TémoignagedeRémiDREYFUS
SenneceyleGrand,batailledu4septembre1944
J’étaisàSenneceydanslabatailledu4septembre1944maisn’ysuispasrevenudepuis.J’yreviens
aujourd’huiparcequej’ai95ansetquec’estunâgeonnepeutpasêtresûtd’êtreprésent
l’annéesuivante.
JenevousraconteraipaslafulguranteopérationmenéeparlesjeepsduLieutenantdeRoquebrune.
Cequejeveuxvousraconteraujourd’hui,c’estlabatailledefantassinsmenéesurleplateaude
LaivesquidomineSenneceyetquidevaitservirdepointdereplisauxjeeps.Dansuncombatde
guérillamenéparunepoignéed’hommesetc’estàcetypedecombatquelesSASétaient
entrainésiln’estpasquestion,aprèsavoirréussisonintervention,d’affronterlesmilliers
d’hommesfaceauxquelsonsetrouve.Définirunitinérairederepliversunrefugepossibleestune
nécessitéimpérieuse.
C’estpourquoileCapitaineBoissonnasvintmeréveillerà6heuresdumatinle4septembrepourme
dire:«deRoquebruneestarrivédanslesecteuretadécidédefrapperungrandcoupsurles
allemandsregroupésàl’arrêtdansSennecey.»
D’unepartilabesoindequatrevolontairespourcompléterseséquipages.Quatrehommesdemon
stickseproposèrent:Barkatz,LombardoetlesdeuxfrèresDjian.Ilsdevaientpérirquelquesheures
plustardavecdeRoquebruneetseséquipagesdontnoussaluonslecouragechaqueannée.
D’autreparmeditBoissonnas:aveclesquatreparaquivousrestentdontNorbertBeyrardempêché
deveniriciaujourd’huietunequarantained’hommes,ouplus,appartenantaumaquisduCharolais
quinoushébergeaitetnousprotégeait,vousallezoccuperLaivesdontlesallemandssontpartis.Le
villagedomineSenneceyetserviraderefugeauxjeepsaprèsleurcoupdeforce.
Jeveuxexpliquerpourquoicefutàmoiques’adressaBoissonnasalorsquelechefdemonstick
parachutéle17aoûtentreChalonsetTournusétaitlelieutenantZermati.Ilavaitétévictimelaveille,
le3septembre,d’unecrisedepaludetévacuéparnosmaquisardsversdeslieuxpluscalmes.Ilfut
rétablienfindesoiréeetserenditdanslanuitàunrendezvousavecJarrot(commandantundes
bataillonsdumaquis)etd’autresofficiersquipréparaientl’opératifdulendemain.
RevenonsàSenneceyetnousvoilàpartis,maisnousfumesreçusàcoupdefusilmitrailleur.Les
allemandsavaientréoccupélevillageetcefutànousdelesdéloger.
Jepostedeshommesarmésdefusilunpeupartoutautourduvillagecequifitcroireauxallemands
quenousétionsnombreuxmaisquandilss’aperçurentdenotrebluffcefutànousdesouffrir.
Nousavonséchangédesfusilladespendantunbonmoment.IlfautnoteraussiqueNorbertBeyrard
proposadelaissersortirlesblindésetdelesaccueilliràcoupdebazooka.Cetteinitiativeserévéla
accablantepourlesallemandsetpermisàplusieursd’entrenousdes’évanouirversleszones
contrôléesparlemaquis.
Boissonnas,lui,avaitprislatêted’uneautrepetitetroupedemaquisardsmaisfutarrêtéàhauteur
deNantonpardesunitésSSencoreprésentessurleplateauquidomineSennecey.Ilfuttuésur
place.
PourmapartjepoursuivaismatentativedereprendreLaiveslorsqu’àmagrandesurpriseles
allemandss’enretirèrent.IlsavaientprobablementapprisparradioqueRoquebruneetsesjeeps
avaientétémiseshorsdecombat.
NousrestionsmaîtresdeLaives,maistroptard.
C’étaitlafindecettejournéeaussifollequetéméraire.Nousavionstuébeaucoupd’allemandsmais
perdutropdenoshommesettoutcequejepeuxdire,70ansplustard,c’estquesilatéméritéestla
formelaplusextrêmeducourageilsontréussiànouslemontrerd’unemanièrequirestera
longtempsdansnosmoires.
Jesouhaitequelquesinstantsdesilencepourleuradresserunderniersalut.
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