Les secrets de la jolie Néfertiti Les secrets de la jolie Néfertiti

C’est le ministre égyptien des
Antiquités, Mamdouh al-Dama-
ti, qui en a fait l’annonce ce sa-
medi : de nouvelles analyses au
radar menées dans la tombe
du pharaon Toutankhamon à
Louxor suggèrent l’existence
d’une chambre secrète. «
Les ex-
perts sont approximativement
sûrs à 90 % de l’exis-
tence d’une telle
chambre cachée
»,
a déclaré le mi-
nistre. Tout en
restant malgré
tout prudent,
indiquant que
les résultats de
deux nouvelles
journées d’analyse
devaient être encore
confirmés et que cela
pourrait prendre un mois.
UN ESPACE VIDE
Mais voilà de quoi apporter de
l’eau au moulin de l’archéo-
logue britannique Nicholas
Reeves, convaincu que la reine
Néfertiti est enterrée dans cette
pièce secrète. «
Les tests effec-
tués sur le mur nord de la
chambre funéraire de Toutan-
khamon semblent indiquer qu’il
y a une distinction claire entre
de la roche dure et quelque
chose d’autre, qui devrait être
un espace vide
», a indiqué ce-
lui-ci. «
La conclusion, c’est qu’il
y a une extension à la tombe de
Toutankhamon, au-delà du mur
nord
», s’est réjoui l’archéo-
logue persuadé que Néfertiti se
trouve derrière ledit mur.
Cette reine fut l’épouse du
pharaon Akhenaton, le père de
Toutankhamon qui convertit
temporairement l’Égypte an-
tique au monothéisme en im-
posant le culte exclusif du
Dieu du soleil, Aton. À ce jour,
les égyptologues n’ont jamais
découvert la momie de cette
reine à la beauté légendaire,
qui exerça un rôle politique et
religieux fondamental au XIVe
siècle avant Jésus-Christ.
DEUX THÈSES S’AFFRONTENT
Pourquoi cette reine influente
aurait-elle été enterrée dans
une chambre attenante au
tombeau de Toutan-
khamon ?
Tout le mystère
aurait son ori-
gine dans le dé-
cès inattendu
de l’enfant-roi à
19 ans en 1324
avant Jésus-
Christ, après
seulement neuf
ans de règne, estime
Nicholas Reeves. Faute de
tombeau disponible pour ac-
cueillir Toutankhamon, les
prêtres auraient ainsi décidé de
rouvrir la tombe de Néfertiti,
dix ans après sa mort, pour in-
humer le pharaon dans le
mausolée qui au départ n’était
pas prévu pour lui, soutient
l’égyptologue.
Nicholas Reeves qui, par
ailleurs, affirme que les pein-
tures murales de la chambre
funéraire de Toutankhamon
pourraient dissimuler deux
portes dont l’existence était res-
tée jusqu’ici inconnue. Si, se-
lon lui, la première mène à la
chambre funéraire de Néfertiti,
la seconde pourrait conduire à
une chambre de stockage inex-
plorée, qui da-
terait apparem-
ment de l’ère Toutankhamon.
Le ministre égyptien des Anti-
quité, Mamdouh al-Damati, a
d’ores et déjà dit s’attendre à la
« découverte du XXIesiècle ».
Même si le ministre ne partage
pas l’hypothèse de Nicholas
Reeves. Mamdouh al-Damati
pense, lui, que la chambre se-
crète renferme plu-
tôt la sépulture de Kiya,
une autre épouse d’Akhenaton,
la fille du pharaon Toutankha-
mon ou encore un autre
membre de la famille royale.
Une thèse partagée par son
prédécesseur et expert de
l’Égypte antique, Zahi Hawass.
«
Nefertiti n’aurait jamais pu
être enterrée dans la Vallée des
Rois. Elle a participé au culte
d’Aton avec Akhenaton durant
des années. Les prêtres n’au-
raient jamais autorisé son enter-
rement dans la Vallée des Rois
»,
affirme-t-il.
Contrairement aux tombeaux
d’autres pharaons qui ont qua-
siment tous été pillés au fil des
millénaires, le mausolée de
Toutankhamon, découvert le 4
novembre 1922 par l’archéo-
logue britannique Howard Car-
ter, recelait plus de 5.000 ob-
jets intacts, vieux de 3.300 ans,
dont bon nombre en or massif
et dédiés pour la plupart à des
femmes.
93 ans plus tard, il n’a visible-
ment pas encore révélé tous ses
secrets. l
PIERRE MARTIN
,
NOUVELLES DÉCOUVERTES À LOUXOR (ÉGYPTE)
Les secrets de la jolie Néfertiti
bientôt mis à jour
Les secrets de la jolie Néfertiti
bientôt mis à jour
Elle reposerait dans une chambre secrète du tombeau de son fils Toutankhamon
93 ans après la découverte
du mausolée de
Toutankhamon, l’hypothèse de
l’égyptologue Nicholas Reeves, se
précise : Néfertiti, la reine à la
beauté légendaire, reposerait
dans une chambre secrète du
tombeau de Toutankhamon. La
présence d’une telle chambre est
maintenant quasi certaine.
2
27 DIMANCHE DIMANCHE 29 NOVEMBRE 2015
« Comme je le dis à mes étu-
diants, l’archéologie est la science
de saint Thomas. J’attends donc
de voir…
», nous a répondu, sa-
medi après-midi, Dimitri La-
boury, directeur de recherches
du FNRS et professeur-adjoint
au service d’Égyptologie et d’Ar-
chéologie égyptienne de l’uni-
versité de Liège.
Selon lui, une chambre secrète
dans un tombeau est une pra-
tique possible dans la Vallée
des Rois. «
En fait, si on rebou-
chait un accès à la tombe d’un
souverain, c’était une sorte de
protection contre les voleurs afin
que le mausolée ne soit pas pillé.
Maintenant, quand on parle d’ir-
régularités, de reliefs, dans les
peintures murales, il faut savoir à
quoi elles sont dues. Les artistes
de l’époque utilisaient leurs
doigts ou des truelles de
l’époque, un faux mouvement ne
peut être exclu. Mais si, effective-
ment ces reliefs tendent à dé-
montrer l’existence d’un passage
rebouché, il faut bien sûr aller
voir derrière…
»
BON POUR LE TOURISME
Pour le Liégeois, en fait, cette
annonce, samedi, du ministre
égyptien des Antiquités n’ap-
porte pas grand-chose par rap-
port à ce que Nicholas Reeves
défend depuis longtemps. «
Je le
connais bien. Ce n’est pas un far-
felu mais c’est quelqu’un qui a
du caractère, qui croit à sa thèse
et qui ne soucie pas trop d’avis
contraires à celle-ci. Il n’a pas tou-
jours été le bienvenu en Égypte.
Mais je crois qu’il participe ici à
un effet médiatique et politique
des autorités égyptiennes qui
font tout, vous le savez, pour re-
dorer l’image de leur tourisme
malmené par le terrorisme. On a
encore eu le cas, voici deux ans,
avec des effets d’annonce pour la
découverte, par des Belges, des
vestiges d’une nouvelle pyra-
mide… déjà évoquée pourtant au-
paravant…
»
Mais Dimitri Laboury ne se
veut pas pour autant incrédule.
«
Cette annonce permet en tout
cas de poursuivre les recherches.
Soit il s’agit d’une anomalie dans
la roche. Soit, il y a bien une
chambre mais vide, soit elle
contient une tombe. Celle de Né-
fertiti ? Pour moi, ce montage fait
d’hypothèses sur hypothèses, est
plausible mais audacieux
». l
P. MARTIN
DIMITRI LABOURY - ÉGYPTOLOGUE
« Un montage
assez audacieux »
Dimitri Laboury (médaillon) attend la suite des opérations. lDR
Néfertiti (dont le nom signifie
« la parfaite est arrivée ») est la
grande épouse royale d’Akhe-
naton, l’un des derniers rois de
la XVIII
e
dynastie, père de Tou-
tankhamon. Elle a vécu aux
environs de 1370 à 1333-1334
av. J.-C et a été appelée « Maî-
tresse de la Haute et Basse-
Égypte ». Son buste à la beauté
éblouissante, découvert en
1912 par l’archéologue alle-
mand Ludwig Borchardt et ex-
posé au Neues Museum de
Berlin, a fait sa notoriété et lui
a donné le surnom de « Mona
Lisa égyptienne ».
On a plusieurs fois pensé avoir
trouvé la momie de Néfertiti.
Ainsi, en 1898, deux momies
féminines ont été trouvées
dans la tombe d’Amenhotep II.
Grâce à l’ADN, l’une a été iden-
tifiée en 2003 comme étant
Tiye, autre reine d’Égypte.
L’autre, en mauvais état, reste
un mystère.
On l’a dit, la thèse de Nicholas
Reeves ne fait pas l’unanimité.
Tout comme persiste le débat
sur le fait que Néfertiti soit ou
non la mère de Toutankha-
mon.
L’égyptologue français Marc
Gabolde soutient, dans la ré-
cente biographie qu’il
consacre à Toutankhamon
que Néfertiti est bien sa mère.
«
Toutankhamon est le fruit des
amours d’Akhenaton et de sa
cousine Néfertiti, née de ma-
riages entre cousins. Ce qui ex-
pliquerait que leurs ADN soient
proches de ceux d’un frère et
d’une sœur
». Ce qui conduit
Gabolde à suggérer que «
la
momie de Néfertiti serait celle
de la tombe KV 35, dite de la
Young Lady, de la Vallée des rois,
à Karnak, l’ancienne Thèbes
».
Et non à Louxor donc. l
MYSTÉRIEUSE À PLUS D’UN TITRE
La reine Néfertiti c’est la
« Mona Lisa égyptienne »
Quelle beauté ! lDR
S’il dit s’attendre à la « découverte du
XXesiècle », le ministre égyptien des
Antiquités a déjà insisté sur le fait qu’il
faudra s’entendre sur la méthode à uti-
liser « pour atteindre ce qui se trouve
derrière les murs ».
« Nous devons y arriver sans endom-
mager la tombe, ni les peintures funé-
raires », a souligné Mamdouh al-Da-
mati, estimant que les archéologues
pourraient atteindre la chambre se-
crète en trois mois, mais précisant que
ce délai pourrait être plus long.
« Une méthode possible est un dérivé
de la chirurgie moderne », note Jean
Winand, égyptologue à l’université de
Liège. « Creuser un trou infiniment pe-
tit dans le décor et y glisser une petite
caméra, un endoscope, pour ensuite
reboucher le trou. »
Mais Jean Winand évoque ce qu’on
pourrait appeler le doute, le scepti-
cisme égyptien. « Pour un archéo-
logue, s’il ne découvre rien, fermer ain-
si une porte est déjà intéressant. Pour
les Égyptiens, il faudrait d’abord avoir
la certitude de découvrir quelque
chose d’intéressant avant de pour-
suivre les fouilles… » l
P.M.
LE DOUTE ÉGYPTIEN
Reste à voir comment
percer le mystère
lDR
Pour le
ministre
égyptien, il
s’agit de « la
découverte du
XXI
e
siècle »
Carter découvre Toutankhamon en 1922. lDR De possibles passages rebouchés autour de Toutankhamon. lDR
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