Le monde vu de Tokyo (PDF – 740.1 ko)

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Irrésistible ascension de l’Asie
Le monde vu de Tokyo
l fut un temps où le Japon se
présentait comme « le porteavions insubmersible » des
Etats-Unis par la voix de son
premier ministre Nakasone Yasuhiro. Au
début des années 1980, en pleine guerre
froide, un tel propos ne choquait guère,
si ce n’est les Soviétiques qui pouvaient
craindre que le pays du Soleil-Levant
verrouille l’accès à la mer d’Okhotsk,
c’est-à-dire au Pacifique.
Inquiets de l’expansionnisme soviétique – intervention en Afghanistan, installation de missiles SS20 en Sibérie – et
soucieux de poursuivre leur développement économique, les Japonais ne
voyaient aucune raison de remettre en
cause l’alliance militaire qui les unissait aux Etats-Unis depuis 1952, et
pensaient même pouvoir la renforcer.
Et lorsque M. Nakasone évoquait une
« communauté de destin » entre Tokyo et
Washington, chacun savait qu’il entendait faire de son pays un allié indéfectible des Etats-Unis, afin que le Japon
Longtemps allié indéfectible
I
de Washington, Tokyo
cherche prudemment
à accroître son indépendance
vis-à-vis des Etats-Unis.
Une volonté qui se heurte aux
réticences de ses voisins
les plus proches, peu désireux
de voir le Japon occuper une
place trop importante tant sur
la scène régionale qu’au plan
international.
Les Kouriles, entre Russie et Japon
1855
KAMTCHATKA
(Russie)
(traitŽ de Shimoda)
1875 (traitŽ de
MER
DÕOKHOTSK
SAKHALINE
(KARAFUTO)
Possession
commune
RUSSIE
50¡ N
SIMUSIR
ETOROFU
KUNASHIRI
OUROUP
0
1905
MER
DÕOKHOTSK
SAKHALINE
SAKHALINE
Iles
Kouriles
DŽtroit
de La
PŽrouse
100 km
KAMTCHATKA
(Russie)
SHUMUSHU
SHIKOTAN
HOKKAIDO
HABOMAI
JAPON
1945
MER
DÕOKHOTSK
50¡ N
Revendication
japonaise
Iles
Kouriles
ETOROFU
KUNASHIRI
SHIKOTAN
HOKKAIDO
HABOMAI
JAPON
ETOROFU
(ITURUP)
Iles
Kouriles
KUNASHIRI (KOUNASHIR)
HOKKAIDO
JAPON
DU
KAMTCHATKA
(URSS)
SAKHALINE
URSS
50¡ N
182 I L’ATLAS
PRIORITÉ À L’ASIE
ETOROFU
KUNASHIRI
SHIKOTAN
HABOMAI
JAPON
RUSSIE
RUSSIE
50¡ N
Iles
Kouriles
HOKKAIDO
KAMTCHATKA
(Russie)
Saint-PŽtersbourg)
MER
DÕOKHOTSK
SHIKOTAN
HABOMAI
puisse peu à peu faire entendre sa voix
sur la scène internationale.
Les tensions commerciales avec
un allié américain désireux de voir
les Japonais mettre la main à la poche
pour leur sécurité, mais aussi l’effondrement du système soviétique ont eu
raison des ambitions de M. Nakasone.
L’éclatement en 1990 de la bulle spéculative immobilière, qui a plongé l’économie nationale dans sa crise la plus grave
depuis la fin de la seconde guerre mondiale, a aussi amené le Japon à revoir
sa politique étrangère et à réévaluer
la place internationale qu’il souhaite
occuper. Une tâche ardue, compte tenu
des liens qui l’unissent à Washington
et de la nature pacifiste d’une Constitution qui lui interdit de posséder une
armée régulière.
Tokyo estime que la défense des intérêts du pays passe désormais par l’affirmation de sa voix dans les différentes
instances internationales. Pour y parvenir, il mise notamment sur sa puissance
financière par le biais de l’aide publique au développement (APD). Depuis
1988, date à laquelle le premier ministre
Takeshita Noboru avait déclaré vouloir
faire de son pays le premier contributeur
mondial pour l’aide au développement,
le Japon a redoublé d’efforts pour figurer
au premier rang en volume des Etats
donateurs.
Si la mauvaise santé des finances publiques l’a obligé à réduire les sommes
versées, le gouvernement actuel a
compris l’utilité de cette politique, et
élargi progressivement ses zones d’intervention à l’Afrique ou à l’Amérique
latine, longtemps négligées au profit de
l’Asie. Les conférences internationales
de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad I en 1993, Ticad II en 1998,
Ticad III en 2003), organisées à l’initiative du Japon, confirment la volonté de
rééquilibrage de la politique extérieure
nippone. Le premier ministre Koizumi
Junichiro a d’ailleurs déclaré que son
pays comptait doubler, d’ici à 2008, son
aide à l’Afrique, qui représente à l’heure
actuelle 8,8 % du budget de l’APD, soit
529,9 millions de dollars.
MONDE DIPLOMATIQUE
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Alliés et rivaux (esquisse, cf. p. 62)
Parallèlement à ces efforts, l’Asie
reste une priorité de la politique japo­
naise. Tant au point de vue stratégique
qu’économique, l’Extrême-Orient cons­
titue pour le pays du Soleil-Levant une
région décisive, en dépit de nombreuses
difficultés. Le conflit des Kouriles avec
la Russie n’est pas réglé. Les crimes
de l’armée impériale nippone pendant
la seconde guerre mondiale ont laissé
des souvenirs douloureux en Corée et
en Chine. Ces deux pays ne se privent
d’ailleurs pas d’invoquer ce lourd passé
pour mettre en garde contre une éven­
tuelle résurgence nationaliste au Japon
– et ils peuvent s’appuyer sur le com­
portement de ses nombreux responsa­
bles politiques, qui refusent encore de
reconnaître les exactions commises.
La montée en puissance de l’économie chinoise et le désir de Pékin d’occuper le devant de la scène en Asie ali­
mentent les tensions entre les deux Etats.
L’opposition de Pékin à une éventuelle
entrée de Tokyo au Conseil de sécurité
comme membre permanent n’améliore
pas leurs relations, et contribue à main­
tenir le Japon dans le rôle de « petite
main » des Etats-Unis, alors qu’il aspire
à être traité comme une « puissance
moyenne », au même titre que les prin­
cipaux membres de l’Union européenne
dont il partage la conception globale des
●
relations internationales.
Sur la Toile
g Ministère des affaires étrangères
du Japon : www.mofa.go.jp
g Institut de recherche sociale
et économique : www.esri.go.jp
g Journal alternatif en ligne :
www.tokyoprogressive.org
g Journaux, magazines et sites
japonais : www.world-newspapers.
com/japan.html
g Japan International Cooperation
Agency (JICA) : www.jica.go.jp
g Conférence internationale de Tokyo
sur le développement de l’Afrique :
www.ticad.net
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