Homélie du père Marcel Béguin

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Homélie du 24 09 06
Père Marcel Béguin
L’évangile de ce dimanche ressemble beaucoup à celui de dimanche dernier. Rappelez-vous : ?
Quand Pierre avait déclaré : « Tu es le Messie ! », Jésus avait dit : « Surtout ne le dites à personne ! » Et, pour la
première fois, Jésus leur avait révélé à ses disciples qu’il fallait qu’il souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les
autorités religieuses, qu’il soit tué et qu’il ressuscite trois jours après. Et quand Pierre avait dit : « Mais ce n’est pas
possible ! », la réponse de Jésus avait été cinglante : « Passe derrière moi, Satan. Tes pensées ne sont pas celles de
Dieu mais celles des hommes. ».
Nous retrouvons aujourd’hui la même ambiance de secret : « Jésus traversait la Galilée, mais il ne voulait
pas qu’on le sache » : la même révélation revient : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le
tueront et trois jours après sa mort il ressuscitera. » et c’est la même incompréhension de la part des disciples : « Ils
ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger ».
La consigne de silence revient souvent dans l’Evangile et surtout dans celui de Saint Marc ; par exemple, le
soir où, à Capharnaüm, Jésus a guéri beaucoup de malades et chassé de nombreux démons, l’évangéliste
ajoute : « Il ne laissait pas parler les démons parce qu’ils savaient eux, qui il était ». Que Jésus ait refusé ce
témoignage, on le comprend facilement. Mais il est plus étonnant de retrouver la même interdiction adressée aux
malades qu’il guérit ou aux témoins de leur guérison : au premier lépreux qu’il a purifié Jésus dit : « Garde-toi de
rien dire à personne », et après la guérison du sourd-muet que nous avons lue récemment, l’évangéliste
ajoute: « Jésus leur recommanda de n’en parler à personne, mais plus il le leur recommandait, plus les témoins le
proclamaient» .Et on a vu souvent Jésus fausser compagnie à la foule quand elle devenait trop enthousiaste.
Pourquoi donc cette consigne de silence ? c’est que nous ne pouvons pas imaginer tout ce que le mot
« Messie » (en grec Christ ») pouvait évoquer pour Pierre, pour les disciples et pour les gens du pays. Le mot
Messie (en hébreu Massiah, frotté d’huile) désigne d’abord le roi, celui que Dieu a consacré pour diriger son peuple.
Vers l’an mille avant J.C., le prophète Nathan avait dit à David, de la part de Dieu : « Je te donnerai un successeur
dans ta descendance… et je fixerai son trône royal pour toujours » ; autrement dit, parmi tes descendants, viendra un
vrai Messie, un roi parfaitement juste, qui triomphera de tous les ennemis et oppresseurs, assurera la prospérité, la
paix et le bonheur pour toujours. En fait, aucun des rois d’Israël n’a réalisé cet idéal, mais on n’a jamais douté que le
Messie viendrait.
Si bien qu’a l’époque de Jésus, alors que depuis cinq cents ans il n’y avait plus, en Israël, de roi descendant
de David, l’attente était particulièrement forte ; Saint Luc, au début de son évangile dit « Le peuple était en
attente ». Effectivement il y avait beaucoup d’effervescence populaire ; on pensait : Si le Messie vient maintenant, il
rétablira la royauté en Israël, chassera les occupants romains et établira de façon définitive la justice et la paix.
Alors, appeler Jésus : « Messie », c’était risquer d’éveiller de fausses espérances, déclencher sans doute, des
manifestations, des affrontements, peut-être..
Les disciples sont donc invités à garder pour eux la découverte qu’ils ont faite : d’autant plus qu’ils
partagent les attentes du peuple et ont encore beaucoup à découvrir sur la vraie mission du Messie Jésus est bien le
Messie. Mais il n’est pas le chef politique puissant que l’on attend, il est le serviteur qui va aller jusqu’à donner sa
vie. Il le dira à ses disciples un autre jour où ils discuteront encore pour savoir qui est le plus grand parmi eux : « Le
fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mis pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ».
Voilà la vérité tellement contradictoire que les disciples ont à découvrir, et voilà la mission qu’ils
ont eux aussi à remplir, le témoignage qu’ils doivent porter A notre tour c’est notre mission à nous aussi,
disciples du Christ serviteur : « Si quelqu’un veut être le premier,- Jésus ne dit pas que c’est mal d’avoir
cette ambition – eh bien ! qu’il soit le dernier et le serviteur de tous ». Nous devons toujours nous rappeler
la dernier message laissé par Jésus au soir du Jeudi Saint : après avoir lavé lui-même les pieds de ses
disciples, il leur dit : « Si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous
laver les pieds les uns aux autres ; c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faitesle vous aussi. »
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