CAP sur la réussite en lecture à la formation générale des

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Printemps 2015
CAP sur la réussite en lecture à la formation générale des adultes
Par Martine Leclerc, professeure titulaire, Université du Québec en Outaouais,
Catherine Dumouchel, doctorante, Université du Québec en Outaouais et
Roger Prud’Homme, professionnel de recherche, Université du Québec en
Outaouais
«
Comment pouvons-nous savoir ce que chaque élève connaît et est
capable de faire? » plutôt que « Que veut-on que l’on enseigne? »,
c’est ce genre de transformation dans les discours que les enseignants
travaillant en communauté d’apprentissage professionnelle (CAP) dans
Martine Leclerc, professeure
deux centres de la formation générale des adultes ont progressivement
titulaire, Université du Québec en
Outaouais
intégré lors d’une recherche collaborative de trois ans. Au terme de la
recherche, les enseignants impliqués ont amélioré leurs connaissances et compétences en
enseignement de la lecture. Ils sont davantage en mesure de cibler les interventions de haut
niveau à privilégier dans leur enseignement.
Cette recherche 1 s’est déroulée du 1 juin 2011 au 15 mai 2014. Les activités suivantes ont été
réalisées :
a) des entretiens de groupe pour confirmer les changements vécus par les équipes et les
retombées observées chez les élèves;
b) des entretiens individuels semi-dirigés pour connaître également les changements vécus par
les enseignants et l’impact du fonctionnement en CAP;
c) deux questionnaires, un pour observer les changements de perceptions des participants de
leurs connaissances et compétences en enseignement, l’autre pour connaître leur sentiment
d’autoefficacité;
d) des observations dans les milieux pour documenter l’expérience vécue par les équipesécoles et pour comprendre les changements qui s’opèrent.
De plus, pour observer la progression des élèves en lecture, les données secondaires
provenant des fiches d’observation individualisées en lecture ont été saisies dans une base de
données appelée Destination Littératie 2, puis ont été analysées.
1
Cette recherche a été possible grâce à l’aide financière reçue du Fonds de recherche du Québec-Société et culture
(FQRSC)
2
Des informations sur ce logiciel sont disponibles sur le site : www.lirepourlavie.ca
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DES CHANGEMENTS DE PRATIQUES EFFICACES EN SALLE DE CLASSE
Il ressort de cette étude que les enseignants
impliqués ont amélioré leurs connaissances et
compétences en enseignement de la lecture et
sont davantage en mesure de cibler les interventions de haut niveau à privilégier dans leur
enseignement. En effet, en 2014, les scores
moyens relatifs aux questions portant sur les
connaissances en enseignement de la lecture de
même que ceux se référant aux compétences en
enseignement ont significativement progressé
comparativement à l’année 2011 3. Sur une échelle
de Likert de 10 points, les moyennes sont passées respectivement de 3,70 à 7,89 ainsi que de
4,60 à 7,77. De toute évidence, le travail en CAP semble avoir un effet certain quant au
développement professionnel des enseignants.
Les résultats de la recherche confirment également certains changements de pratiques en salle
de classe. Ainsi, les enseignants sont nombreux à affirmer avoir recours à la lecture à voix
haute, au travail en dyades, à l’enseignement explicite et au questionnement en lien direct avec
les stratégies de compréhension dans toutes les matières. De plus, parmi les nouvelles
pratiques établies, les enseignants font verbaliser la pensée de l’élève pour réagir à un texte. Ils
déterminent aussi des regroupements d’élèves selon les besoins prioritaires identifiés. Les
enseignants disent également être plus en mesure de cibler le niveau de lecture de chaque
élève pour s'assurer que les textes soient dans sa zone proximale de développement et
d’identifier les prochaines étapes d'intervention pour le faire progresser. La mise en place du
parcours fondamental d’enseignement et d’apprentissage 4 constitue une pratique gagnante
indispensable. Il a permis de structurer les rencontres collaboratives de manière à faire ressortir
les pratiques exemplaires, d’établir des objectifs SMART et d’en vérifier l'atteinte avec les
résultats des élèves (Leclerc, 2012; Prud’Homme et Leclerc, 2014). En somme, à la fin de la
recherche, la direction et les enseignants soutiennent que les décisions pédagogiques prises se
basent davantage sur les stratégies à haut rendement dans le but d'augmenter la réussite de
tous les élèves.
Un changement marquant a trait à la régulation de l’enseignement : les enseignants soutiennent
avoir maintenant besoin de données d’apprentissage, non seulement pour définir le portrait
précis de chaque élève, mais aussi les profils de classe afin de mieux orienter leurs choix pédagogiques. Ils disent également être davantage en mesure d’extraire des informations pertinentes
de leurs données d'observation. Au cours des ans, une nette progression s’observe au sein des
équipes pour repérer rapidement l’élève à risque, cibler les prochaines étapes d'intervention
ainsi qu’effectuer les regroupements d'élèves pour optimiser l'enseignement. Finalement, les
3
Pour des détails méthodologiques ou pour les résultats complets de cette recherche, vous êtes invités à consulter le
rapport sur le site du FRQSC : www.frqsc.gouv.qc.ca
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Plus de renseignements sur le « parcours fondamental d’enseignement et d’apprentissage » sont disponibles à
l’adresse suivante : http://www.curriculum.org/secretariat/files/020110fParcours.pdf
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équipes sont davantage en mesure de travailler en concertation à la réussite des élèves, entre
autres, par l'étude de cas, et démontrent une plus grande capacité à collaborer dans le but
ultime de résoudre des problématiques sur le plan pédagogique.
En somme, il est clair que les trois pôles5 soutenant le travail en CAP, soit 1) les pratiques à
haut rendement; 2) la régulation de l’enseignement; et 3) le travail collaboratif, sont clairement
présents, intimement reliés et s’influencent mutuellement (CETREQ, 2014; Leclerc, 2012). Ainsi,
cette recherche appuie l’idée que, pour avoir le maximum des retombées du travail en CAP, il
faut s’assurer non seulement que l’équipe-école progresse dans chacun de ces pôles, mais
également qu’elle se serve de la puissance de chacun d’eux pour nourrir les autres pôles.
Les retombées de l’étude serviront certainement à alimenter le questionnement quant au renouvellement des pratiques à la formation générale des adultes et espérons-le, encourageront les
milieux à voir l’implantation de la CAP comme un mode de formation continue du personnel
enseignant directement lié à la réussite scolaire.
Il apparaît clairement que la régulation de l’apprentissage à l'aide de données d'observation est le point tournant du travail en CAP et constitue une exigence pour que ce mode de
fonctionnement porte ses fruits : le jugement professionnel des enseignants s’exerçant à partir
de preuves (Prud’Homme et Leclerc, 2014). Dans cette perspective, le but de l’évaluation
dépasse la sanction et est davantage vu comme un moyen d’améliorer l’enseignement,
notamment en prenant conscience de ses effets. Ainsi, en examinant les résultats de leurs
élèves, les enseignants en arrivent à se poser des questions sur les stratégies non maîtrisées et
sur celles qui sont appliquées aisément, de façon à faire les choix pédagogiques les plus
judicieux. Cette démarche effectuée de façon collaborative nécessite d'ouvrir symboliquement
sa classe à ses collègues et exige un climat de confiance, un respect mutuel, une volonté de
partager et de s’engager dans une démarche de résolution de problèmes. Cela fait référence à
la dimension affective bien présente dans le travail en CAP (Dionne, Lemyre et Savoie-Zjac,
2010). Soulignons que créer de telles assises n’est pas chose facile, mais demeure un
prérequis au travail en CAP.
Cette recherche met également en évidence le travail bénéfique du travail en CAP sur l’apprentissage de la lecture chez les élèves. Ainsi, en plus d’un meilleur taux de précision en lecture,
une amélioration de certaines composantes se manifeste de façon significative, comme la capacité de l’élève à recourir à ses connaissances antérieures, à se poser des questions avant la
lecture, ainsi qu’à pouvoir donner les détails ou les faits secondaires d'un texte.
LES DÉFIS D’UNE CAP
Toutefois, implanter une CAP ne peut s’improviser et présente de nombreux défis, ne serait-ce
que les bouleversements occasionnés dans la culture propre au milieu. Ce changement doit être
planifié afin de pouvoir orienter les actions et faire les ajustements nécessaires au fur et à
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Pour avoir plus de détails sur le travail en CAP et l’interaction des trois pôles, le lecteur peut consulter l’adresse
suivante : http://www.capsurlareussite.ca
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mesure que les défis se présentent. Par conséquent, le rôle de la direction d’école et des autres
gestionnaires de la commission scolaire est crucial, principalement pour soutenir les équipes
collaboratives tant sur le plan des ressources humaines que matérielles et pour encourager les
changements de pratiques, notamment ceux en salle de classe. De plus, il s’avère
indispensable de répondre aux besoins d’accompagnement des enseignants au fur et à mesure
qu’ils émergent. Ainsi, il convient de leur fournir l’assistance nécessaire afin de les amener à
collecter des données, à extraire les informations pertinentes de leurs observations d’élèves, à
réaliser des analyses approfondies des données récoltées, à se concerter, à exercer leur
leadership pour résoudre les problèmes d’ordre pédagogique, à découvrir les stratégies à haut
rendement en fonction d’un apprentissage prioritaire précisément ciblé et à les intégrer dans
leur classe. Tout cela demande du temps, de la persévérance et un appui soutenu dans le
milieu pendant une période suffisamment longue pour s'assurer d'un changement durable.
Sachant qu’il est devenu impossible pour les enseignants de vivre sur les acquis d’une
formation initiale devenue très rapidement dépassée, il importe que ces derniers deviennent les
artisans de leur propre formation continue, ce que favorise le travail en CAP. Toutefois,
l’expertise interne ne suffit pas toujours à alimenter le besoin de ressourcement et le rôle du
conseiller pédagogique ou d’un consultant externe peut s’avérer avantageux, à la condition que
l’appui soit bien ciblé et intimement synchronisé avec les besoins identifiés par les enseignants
pour combler certaines lacunes chez leurs élèves. Ce n’est que dans une telle optique que les
résultats seront au rendez-vous chez les élèves. Il convient donc de revoir le mode de formation
continue des enseignants afin de mieux les soutenir dans leur propre milieu et, au jour le
jour, pour favoriser le travail de concertation, l’harmonisation des pratiques, l’analyse réflexive
ou le travail collaboratif en vue d’améliorer l’apprentissage des élèves.
RÉFÉRENCES
Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec. (2014). CAP : communauté d’apprentissage
professionnelle. En ligne : capsurlareussite.ca
Dionne, L., Lemyre, F. et Savoie-Zajc, L. (2010). Vers une définition englobante de la communauté
d’apprentissage comme dispositif de développement professionnel. Revue des sciences de l’éducation,
36(1), 25-43.
Leclerc M. (2012). Communauté d’apprentissage professionnelle : Guide à l’intention des leaders
scolaires. Québec : Les Presses de l’Université du Québec.
Prud’Homme, R. et Leclerc M. (2014). Données d’observation et gestion de l’apprentissage : Guide à
l’intention des communautés d’apprentissage professionnelles. Québec : Les Presses de l’Université du
Québec.
UN ATELIER SUR LES RETOMBÉES D’UNE CAP POUR L’ENSEIGNEMENT DE LA LECTURE
Si vous désirez en connaître davantage sur les retombées d’une CAP pour l’enseignement de la
lecture, assistez à l’atelier D-1 au colloque de la TRÉAQFP. L’atelier se donne simultanément
en visioconférence.
Pour plus d’information sur l’atelier, communiquez avec Diane Pouliot :
[email protected]
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