de « l'usage qui a cours en France »23 est le plus important.24 2. La chronique Je pense donc je dis La première chronique de langage que nous analysons est intitulée Je pense donc je dis. Elle est tenue par l'Office québécois de la langue française et elle est parue dans le journal La Presse. 2.1 L'Office québécois de la langue française Bien que l'Office soit l'organisme qui publié Je pense donc je dis, il est à noter que les noms des chroniqueurs ne figurent dans aucun billet. L’office a été fondé en 1961, il a son siège à Montréal. L’objectif de l’institution est de « veiller à la correction et à l'enrichissement de la langue parlée et écrite au Québec ».25 Le site web de l'Office offre différents services linguistiques. Ils servent essentiellement d’outils d’information et de consultation, ce qui permet aux Québécois de se renseigner entre autres sur le bon ou le mauvais usage d'une expression dans Le grand dictionnaire terminologique (GDT). Ceci donne surtout des définitions et des traductions dans le domaine de la langue technique.26 Un autre service offert sur le site web est la Banque de dépannage linguistique (BDL) qui donne des réponses autour de la grammaire, de l'orthographe, de la syntaxe, des anglicismes et de la ponctuation.27 De plus, on peut y trouver des chroniques de langage, comme Citations, Les 18 19 20 21 22 23 24 25 26 Voir Remysen (2010 : 675). Voir Remysen (2010 : 676). Voir Remysen (2010 : 677). Voir Remysen (2010 : 677). Voir Remysen (2010 : 678). Voir Remysen (2010 : 679). Voir Remysen (2010 : 679). Voir Reinke (2004). Voir Le grand dictionnaire terminologique, au site web de l’Office québécois de la langue française: http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/, consulté le 15 septembre 2013. 27 Voir Banque de dépannage linguistique, au site web de l'Office québécois de la langue française : http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bdl.html , consulté le 15 septembre 2013. 8 capsules, Lu ou entendu, Noms de lieux !, Pourquoi pas en français, Propos et parlures, Saviez- vous que... ? et Un petit rappel.28 2.2 Analyse de la chronique Je pense donc je dis Dans ce qui suit, nous analysons la chronique Je pense donc je dis. Suivant les billets assemblés dans la banque de données ChroQué29, la chronique est parue hebdomadairement entre 1989 et 1995 dans le journal La Presse. Nous en avons choisi cinq billets qui ont été publiés entre 1991 et 1995. 2.3 Approche méthodologique de la chronique Les billets commencent par une introduction qui décrit le sujet traité, par exemple « certains verbes ont besoin d'un complément d'objet direct ou indirect, sans lequel ils resteraient en suspens ».30 Le sujet peut aussi être introduit dans le titre : « Comment quitter ? Comment partir ? »31. À la suite sont présentés les problèmes et les incertitudes que le sujet abordé risque de soulever: « On quitte toujours quelque chose : sa famille, ses amis, sa maison, son bureau, sa place, son passé, ses vêtements, etc. […]. On ne part ni quelqu'un, ni quelque chose, ni à quelqu'un, ni à quelque chose ; on part, tout simple, sans rien dire d'autre que « je pars », et sans remords ni regret. »32 Pour clarifier la problématique, il est souvent donné une définition du sujet ou du mot traité : « Un menu présente l'ensemble des mets et des boissons dont se compose un repas ».33 Il est à noter que l'anglais est souvent considéré comme étant la cause de ces incertitudes ou flous linguistiques : « Cette confusion est attribuable au fait que le mot anglais prescription, dans le domaine médical, signifie à la fois ordonnance et prescription ».34 En outre, on explique parfois l'étymologie d'un mot pour détailler sa richesse sémantique : « pécuniaire, fier descendant du latin pécus signifiant « troupeau » symbole de la richesse dans la Rome d'hier ».35 Pour illustrer 28 Voir Archives des chroniques, dans la page web de l'Office québécois de la langue française : http://www.oqlf.gouv.qc.ca/actualites/capsules_hebdo/index.html , consulté le 15 septembre 2013. 29 Voir ChroQué : http://catfran.flsh.usherbrooke.ca/corpus/chroque/ , consulté le 15 septembre 2013. 30 Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 6 aout 1995. 31 Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 6 aout 1995. 32 Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 6 aout 1995. 33 Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 12 juin 1994. 34 Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 12 février 1995. 35 Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 26 mai 1991. 9 la signification d'un mot, on donne souvent des exemples et on explique sa signification selon les différents contextes : « Initier quelqu'un à la peinture contemporaine ou à l'informatique, c'est être le premier à lui faire connaitre cet art ou cette science ».36 Parfois, en cas de doute par rapport à l'usage correct d'un mot, les chroniqueurs proposent de chercher un synonyme dans un dictionnaire : Pour éviter l'erreur […], il suffit de remplacer initier par le verbe commencer ou, mieux encore, par un équivalent plus précis. (Un dictionnaire de synonymes peut être alors d'un grand secours.)37 2.4 Sujets traités Les sujets les plus fréquents traitent évidemment du lexique.38 Le billet intitulé Prescription ou ordonnance ? en est un exemple. Il discute si « le petit papier [...] que le médecin remet à un malade s'appelle prescription ou ordonnance ».39 Un autre sujet fréquemment abordé est celui de l'orthographe. Le billet Chimère, par exemple, explique que ‘pécuniaire’ est la seule orthographe correcte et que ‘pécunier’ ou ‘pécunière’ sont faux.40 2.5 Ouvrages de référence Le seul ouvrage de référence mentionné dans la chronique est le dictionnaire, c’està-dire le Grand dictionnaire terminolinguistique publié par l'Office : « Et si, malgré son bon et bel air et sa pertinence première, pécuniaire ne fait pas l'affaire ou risque de ne pas plaire, le vocabulaire du dictionnaire […] ».41 2.6 Conclusion Après avoir analysé les cinq billets, on constate que la chronique se réfère uniquement au dictionnaire publié par l'Office. Etant donné que le ton de la chronique est loin d’être neutre, il en ressort que l'Office se considère comme une autorité en matière de langue et que son chronique Je pense donc je dis s’inscrit dans une approche normative. 36 37 38 39 40 41 Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 5 juin 1994. Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 5 juin 1994. Les thèmes sont classifiés selon Remysen (2009). Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 12 février 1995. Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 26 mai 1991. Voir Office de la langue française, Je pense donc je dis, 26 mai 1991. 10 3. Les chroniques de langage dans le journal La Presse – Mots et actualité de Paul Roux 3.1 Introduction Dans le cadre de cette étude sur les chroniques de langage de la presse écrite québécoise, nous penchons sur les chroniques du journal La Presse, plus précisément sur la chronique Mots et actualité de Paul Roux. Dans un premier temps, nous donnons quelques informations sur le quotidien La Presse. Ensuite, nous continuons avec une petite présentation du chroniqueur pour passer à l’analyse d’un échantillon de billets tirés de cette chronique. 3.2 Le journal La Presse et ses chroniques de langage La Presse est un journal généraliste fondé en 1884 à Montréal. Au départ, La Presse était un journal politique proche du Parti conservateur. Suite à un changement de propriétaire, le journal a abandonné son côté partisan et est devenu un quotidien d’information destiné aux masses, aussi à la classe ouvrière. Au début du XXe siècle, La Presse était le plus grand quotidien français d’Amérique.42 Pendant la Révolution tranquille, La Presse a fustigé la violence sans suffisamment éclaircir les causes qui l’ont fait naitre. Par la suite, sa politique éditoriale défend le fédéralisme canadien et, lors des deux référendums de 1980 et de 1995, le journal s’est prononcé contre l’indépendance du Québec.43 Cependant, les chroniqueurs étaient et sont toujours libres d’exprimer leurs propres convictions, aussi pour refléter la diversité des opinions existant dans la société québécoise. Aujourd’hui, La Presse est publiée tous les jours sauf le dimanche44 et est vendue dans toute la province de Québec et dans les grandes villes canadiennes anglophones. Une version électronique est également disponible en ligne.45 En septembre 2012, le lectorat de La Presse s’est élevé à 853 500 lecteurs et connait la plus importante croissance du lectorat pendant la semaine de tous les quotidiens payants du Canada.46 Ses compétiteurs sont Le Journal de 42 Voir Ville de Montréal. « La Presse », dans le site Web officiel du Vieux-Montréal, 22 avril 2002 : http://www.vieux.montreal.qc.ca/inventaire/fiches/fiche_gro.php?id=142, consulté le 19 septembre 2013. 43 Voir Centre de ressources en éducation aux médias 2003 (CREM) : http://www.reseaucrem.qc.ca/trousse/histoiremedias.pdf, consulté le 19 septembre 2013. 44 L’édition du dimanche de La Presse a été publiée la dernière fois le 28 juin 2009. 45 Voir http://www.lapresse.ca/a-propos-de-nous/la-presse/, consulté le 19 septembre 2013. 46 Voir http://www.lapresse.ca/actualites/201209/29/01-4578775-croissance-spectaculaire-du-lectoratde-la-presse.php, consulté le 19 septembre 2013. 11 Montréal et Le Devoir. Le journal appartient à Gesca, une filiale de la Power Corporation du Canada. Le rédacteur en chef est Éric Trottier. Plusieurs journaux régionaux comme Le Soleil (Québec), La Tribune (Sherbrooke) et Le Droit (Ottawa) appartiennent également au groupe Gesca.47 Tout comme au Québec en général, les chroniques de langue connaissent une longue tradition à La Presse. En 1897, Louis Fréchette a déjà publié une chronique intitulée À travers le dictionnaire et la grammaire. Corrigeons-nous.48 Tout au long de son histoire, La Presse met un des accents éditoriaux sur la discussion de faits de langue et publie une multitude de chroniques de langage qui témoignent d’une panoplie de perspectives sur le bon usage de la langue française en usage au Québec. Dans ce travail, nous n’effectuons pas une analyse diachronique des attitudes linguistiques des chroniqueurs. Nous avons plutôt choisi une chronique de langue assez récente, à savoir la chronique Mots et actualité de Paul Roux. 3.3 Analyse de la chronique Mots et actualité de Paul Roux 49 3.3.1 Présentation de Paul Roux Paul Roux est né en 1945. Après avoir terminé ses études en lettres à l’Université Laval, il commence à travailler au journal Le Soleil, où il exerce les postes du 47 Voir http://www.lapresse.ca/a-propos-de-nous/la-presse/, consulté le 19 septembre 2013. 48 Voir Base de données de chroniques québécoises de langage (ChroQué) : http://catfran.flsh.usherbrooke.ca/chroque/. 49 Voir Roux, Mots et actualité, 3 avril 2005, à consulter dans les archives du journal La Presse. 12 directeur du comité de révision et du responsable de la qualité de la langue française pendant 22 ans. Dès 1991, il travaille à La Presse comme chroniqueur de langue et conseiller linguistique.50 Il est auteur de la chronique Le mot du jour et dès mars 2004 il publie la chronique Mots et actualités. Entre 2005 et 2009, il anime le blogue Les amoureux du français. En 2009, il quitte son poste de chroniqueur et de conseiller linguistique, étant donné qu’après 40 ans, il est « fatigué de ressasser les mêmes problèmes et de reprendre les mêmes débats sur la norme du français au Québec »51. Aujourd’hui, il ne travaille plus au journal La Presse, mais il publie encore une chronique sur le tennis. D’ailleurs, il est auteur du Lexique des difficultés du français dans les médias. 3.3.2 La structure des billets Dès mars 2004, la chronique Mots et actualité a été publiée presque tous les dimanches dans l’édition papier dans la rubrique Lectures. L’idée est de donner une réponse aux questions linguistiques des lecteurs qui peuvent les envoyer directement à la rédaction. Toutes les semaines, le chroniqueur répond à un maximum de cinq questions qui peuvent traiter de sujets divers. À la fin de chaque chronique, il se trouve une énigme, intitulée Petits pièges, qui traite de difficultés linguistiques en usage au Québec. Dans ce qui suit, nous passons à l’analyse de quinze billets de chronique qui ont été publiés entre 2004 et 2006. Dans les billets, Roux explique des faits de langue pour que les lecteurs puissent améliorer leurs connaissances linguistiques et utiliser la langue correctement. Cependant, il est à noter que Roux ne parle pas de ‘fautes’. La plupart du temps, Roux essaye de garder un ton neutre et objectif.52 De plus, il répond parfois aux questions des lecteurs en donnant l’étymologie du mot en question ou en expliquant ses changements sémantiques à l’aide de plusieurs dictionnaires : …le Petit Larousse et le Petit Robert limitent le sens de l’adjectif sécuritaire à ‘’ce qui est relatif à la sécurité publique’’ » … « Le Grand Robert y ajoute un sens apparu assez récemment... »… « Chez nous, le sens de sécuritaire est plus 53 étendu encore... 50 Voir Roux (2004) 51 Voir Cyberpresse (blogues) – Les amoureux du français, 9 juin 2009. 52 Cela se manifeste dans des expressions comme « La locution XY est doublement critiquable… ». 53 Voir Roux, Mots et actualité, 15 janvier 2006. 13 Roux donne souvent des phrases modèles pour mettre en évidence les difficultés langagières. 3.3.3 Les sujets Pour classer les sujets abordés dans les billets, nous nous inspirons de la classification de Remysen (2009).54 Ainsi, il est possible de classer les sujets de la manière suivante : problèmes généraux, faits graphiques et phonétiques, faits lexicaux, faits morphosyntaxiques et faits stylistiques. Au fur et à mesure de l’analyse, nous constatons que la majorité des sujets abordés peut être attribuée à la catégorie ‘faits lexicaux’. Il semble exister une insécurité auprès la population québécoise qui concerne le choix du mot juste. Cette insécurité se manifeste surtout par rapport aux anglicismes. Les réflexions autour l’influence que la langue anglaise est censée exercer sur le français québécois résulte sans doute de la proximité des provinces canadiennes anglophones et des États-Unis ainsi que de la suprématie de la population anglophone québécoise dans le passé. Les deux exemples suivants abordent le sujet des anglicismes : En revanche, c’est incontestablement sous l’influence de l’anglais qu’on utilise agenda pour désigner le calendrier des activités, l’ordre du jour d’une réunion, 55 le programme d’un événement ... Selon Le Colpron, cette formulation [Puis-je vous aider ?] est effectivement un 56 calque de Can I help you ? 3.3.4 Les ouvrages de référence utilisés Roux se réfère à une multitude de dictionnaires pour justifier ses explications. Dans ce contexte, il faut mentionner que Roux utilise tant des ouvrages de référence français (Le Petit Larousse, Le Grand Robert) que des dictionnaires québécois, comme le Grand Dictionnaire terminologique et Le Multidictionnaire. Bien qu’il ne nomme pas toujours la source, la diversité des ouvrages de référence utilisés témoigne de la compétence de l’auteur et donne du sérieux à ces chroniques. Pour ce qui est de la discussion de québécismes, Roux se rapporte aux autorités québécoises, 54 Voir Remysen (2009). 55 Voir Roux, Mots et actualité, 15 janvier 2006. 56 Voir Roux, Mots et actualité, 6 juin 2004. 14 à savoir à L’Office québécois de la langue française et pour la langue parlée, à Radio-Canada. Si les ouvrages de référence ne donnent pas d’éclaircissements sur une question, Roux n’hésite pas à donner son opinion personnelle et à demander aussi l’opinion des lecteurs : Pour ma part, je n‘aime pas beaucoup matinier, terme rare qui n‘a aucune chance de passer dans l‘usage. Mais animateur matinal me va. … Et vous, qu‘en pensez57 vous? Avez-vous une autre solution à nous proposer? Tout en accordant une place importante aux ouvrages de référence et aux autorités linguistiques québécoises, Roux adopte toujours un point de vue critique. Ainsi, il n’hésite pas à demander des justifications à l’Office québécois de la langue française. Il écrit que : Autrement dit, tout le monde le dit, dis-le donc ! Cette argumentation n’est pas nouvelle. Ce qui l’est, c’est le rôle apparemment joué ici par l’Office. Il faudrait rappeler au conseiller qui a donné cet avis que la fonction de cet organisme est 58 de nous ramener dans le droit chemin, pas d’excuser nos errements. 3.3.5 Roux et sa position par rapport à la norme Roux considère soi-même comme étant un « tenant du français standard »59 et il critique souvent les aménagistes qui exigent selon lui « l’autonomie de notre variété de français »60, c’est-à-dire l’autonomie du français québécois. Selon lui, il serait absolument impossible « de définir une norme québécoise qui ne serait pas le français standard, mais qui ne s’en éloignerait pas trop… »61. Cependant, Roux n’est pas complètement contre les particularités du français en usage au Québec. Son intention n’est pas de dévaloriser la variété québécoise. Selon lui, il serait parfois même souhaitable d’utiliser des québécismes, notamment s’il faut décrire des réalités qui n’existent qu’au Québec.62 Un exemple en est le temps : Une chute de neige abondante qui n’est pas accompagnée d’un vent violent peut 63 être qualifiée de bordée de neige, un beau québécisme. 57 Voir Roux, Mots et actualité, 19 mars 2006. 58 Voir Roux, Mots et actualité, 10 avril 2005. 59 Voir Roux, Mots et actualité, 30 mai 2004. 60 Voir Roux, Mots et actualité, 30 mai 2004. 61 Voir Roux, Mots et actualité, 30 mai 2004. 62 Voir Roux, Mots et actualité, 13 juin 2004. 63 Voir Roux, Mots et actualité, 26 février 2006. 15 D’ailleurs, Roux ne veut pas copier la norme du français standard, car même en France, il y aurait des évolutions qui iraient dans une mauvaise direction : On notera que l‘emploi de caméra au sens d‘appareil photographique tend à se répandre, même en France. Mais cette évolution ne me paraît pas souhaitable; le français y perdrait une nuance importante. Par conséquent, l’objectif de Roux est de préserver la richesse de la langue française et d’animer les locuteurs d’utiliser leur langue plus consciemment. 3.4 Conclusion Il serait intéressant de savoir si la chronique de Roux définit une nouvelle norme du français en usage au Québec. Après avoir analysé notre échantillon de billets, il faut souligner le caractère objectif de la chronique. Comme nous l’avons vu, le chroniqueur fait souvent référence soit au « français standard », soit aux autorités québécoises, comme à l’Office québécois de la langue française ou à Radio-Canada. Quand les dictionnaires ne donnent pas de réponses précises, Roux propose plusieurs possibilités qui sont selon lui correctes : …le Petit Robert autorise deux prononciations : bégeul et bagel. Pour ma part, 64 j’ai tendance à prononcer bégeul. Ce n’est pas plus juste, mais c’est plus snob. Cet exemple montre que Roux n’hésite pas à donner son opinion personnelle. Pourtant, il la justifie par une référence aux registres de langue. Cependant, il souligne que l’autre possibilité ne serait non plus fautive. Enfin, il est à noter que les chroniques de langage de Roux ne préemptent pas de valeur normative. 4. Chroniques de langage au Québec – Antoine Robitaille: Mots et maux de la politique 4.1 Introduction Pour assurer le triomphe des idées sur les appétits, du bien public sur l'esprit de parti, il n'y a qu'un moyen : réveiller dans le peuple, et surtout dans les classes dirigeantes, le sentiment du devoir public sous toutes ses 64 Voir Roux, Mots et actualité, 10 septembre 2006. 16 formes : devoir religieux, devoir national, devoir civique. De là le titre de ce journal qui a étonné quelques personnes et fait sourire quelques confrères. La notion du devoir public est tellement affaiblie que le nom 65 même sonne étrangement à beaucoup d'oreilles honnêtes. Henri Bourassa a dit ces mots lors de la fondation du Devoir en 1910. À ce propos, il est à noter que les chroniqueurs de langage ont toujours fait partie de la rédaction du Devoir. Depuis plus de 110 ans, ils ont publié un grand nombre de billets sur la langue française en usage au Québec. Depuis 2008, c’est Antoine Robitaille qui « scrute les mots et expressions qui sortent de la bouche des acteurs de la classe politique ». 66 Dans ce qui suit, nous nous intéressons à la présentation et à la structure de son blogue intitulé Mots et maux de la politique. Il est question de savoir dans quelle mesure Robitaille donne des conseils linguistiques aux lecteurs et comment il qualifie les différents usages dont il traite dans son blogue. Nous présentons d’abord quelques informations de base portant sur Le Devoir. Ensuite, nous nous penchons sur la chronique de Robitaille. 4.2 Le quotidien Le Devoir Le Devoir est un quotidien d’information publié à Montréal dont le lectorat s’est élevé à 446 000 lecteurs en 2013. Il a été fondé en 1910 par Henri Bourassa qui suivait la devise : « Fais ce que je dois ». Le journal est un quotidien nationaliste et indépendant. Il se comprend comme un journal d’opinion. 67 Le rédacteur en chef actuel s’appelle Bernard Descôteaux. Henri Bourassa a créé le Devoir dans le but d’affirmer son nationalisme et de soutenir les Canadiens-français, c’est-à-dire que Bourassa voulait que le Canada devienne un pays indépendant de l’Empire britannique. Bourassa luttait pour la survie et les droits de la communauté française en Amérique du Nord. Pendant la Révolution tranquille, l’orientation politique du Devoir a changé. Le journal s’est concentré désormais sur les régions de Montréal et de Québec. Plus récemment, il est 65 Voir Charron et Bastien (2012) : http://communication.revues.org/2784, consulté le 14 septembre2013. 66 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 27 septembre 2011. 67 Voir Paré (2010). 17 parfois discuté si l’influence du Devoir sur l’opinion publique et sur la vie politique au Québec est aussi importante qu’elle semblait être autrefois.68 4.3 Analyse du blogue « Mots et maux de la politique » Dans son blogue, Robitaille « scrute les mots et expressions qui sortent de la bouche des acteurs de la classe politique ».69 La première entrée date de septembre 2008. Il est à noter que Robitaille n’a jamais publié un mot d’introduction qui explique les objectifs de son blogue. Il a tout de suite commencé avec la publication des entrées. 4.3.1 Le chroniqueur Alexandre Roberge considère Antoine Robitaille comme « un gardien de la langue française »70 qui a été d’abord le correspondant parlementaire du Devoir. En automne 2012, il s’est joint à l’équipe d’éditorial où il est responsable des débats d’idées. Il a une formation en philosophie, en politique et en droit. Au Devoir, « [Robitaille] a tenu des chroniques sur les essais étrangers, les médias du Canada anglais ... et la langue de bois ».71 Il est un des fondateurs du Devoir de philo, une série de publications qui s’inspirent des idées des grandes philosophes. En outre, Robitaille travaille comme rédacteur à la télévision et chez Radio-Canada. En novembre 2012, il a commencé à publier son propre dictionnaire, Le petit Robi, sur Facebook72 où se trouvent entre autres tous les billets de « Mots et maux de la politique » ou des liens à d’autres ouvrages de référence, par exemple le Trésor de la langue française informatisé. 4.3.2 La structure des entrées Presque toutes les entrées du blogue ont la même structure. Robitaille présente d’abord le sujet et explique dans quelques phrases ce qu’il veut montrer : 68 Voir Charron et Bastien (2012) : http://communication.revues.org/2784, consulté le 14 septembre 2013 et Watine (2000): http://www.cahiersdujournalisme.net/cdj/pdf/07/03_Watine.pdf, consulté le 14 septembre 2013. 69 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique. 70 Voir Roberge (2013) : http://cursus.edu/article/20211/les-gardiens-langue-francaise/, consulté le 14 septembre 2013. 71 Télé Québec, Présentation d’Antoine Robitaille : http://bazzotv.telequebec.tv/collaborateurs.aspx, consulté le 13 septembre 2013. 72 Voir: https://www.facebook.com/#!/pages/Le-petit-Robi-Le-dictionnaire-dAntoine-Robitaille/3 25617517461125?fref=ts, consulté le 14 septembre 2013. 18 L’ennui c’est qu’on se demande si le député libéral (...) s’exprime vraiment dans la langue de Molière ou plutôt dans un idiome étrange dérivé du français, forgé 73 par son cerveau et compréhensible par lui seul. Ensuite, Robitaille cite des discours d’hommes politiques ou introduit des citations tirées de livres pour souligner et illustrer son opinion: Je me suis toujours adressé en français pour être sûr que les mots que je choisissais engageaient le gouvernement du Québec correctement, selon la langue, ma langue de compréhension, et il y a un service de traduction partout, 74 même quand on est en ligne, même quand on est téléphoniquement. À la fin des entrées, il fait souvent une remarque ironique, une appréciation ou il pose une question aux lecteurs, par exemple : « Qu’en pense-vous ?»75 . L’entrée portant sur Lessard finit avec la remarque suivante: « Chose certaine, ces lessarderies n'enrichissent pas la langue et encore moins la 76 pensée.» À la fin de chaque billet, les lecteurs peuvent répondre aux questions de Robitaille ou écrire des commentaires. 4.3.3 Les catégories Robitaille divise son blogue en 37 catégories, à savoir : 110% politique ; Aptonymes ; Au niveau des niveaux ; Contresens ; Devoir de philo ; Expressions célèbres ; Faux amis ; Gibelotte ; Goupileries ; Goupilismes & Goupilades ; Langue de bois ; La France au franglais ; Le mot juste ; Mouvais jeu de mot ; Mémoires de député ; Métaphores en l’ère ; Mot insolite ; Mots à la mode ; Mots en l’ère ; Mots valises ; Nostalgie : perles du passé ; Néologismes ; Nostalgie : Perles du passé ; Perles, lapsus, peronneries, perronisme ; Reportages ; Robitailleries ; Tics de langage ; Un mot et son sens et ‘Qu’est-ce que tu dis’ ou propos étonnants. Certains hommes politiques québécois ont leur propre catégorie, à savoir Laurent Lessard (Les Lessarderies), Yves Bolduc, ministre de la Santé (Les Bolducries), François Bonnardel (Bonnardelleries), Bernard Landry, ancien ministre des Finances (Les carnets secrets de Bernard Landry), Louis Lapierre (Les Lapierreries), Guy 73 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 4 avril 2013. 74 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 4 avril 2013. 75 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 10 janvier 2013. 76 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 4 avril 2013. 19 Leclair (Leclaireries), Serge Simard (Simdarderies) et Tony Tommassi (Tomasseries). On trouve des entrées qui sont attribuées à plusieurs catégories, comme l’entrée intitulée Lexique ‘bastarachien’ 4 : ANGLICISMES. Il est non seulement classé dans la catégorie La France au franglais, mais aussi dans la catégorie des Faux amis.77 4.3.4 Ouvrages de référence Robitaille ne se rapporte pas souvent à des ouvrages de référence. S’il a des doutes, il utilise surtout Le Trésor de la langue française informatisé, comme le montre l’exemple suivant : Le Trésor de la langue française souligne que dans son emploi absolu, à l'impératif, le verbe «dégager» est «fréquent en langue populaire». Allons, oust, la fuite! J'veux plus vous voir dans le passage, hé!» (Henri Barbusse, Feu, 78 1916, p. 49). En outre, Robitaille consulte Le dictionnaire québécois-français de Lionel Meney, comme il est le cas dans le billet intitulé Comment traduire ‘patente à gosse’ : Lionel Meney, dans son Dictionnaire québécois-français (Guérin, p. 1264), définit l'expression en question : «Se dit de quelque chose dont on se demande à quoi ça sert; de quelque chose de mal fait, d'inefficace. Un drôle de bidule; un 79 truc à la noix, un machin à la mords-moi le nœud; usine à gaz. En outre, il utilise aussi Le Dictionnaire du québécois instantané de Benoît Melançon: Melançon écrivait : «Asseoir (s' -) : Parler. Dans toute bonne négociation, on 80 s'assoit autour de la table* avec un petit* café* et on échange*. (p. 20). Dans ses billets, il se réfère aussi à d’autres chroniqueurs contemporains, comme Benoît Melancon et son blogue L’Oreille tendue. Robitaille a même créé un lien entre les deux blogues. 77 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 26 octobre 2010: Lexique «bastarachien» 4 : ANGLICISMES : http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/mots-et-maux-de-lapolitique/306944/lexique-bastarachien-4-anglicismes et La France au franglais : http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/mots-et-maux-de-la-politique/306944/lexique-bastarachien4-anglicismes, consulté le 26 octobre 2010. 78 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 13 janvier 2011. 79 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 20 octobre 2011. 80 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 23 avril 2012. 20 Comme Benoît Melançon le souligne depuis quelque temps dans son excellent blogue L'Oreille tendue, le verbe «s'asseoir avec» remplace de plus en plus 81 souvent «se parler» ou «avoir des pourparlers» ou même négocier, au Québec. 4.3.5 Les exemples Robitaille emprunt ses exemples principalement à des discours politiques. Parfois, il trouve aussi des mots sur les sites Twitter des hommes politiques. Quand il est nécessaire, il crée un lien qui donne sur le site Web de YouTube où se trouvent les vidéos de ces discours et des publicités électorales.82 Il arrive que Robitaille commente aussi l’usage que les journaux et les magazines français, par exemple Le Monde ou Le Point, font de la langue : «Killeuse»: néologisme aperçu dans le magazine français Le Point, lors d'une lecture de plage, cet été. «Adieu donc, salaire mirobolant et costume sexy de 83 killeuse de la finance». Dans la catégorie « Robitailleries », il critique son propre usage qu’il fait de la langue et il explique les fautes de langue qu’il a commises. À ce sujet, il écrit : J'ai écrit ça, moi? « Le fondateur de Vigile depuis ses débuts, Bernard Frappier, a 84 soutenu que ». Dans la catégorie « Reportages », Robitaille se réfère à des portraits ou à des biographies d’hommes politiques, comme celle de Bourassa. Le début de l’exemple illustre la façon comment Robitaille présente son opinion tandis que la fin de l’entrée montre qu’il prend clairement position. Que penser de tout cela? Personnellement, j'en suis attristé et un brin révolté. Notamment quand je pense à tous ces bons historiens, avec des plumes magnifiques —notamment des jeunes— qui auraient rêvé obtenir une bourse de la Fiducie Robert Bourassa pour faire un travail sérieux sur cet important premier ministre. Rappelons que M. Germain dit avoir été payé pour l'équivalent d'un an et demi de travail pour son «portrait». Résultat: un livre sans table des matières ni bibliographie, sans index ni liste de personnes interviewées. Mais avec plein d'erreurs. Quel gâchis pour l'histoire politique, si rare et négligée chez 85 nous. 81 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 23 avril 2012. 82 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 31 janvier 2012: http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/mots-et-maux-de-la-politique/341489/les-donateurs-de-lacaq-font-les-choses-autrement, consulté le 14 septembre 201. 83 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 16 août 2010. 84 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 21 octobre 2010. 85 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 28 février 201. 21 4.4 Une approche descriptive Robitaille ne corrige pas les fautes qu’il a trouvées, c’est-à-dire sa manière de procéder n’est pas prescriptive. Il suppose que le lecteur peut lui-même comprendre les mauvais usages qu’il a identifiés. Robitaille ne dit pas que telle ou telle personne « a commis une faute ». Cependant, il aide ses lecteurs en mettant les usages critiqués en caractères gras. L’exemple suivant illustre comment Robitaille présente les fautes aux lecteurs. « Je pense, la première, c'est de rester indignes …» Ouf, rien pour rebâtir cette confiance dont tout le monde rêve! Mais le député de Saint-Jérôme n'a pas perdu de temps et s'est corrigé illico : «…De rester, plutôt, solides face aux gens qui veulent nous faire accroire n'importe quoi et de rester indignés face, justement, à 86 des situations comme celles-là. Cet exemple montre aussi que Robitaille exprime sa critique avec beaucoup d’humour et d’ironie, comme le montre aussi l’entrée suivante : Une remarque comme ça : ça doit être long et fatigant de regarder chacun de ses électeurs dans les yeux. Nul doute qu'après, on ait besoin de deux nuits pour s'en 87 remettre! Robitaille ne corrige pas la langue des hommes politiques, mais il la surveille et y décèle des fautes. Cependant, il critique clairement les mauvais usages que les hommes politiques font de la langue, comme le montré l’exemple des Lessarderies : « Chose certaine, ces lessarderies n'enrichissent pas la langue et encore moins la pensée. »88 4.5 Conclusion L’analyse précédente a montré que « Mots et maux de la politique » peut être considéré comme une chronique de langage moderne. Premièrement, il s’agit d’un blogue qui est plus interactif que les chroniques de langage classiques, étant donné que le lecteur a la possibilité de donner son opinion. Deuxièmement, les anglicismes ne constituent plus la cible principale du chroniqueur : « J’aime bien les anglicismes 86 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 14 mai 2013. 87 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 25 mars 2010. 88 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 4 avril 2013. 22 quand ils sont nécessaires ».89 Troisièmement, Robitaille ne corrige pas, mais il critique d’une façon ironique. Les lecteurs peuvent identifier très bien ce que Robitaille critique. Il utilise des citations en caractères gras et la difficulté linguistique est normalement précisée dans l’introduction de l’entrée. Quatrièmement, Robitaille critique son propre usage de la langue dans la catégorie « Les Robitailleries ». Pour conclure, la citation suivante résume la façon de procéder d’Antoine Robitaille. « Toujours est-il que grâce à Robitaille, les Québécois s'amusent des mauvais jeux de mots, aptonymes et faux amis commis par les politiciens dans les médias ou à l'Assemblée nationale. Tous ceux qui s'expriment sur la place publique doivent donc le savoir : leur expression est surveillée. Correcteurs, journalistes et simples citoyens traquent leurs erreurs et espèrent ainsi provoquer chez les 90 internautes un sursaut en faveur d'une langue bien écrite ». 5. Conclusion Nous avons vu que les chroniques de langage connaissent une longue tradition dans la presse québécoise. C’était au début du 19e siècle que les premières chroniques sont apparues. Ainsi, elles sont aussi le résultat d’un sentiment d’insécurité linguistique. C’était notamment au début du 19e siècle que les gens se rendaient compte des différences qui existent entre le français parlé au Québec et celui parlé en France et que la dévalorisation de la variation québécoise a commencé. Même aujourd’hui, les Québécois semblent encore à la recherche d’une norme qui corresponde le mieux à leur réalité linguistique. Cette insécurité linguistique s’est manifestée tout au long de l’histoire non seulement par la publication de nombreuses chroniques de langage, mais aussi par la fondation de l’Office québécois de la langue française en 1961. Après avoir analysé trois chroniques de langage, il est à constater que cette insécurité linguistique se manifeste aussi dans les sujets abordés, notamment dans les nombreux doutes des lecteurs qui concernent le choix du mot juste. Bien que les sujets traités soient similaires, les manières de procéder sont multiples. Ainsi, la chronique Mots et actualité de Roux est une chronique assez traditionnelle qui a été publiée dans la presse écrite. La chronique Mots et maux de la politique, en revanche, 89 Voir Robitaille, Mots et maux de la politique, 26 octobre 2010. 90 Voir Roberge (2013), consulté le 13 septembre 2013. 23 peut être considérée comme plus moderne. Elle est même accessible sur Facebook. Une autre différence consiste dans le fait que les chroniques de langage de Roux sont d’un caractère sobre et objectif tandis que Robitaille attire l’attention des lecteurs d’une façon ironique et divertissante. La chronique Je Pense donc je dis, par contre, est d’un caractère normatif, puisqu'elle est publiée par l'Office. Il est devenu clair que les chroniques de langage reflètent l’attitude des Québécois par rapport à leur langue et qu’elles attirent encore aujourd’hui beaucoup d’attention. 6. 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