La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 1 - janvier 2000
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MiSE AU POINT
MÉTHODOLOGIE
Étude cas/témoin comparant patients décédés ou non
(méthode 5)
À titre d’exemple, nous présentons les résultats de deux études
qui ont tenté de déterminer si la présence d’une infection noso-
comiale était un facteur de risque de mortalité précoce des
patients hospitalisés en réanimation. Dans la première étude
menée au niveau européen sur plus de 10 000 patients, 20,6 %
avaient présenté une infection nosocomiale pendant leur hos-
pitalisation en réanimation (16) ; la pneumopathie nosocomiale
était l’infection la plus fréquente, observée chez 9,6 % des
patients hospitalisés, tandis qu’une septicémie n’était consta-
tée que chez 2,5 % d’entre eux. Les principaux facteurs de
risque d’une infection nosocomiale étaient la présence de dis-
positifs invasifs. Dans l’ensemble, un taux de mortalité de
16,8 % a été observé. Après ajustement sur l’âge et la gravité
des patients, la survenue d’une pneumopathie nosocomiale
(OR = 1,91) ou celle d’une septicémie (OR = 1,73) apparais-
sent comme des facteurs de risque de mortalité. L’estimation
de la fraction attribuable (FRA), c’est-à-dire la proportion des
décès attribuables aux pneumopathies et aux septicémies noso-
comiales, serait respectivement de 8 % et 2 %, les fractions étio-
logiques correspondantes étant de 48 % (pneumopathies) et
42 % (septicémies).
Une autre étude, réalisée dans un service de réanimation, trouve
un taux de mortalité (27 %) et des incidences de pneumopa-
thies (17 %) et de septicémies nosocomiales (11 %) plus éle-
vées que dans l’étude générale européenne (17). Les estima-
tions du risque relatif de mortalité en présence d’une infection
nosocomiale sont comparables à celles de l’étude européenne
(OR = 2,1 et 2,5, pour les pneumopathies et les septicémies
respectivement). Parmi tous les patients hospitalisés dans ce
service de réanimation, 15 % et 14 % des décès seraient attri-
buables (FRA) aux pneumopathies et aux septicémies nosoco-
miales. La proportion des décès survenus chez les patients ayant
développé une pneumopathie, ou une septicémie nosocomiale
qui serait attribuable (fraction étiologique) à ces deux infec-
tions, est respectivement de 52 % et de 60 %.
Statistiques nationales de mortalité (méthode 6)
L’utilisation des certificats de décès pour estimer la mortalité
associée aux infections nosocomiales a été appliquée aux sta-
tistiques de mortalité américaines (18). Nous avons appliqué
cette méthode aux données françaises de 1979 à 1995. Les sta-
tistiques nationales des causes de décès sont élaborées annuel-
lement par le SC8 de l’INSERM. Sur chaque certificat de décès
sont indiquées une cause principale, une cause immédiate
et jusqu’à trois causes associées de mortalité. Les décès qui
portaient en cause immédiate un des quatre codes suivants ont
été considérés comme associés à une infection nosocomiale :
CIM-9erévision-996.6, infections et réactions inflammatoires
provoquées par la mise en place d’une prothèse interne, d’un
implant ou d’une greffe ; CIM 9-997.3, complications respira-
toires après intervention ; CIM 9-998.5, infections postopéra-
toires ; CIM 9-999.3, infections ou septicémies consécutives à
une injection, transfusion ou vaccination.
En 1995, il y a eu en France 1 523 certificats de décès portant
en cause immédiate un des quatre codes et autant de décès
considérés comme associés à une infection nosocomiale. Ainsi,
le taux de mortalité rapporté en France, à savoir 2,6 pour
100 000, est proche du taux rapporté aux États-Unis en 1988
(3,8 pour 100 000). Les chiffres obtenus à partir de l’analyse
des certificats de décès sous-estiment certainement le nombre
de décès dus aux infections nosocomiales, mais on peut consi-
dérer qu’ils constituent une borne minimale. Malgré la mise en
place des Comités de Lutte contre les Infections Nosocomiales
(CLIN) depuis 1988, les taux annuels de mortalité associée aux
infections nosocomiales sont restés stables entre 1979 et 1995
avec un nombre de morts variant entre 1 100 et 1 700. L’utili-
sation des statistiques nationales de mortalité pour estimer la
mortalité associée aux infections nosocomiales a l’avantage de
n’utiliser que des données déjà existantes et exhaustives, et
d’être peu coûteuse et rapide. Toutefois, l’inconvénient majeur
de ces statistiques réside dans le nombre limité des informa-
tions disponibles, qui empêche tout particulièrement de prendre
en compte l’hétérogénéité des patients et de définir plus préci-
sément la part jouée par l’infection nosocomiale dans la cau-
salité éventuelle du décès.
DISCUSSION
Les résultats présentés dans le tableau I montrent une bonne
concordance entre les différentes études réalisées selon une des
trois méthodes descriptives avec un taux de mortalité hospita-
lière chez les patients ayant acquis une infection nosocomiale
variant entre 6,5 % et 15 % ; par ailleurs, environ un patient
décédé sur quatre était porteur d’une infection nosocomiale.
Ces méthodes descriptives reposent sur l’utilisation des bases
de données hospitalières assurant l’exhaustivité des informa-
tions recueillies, et permettant d’étudier la variabilité du poids
des infections nosocomiales dans la mortalité hospitalière en
fonction des pathologies. Toutefois, une limite actuelle est
l’identification des patients ayant présenté une infection noso-
comiale au cours de leur hospitalisation. Le développement de
systèmes d’information hospitaliers (SIH) performants, centrés
sur le patient, pourrait faciliter une surveillance exhaustive de
tous les patients hospitalisés à la condition qu’une améliora-
tion du système de surveillance des infections nosocomiales
soit faite (19).
Le tableau II présente des exemples d’estimations de la sur-
mortalité liée aux septicémies et aux pneumopathies nosoco-
miales obtenues grâce aux deux méthodes comparatives
(cohorte et cas/témoin). Ces deux types d’infection sont asso-
ciés à des risques relatifs de mortalité de l’ordre de 2. Les esti-
mations de la fraction de risque attribuable obtenues dans
l’étude européenne faite dans des services de réanimation de
dix-sept pays sont très inférieures à celles des autres études, ce
qui reflète les incidences d’infections nosocomiales plus faibles
qui y sont rapportées (16). Que les études aient été faites selon
une méthodologie de cohorte appariée ou une méthodologie
cas/témoin, les estimations de la fraction étiologique sont d’un
ordre de grandeur comparable entre les études : les décès sur-
venant chez les patients infectés seraient attribuables dans