Un bâtiment combien de vies - Balises

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L’offre documentaire de la Bpi sur…
« Comme le cuisinier, l’architecte aurait son garde-manger et ferait
sa recette en fonction de ce qui reste »
Patrick Bouchain
La Cité de l’Architecture à Paris présente
une exposition jusqu’en septembre 2015
intitulée « Un bâtiment combien de vies ?
La transformation comme acte de création ».
Le titre sous forme de question nous
interroge : et si pour construire nous
n’avions
plus
besoin
de
démolir
systématiquement ?
Le pavillon français à la biennale de Venise
de 2014 posait lui aussi une question « La
modernité : promesse ou menace ?», en
déclinaison de la thématique générale sur «
1
Absorber la modernité ». Tandis que le
Pavillon de l’Arsenal, avec « Matière grise »
en 2014, interrogeait la réutilisation des
matériaux, le Pavillon réitère en 2015 et
propose
une
nouvelle
exposition,
« Métamorphoses », axée sur la
transformation des surfaces de bureaux
parisiens en logements.
Comment comprendre aujourd’hui ces
questionnements autour de la création
architecturale et les remises en cause des
grands principes de la modernité ?
La transformation, une idée neuve ?
La transformation a bien été la première
innovation architecturale. Aux siècles
précédents, la rareté et la difficulté de
mise en œuvre des matériaux rendaient
évidente leur réutilisation (une église sur
un temple antique, des logements dans
une enceinte fortifiée, etc). Au 19e siècle,
Viollet-le-Duc apporte une valeur
créative à la conservation des monuments
historiques en les estimant
transformables. Ce n’est qu’à partir de
l’ère industrielle que la récupération ou le
réemploi apparaissent comme des idées
contraires à la modernité architecturale.
Le temps d’une vie…
Le concept de modernité en Occident
depuis le 20e siècle repose sur une rupture
avec le passé, incarné par le principe de
table rase et d’irréversibilité, conditions
même du progrès. L’idée fondatrice du
mouvement moderne, énoncée en 1896
par l’architecte Louis Sullivan selon
laquelle « la forme suit la fonction », est à
l’origine de l’architecture fonctionnaliste,
véritable fil rouge de toute architecture se
réclamant alors de l’avant-garde. L’usage
d’un bâtiment devient immuable, et sa
transformation une méthode à négliger :
il n’a qu’une vie. Les plus grands
architectes (Le Corbusier, Mies Van der
Rohe, Frank Lloyd Wright…) ont cru à
un monde nouveau, dont l’architecture au
vocabulaire entièrement renouvelé devait
refléter l’image. Par la suite, le postmodernisme n’a pas davantage laissé
place au concept de réemploi. Les grands
architectes du 20e siècle ont construit leur
réputation sur des bâtiments sortis ex
nihilo, véritables manifestes de la société
de consommation et d’abondance
2
illimitées. Est-on aujourd’hui à la fin d’un
cycle où seul le « geste architectural » est
évalué, et pour lequel la fondation Louis
Vuitton de Frank Gehry constituerait une
sorte de chant du cygne ?
…et le temps de plusieurs vies
En
ce
siècle
naissant,
les
conditions
sont
très différentes : les
matières premières
s’épuisent,
la
conscience
environnementale
s’aiguise, la fin de
l’ère
industrielle
Chateau d'eau habité à
change
les
Thorpeness, Suffolk
paradigmes pour
placer la notion de progrès sur d’autres
champs.
Dans ce contexte, le réemploi dans le
domaine de l’architecture, s’il n’est pas
une idée nouvelle, prend un sens
différent. La réhabilitation n’est en effet
plus considérée comme une mission peu
gratifiante mais au contraire comme un
défi créatif, une opportunité, tant d’un
point de vue esthétique, qu’économique
ou écologique. Faire du neuf avec du
vieux devient une évidence. Les idées
foisonnent et concernent autant la
sauvegarde des monuments historiques
que la réutilisation d’un bâtiment dénué
de prestige, comme les friches
industrielles ou les constructions des
Trente glorieuses, laissées en déshérence.
La grande nouveauté réside surtout ici : la
préoccupation du bâti banal, notamment
celui du 20e siècle, au cours duquel les
constructions ont été particulièrement
nombreuses avec un réemploi quasi nul.
Tout devient alors matière à réutilisation
par une transformation créative : des
piscines en musées, des silos en hôtels,
des moulins en restaurants, des filatures
en appartements, des palaces en
logements, des pavillons ordinaires en
maisons design à énergie passive. Le plus
grand défi pour le 21e siècle semble se
nicher dans l’exploration du legs du 20e
siècle.
La production éditoriale, depuis les
années 80, reflète cette prise de
conscience, relayée par les expositions
récentes.
1 - La pratique du re (re-cycler, réutiliser, ré-habiliter, re-structurer, réaffecter …)
« Architecturer, c’est transformer, organiser les
mutations de ce qui est déjà là » Jean Nouvel
Un bâtiment représente une masse
considérable de
matériaux
et
présente un défi
majeur au regard
de
l’environnement,
de l’économie et
du social. Est
ainsi prise en
compte
sa
Bibliothèque de l'université
capacité
à
Pompeu Fabra - Barcelone
dans un ancien réservoir
s’inscrire
dans
un
d’eau (1874) par Lluis Clotet
, 1992-1999- Wikimedia
environnement
commons
durable,
une
économie circulaire et un social
éthique.
La transformation comme acte de
création architecturale devient alors
une forme de réponse aux nécessités
de notre époque, dont les exemples de
réussites fleurissent aux quatre coins
du monde : des logements sociaux
3
réhabilités
jusqu’aux
friches
industrielles transformées en lieux
culturels, en passant par des églises
devenues centre de documentation,
une nouvelle façon de considérer un
bâtiment est à l’œuvre. Dès lors que sa
destruction n’est plus envisagée, un
bâtiment peut s’inscrire dans
plusieurs cycles d’utilisation : la
réutilisation
peut lui donner un
nouvel usage, la réhabilitation peut
l’améliorer
sans
changer
sa
destination (un logement social dans
un nouvel habillage), la reconversion
peut lui donner une nouvelle fonction
(une usine devient centre culturel).
Il
existe
plusieurs
manières
d’intervenir sur une architecture
préexistante. Il ne s’agit plus de
conserver absolument mais de la
rendre réutilisable. Si un bâtiment
peut être périmé pour son usage ou
par son style, il n’a pas de date de
péremption. Grâce à la réversibilité de
son architecture, le changement de sa
fonction n’est plus un critère
d’obsolescence : on peut lui greffer un
corps étranger, injecter d’autres
programmes, infiltrer une nouvelle
modernité.
Si logique soit-elle, la démarche de
transformation n’est pas toujours
facile à faire accepter et demande
parfois de la part du maître d’œuvre
un engagement presque militant pour
prendre clairement parti contre la
démolition en faveur de la
transformation en préservant le « bien
construit » du bâtiment d’origine,
selon la « règle des trois R » : Reduce,
Reuse, Recycle. L’évolution des
grands prix d’architecture sur 25 ans
démontre quant à elle que les jurys en
sont venus à distinguer l’acte de
transformer comme une création à
part entière.
- Un bâtiment combien
de vies ? Exposition, cité
de l’architecture et du
patrimoine, 17 déc. 2014 –
28 sept. 2015
A la Bpi, niv. 3, 72.29
BAT
« Et si on arrêtait de
démolir systématiquement
pour construire ? On a
tous en tête l’inconsolable massacre des Halles
de Baltard... et la polémique sur la destruction de
l’usine de l’île Seguin, archétype s’il en est. Il y a
une logique à transformer, à agir sur l’existant, à
enclencher la mutation du patrimoine. C’est sans
doute cela la nouvelle expérimentation
spatiale, technique et programmatique du 21e
siècle. « Un bâtiment, combien de vies ? » est une
exposition à dimension éthique fuyant toute idée
nostalgique.
Pensée
pour
s’intégrer
temporairement au parcours du musée, elle fait
le point sur ce sujet indissociable de la question
urbaine : la réutilisation pour ouvrir la voie de la
renaissance, le recyclage pour stimuler de
nouveaux usages. Ce type de « transgression » –
se distinguant de la restauration et de la
réhabilitation – est appelé à se banaliser dans le
processus de la réversibilité de la ville
contemporaine ».
- Matière grise :
matériaux,
réemploi,
architecture
:
Exposition, Pavillon de
l'Arsenal, 2014
A la Bpi, niv. 3, 72.23
MAT
Le thème de l’exposition
du Pavillon vient en écho
à celui de la Cité de
l’Architecture
et
développe
la
même
problématique mais au niveau du matériau : si
nous venons à manquer de matériaux, nous ne
manquons pas de matière grise, utilisée à penser
la réutilisation de ceux-ci : « La mise en œuvre de
4
la matière réemployée dépasse la question
matérielle, pour donner plutôt matière à penser
». Alexandre Labasse, directeur général du
Pavillon de l’Arsenal.
- Conception et réutilisation, K. Zreik et D.
Estevez, Europia, 2014 A la Bpi, niv. 3. 72.20
ZRE Cet ouvrage, issu de la 9e édition du
colloque 01Design, propose une réflexion
ouverte sur les relations qui lient le principe de
réutilisation avec les démarches contemporaines
de conception en architecture, en urbanisme ou
en design. La réutilisation, le recyclage, la
recréation ou la transformation sont des notions
explorées aujourd’hui par les concepteurs dans
leur
confrontation
avec
les
réalités
environnementales qui s’imposent à tous. Une
nouvelle attitude de conception émerge, qui
suppose notamment que le concepteur dispose
désormais d’une conscience précise de la notion
d’économie de moyens, c'est-à-dire d’une
conception d’action économe. (4e de couverture)
- La modernité : promesse
ou menace ? J.-L.Cohen,
Pavillon français, Biennale
d’architecture de Venise 2014,
Institut français, 2014 A la
Bpi, niv. 3 724.407 COH
Interroge le concept de
modernité dans la thématique
générale de la Biennale proposé par Rem
Koolhaas : « Absorber la modernité ».
- Transform : l'enseignement du projet
d'architecture
de
reconversion,
transformation, réhabilitation au sein de
l'Ensa Normandie, Point de vues, 2014 A la
Bpi, niv. 3 72.29 TRA
L'Ecole Nationale d'Architecture de Normandie
s'interroge
sur
l'enseignement
de
la
réhabilitation, restauration, reconversion de
bâtiments, discipline alors absente de la plupart
des écoles. L'accent est mis sur un territoire, la
Normandie, riches en friches industrielles
(textiles, portuaires) et en reconstructions de
l'après-guerre, offrant ainsi un vaste terrain
d'expérimentations.
- Histoire matérielle du bâti et projet de
sauvegarde : devenir de l’architecture
moderne et contemporaine, Franz Graf,
Presses Polytechniques et universitaires
romandes, 2014 A la Bpi, niv. 3 72.29 GRA
C’est le devenir de l’architecture du 20e siècle qui
est traité ici. Cet ouvrage de référence appelle à
l’élargissement de la recherche architecturale
contemporaine au projet dans l’existant, ainsi
qu’aux considérations sur la préservation des
qualités du bâti le plus récent.
- Conservation, restauration de l’architecture
du mouvement moderne, Catherine CompainGajac, Presses Universitaires de Perpignan, 2012
A la Bpi, niv. 3, 72.29 COM
Proposée selon trois axes, développement des
contextes, exposé de témoignages, exemplarité
d’une architecture prétexte, la réflexion se donne
pour objectif d'apporter des éléments d'analyse
supplémentaires sur les enjeux, les objectifs et les
moyens de la politique de patrimonialisation de
l'architecture du 20e siècle aujourd’hui en France
Reconvertir
le
patrimoine,
Isabelle
Rambaud, Lieux dits,
2011, A la Bpi, niveau 3,
72.29 REC
« Poser la problématique
de l’utilisation, c’est
revenir à la question de
l’utilité. De la dissociation
entre l’édifice et son usage est née la notion
même de Monument historique, œuvre du passé,
témoin vidé de sa fonction, « désutilisé ». Cette
doctrine a positionné le patrimoine dans une
nouvelle – et essentielle – utilité affective,
symbolique, culturelle, esthétique, identitaire.
Son inutilité rend le monument porteur d’un
message et facilite son appropriation ». (extrait
de introduction de l’ouvrage)
- Architecture(s) du XXe siècle et
reconversion(s), revue 303 art, recherches,
créations, juin 2010 n° 111 A la Bpi, niv. 3, 7(0)
TRO
La revue des Pays de Loire consacre un numéro
sur le thème de la reconversion du patrimoine du
20e siècle, démontrant la nécessité de la
reconversion pour les bâtiments afin d’éviter la
perte de témoins architecturaux importants : la
manufacture d’allumettes de Trélazé, les halles
Alstom et des garages à Nantes, une usine
d’aviation à Laval…
5
- Architectures de la
croissance : les paradoxes
de la sauvegarde, Uta
Hassler, Catherine Dumont
d’Ayot, IDB, 2009 A la Bpi,
niv. 3, 72.29 HAS
Entre les années 1960 et
1970, la masse bâtie et les
infrastructures
se
sont
accrues
de
manière
exponentielles dans toute l’Europe de l’Ouest.
Ce livre propose une analyse des enjeux et des
paradoxes liés aujourd’hui à cet héritage
complexe et à sa sauvegarde.
- China, converted
spaces, Tectum, 2007, A
la Bpi, niv. 3, 725.10 CHI
Ce livre témoigne du
mouvement
de
reconversions
architecturales
ailleurs
qu’en occident. La Chine
aussi transforme ses
usines en habitations. Ce livre montre la
créativité des architectes en Chine.
Construire
dans
l’existant : reconversion,
addition,
création,
Christian
Schittich
Birkauser 2006, A la Bpi,
niveau 3, 72.29 SCH
« Petit à petit, nous avons
affaire à des bâtiments qui
ne sont plus utiles dans
leur fonction initiale mais dont les espaces se
prêtent à des nouvelles utilisations. Des idées
créatives et des partis inhabituels sont tout aussi
indispensables que la justesse de l’intervention
dans et avec l’existant. Qu’il s’agisse d’une
restauration à l’identique, d’une rénovation
délicate ou d’une reconversion plus progressive,
« Construire dans l’existant » présente en détail
des projets du monde entier. »
Transcriptions
d’architectures
:
architecture et patrimoine : quels enjeux
pour demain ? ADPF, 2005 A la Bpi, niv. 3,
72.29 ROB
« Il est d’usage de
définir cette pratique
par
des
termes
utilisant le préfixe
« re », tels que
reconversion,
réhabilitation,
rénovation
ou
reconstruction. Notre
préférence pour le
préfixe « trans » se
justifie
par
une
orientation vers le futur, comme le montrent
tous les mots qui en sont composés (transmuter,
transfigurer, transformer etc…) […] La culture
de la transcription architecturale a également
pour contexte le respect des savoir-faire et des
métiers du bâtiment et le goût des matériaux
naturels. Pourrait-on dire que la transcription est
à l’architecture ce que les médecines douces sont
à la médecine ? »
question de reconversion, de restauration et de
réhabilitation. Il pose surtout les différentes
attitudes face à la récupération d’un bâti existant :
le respect intégral (la reconstitution historique),
la valorisation du lieu ancien, la complémentarité
neuf/ancien, le contraste neuf/ancien.
- Bâtiments anciens… Usages nouveaux,
images du possible, Centre Georges
Pompidou, CCI, 1979, A la Bpi, niveau 3, 72.29
BAT
La 4e de couverture de l’ouvrage pointe les
nouvelles préoccupations des années 70, celles
des deux crises pétrolières et de la fin de
l’industrialisation : « L’ampleur que prend
actuellement, dans la majorité des pays
occidentaux, la pratique de la reconversion des
bâtiments désaffectés en faveur de nouveaux
usages collectifs constitue un phénomène de
civilisation sans précédent à cette échelle : il est
révélateur, en France et à l’étranger, d’une
mutation de la société ».
Sur internet :

- L’architecture transformée : réhabilitation,
rénovation, réutilisation, Kenneth Powell,
Seuil, 1999, A la Bpi, niv. 3, 72.29 POW
Ce livre aborde tous les aspects du thème, que ce
soit l’architecture pour vivre, pour travailler,
pour se distraire, pour apprendre, pour se
cultiver : toutes ont fait l’objet d’une
transformation d’un bâti existant.
- Apologie du périssable, Robert Dulau,
Rouergue, 1991, A la Bpi, niv. 3, 72.29 APO
Des architectes, des historiens, des écrivains, des
philosophes...réfléchissent sur la protection du
patrimoine de la décennie 80 en France.
- Créer dans le créé : l’architecture
contemporaine dans les bâtiments anciens,
Exposition, CCI Centre Pompidou, 1986 A la
Bpi, niv. 3, 72.29 CRE
La pratique de la récupération a fait l’objet d’une
exposition dès 1986 au Centre Pompidou. Son
propos est différent de celui des préoccupations
d’aujourd’hui : il est alors principalement
considéré comme acte architectural, un choix
esthétique et idéologique. Il est pourtant déjà
6
Expositions en ligne :
-
L’exposition
Re.architecture,
Re.cycler,
Ré.utiliser,
Ré.investir,
Re.construire au Pavillon
de l’Arsenal en 2012,
aborde le thème par une
plate-forme
collective
d’exploration,
de
connaissance d’actions et de recherches autour
des mutations et des pratiques culturelles,
sociales et des politiques urbaines émergentes.
http://bit.ly/1IjLIBc
et plusieurs conférences en ligne en lien avec
l’exposition :
http://bit.ly/1HO6yYA
- Métamorphoses, exposition au Pavillon de
l’Arsenal à Paris du 21 avril au 24 mai 2015 :
De 2001 à 2012, toutes catégories et surfaces
confondues, 378 600 m² de bureaux ont été
autorisés à être transformés en logements à
Paris, soit un rythme de 31 500 m² par an. Voir
article et portfolio : http://bit.ly/1AbBsUF

Bases de données et portfolio :
- Architopik : Bases de données du Moniteur et
du Pavillon de l’Arsenal avec recherche par mots
clé : Reconversion :
http://bit.ly/1HRpMN1
- Le Courrier de l’architecte pour une liste
d’exemples :
http://bit.ly/1HO72xX
- Revue In situ : texte intégral en ligne avec
recherche par mot-clé, exemple avec
reconversion : http://bit.ly/1QFk59d
- Les prix du patrimoine culturel de l'Union
Européenne 2015 ont été l’occasion de revenir
sur des initiatives remarquables souvent
méconnues : http://bit.ly/1ENJBWy
- Détails d’architecture : blog avec magnifique
portfolio de reconversions récentes :
http://bit.ly/1bQ7RLe
2 - Construire la ville sur la ville : le
« déjà là »
« Ne rien perdre et gagner sur tout » LacatonVassal
La ville tentaculaire, étendue à l’infini
en zones pavillonnaires, zones
commerciales
et
autres
constructions, semble avoir vécu. La
ville déjà construite – le déjà là – est
désormais considérée comme une
réserve intermédiaire où se mélangent
de grandes quantités de matériaux et
d’énergies. La piazza Navona à Rome
construite sur le tracé du stade de
Domitien rappelle que la logique de
superposition n’est pas neuve.
Aujourd’hui, la préoccupation des
terrains vierges qui gagnent à le
7
rester, la considération pour le bâti
ordinaire comme la tour de logements
ou le pavillon banal, l’opportunité des
infrastructures existantes, rendent
toute matière propre à récupération, à
superposition, tel un palimpseste.
Construire dans l’existant est
considéré comme un apport fondé,
autant
écologiquement
qu’économiquement,
dans
de
nouvelles stratégies urbaines globales
de densification. Dans son livre
Déclin et survie des grandes villes
américaines
(1961), Jane Jacobs
affirme déjà
que les bâtiments
ordinaires méritent aussi d’être
préservés : les villes ont besoin de
vieux bâtiments, « même les plus
modestes, même en ruine ». La crise
du pétrole des années 70 amplifie le
mouvement et le protocole de Kyoto
en 1997 sonne le glas des conceptions
énergivores. Le but n’est pas la
préservation mais la transformation,
autrement dit une démarche plus
architecturale que sentimentale ou
historiciste, visant à créer de nouvelles
formes avec d’anciens matériaux. Plus
que jamais, nécessité étant mère
d’invention, les programmes de
transformation
engendrent
une
grande créativité. Les programmes
neufs tendent quant à eux à intégrer le
principe de mutabilité et de
réversibilité.
Des exemples : La tour Bois-le-Prêtre
à Paris par Lacaton&Vassal, la piscine
devenue musée à Roubaix par JeanPaul Philippon, Le Fresnoy à
Tourcoing par Bernard Tschumi, la
propre maison de Frank Gehry à Santa
Monica en Californie.
Dans ce contexte, l’architecture
religieuse devient un cas d’école.
Conséquence de la désaffection des
églises, les communes doivent faire
face au coût de leur entretien et
peuvent parfois être tentées par leur
destruction. Pourtant, de nombreuses
réalisations démontrent qu’il peut en
être autrement, de la réhabilitation à
grand frais comme l’église de Sarlat
du 14e siècle convertie en marché
couvert par Jean Nouvel, au simple
changement d’affectation comme la
chapelle du Généteil du 12e siècle de
Château-Gontier
devenue
lieu
d’exposition d’art contemporain, les
exemples se multiplient.
- Réenchanter le monde :
l'architecture et la ville face
aux grandes transitions.
Exposition,
Cité
de
l'Architecture
et
du
Patrimoine, 21 mai - 6
octobre 2014 / sous la
direction de Marie-Hélène
Contal. - 2014 A la Bpi, niv.
3, 72.02 CON
Cette exposition conçue avec les 40 lauréats
(2007-2014) du Global Award for Sustainable
Architecture interroge la mission de l’architecte
à l’ère des grandes transitions : démographique,
urbaine, écologique, énergétique, industrielle... Il
s’agit moins de montrer des bâtiments que de
raconter leur histoire, particulière : une
appropriation active par les hommes, des
programmes qu’on invente, des modèles usés
qu’on casse, une matière qu’on transforme, des
savoirs qui s’échangent à travers le monde, des
chantiers qui sont des laboratoires ou des leviers
d’émancipation.
- Réhabi(li)ter, Olivier Namias, Archibooks &
Sautereau, 2014, A la Bpi, niv. 3, 721.6 REH
En 2002, la Ville de Paris a chargé la SIEMP
(Société immobilière d’économie mixte de la
ville de Paris) de sortir de l'insalubrité 434
immeubles de la capitale. Quatorze exemples
emblématiques de réhabilitation-reconstruction,
conçus par de jeunes architectes, sont ici
8
présentés. L’initiative de la ville de Paris qui
reconvertit des immeubles de bureaux, sans
intérêt sur le marché – particulièrement des
années 60 et 70 – en logements sociaux est
inhabituelle et n’a pas d’équivalent en
Allemagne.
- S(t)imulation pavillonnaire, Laureline
Guilpain, Simon Jean Loyer, Aurore Rapin et al.
préface Yves Lion, Ecole nationale supérieure de
la ville et des territoires à Marne-la-Vallée Paris
:Archibooks + Sautereau, 2014 721.5 STI
Le point sur l'évolution possible et nécessaire de
l'architecture des maisons individuelles,
notamment dans le Val-de-Marne, s'appuyant
sur des exemples et des projets des années 20102020 : "comment bâtir, agrandir sans gêner les
voisins ou, mieux encore, avec les voisins ? Voici
donc une entreprise qui peut permettre la
transformation et la création d'un grand nombre
de logements, la valorisation d'un grand nombre
de propriétés privées, peut-être le demarrage
d'une autoconstruction sincère dès lors que l'on
s'affranchit du tabou de la limite séparative
aujourd'hui très protégée." (Yves Lion)
SOS
Pavillons
:
réhabilitations
&
extensions de pavillons
ordinaires, Olivier Darmon,
Ouest-France, 2014 A la Bpi,
niv. 3, 721.5 DAR
L’ouvrage veut démontrer
que la piètre conception des
pavillons ordinaires n’est pas
une fatalité mais plutôt un
potentiel à exploiter. Le parallélépipède standard
sous toiture à deux pentes est suffisamment
neutre pour autoriser une infinité de possibles,
préfigurant peut être une ère de « postlotissement ».
- Kraftwerk 1 : construire une vie coopérative
et durable, Martin Blum, Andréas Hofer & P.
M., Linteau, 2014 720.4 BLU
Kraftwerk, ou comment construire sa vie plutôt
que simplement la gagner. La création de cette
coopérative de logement à Zürich en 1993 sur
une ancienne centrale électrique a ouvert la voie
à nombre d'expérimentations en matière
d'habitat partagé. Vingt ans plus tard, l'édition
pour la première fois en langue française de son
manifeste fondateur est l'occasion de revenir sur
les enjeux de cette aventure aujourd'hui
couronnée de succès.
Article sur le livre : http://bit.ly/1DTpr6X
mieux apprécier les mérites de la reconversion :
vieilles églises, couvents désaffectés, entrepôts
industriels, château d’eau, tous devenus pour la
plupart des logements résidentiels.
- Métamorphouse :
transformer sa maison
au fil de la vie, Mariette
Beyeler,
Presses
polytechniques
et
universitaires romandes,
2014 A la Bpi, niv. 3,
721.5 BEY
L’auteure
présente un vaste éventail
de recommandations pour favoriser un habitat
évolutif, pouvant servir lors de l’achat d’une
maison, de la mise ne place d’un projet de
construction ou de l’adaptation d’une propriété
existante.
Exemples remarquables :
- Vers de nouveaux
logements
sociaux.
Exposition présentée à la
Cité de l'architecture du
patrimoine (Paris) à partir du
15 mars 2012, Jean-François
Pousse, Francis Rambert,
Silvana, 2012 A la Bpi, niv 3,
721.6 CIT
Créer ou recréer de
l’urbanité, recoudre les tissus déchirés, modifier
le regard porté sur les ensembles construits au
cours des Trente Glorieuses, tels sont les défis
auxquels se confrontent les architectes et les
maîtres d’ouvrage qui aspirent encore à faire du
logement social un laboratoire d’architecture,
dont l’une des réalisations emblématiques
s’illustre dans la réhabilitation de la tour de BoisLe-Prêtre par l’agence Lacaton&Vassal.
- Surprenants espaces
reconvertis, Julio Fajardo,
Atrium, 2008 A la Bpi, niv.
3, 72.29 FAJ
Le
sujet
de
la
transformation est abordé
sous
l’aspect
de
la
reconversion radicale :
aucun des bâtiments pris en
exemples garde sa fonction
initiale mais celle-ci est toujours présentée pour
9
La villa
Cavrois
de
Villa Cavrois- Wikipedia
Robert MalletStevens, dans le
Nord de la
France à Croix,
véritable
château Art déco de briques jaunes, est classée
Monument historique en 2001 pour la protéger
de la destruction totale. Proche de la ruine, des
années de travaux entrepris par l’Etat ont permis
sa restitution et son ouverture au public le 13 juin
2015.http://bit.ly/1IjNeTP
- Le chalet Lang
(dit le chalet à
pattes)
par
Denys Pradelle à
Courchevel est un
manifeste
architectural des
Chalet Lang - Courchevel© Région
«
Trente
Rhône-Alpes
glorieuses
»,
menacé
d'être
détruit par un programme de construction
luxueuse. La détermination de certains,
notamment de Jean-François Lyon-Caen et son
équipe architecture-paysage-montagne (école
d'architecture de Grenoble), a permis sa
sauvegarde en mettant en place un plan de
démontage pour le déplacer de son lieu
originel.
http://inventairerra.hypotheses.org/2948
Sur internet :
- Quel avenir pour les églises ? Le site du
Courrier de l’architecte rend compte d’un
diplôme d’architecture par Malard & Michaut
sur ce sujet d’actualité. Entre centre culturel et
extension de maison de retraite, les solutions
sont multiples : http://bit.ly/1GEn6Ue
3 - De la friche industrielle au lieu
culturel
La genèse du mouvement de défense
du patrimoine industriel remonte aux
années 50 en Angleterre, suite à la
destruction de nombreuses usines,
lors de la Seconde Guerre mondiale.
Depuis la création du terme
« archéologie industrielle » en 1955,
par l’historien britannique Michael
Rix, le processus de revalorisation n’a
fait que s’amplifier. Du "château" de
l’industrie de la fin du 19 e siècle au
bâtiment ingrat des docks sur la Seine
du début du 20 e siècle, toutes les
architectures sont récupérées par les
architectes d’aujourd’hui, qui leur
apportent un nouvel usage pour une
nouvelle vie. Les artistes ont été les
premiers à découvrir les anciennes
cathédrales du travail pour en faire de
grands ateliers à moindre frais et c’est
un fait que de nombreuses
transformations d’usines profitent
aujourd’hui au domaine culturel.
Les exemples sont nombreux et
témoignent de choix très divers, entre
transformation profonde, greffe,
occupation des lieux sans intervention
lourde… : La gare Saint Sauveur à
Lille, les archives du Monde du travail
par Sarfati dans l’usine Motte-Bossut
de Roubaix, Le Grand Hornu en
Belgique, le FRAC de Dunkerque, Le
Métaphone à Oignies, la Friche de la
Belle de Mai à Marseille, LU à Nantes
par Patrick Bouchain, le Lingotto à
Turin de Renzo Piano, les Docks sur
la Seine par Jakob et MacFarlane,
avec le concept de plug-over : greffe
spectaculaire sur des bâtiments du
début du 20e siècle.
10
- Reconversions :
l’architecture
industrielle
réinventée,
Emmanuelle
Real,
Inventaire général du
patrimoine, 2013 A la
Bpi, niveau 3, 720.4
REA
« A la suite d’un lent
processus de reconnaissance, l’architecture
industrielle fait maintenant partie de notre
patrimoine. Mais que faire de ces sites, parfois
gigantesques, après leur désaffection ? Au-delà
de leur sauvegarde, leur reconversion à de
nouveaux usages offre la possibilité, non
seulement de conserver leur mémoire, mais de
les faire renaître tout en insufflant une
dynamique nouvelle aux villes et aux territoires
dans lesquels ils s’inscrivent ». (4e de couverture)
- Métamorphoses :
la réutilisation du
patrimoine de l’âge
industriel dans la
métropole lilloise,
Le Passage, 2013 A
la Bpi, niveau 3,
720.4 MET
L’histoire de la
métropole lilloise,
liée à celle de
l’industrie textile, lui
a laissé en héritage un patrimoine architectural
exceptionnel. Aujourd’hui, après une période de
désindustrialisation initiée dès les années 1960,
nombre de châteaux de l’industrie textile, halles,
brasserie, et autre lieux de production d’alors ont
fait l’objet d’une reconversion. L’enjeu, en raison
de leur qualité architecturale et de la mémoire
sociale dont ils sont porteurs, est non seulement
patrimonial mais aussi urbanistique, placés au
sein de quartiers souvent défavorisés : le défi est
de préserver la qualité du bâti, la richesse de son
histoire, tout en donnant du sens à l’usage
nouveau qui en est fait.
- Architectures et paysages industriels :
l’invention d’un patrimoine, J.-F. Belhoste et
Paul Smith, La Martinière, 2012 A la Bpi, niveau
3, 720.4 BEL
« Ces usines, qu’elles soient encore en activité ou
reconverties en musée, banque, logements,
témoignent des révolutions techniques et des
avancées sociales portées par l’industrie du 15e à
la fin du 20e siècle. Ces lieux ont façonné nos
paysages urbains et ruraux, leurs murs racontent
une histoire humaine. Ils sont une part
essentielle de notre mémoire. »
Grand-Hornu
:
patrimoine
industriel,
création
contemporaine,
David Marchal, Archibooks +
Sautereau, 2010, A la Bpi, niv.
3, 720.4 GRA
Cette ancienne usine de
charbonnage belge, fermée en
1954, est reprise par la région
du Hainaut en 1984. L’usine transformée est
devenue depuis l’un des lieux européens de
référence en matière de design et d’arts
appliqués.
- Usines reconverties,
Mariarosaria
Tagliaferri,
Inédite, 2006, A la Bpi,
niveau 3, 720.4 USI
« Bien souvent, les édifices
subsistent au-delà de leur
fonction
premières,
témoins muets du temps qui
passe. Condamnés à l’oubli et surtout à être
démolis, magasins, entrepôts et usines peuvent
faire peau neuve et revivre dans la mesure où les
villes se transforment définitivement en centre
de loisirs, culturels et de services ».
- Les friches industrielles, point d’ancrage de
la modernité, Pierre Lamard, Lavauzelle, 2006,
A la Bpi, niv. 3, 720.4 LAM L'architecture
industrielle, ignorée voire méprisée il y a peu de
temps encore, se retrouve aujourd'hui au coeur
de nombreux enjeux d'ordre patrimonial,
urbanistique, économique...
11
Patrimoine
industriel
et
reconversion,
séminaire,
Bilbao,
Confluences, 2002, A la
Bpi, niveau 3 720.4 PAT
Actes
du
colloque
organisé à Bilbao en
2001 par l’association
Renaissance des Cités
d’Europe
sur
le
thème « Sauvegarde et mise en valeur de sites
européens de travail ouvrier du début du XXe
siècle en France, Espagne et Allemagne ».
Deux ressources internet
- Un atlas interactif du patrimoine du
bassin minier du Nord-Pas-de-Calais
http://bit.ly/1HUmLxf
- Une conférence en ligne : « Quelques
problématiques de la reconversion des
bâtiments industriels » par Jean-Bernard
Cremnitzer, architecte, professeur à l'Ecole
nationale
supérieure
d'architecture
de
Normandie (ENSAN)
http://bit.ly/1bQ3xeJ
4 - La parole aux architectes
contemporains
(extraites
du
catalogue d’exposition « Un bâtiment,
combien de vies » ) :
Marc Barani : «Le patrimoine, c’est ce
qui est disponible ».
Paul Chemetov : «Conserver c’est
transformer » (empruntée à Aurelio
Galfetti, dans le cadre de la mutation de
le Grande Galerie du Museum d’histoire
naturelle).
David Chipperfield : « Nous n’avons
pas à vivre dans la nouveauté d’un avenir
radieux, pas plus que nous devons nous
cacher derrière de rassurants pastiches du
passé. Nous devons habiter un présent en
perpétuelle évolution, motivés par les
possibilités du changement, avec le
bagage du passé et de l’expérience comme
garde-fou ».
Lacaton-Vassal : « Ajoutez du bien à ce
qui n’est pas si mal ».
Jean Nouvel : « Architecturer, c’est
transformer, organiser les mutations de ce
qui est déjà là ».
Christian de Portzamparc : « Le
durable, c’est le transformable »
Claude Parent : « Je suis pour qu’on
puisse modifier, transformer, à condition
que la transformation ait un sens et ne
détruise pas l’esprit du bâtiment ».
Renzo Piano : « Un aspect, c’est la
fragilité de la Terre. Désormais c’est clair,
on ne peut pas continuer ainsi, c’est
ridicule. Il faut construire autrement : et
du point du vue de l’énergie, et du point
de vue de la sagesse, du recyclage des
matériaux, etc. Ce n’est pas du tout une
attitude moraliste. C’est quelque chose
qui peut se transformer en un langage, un
vocabulaire, un langage qui nous
appartient et qui n’a rien à faire des
tendances, des styles, des contre-styles,
des ondulations du goût… Il s’agit plutôt
d’une chose qui s’appelle la pure force de
la nécessité. Et je trouve que cette pure
force de la nécessité, qui est beaucoup
plus intéressante que des obligations
idiotes, donne un véritable terrain
d’inspiration. C’est quelque chose de très
important. Il faut écouter la force de la
nécessité. C’est de là que l’on commence
et après, comme on est rêveur,
heureusement on sait rêver… »
Ce document propose une sélection de la Bpi.
D’autres ressources sont disponibles :
- Les deux principales cotes où sont rassemblés
les ouvrages sur le thème sont :
72.29 : restauration, conservation et
reconversions architecturales
720.4 : Bâtiments industriels, reconversions
des constructions industrielles
mais il convient d’interroger le catalogue pour
une recherche plus exhaustive
- La Bpi dispose d’une importante collection de
revues d’art et d’architecture, classée en 7(0)
et en 72(0) : consulter le site web Archirès pour
une recherche par sujet
- LA Bpi est abonnée à des ressources
électroniques permettant une recherche
d’articles de presse. En architecture, voir
notamment Art source, base de données mise à
jour quotidiennement et accès pour certains au
texte intégral.
- La Bpi dispose d’une collection de films
documentaires. Sur un exemple de
reconversion :
● Architectures. 4, La Saline d'Arc et Senans, La
Maison de verre, Le Musée Guggenheim de Bilbao, …,
Arte video/RMN, 2004, à voir à la Bpi, dans
l’espace film au 3e niveau de la bibliothèque.
« Arc et Senans 02 » par Original uploader was Calips at
fr.wikipedia —Sous licence CC BY-SA 1.0 via Wikimedia
Commons
- Ce dossier est consultable sur le site de la Bpi
Balises : http://www.bpi.fr/a-la-une
Bpi- Service Arts et Littératures – mai 2015
Pour aller encore plus loin …
12
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