L’offre documentaire de la Bpi sur… « Comme le cuisinier, l’architecte aurait son garde-manger et ferait sa recette en fonction de ce qui reste » Patrick Bouchain La Cité de l’Architecture à Paris présente une exposition jusqu’en septembre 2015 intitulée « Un bâtiment combien de vies ? La transformation comme acte de création ». Le titre sous forme de question nous interroge : et si pour construire nous n’avions plus besoin de démolir systématiquement ? Le pavillon français à la biennale de Venise de 2014 posait lui aussi une question « La modernité : promesse ou menace ?», en déclinaison de la thématique générale sur « 1 Absorber la modernité ». Tandis que le Pavillon de l’Arsenal, avec « Matière grise » en 2014, interrogeait la réutilisation des matériaux, le Pavillon réitère en 2015 et propose une nouvelle exposition, « Métamorphoses », axée sur la transformation des surfaces de bureaux parisiens en logements. Comment comprendre aujourd’hui ces questionnements autour de la création architecturale et les remises en cause des grands principes de la modernité ? La transformation, une idée neuve ? La transformation a bien été la première innovation architecturale. Aux siècles précédents, la rareté et la difficulté de mise en œuvre des matériaux rendaient évidente leur réutilisation (une église sur un temple antique, des logements dans une enceinte fortifiée, etc). Au 19e siècle, Viollet-le-Duc apporte une valeur créative à la conservation des monuments historiques en les estimant transformables. Ce n’est qu’à partir de l’ère industrielle que la récupération ou le réemploi apparaissent comme des idées contraires à la modernité architecturale. Le temps d’une vie… Le concept de modernité en Occident depuis le 20e siècle repose sur une rupture avec le passé, incarné par le principe de table rase et d’irréversibilité, conditions même du progrès. L’idée fondatrice du mouvement moderne, énoncée en 1896 par l’architecte Louis Sullivan selon laquelle « la forme suit la fonction », est à l’origine de l’architecture fonctionnaliste, véritable fil rouge de toute architecture se réclamant alors de l’avant-garde. L’usage d’un bâtiment devient immuable, et sa transformation une méthode à négliger : il n’a qu’une vie. Les plus grands architectes (Le Corbusier, Mies Van der Rohe, Frank Lloyd Wright…) ont cru à un monde nouveau, dont l’architecture au vocabulaire entièrement renouvelé devait refléter l’image. Par la suite, le postmodernisme n’a pas davantage laissé place au concept de réemploi. Les grands architectes du 20e siècle ont construit leur réputation sur des bâtiments sortis ex nihilo, véritables manifestes de la société de consommation et d’abondance 2 illimitées. Est-on aujourd’hui à la fin d’un cycle où seul le « geste architectural » est évalué, et pour lequel la fondation Louis Vuitton de Frank Gehry constituerait une sorte de chant du cygne ? …et le temps de plusieurs vies En ce siècle naissant, les conditions sont très différentes : les matières premières s’épuisent, la conscience environnementale s’aiguise, la fin de l’ère industrielle Chateau d'eau habité à change les Thorpeness, Suffolk paradigmes pour placer la notion de progrès sur d’autres champs. Dans ce contexte, le réemploi dans le domaine de l’architecture, s’il n’est pas une idée nouvelle, prend un sens différent. La réhabilitation n’est en effet plus considérée comme une mission peu gratifiante mais au contraire comme un défi créatif, une opportunité, tant d’un point de vue esthétique, qu’économique ou écologique. Faire du neuf avec du vieux devient une évidence. Les idées foisonnent et concernent autant la sauvegarde des monuments historiques que la réutilisation d’un bâtiment dénué de prestige, comme les friches industrielles ou les constructions des Trente glorieuses, laissées en déshérence. La grande nouveauté réside surtout ici : la préoccupation du bâti banal, notamment celui du 20e siècle, au cours duquel les constructions ont été particulièrement nombreuses avec un réemploi quasi nul. Tout devient alors matière à réutilisation par une transformation créative : des piscines en musées, des silos en hôtels, des moulins en restaurants, des filatures en appartements, des palaces en logements, des pavillons ordinaires en maisons design à énergie passive. Le plus grand défi pour le 21e siècle semble se nicher dans l’exploration du legs du 20e siècle. La production éditoriale, depuis les années 80, reflète cette prise de conscience, relayée par les expositions récentes. 1 - La pratique du re (re-cycler, réutiliser, ré-habiliter, re-structurer, réaffecter …) « Architecturer, c’est transformer, organiser les mutations de ce qui est déjà là » Jean Nouvel Un bâtiment représente une masse considérable de matériaux et présente un défi majeur au regard de l’environnement, de l’économie et du social. Est ainsi prise en compte sa Bibliothèque de l'université capacité à Pompeu Fabra - Barcelone dans un ancien réservoir s’inscrire dans un d’eau (1874) par Lluis Clotet , 1992-1999- Wikimedia environnement commons durable, une économie circulaire et un social éthique. La transformation comme acte de création architecturale devient alors une forme de réponse aux nécessités de notre époque, dont les exemples de réussites fleurissent aux quatre coins du monde : des logements sociaux 3 réhabilités jusqu’aux friches industrielles transformées en lieux culturels, en passant par des églises devenues centre de documentation, une nouvelle façon de considérer un bâtiment est à l’œuvre. Dès lors que sa destruction n’est plus envisagée, un bâtiment peut s’inscrire dans plusieurs cycles d’utilisation : la réutilisation peut lui donner un nouvel usage, la réhabilitation peut l’améliorer sans changer sa destination (un logement social dans un nouvel habillage), la reconversion peut lui donner une nouvelle fonction (une usine devient centre culturel). Il existe plusieurs manières d’intervenir sur une architecture préexistante. Il ne s’agit plus de conserver absolument mais de la rendre réutilisable. Si un bâtiment peut être périmé pour son usage ou par son style, il n’a pas de date de péremption. Grâce à la réversibilité de son architecture, le changement de sa fonction n’est plus un critère d’obsolescence : on peut lui greffer un corps étranger, injecter d’autres programmes, infiltrer une nouvelle modernité. Si logique soit-elle, la démarche de transformation n’est pas toujours facile à faire accepter et demande parfois de la part du maître d’œuvre un engagement presque militant pour prendre clairement parti contre la démolition en faveur de la transformation en préservant le « bien construit » du bâtiment d’origine, selon la « règle des trois R » : Reduce, Reuse, Recycle. L’évolution des grands prix d’architecture sur 25 ans démontre quant à elle que les jurys en sont venus à distinguer l’acte de transformer comme une création à part entière. - Un bâtiment combien de vies ? Exposition, cité de l’architecture et du patrimoine, 17 déc. 2014 – 28 sept. 2015 A la Bpi, niv. 3, 72.29 BAT « Et si on arrêtait de démolir systématiquement pour construire ? On a tous en tête l’inconsolable massacre des Halles de Baltard... et la polémique sur la destruction de l’usine de l’île Seguin, archétype s’il en est. Il y a une logique à transformer, à agir sur l’existant, à enclencher la mutation du patrimoine. C’est sans doute cela la nouvelle expérimentation spatiale, technique et programmatique du 21e siècle. « Un bâtiment, combien de vies ? » est une exposition à dimension éthique fuyant toute idée nostalgique. Pensée pour s’intégrer temporairement au parcours du musée, elle fait le point sur ce sujet indissociable de la question urbaine : la réutilisation pour ouvrir la voie de la renaissance, le recyclage pour stimuler de nouveaux usages. Ce type de « transgression » – se distinguant de la restauration et de la réhabilitation – est appelé à se banaliser dans le processus de la réversibilité de la ville contemporaine ». - Matière grise : matériaux, réemploi, architecture : Exposition, Pavillon de l'Arsenal, 2014 A la Bpi, niv. 3, 72.23 MAT Le thème de l’exposition du Pavillon vient en écho à celui de la Cité de l’Architecture et développe la même problématique mais au niveau du matériau : si nous venons à manquer de matériaux, nous ne manquons pas de matière grise, utilisée à penser la réutilisation de ceux-ci : « La mise en œuvre de 4 la matière réemployée dépasse la question matérielle, pour donner plutôt matière à penser ». Alexandre Labasse, directeur général du Pavillon de l’Arsenal. - Conception et réutilisation, K. Zreik et D. Estevez, Europia, 2014 A la Bpi, niv. 3. 72.20 ZRE Cet ouvrage, issu de la 9e édition du colloque 01Design, propose une réflexion ouverte sur les relations qui lient le principe de réutilisation avec les démarches contemporaines de conception en architecture, en urbanisme ou en design. La réutilisation, le recyclage, la recréation ou la transformation sont des notions explorées aujourd’hui par les concepteurs dans leur confrontation avec les réalités environnementales qui s’imposent à tous. Une nouvelle attitude de conception émerge, qui suppose notamment que le concepteur dispose désormais d’une conscience précise de la notion d’économie de moyens, c'est-à-dire d’une conception d’action économe. (4e de couverture) - La modernité : promesse ou menace ? J.-L.Cohen, Pavillon français, Biennale d’architecture de Venise 2014, Institut français, 2014 A la Bpi, niv. 3 724.407 COH Interroge le concept de modernité dans la thématique générale de la Biennale proposé par Rem Koolhaas : « Absorber la modernité ». - Transform : l'enseignement du projet d'architecture de reconversion, transformation, réhabilitation au sein de l'Ensa Normandie, Point de vues, 2014 A la Bpi, niv. 3 72.29 TRA L'Ecole Nationale d'Architecture de Normandie s'interroge sur l'enseignement de la réhabilitation, restauration, reconversion de bâtiments, discipline alors absente de la plupart des écoles. L'accent est mis sur un territoire, la Normandie, riches en friches industrielles (textiles, portuaires) et en reconstructions de l'après-guerre, offrant ainsi un vaste terrain d'expérimentations. - Histoire matérielle du bâti et projet de sauvegarde : devenir de l’architecture moderne et contemporaine, Franz Graf, Presses Polytechniques et universitaires romandes, 2014 A la Bpi, niv. 3 72.29 GRA C’est le devenir de l’architecture du 20e siècle qui est traité ici. Cet ouvrage de référence appelle à l’élargissement de la recherche architecturale contemporaine au projet dans l’existant, ainsi qu’aux considérations sur la préservation des qualités du bâti le plus récent. - Conservation, restauration de l’architecture du mouvement moderne, Catherine CompainGajac, Presses Universitaires de Perpignan, 2012 A la Bpi, niv. 3, 72.29 COM Proposée selon trois axes, développement des contextes, exposé de témoignages, exemplarité d’une architecture prétexte, la réflexion se donne pour objectif d'apporter des éléments d'analyse supplémentaires sur les enjeux, les objectifs et les moyens de la politique de patrimonialisation de l'architecture du 20e siècle aujourd’hui en France Reconvertir le patrimoine, Isabelle Rambaud, Lieux dits, 2011, A la Bpi, niveau 3, 72.29 REC « Poser la problématique de l’utilisation, c’est revenir à la question de l’utilité. De la dissociation entre l’édifice et son usage est née la notion même de Monument historique, œuvre du passé, témoin vidé de sa fonction, « désutilisé ». Cette doctrine a positionné le patrimoine dans une nouvelle – et essentielle – utilité affective, symbolique, culturelle, esthétique, identitaire. Son inutilité rend le monument porteur d’un message et facilite son appropriation ». (extrait de introduction de l’ouvrage) - Architecture(s) du XXe siècle et reconversion(s), revue 303 art, recherches, créations, juin 2010 n° 111 A la Bpi, niv. 3, 7(0) TRO La revue des Pays de Loire consacre un numéro sur le thème de la reconversion du patrimoine du 20e siècle, démontrant la nécessité de la reconversion pour les bâtiments afin d’éviter la perte de témoins architecturaux importants : la manufacture d’allumettes de Trélazé, les halles Alstom et des garages à Nantes, une usine d’aviation à Laval… 5 - Architectures de la croissance : les paradoxes de la sauvegarde, Uta Hassler, Catherine Dumont d’Ayot, IDB, 2009 A la Bpi, niv. 3, 72.29 HAS Entre les années 1960 et 1970, la masse bâtie et les infrastructures se sont accrues de manière exponentielles dans toute l’Europe de l’Ouest. Ce livre propose une analyse des enjeux et des paradoxes liés aujourd’hui à cet héritage complexe et à sa sauvegarde. - China, converted spaces, Tectum, 2007, A la Bpi, niv. 3, 725.10 CHI Ce livre témoigne du mouvement de reconversions architecturales ailleurs qu’en occident. La Chine aussi transforme ses usines en habitations. Ce livre montre la créativité des architectes en Chine. Construire dans l’existant : reconversion, addition, création, Christian Schittich Birkauser 2006, A la Bpi, niveau 3, 72.29 SCH « Petit à petit, nous avons affaire à des bâtiments qui ne sont plus utiles dans leur fonction initiale mais dont les espaces se prêtent à des nouvelles utilisations. Des idées créatives et des partis inhabituels sont tout aussi indispensables que la justesse de l’intervention dans et avec l’existant. Qu’il s’agisse d’une restauration à l’identique, d’une rénovation délicate ou d’une reconversion plus progressive, « Construire dans l’existant » présente en détail des projets du monde entier. » Transcriptions d’architectures : architecture et patrimoine : quels enjeux pour demain ? ADPF, 2005 A la Bpi, niv. 3, 72.29 ROB « Il est d’usage de définir cette pratique par des termes utilisant le préfixe « re », tels que reconversion, réhabilitation, rénovation ou reconstruction. Notre préférence pour le préfixe « trans » se justifie par une orientation vers le futur, comme le montrent tous les mots qui en sont composés (transmuter, transfigurer, transformer etc…) […] La culture de la transcription architecturale a également pour contexte le respect des savoir-faire et des métiers du bâtiment et le goût des matériaux naturels. Pourrait-on dire que la transcription est à l’architecture ce que les médecines douces sont à la médecine ? » question de reconversion, de restauration et de réhabilitation. Il pose surtout les différentes attitudes face à la récupération d’un bâti existant : le respect intégral (la reconstitution historique), la valorisation du lieu ancien, la complémentarité neuf/ancien, le contraste neuf/ancien. - Bâtiments anciens… Usages nouveaux, images du possible, Centre Georges Pompidou, CCI, 1979, A la Bpi, niveau 3, 72.29 BAT La 4e de couverture de l’ouvrage pointe les nouvelles préoccupations des années 70, celles des deux crises pétrolières et de la fin de l’industrialisation : « L’ampleur que prend actuellement, dans la majorité des pays occidentaux, la pratique de la reconversion des bâtiments désaffectés en faveur de nouveaux usages collectifs constitue un phénomène de civilisation sans précédent à cette échelle : il est révélateur, en France et à l’étranger, d’une mutation de la société ». Sur internet : - L’architecture transformée : réhabilitation, rénovation, réutilisation, Kenneth Powell, Seuil, 1999, A la Bpi, niv. 3, 72.29 POW Ce livre aborde tous les aspects du thème, que ce soit l’architecture pour vivre, pour travailler, pour se distraire, pour apprendre, pour se cultiver : toutes ont fait l’objet d’une transformation d’un bâti existant. - Apologie du périssable, Robert Dulau, Rouergue, 1991, A la Bpi, niv. 3, 72.29 APO Des architectes, des historiens, des écrivains, des philosophes...réfléchissent sur la protection du patrimoine de la décennie 80 en France. - Créer dans le créé : l’architecture contemporaine dans les bâtiments anciens, Exposition, CCI Centre Pompidou, 1986 A la Bpi, niv. 3, 72.29 CRE La pratique de la récupération a fait l’objet d’une exposition dès 1986 au Centre Pompidou. Son propos est différent de celui des préoccupations d’aujourd’hui : il est alors principalement considéré comme acte architectural, un choix esthétique et idéologique. Il est pourtant déjà 6 Expositions en ligne : - L’exposition Re.architecture, Re.cycler, Ré.utiliser, Ré.investir, Re.construire au Pavillon de l’Arsenal en 2012, aborde le thème par une plate-forme collective d’exploration, de connaissance d’actions et de recherches autour des mutations et des pratiques culturelles, sociales et des politiques urbaines émergentes. http://bit.ly/1IjLIBc et plusieurs conférences en ligne en lien avec l’exposition : http://bit.ly/1HO6yYA - Métamorphoses, exposition au Pavillon de l’Arsenal à Paris du 21 avril au 24 mai 2015 : De 2001 à 2012, toutes catégories et surfaces confondues, 378 600 m² de bureaux ont été autorisés à être transformés en logements à Paris, soit un rythme de 31 500 m² par an. Voir article et portfolio : http://bit.ly/1AbBsUF Bases de données et portfolio : - Architopik : Bases de données du Moniteur et du Pavillon de l’Arsenal avec recherche par mots clé : Reconversion : http://bit.ly/1HRpMN1 - Le Courrier de l’architecte pour une liste d’exemples : http://bit.ly/1HO72xX - Revue In situ : texte intégral en ligne avec recherche par mot-clé, exemple avec reconversion : http://bit.ly/1QFk59d - Les prix du patrimoine culturel de l'Union Européenne 2015 ont été l’occasion de revenir sur des initiatives remarquables souvent méconnues : http://bit.ly/1ENJBWy - Détails d’architecture : blog avec magnifique portfolio de reconversions récentes : http://bit.ly/1bQ7RLe 2 - Construire la ville sur la ville : le « déjà là » « Ne rien perdre et gagner sur tout » LacatonVassal La ville tentaculaire, étendue à l’infini en zones pavillonnaires, zones commerciales et autres constructions, semble avoir vécu. La ville déjà construite – le déjà là – est désormais considérée comme une réserve intermédiaire où se mélangent de grandes quantités de matériaux et d’énergies. La piazza Navona à Rome construite sur le tracé du stade de Domitien rappelle que la logique de superposition n’est pas neuve. Aujourd’hui, la préoccupation des terrains vierges qui gagnent à le 7 rester, la considération pour le bâti ordinaire comme la tour de logements ou le pavillon banal, l’opportunité des infrastructures existantes, rendent toute matière propre à récupération, à superposition, tel un palimpseste. Construire dans l’existant est considéré comme un apport fondé, autant écologiquement qu’économiquement, dans de nouvelles stratégies urbaines globales de densification. Dans son livre Déclin et survie des grandes villes américaines (1961), Jane Jacobs affirme déjà que les bâtiments ordinaires méritent aussi d’être préservés : les villes ont besoin de vieux bâtiments, « même les plus modestes, même en ruine ». La crise du pétrole des années 70 amplifie le mouvement et le protocole de Kyoto en 1997 sonne le glas des conceptions énergivores. Le but n’est pas la préservation mais la transformation, autrement dit une démarche plus architecturale que sentimentale ou historiciste, visant à créer de nouvelles formes avec d’anciens matériaux. Plus que jamais, nécessité étant mère d’invention, les programmes de transformation engendrent une grande créativité. Les programmes neufs tendent quant à eux à intégrer le principe de mutabilité et de réversibilité. Des exemples : La tour Bois-le-Prêtre à Paris par Lacaton&Vassal, la piscine devenue musée à Roubaix par JeanPaul Philippon, Le Fresnoy à Tourcoing par Bernard Tschumi, la propre maison de Frank Gehry à Santa Monica en Californie. Dans ce contexte, l’architecture religieuse devient un cas d’école. Conséquence de la désaffection des églises, les communes doivent faire face au coût de leur entretien et peuvent parfois être tentées par leur destruction. Pourtant, de nombreuses réalisations démontrent qu’il peut en être autrement, de la réhabilitation à grand frais comme l’église de Sarlat du 14e siècle convertie en marché couvert par Jean Nouvel, au simple changement d’affectation comme la chapelle du Généteil du 12e siècle de Château-Gontier devenue lieu d’exposition d’art contemporain, les exemples se multiplient. - Réenchanter le monde : l'architecture et la ville face aux grandes transitions. Exposition, Cité de l'Architecture et du Patrimoine, 21 mai - 6 octobre 2014 / sous la direction de Marie-Hélène Contal. - 2014 A la Bpi, niv. 3, 72.02 CON Cette exposition conçue avec les 40 lauréats (2007-2014) du Global Award for Sustainable Architecture interroge la mission de l’architecte à l’ère des grandes transitions : démographique, urbaine, écologique, énergétique, industrielle... Il s’agit moins de montrer des bâtiments que de raconter leur histoire, particulière : une appropriation active par les hommes, des programmes qu’on invente, des modèles usés qu’on casse, une matière qu’on transforme, des savoirs qui s’échangent à travers le monde, des chantiers qui sont des laboratoires ou des leviers d’émancipation. - Réhabi(li)ter, Olivier Namias, Archibooks & Sautereau, 2014, A la Bpi, niv. 3, 721.6 REH En 2002, la Ville de Paris a chargé la SIEMP (Société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris) de sortir de l'insalubrité 434 immeubles de la capitale. Quatorze exemples emblématiques de réhabilitation-reconstruction, conçus par de jeunes architectes, sont ici 8 présentés. L’initiative de la ville de Paris qui reconvertit des immeubles de bureaux, sans intérêt sur le marché – particulièrement des années 60 et 70 – en logements sociaux est inhabituelle et n’a pas d’équivalent en Allemagne. - S(t)imulation pavillonnaire, Laureline Guilpain, Simon Jean Loyer, Aurore Rapin et al. préface Yves Lion, Ecole nationale supérieure de la ville et des territoires à Marne-la-Vallée Paris :Archibooks + Sautereau, 2014 721.5 STI Le point sur l'évolution possible et nécessaire de l'architecture des maisons individuelles, notamment dans le Val-de-Marne, s'appuyant sur des exemples et des projets des années 20102020 : "comment bâtir, agrandir sans gêner les voisins ou, mieux encore, avec les voisins ? Voici donc une entreprise qui peut permettre la transformation et la création d'un grand nombre de logements, la valorisation d'un grand nombre de propriétés privées, peut-être le demarrage d'une autoconstruction sincère dès lors que l'on s'affranchit du tabou de la limite séparative aujourd'hui très protégée." (Yves Lion) SOS Pavillons : réhabilitations & extensions de pavillons ordinaires, Olivier Darmon, Ouest-France, 2014 A la Bpi, niv. 3, 721.5 DAR L’ouvrage veut démontrer que la piètre conception des pavillons ordinaires n’est pas une fatalité mais plutôt un potentiel à exploiter. Le parallélépipède standard sous toiture à deux pentes est suffisamment neutre pour autoriser une infinité de possibles, préfigurant peut être une ère de « postlotissement ». - Kraftwerk 1 : construire une vie coopérative et durable, Martin Blum, Andréas Hofer & P. M., Linteau, 2014 720.4 BLU Kraftwerk, ou comment construire sa vie plutôt que simplement la gagner. La création de cette coopérative de logement à Zürich en 1993 sur une ancienne centrale électrique a ouvert la voie à nombre d'expérimentations en matière d'habitat partagé. Vingt ans plus tard, l'édition pour la première fois en langue française de son manifeste fondateur est l'occasion de revenir sur les enjeux de cette aventure aujourd'hui couronnée de succès. Article sur le livre : http://bit.ly/1DTpr6X mieux apprécier les mérites de la reconversion : vieilles églises, couvents désaffectés, entrepôts industriels, château d’eau, tous devenus pour la plupart des logements résidentiels. - Métamorphouse : transformer sa maison au fil de la vie, Mariette Beyeler, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2014 A la Bpi, niv. 3, 721.5 BEY L’auteure présente un vaste éventail de recommandations pour favoriser un habitat évolutif, pouvant servir lors de l’achat d’une maison, de la mise ne place d’un projet de construction ou de l’adaptation d’une propriété existante. Exemples remarquables : - Vers de nouveaux logements sociaux. Exposition présentée à la Cité de l'architecture du patrimoine (Paris) à partir du 15 mars 2012, Jean-François Pousse, Francis Rambert, Silvana, 2012 A la Bpi, niv 3, 721.6 CIT Créer ou recréer de l’urbanité, recoudre les tissus déchirés, modifier le regard porté sur les ensembles construits au cours des Trente Glorieuses, tels sont les défis auxquels se confrontent les architectes et les maîtres d’ouvrage qui aspirent encore à faire du logement social un laboratoire d’architecture, dont l’une des réalisations emblématiques s’illustre dans la réhabilitation de la tour de BoisLe-Prêtre par l’agence Lacaton&Vassal. - Surprenants espaces reconvertis, Julio Fajardo, Atrium, 2008 A la Bpi, niv. 3, 72.29 FAJ Le sujet de la transformation est abordé sous l’aspect de la reconversion radicale : aucun des bâtiments pris en exemples garde sa fonction initiale mais celle-ci est toujours présentée pour 9 La villa Cavrois de Villa Cavrois- Wikipedia Robert MalletStevens, dans le Nord de la France à Croix, véritable château Art déco de briques jaunes, est classée Monument historique en 2001 pour la protéger de la destruction totale. Proche de la ruine, des années de travaux entrepris par l’Etat ont permis sa restitution et son ouverture au public le 13 juin 2015.http://bit.ly/1IjNeTP - Le chalet Lang (dit le chalet à pattes) par Denys Pradelle à Courchevel est un manifeste architectural des Chalet Lang - Courchevel© Région « Trente Rhône-Alpes glorieuses », menacé d'être détruit par un programme de construction luxueuse. La détermination de certains, notamment de Jean-François Lyon-Caen et son équipe architecture-paysage-montagne (école d'architecture de Grenoble), a permis sa sauvegarde en mettant en place un plan de démontage pour le déplacer de son lieu originel. http://inventairerra.hypotheses.org/2948 Sur internet : - Quel avenir pour les églises ? Le site du Courrier de l’architecte rend compte d’un diplôme d’architecture par Malard & Michaut sur ce sujet d’actualité. Entre centre culturel et extension de maison de retraite, les solutions sont multiples : http://bit.ly/1GEn6Ue 3 - De la friche industrielle au lieu culturel La genèse du mouvement de défense du patrimoine industriel remonte aux années 50 en Angleterre, suite à la destruction de nombreuses usines, lors de la Seconde Guerre mondiale. Depuis la création du terme « archéologie industrielle » en 1955, par l’historien britannique Michael Rix, le processus de revalorisation n’a fait que s’amplifier. Du "château" de l’industrie de la fin du 19 e siècle au bâtiment ingrat des docks sur la Seine du début du 20 e siècle, toutes les architectures sont récupérées par les architectes d’aujourd’hui, qui leur apportent un nouvel usage pour une nouvelle vie. Les artistes ont été les premiers à découvrir les anciennes cathédrales du travail pour en faire de grands ateliers à moindre frais et c’est un fait que de nombreuses transformations d’usines profitent aujourd’hui au domaine culturel. Les exemples sont nombreux et témoignent de choix très divers, entre transformation profonde, greffe, occupation des lieux sans intervention lourde… : La gare Saint Sauveur à Lille, les archives du Monde du travail par Sarfati dans l’usine Motte-Bossut de Roubaix, Le Grand Hornu en Belgique, le FRAC de Dunkerque, Le Métaphone à Oignies, la Friche de la Belle de Mai à Marseille, LU à Nantes par Patrick Bouchain, le Lingotto à Turin de Renzo Piano, les Docks sur la Seine par Jakob et MacFarlane, avec le concept de plug-over : greffe spectaculaire sur des bâtiments du début du 20e siècle. 10 - Reconversions : l’architecture industrielle réinventée, Emmanuelle Real, Inventaire général du patrimoine, 2013 A la Bpi, niveau 3, 720.4 REA « A la suite d’un lent processus de reconnaissance, l’architecture industrielle fait maintenant partie de notre patrimoine. Mais que faire de ces sites, parfois gigantesques, après leur désaffection ? Au-delà de leur sauvegarde, leur reconversion à de nouveaux usages offre la possibilité, non seulement de conserver leur mémoire, mais de les faire renaître tout en insufflant une dynamique nouvelle aux villes et aux territoires dans lesquels ils s’inscrivent ». (4e de couverture) - Métamorphoses : la réutilisation du patrimoine de l’âge industriel dans la métropole lilloise, Le Passage, 2013 A la Bpi, niveau 3, 720.4 MET L’histoire de la métropole lilloise, liée à celle de l’industrie textile, lui a laissé en héritage un patrimoine architectural exceptionnel. Aujourd’hui, après une période de désindustrialisation initiée dès les années 1960, nombre de châteaux de l’industrie textile, halles, brasserie, et autre lieux de production d’alors ont fait l’objet d’une reconversion. L’enjeu, en raison de leur qualité architecturale et de la mémoire sociale dont ils sont porteurs, est non seulement patrimonial mais aussi urbanistique, placés au sein de quartiers souvent défavorisés : le défi est de préserver la qualité du bâti, la richesse de son histoire, tout en donnant du sens à l’usage nouveau qui en est fait. - Architectures et paysages industriels : l’invention d’un patrimoine, J.-F. Belhoste et Paul Smith, La Martinière, 2012 A la Bpi, niveau 3, 720.4 BEL « Ces usines, qu’elles soient encore en activité ou reconverties en musée, banque, logements, témoignent des révolutions techniques et des avancées sociales portées par l’industrie du 15e à la fin du 20e siècle. Ces lieux ont façonné nos paysages urbains et ruraux, leurs murs racontent une histoire humaine. Ils sont une part essentielle de notre mémoire. » Grand-Hornu : patrimoine industriel, création contemporaine, David Marchal, Archibooks + Sautereau, 2010, A la Bpi, niv. 3, 720.4 GRA Cette ancienne usine de charbonnage belge, fermée en 1954, est reprise par la région du Hainaut en 1984. L’usine transformée est devenue depuis l’un des lieux européens de référence en matière de design et d’arts appliqués. - Usines reconverties, Mariarosaria Tagliaferri, Inédite, 2006, A la Bpi, niveau 3, 720.4 USI « Bien souvent, les édifices subsistent au-delà de leur fonction premières, témoins muets du temps qui passe. Condamnés à l’oubli et surtout à être démolis, magasins, entrepôts et usines peuvent faire peau neuve et revivre dans la mesure où les villes se transforment définitivement en centre de loisirs, culturels et de services ». - Les friches industrielles, point d’ancrage de la modernité, Pierre Lamard, Lavauzelle, 2006, A la Bpi, niv. 3, 720.4 LAM L'architecture industrielle, ignorée voire méprisée il y a peu de temps encore, se retrouve aujourd'hui au coeur de nombreux enjeux d'ordre patrimonial, urbanistique, économique... 11 Patrimoine industriel et reconversion, séminaire, Bilbao, Confluences, 2002, A la Bpi, niveau 3 720.4 PAT Actes du colloque organisé à Bilbao en 2001 par l’association Renaissance des Cités d’Europe sur le thème « Sauvegarde et mise en valeur de sites européens de travail ouvrier du début du XXe siècle en France, Espagne et Allemagne ». Deux ressources internet - Un atlas interactif du patrimoine du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais http://bit.ly/1HUmLxf - Une conférence en ligne : « Quelques problématiques de la reconversion des bâtiments industriels » par Jean-Bernard Cremnitzer, architecte, professeur à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Normandie (ENSAN) http://bit.ly/1bQ3xeJ 4 - La parole aux architectes contemporains (extraites du catalogue d’exposition « Un bâtiment, combien de vies » ) : Marc Barani : «Le patrimoine, c’est ce qui est disponible ». Paul Chemetov : «Conserver c’est transformer » (empruntée à Aurelio Galfetti, dans le cadre de la mutation de le Grande Galerie du Museum d’histoire naturelle). David Chipperfield : « Nous n’avons pas à vivre dans la nouveauté d’un avenir radieux, pas plus que nous devons nous cacher derrière de rassurants pastiches du passé. Nous devons habiter un présent en perpétuelle évolution, motivés par les possibilités du changement, avec le bagage du passé et de l’expérience comme garde-fou ». Lacaton-Vassal : « Ajoutez du bien à ce qui n’est pas si mal ». Jean Nouvel : « Architecturer, c’est transformer, organiser les mutations de ce qui est déjà là ». Christian de Portzamparc : « Le durable, c’est le transformable » Claude Parent : « Je suis pour qu’on puisse modifier, transformer, à condition que la transformation ait un sens et ne détruise pas l’esprit du bâtiment ». Renzo Piano : « Un aspect, c’est la fragilité de la Terre. Désormais c’est clair, on ne peut pas continuer ainsi, c’est ridicule. Il faut construire autrement : et du point du vue de l’énergie, et du point de vue de la sagesse, du recyclage des matériaux, etc. Ce n’est pas du tout une attitude moraliste. C’est quelque chose qui peut se transformer en un langage, un vocabulaire, un langage qui nous appartient et qui n’a rien à faire des tendances, des styles, des contre-styles, des ondulations du goût… Il s’agit plutôt d’une chose qui s’appelle la pure force de la nécessité. Et je trouve que cette pure force de la nécessité, qui est beaucoup plus intéressante que des obligations idiotes, donne un véritable terrain d’inspiration. C’est quelque chose de très important. Il faut écouter la force de la nécessité. C’est de là que l’on commence et après, comme on est rêveur, heureusement on sait rêver… » Ce document propose une sélection de la Bpi. D’autres ressources sont disponibles : - Les deux principales cotes où sont rassemblés les ouvrages sur le thème sont : 72.29 : restauration, conservation et reconversions architecturales 720.4 : Bâtiments industriels, reconversions des constructions industrielles mais il convient d’interroger le catalogue pour une recherche plus exhaustive - La Bpi dispose d’une importante collection de revues d’art et d’architecture, classée en 7(0) et en 72(0) : consulter le site web Archirès pour une recherche par sujet - LA Bpi est abonnée à des ressources électroniques permettant une recherche d’articles de presse. En architecture, voir notamment Art source, base de données mise à jour quotidiennement et accès pour certains au texte intégral. - La Bpi dispose d’une collection de films documentaires. Sur un exemple de reconversion : ● Architectures. 4, La Saline d'Arc et Senans, La Maison de verre, Le Musée Guggenheim de Bilbao, …, Arte video/RMN, 2004, à voir à la Bpi, dans l’espace film au 3e niveau de la bibliothèque. « Arc et Senans 02 » par Original uploader was Calips at fr.wikipedia —Sous licence CC BY-SA 1.0 via Wikimedia Commons - Ce dossier est consultable sur le site de la Bpi Balises : http://www.bpi.fr/a-la-une Bpi- Service Arts et Littératures – mai 2015 Pour aller encore plus loin … 12