Quelles actions de l`état pour l`environnement un an après le

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CHEMI
Centre des Hautes Études du Ministère de l’Intérieur
&
Journées d’études
de réflexion
Quelles actions de l’état
pour l’environnement un
an après le sommet de
Copenhague ?
2010
2011
8
actes
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
La « photo de classe » de la
Journée Environnement
26 novembre 2010
Intervenants
Valérie MASSON-DELMOTTE, S.E. Gunnar LUND, Jean-Louis CHAUSSADE, PierreFranck CHEVET, Jean-Benoît ALBERTINI
Préfet référent
Rollon MOUCHEL-BLAISOT, Préfet, Directeur général,
de l’association des maires de France
Préfets participants
Dominique BELLION, Jean-Jacques BROT, Philippe DERUMIGNY, Joël FILY,
Thierry LATASTE, Pascal MAILHOS, Bertrand MARéCHAUX, Didier MARTIN,
Jean-Luc MARX, Yvette MATHIEU, Pierre MONZANI, Hugues MOUTOUH, JeanLuc NEVACHE, François PHILIZOT, Nicolas QUILLET
CHEMI
Jean-Martin JASPERS, directeur du CHEMI
Xavier DUPONT, Colonel Jean-Luc FAVIER
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
1.
Rollon MOUCHEL BLAISOT
Préfet, Directeur général de l’association
des maires de France, préfet référent
Introduction
M. le Préfet Rollon MOUCHEL BLAISOT, préfet référent, rappelle les principaux
éléments du contexte de 2010-2011.
Les préoccupations environnementales, naguère variables d’ajustement, sont
désormais devenues, en France et en Europe, le cœur des politiques publiques. Les
entreprises ont d’ailleurs parfaitement compris ces enjeux et ont intégré les préoccupations de
développement durable très en amont de leurs offres, en apportant constamment des innovations
technologiques.
L’actualité politique nationale et internationale reste rythmée par des rencontres majeures :
après le Grenelle de l’environnement de juillet 2009 et le sommet de Copenhague de
décembre 2009, arrive le temps du sommet de Cancun (décembre 2010).
Si les préfets sont impliqués au premier chef par ces questions en tant que coordonnateurs
de l’action publique de l’état, il faut garder en tête que la France est particulièrement
concernée par les questions d’environnement du fait de la présence, dans l’espace français,
des outremers, qui représentent une richesse incomparable en matière d’environnement et de
bio-diversité. ¢
2.
Mme Valérie MASSON-DELMOTTE
Directrice de recherche au CEA et experte
du Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat (GIEC)
Le contexte international et la nécessité d’une réponse coordonnée au niveau
mondial : quels pistes et obstacles ?
Mme Valérie MASSON-DELMOTTE, experte du GIEC, indique que son exposé s’inspire
des travaux d’un ensemble de scientifiques, répartis sur toute la France. Environ un millier
d’enseignants et chercheurs étudient le climat passé, présent et futur.
Au début du XXIe siècle, le changement climatique est une réalité reconnue par la
communauté scientifique. Cette réalité s’observe concrètement par le recul des grands glaciers
alpins, par l’avancée de la date des vendanges, de l’apparition des premières fleurs, etc. Ce
changement climatique est scientifiquement constatable et mesurable.
L’émission de certains gaz (dits « gaz à effet de serre », GES, au nombre desquels
figurent le CO2 et le méthane) est la cause la plus probable de ce réchauffement de la planète
Terre.
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
Mme MASSON-DELMOTTE livre des éléments de constat sur ces rejets :
• dans l’ordre, les principaux émetteurs sont la Chine, les états-Unis, et l’Union
Européenne,
• la croissance économique mondiale, notamment des pays émergents,
s’accompagne d’une forte croissance des émissions1,
• il est à déplorer que la consommation de fuel et de charbon augmente à un rythme
supérieur aux précédentes décennies,
• la répartition de ces gaz n’est pas homogène à la surface du globe, ni selon les
saisons,
• les rejets mondiaux de CO2 en 2010 sont supérieurs de 40 % à ceux de 1990.
Le CO2 est un gaz à longue durée de vie (contrairement au méthane, par exemple, n’ayant
qu’une durée de vie de 10 ans), ce qui signifie que les phénomènes observés sont quasiirréversibles.
C’est l’homme qui est responsable de
l’augmentation de ces rejets. Les étapes de la
sédentarisation, puis des premières grandes civilisations,
et enfin et surtout de la révolution industrielle sont
parfaitement lisibles dans les glaces polaires.
“ Les rejets mondiaux de CO2
en 2010 sont supérieurs de
40 % à ceux de 1990 ”
Pour Valérie MASSON-DELMOTTE, les scientifiques doivent poursuivre activement
leurs études sur la manière dont se comporte la « machine thermique » que constitue la
Terre. Elle cite ainsi quelques éléments issus des recherches les plus récentes :
• la quantité d’énergie qui arrive sur la Terre n’est pas constante,
• une partie est renvoyée vers le cosmos, comme la lumière qui se réfléchit sur la
neige,
• quelques molécules, en absorbant l’énergie infrarouge, empêchent ce renvoi vers
l’univers : ce sont les gaz à effet de serre (GES).
Les conséquences des changements de la température moyenne sont considérables.
à l’ère glaciaire, la température moyenne était inférieure seulement de -5 °C ; les glaces
recouvraient l’Europe du Nord d’une calotte de 4 km d’épaisseur ; le niveau de la mer était
inférieur au niveau actuel de 120 m.
En 2010, la température est supérieure de +0,8 °C à ce
qu’elle était avant la révolution industrielle, mais elle a crû
de +0,5 °C au cours des 50 dernières années ce qui montre une
accélération du changement climatique.
Glacier des Bossons
Le réchauffement n’est pas homogène à la surface de la
planète car les continents se réchauffent beaucoup plus vite que
les océans et les pôles se réchauffent plus vite que le reste de la
Terre. L’élévation de la température moyenne perturbe le cycle
des précipitations, des courants marins, et des vents dominants.
Donc les conséquences locales du réchauffement sont difficilement
prévisibles.
1. Chine : +101 %, Indonésie : +79 %, , Inde : +68 %, Brésil : +47 %, Mexique : +37 %
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
Il reste difficile pour les scientifiques de réaliser des projections précises sur le XXIe siècle.
Cependant, la mise en réseau récente des scientifiques du monde entier a permis de considérables
avancées. Parmi les résultats les plus récents, Mme MASSON-DELMOTTE indique que, sur
les trois scénarios de rejet de GES imaginés en 2000, la tendance actuelle nous place sur
le pire scénario : ceci est probablement dû au développement économique de la Chine et
à une moins grande efficacité énergétique des
“ Les conséquences de cette
pays émergents.
situation de dégradation sont un
Les conséquences de cette situation de
réchauffement moyen au XXIe siècle
dégradation sont un réchauffement moyen au
XXIe siècle compris entre +1,8 °C et +3,5 °C,
compris entre +1,8 °C et +3,5 °C ”
mais il existe des effets amplificateurs : les
océans, plus chauds, absorberont moins de CO2, tandis que le dégel du permafrost libérera
du CO2 actuellement prisonnier des glaces. Enfin, la population humaine devrait croître de
6,3 milliards d’habitants aujourd’hui à 9 milliards d’habitants en 2050.
Ces évolutions emportent des conséquences quasi certaines pour la France et pour le
monde. Parmi celles-ci, Mme MASSON-DELMOTTE a cité les effets de la rapidité du
changement de température sur les équilibres naturels qui dépassent, compte-tenu de la
vitesse du réchauffement, les possibilités d’adaptation des espèces végétales et animales.
La « libération » des passages maritimes au niveau du pôle Nord bouleversera aussi la
donne géopolitique et les conséquences de l’ouverture de nouvelles routes maritimes à
travers les glaces peuvent être majeures. Pour Mme MASSON-DELMOTTE et les experts
du GIEC, le cycle de l’eau sera grandement perturbé au XXIe siècle, tandis que les zones
équatoriales gagneront encore en humidité.
En revanche, les zones tropicales et tempérées seront plus sèches et deviendront semiarides. Les zones méditerranéennes seront de même très affectées par la sécheresse et
la France sera directement concernée par ces changements. Sur le continent européen, l’Est
connaîtra un réchauffement plus marqué et il est probable
que les cyclones de type tropical deviendront courants.
“ les ressources en eau
devraient accuser un déficit
potentiel de 2 milliards
de m3 à l’horizon 2050 ”
Quant au niveau des océans, il devrait s’élever
d’environ 1 m au XXIe siècle.
S’agissant de la France, les impacts suivants sont à
prévoir :
• les ressources en eau devraient accuser un déficit potentiel de 2 milliards de m3 à
l’horizon 2050,
• la biodiversité de nombreux écosystèmes fragiles et capitaux, tels que la mangrove
ou les marais de bord de mer, serait menacée,
• plusieurs centaines de milliers de logements seraient exposés à la submersion
marine ou à des inondations récurrentes consécutives au gonflement des argiles.
En matière de santé, Mme MASSON-DELMOTTE indique que des pics d’ozone
plus fréquents devraient multiplier les troubles respiratoires chez les sujets fragiles. La
production agricole, les forêts, de même que la préservation du patrimoine de certains terroirs
(AOC) seront exposées à des risques plus importants du fait de la variabilité climatique.
La consommation d’énergie devrait enregistrer une baisse de la demande, en particulier
la production d’énergie hydroélectrique, mais seulement si la climatisation ne se développe pas
davantage.
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
L’activité touristique devrait de même subir un impact se traduisant par une baisse
de l’attractivité des zones touristiques pour les sports d’hiver, avec une menace réelle sur la
viabilité des stations de sports d’hiver de moyenne montagne.
L’adaptation du réseau des infrastructures routières à la hausse du niveau des mers
coûterait, selon les premières estimations, jusqu’à 2 milliards d’Euros.
Pour l’impact de ce changement climatique sur l’administration des territoires, il sera
conséquent pour les représentants de l’état dans les régions côtières et outremer. Enfin, les flux
migratoires en provenance des pays du Sud, affectés par une sécheresse durable importante,
devraient accuser une augmentation considérable.
Les défis que pose le changement climatique aux décideurs sont donc nombreux. L’état
doit construire et conduire de nouveaux programmes visant à adapter et/ou préparer les
structures, les populations et les moyens, pour atténuer les inévitables désordres et répartir le
fardeau entre pays et entre générations.
Un débat s’est ensuite engagé avec les préfets. Ainsi, s’agissant de l’élévation du niveau
de la mer, plusieurs d’entre eux ont pointé le total déni de réalité d’une grande partie des élus
et des populations des régions côtières.
Pour les préfets, la négation du changement climatique qui reste une posture d’une
partie des élus en 2010 pose une double question, d’une part celle de la décentralisation qui
confie aux élus d’importantes responsabilités de l’adaptation aux évolutions, d’autre part celle
du rôle et de la responsabilité, notamment pénale, du préfet, qui est parfois écartelé entre sa
propre lucidité et ce déni local de réalité.
La situation actuelle est difficile à gérer car l’action contentieuse éventuellement mise
en œuvre par le représentant de l’état reposera sur des bases qui ne sont que des prévisions,
lesquelles, par définition, sont évolutives et susceptibles d’être contestées.
La difficulté d’agir est accentuée par le fait que les questions et défis liés au
réchauffement climatique tendent à réintroduire du long terme dans un monde dont tous
les réflexes, les modes d’organisation (le droit notamment), sont fondés sur le court terme. ¢
Un climat qui change... de manière non homogène
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
3.
Son Excellence Gunnar LUND
Ambassadeur de Suède en France
Comment agissent les pays sensibilisés depuis longtemps aux questions d’environnement ?
L’exemple suédois
Son Excellence M. Gunnar LUND, ambassadeur de Suède, a concentré son intervention
sur la façon dont son pays gère les questions d’énergie et de climat.
Une première prise de conscience, sur les questions d’environnement, a eu lieu
en Suède dès les années 60. Puis, au cours des années 70, les chocs pétroliers ont montré
aux Suédois leur dépendance vis-à-vis des produits pétroliers. De ces différentes prises de
conscience, sont nés la volonté et le projet politiques de parvenir, progressivement, à « une
société sans pétrole ».
Cette nouvelle démarche suédoise a reposé, dans un premier temps, sur un fort
développement nucléaire : la Suède a réussi la construction de 12 réacteurs nucléaires.
Cependant, le nucléaire, comme en Allemagne, a conduit à des controverses dans l’opinion
publique. Ces débats, et l’incident de la centrale de Harrisburg aux USA, ont abouti à un
référendum en 1981. Ce référendum a conduit à prendre la décision de geler le parc de
centrales nucléaires construites et de démanteler progressivement les centrales existantes.
La question du climat a ressuscité le débat sur l’énergie nucléaire et la décision a donc été
prise de construire de nouveaux réacteurs, mais sur les sites existants.
En 2010, le « mix énergétique » choisi par la Suède est dans des proportions de 31 %
pour le pétrole (contre 65 % pour les années 70), 25 % pour le nucléaire et 44 % pour les
énergies renouvelables (conte 33 % dans les années 90), ce qui fait de la Suède le premier
pays en Europe pour la production et l’utilisation de ces énergies : dans le paquet climat-énergie
européen, l’objectif assigné à la Suède est 49 %, l’objectif assigné à la France étant 23 %.
40 ans d’évolution des choix énergétiques suédois
énergie nucléaire
Force hydraulique
Force hydraulique
Bio energie
Charbon
Gaz naturel
Fuel
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
Le pétrole et les énergies fossiles ont en grande partie été remplacés par le nucléaire et
les énergies renouvelables. Dans ces dernières, on remarque surtout le bois-énergie, neutre en
CO22.
Plusieurs facteurs clés ont favorisé cette évolution.
Tout d’abord la taxe carbone, qui a été mise en place depuis 20 ans déjà en Suède, avec
pour objectif de taxer les particuliers pour changer leurs comportements. Cette réforme est
passée par un discours et une pratique : en partant
“ Le but est de diriger le choix
du constat que les ressources naturelles rares sont
trop faiblement imposées et que le travail, abondant,
des acteurs (...) vers des sources
l’est beaucoup trop, l’état suédois a choisi de taxer
d’énergie alternatives”
davantage le carbone, et, proportionnellement, de
taxer moins le travail.
En 2010, la taxe carbone est de 110 € par tonne (par comparaison, la taxe envisagée en
France, et non appliquée d’ailleurs, portait sur 17 € par tonne), ce qui représente environ 300 €
pour 1 000 l de fuel domestique. Les industries qui ne sont pas dans le système européen de
quotas, l’ETS3 et le secteur de l’agriculture payent 21 % de la taxe carbone.
Les industries dans le système ETS payent 15 % de la taxe carbone. Les particuliers,
c’est-à-dire les ménages et le secteur des services, payent 100 % de la taxe carbone.
Le but est de diriger le choix des acteurs –surtout les particuliers– vers des sources
d’énergie alternatives. Pour les particuliers, il s’agit en premier lieu des carburants pour le
transport et le chauffage.
Après 20 ans d’expérience, la Suède constate une diminution des émissions de -9 %
entre 1990 et 2006, alors que le PIB a augmenté de +44 % pendant cette période, ce qui
contredit le dogme selon lequel la lutte contre le changement climatique se fait au détriment de
la croissance économique.
La taxe carbone, en combinaison avec d’autres mesures incitatives, a eu des effets
plus spécifiques. Dans le domaine des transports, avec un développement très poussé de la
distribution de biocarburants, des primes aux voitures vertes, la taxe carbone a conduit à une
plus grande différenciation des carburants.
Dans le domaine du chauffage, la taxe carbone a eu des effets très marqués. Les énergies
fossiles ont presque complètement disparu et les biocarburants (bois-énergie, résidus de
déchets etc.) ont pris la plus grande part dans la production du chauffage.
Dans les projets du gouvernement suédois, la taxe devrait encore sensiblement augmenter,
surtout concernant les secteurs d’industrie hors ETS.
Le développement du chauffage urbain collectif est une spécificité typiquement
suédoise. Les réseaux de chaleur ont été très développés en Suède à cause de la froideur du
climat : ils sont plus efficaces et n’utilisent guère de produits pétroliers. Le gouvernement a
contribué avec des subventions d’investissement (le coût de l’investissement est élevé, mais
assez rapidement amorti), ce qui a entraîné une forte expansion. L’expansion a aussi incité les
industries à se servir des réseaux de chaleur et à se connecter pour utiliser et mettre en valeur
2. qui d’ailleurs même en France est une source d’énergie deux fois plus importante que l’hydroélectrique, selon
l’Insee
3. L’ETS couvre par exemple les chaufferies, les raffineries, les industries métallurgiques, les cimenteries et les
usines à papier, qui, ensemble, représentent à peu près la moitié des émissions de CO2.
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
les pertes de chaleur qui résultent de leur production. Ceci entraîne par
ailleurs une diminution nette des émissions. La taxe carbone a contribué
à diriger les chaufferies vers l’utilisation d’énergies renouvelables. Le
chauffage urbain en réseau n’utilise quasiment pas de produits pétroliers,
qui ont été remplacés par des biocarburants, mais utilise au contraire des
pompes à chaleur et les rejets de chaleur de l’industrie.
Le chauffage en réseau est à l’origine de plus de 80 % du chauffage des immeubles
résidentiels et de 50 % de l’ensemble des habitations. Le chiffre correspondant en Europe
doit être d’environ 7 % de la totalité des habitations.
L’effet sur les émissions est considérable. Une étude indique que si l’on doublait le
chauffage en réseau en Europe, c’est-à-dire de 7 à 14 %, on obtiendrait une réduction de -10 %
des émissions de gaz à effet de serre.
M. l’Ambassadeur LUND a aussi cité les certificats d’électricité, mis en place
pour promouvoir la production de sources renouvelables. Dans le système, les producteurs
d’électricité renouvelable se voient attribuer (gratuitement) un certificat pour chaque Mwh
produit. Le producteur vend le certificat à un fournisseur d’électricité et est payé à la fois pour
le certificat et l’électricité. Le fournisseur fait porter le coût sur le consommateur (industrie ou
particuliers).
Tous les fournisseurs sont obligés d’acheter un certain quota de certificats d’électricité
chaque année. Le quota est défini par rapport à leur vente annuelle d’électricité. Chaque année
les fournisseurs sont tenus de rendre compte des certificats achetés.
Le système des certificats d’électricité
a été introduit en 2003 et son objectif est de
stimuler l’utilisation d’électricité provenant
d’énergies renouvelables. Un objectif
d’augmentation de 17 Twh entre 2002 et 2016
a été formulé lors de son introduction.
Entre 2002 et 2008, l’augmentation a déjà
été de 7 TWh, ce qui correspond à peu près à
5 % de la totalité de la production d’électricité.
Les analystes des systèmes innovants peuvent en tirer la conclusion que cet instrument
développé en Suède a été assez
efficace. Un nouvel objectif
“ Le chauffage en réseau est à l’origine de plus de
80 % du chauffage des immeubles résidentiels et de de 25 TWh est proposé par le
gouvernement suédois.
50 % de l’ensemble des habitations”
Dans un avenir proche,
M. l’Ambassadeur Gunnar LUND a indiqué que la Suède entend réduire drastiquement
les émissions de gaz à effet de serre et, pour cela, parvenir à un objectif de 50 % d’énergies
renouvelables et à un objectif de 10 % d’énergies renouvelables dans les transports.
Le gouvernement suédois s’est ainsi fixé trois objectifs complémentaires :
• développer un secteur de transports indépendant des énergies fossiles,
• augmenter une efficacité énergétique renforcée,
• promouvoir une croissance des énergies renouvelables.
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
2050.
à plus long terme, l’objectif serait de ne plus avoir de rejets nets de GES, à l’horizon
L’ambassadeur de Suède a conclu son intervention en soulignant que, au niveau
international, la Suède voit les échecs des sommets internationaux se succéder, et son pays en
conçoit amertume et inquiétude.
Un débat a suivi avec l’assistance sur le sujet des négociations internationales. Pour
l’ambassadeur LUND, il n’y a pas qu’un seul facteur à leur blocage actuel. à l’évidence, il
est impossible de ne pas prendre en compte les préoccupations de développement économique
dans des pays comme la Chine et l’Inde. En ce qui concerne les USA, le film d’Al Gore et les
nouvelles orientations en matière de politique énergétique et environnementale étaient autant de
signes porteurs d’espoir, même si ces derniers ont été, jusqu’à présent, déçus.
Pour M. Gunnar LUND, force est de constater que la sortie de crise économique
préoccupe pour l’instant davantage les dirigeants que les questions d’environnement.
Pourtant, et l’exemple suédois le montre, le développement durable peut être un moteur
de croissance.
Répondant à une question préfectorale sur des possibles pistes de proposition pour la
France, découlant de l’expérience suédoise, M. Gunnar LUND a évoqué la mise en place de
la taxe carbone, et indiqué que le Grenelle présentait beaucoup de propositions intéressantes,
en particulier l’idée des compteurs individuels de consommation, qui lui semble à même de
créer une prise de conscience dans la population. ¢
http://tripsweden.eu
10
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
4.
M. Jean-Louis CHAUSSADE
Directeur général exécutif de
Suez Environnement
L’environnement, un enjeu économique et un potentiel de développement :
quelle stratégie des grands groupes en la
matière ?
M. Jean-Louis CHAUSSADE, directeur général
exécutif de Suez Environnement, invité d’honneur du
déjeuner-débat, rappelle, en introduction, qu’il éprouve un
attachement particulier pour le corps préfectoral4.
Les questions soulevées lors du sommet de Copenhague
en décembre 2009 ont démontré que le consensus bâti
autour de la question du changement climatique n’avait pas
encore atteint l’ensemble des états. C’est dans ce contexte
pessimiste que s’est inscrite la conférence de Cancun.
En l’absence d’accord global sur le plan mondial, ce sont donc les initiatives locales,
nationales ou communautaires qui feront avancer la lutte contre le changement climatique.
Les entreprises comme Suez Environnement, acteur majeur des services à l’environnement,
ont bien entendu un rôle à jouer dans ce combat.
Suez Environnement est un leader mondial du traitement de l’eau et de
l’assainissement ainsi que de la gestion des déchets. Avec ses 12 milliards de chiffre d’affaires
et 78 000 collaborateurs dont 32 398 en France, Suez Environnement se positionne comme le
leader de la performance environnementale, apportant des solutions innovantes à ses clients
municipaux ou industriels. Son chiffre d’affaires se réalise à 78 % en Europe (40 % en France).
“ 12 milliards de chiffres d’affaires
78 000 collaborateurs
dont 32 398 en France ”
M. Jean-Louis CHAUSSADE a évoqué cinq
enjeux stratégiques majeurs : la démographie,
les ressources naturelles, le stress hydrique,
l’assainissement, la biodiversité.
Augmentation de la population mondiale
Selon les prévisions de l’ONU, la population mondiale passera de 6,8 milliards
d’humains en 2009 à 8,3 milliards en 2030. Cette augmentation sera à 99 % concentrée dans
les villes. Cette explosion démographique concerne particulièrement les villes des pays en
développement, notamment en Asie et en Afrique.
Pression sur les ressources naturelles
D’après les travaux des experts du « US Geological survey », si les niveaux de
4. Le père de M. Chaussade était membre du corps préfectoral.
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
consommation actuels de matières premières étaient maintenus, de nombreuses ressources
essentielles seraient menacées d’extinction à moyen terme : à échéance de 15 ans pour les
métaux rares (or, argent), à échéance de 15-30 ans pour les métaux traditionnels (cuivre,
étain, zinc).
La rareté des ressources naturelles a un impact économique important comme en témoigne
la volatilité des cours.
Stress hydrique
Seulement 0,5 % de l’eau présente à la surface du globe est disponible pour satisfaire les
besoins des hommes et des écosystèmes.
Dès l’année 2010, les études montrent que 2,9 milliards d’humains vivent dans des
zones de stress hydrique. L’augmentation de la demande, l’accroissement de la population et
le changement climatique accélèrent ce changement. à l’horizon 2030, 1 milliard d’humains
supplémentaires vivront dans des pays en situation de stress hydrique.
Défi de l’assainissement
En parallèle à l’accès à l’eau potable, l’absence de services d’assainissement est un
problème majeur. L’absence d’assainissement affecte aujourd’hui 2,5 milliards d’humains
et selon l’OCDE, ce chiffre devrait augmenter d’ici 2030 pour atteindre plus de 5 milliards de
personnes. Ce manque a un impact direct à la fois sur la santé publique et sur la pollution de la
ressource dans les pays concernés.
Menaces sur la biodiversité
L’urbanisation, la standardisation des pratiques agricoles,
la pollution, le changement climatique ou le stress hydrique
menacent directement la biodiversité. L’appauvrissement
biologique coûterait 2 000 milliards d’euros par an soit 6 %
du PIB mondial, ce qui est comparable au coût, estimé par
Nicholas STERN5, de l’inaction face au changement climatique
(5 % du PIB mondial/an).
M. Jean-Louis CHAUSSADE a ensuite présenté l’action
de son groupe vis-à-vis des défis qu’il a décrits.
L’élargissement des activités de Suez-Environnement aux grands cycles de l’eau
et des déchets est essentiel pour faire face aux grands enjeux environnementaux actuels et
répondre aux nouveaux besoins des clients du groupe.
Afin de faire face à la pression accrue sur la ressource en eau et sur les écosystèmes
aquatiques, Suez Environnement a développé une offre complète de solutions concernant
le grand cycle de l’eau. Celle-ci comprend :
• la restauration et la protection des milieux aquatiques et de leurs rives afin de :
−− protéger les écosystèmes des milieux aquatiques et permettre ainsi la
préservation et le développement de la biodiversité,
−− développer les activités récréatives (baignade, sport) à proximité des cours
d’eau et préserver le potentiel touristique de ces zones.
5. Nicholas STERN, Baron STERN of BRENTFORD (né le 22 avril 1946) est un économiste britannique. Ancien
vice-président senior de la Banque mondiale de 2000 à 2003, il est surtout connu pour le rapport STERN sur
l’économie du changement climatique publié le 30 octobre 2006.
12
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
Suez Environnement dispose de compétences solides sur
ces sujets notamment dans les domaines suivants : restauration
du bon état écologique des milieux aquatiques, réhabilitation
de la biodiversité dans les espaces dégradés, entretien et
gestion des bassins et des voies d’eau, surveillance et gestion
active des milieux aquatiques.
“ Entre 2007 et 2009, les
effectifs ont augmenté de
3 900 collaborateurs ”
• la mise en place de programmes d’irrigation optimisée. Suez Environnement
dispose en effet d’une expérience d’opérateur de systèmes d’irrigation en France.
Par ailleurs, les appels d’offres auxquels répond Suez Environnement vont bien audelà du simple rapport qualité/prix. Ils témoignent de nouvelles préoccupations de ses clients
industriels ou municipaux.
Voici par exemple trois critères de sélection qui ont dû être intégrés dans une offre
récente de gestion des réseaux d’eau et d’assainissement :
• une diminution d’un tiers des émissions de GES d’ici 2020,
• une baisse de 5 % de la consommation électrique,
• une part des énergies renouvelables à hauteur de 23 % en 2021.
M. Jean-Louis CHAUSSADE souligne ensuite que le « grand cycle des déchets »
présente un potentiel de croissance considérable. Dans les déchets, le recyclage est en effet un
élément clé pour l’instauration d’une croissance durable fondée sur les principes de l’économie
circulaire. En plus de sa contribution à la réduction des émissions de CO2, le recyclage est
une source d’emplois non délocalisables
qui contribue à la reprise économique et la
sécurisation des approvisionnements des
entreprises.
Pour M. CHAUSSADE, le secteur
doit en conséquence être encouragé et
soutenu par une politique volontariste de
l’état.
La crise économique a effectivement
révélé la fragilité structurelle du marché
européen des matières premières recyclées qui est soumis aux fluctuations des cours mondiaux
des matières premières. Pour M. Jean-Louis CHAUSSADE, plusieurs éléments sont essentiels
pour favoriser le développement de la filière recyclage :
• étendre la collecte sélective,
• stimuler la demande de matières premières recyclées,
• rétablir une concurrence équitable avec les matières premières classiques,
• développer le marché européen des matériaux issus de la transformation des
déchets.
Dans cet esprit, Suez Environnement a mis en avant plusieurs propositions dans le
cadre du Grand Emprunt. Le groupe s’est ainsi engagé dans des actions concrètes en faveur
de l’économie circulaire. Il a notamment proposé dans le cadre du grand emprunt des projets
innovants et créateurs d’emplois, en voici quelques exemples :
• faire des stations d’épuration des centres de production d’énergie et des plates13
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
formes environnementales sur la base d’un partenariat état-Collectivités
organisatrices du service-Entreprises : les financements publics issus du Grand
Emprunt peuvent contribuer de manière décisive à une approche radicalement
nouvelle de la gestion des stations d’épuration des eaux usées qui seraient désormais
considérées comme pourvoyeuses d’énergie (électricité + biogaz) à partir de
matières organiques.
• améliorer et promouvoir les nouveaux modes de gestion des déchets.
• soutenir les filières de tri et recyclage : investir dans des circuits de récupération
et de réutilisation permettant de garder une qualité de produits premiums, soutenir
la modernisation des centres de tri afin de produire des matières triées de qualité,
soutenir les programmes de déchetteries, notamment pour les déchets des industries
et des activités commerciales.
Les projets proposés par Suez Environnement ont un potentiel de création de 600 emplois.
L’ancrage local
L’engagement de Suez Environnement aux cotés de l’état et des collectivités locales
va au-delà des enjeux environnementaux et s’inscrit dans une démarche de développement
globale, notamment en prenant en compte les besoins sociaux de ses clients.
Ainsi, Suez Environnement n’a pas cessé d’embaucher ces dernières années malgré la
crise économique : entre 2007 et 2009, les effectifs ont augmenté de 3 900 collaborateurs.
Les activités du groupe sont par définition ancrées dans les territoires et la politique du
groupe en matière d’emploi se décline dans chacun des projets qu’il développe.
Les projets proposés dans le cadre du Grand Emprunt représentent par exemple un
potentiel de plus de 1 000 créations d’emplois.
M.
Jean-Louis
CHAUSSADE
“ Les trois 20 :
souligne que l’environnement est source
d’opportunités
de
développement
–20 % d’émissions de CO2
économique et d’innovations pour des
–20 % d’émissions de CO2
20 % de gagné en efficacité énergétique ” groupes comme le sien.
Mais c’est également un formidable
levier de transformation pour l’état. « La
relance verte », initiée en réponse à la crise économique de 2008, doit se poursuivre afin de
pousser la France vers un modèle de société plus résilient, reposant sur une économie efficace
et économe en ressources. ¢
14
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
5.
M. Pierre-Franck CHEVET
Directeur général de l’énergie et du climat,
Ministère de l’écologie, du Développement
durable, des Transports et du Logement
La
solution
des
énergies
renouvelables : piste réelle ou utopie ?
M. Pierre-Franck CHEVET, directeur général énergie-climat, au ministère de l’écologie,
du développement durable, des transports et du logement (MEDDTL), rappelle que sa
direction n’a été créée qu’en 2008, ce qui montre bien que le lien entre les deux problématiques
n’a été fait que récemment en France.
Il est fondamental que ces deux sujets « énergie et climat » soient traités par le même
ministre. Sur le plan international, les deux problématiques sont systématiquement abordées de
façon conjointe, comme cela a encore été le cas, au sommet de Copenhague.
M. Pierre-Franck CHEVET rappelle les grands enjeux stratégiques au niveau mondial
en évoquant d’abord la pression démographique. à l’horizon 2050, la population mondiale
s’élèvera à 9 milliards, soit +50 % d’augmentation. Ce choc démographique est gigantesque
si l’on pense que les marchés des matières premières sont tendus au point qu’une variation de
1 % de la demande fait flamber les cours… M. CHEVET souligne qu’un accroissement de
+10 % de la population représente une consommation supplémentaire de +20 %.
Indépendamment
des
questions liées au climat, la seule
problématique de l’accès aux
matières premières, comme
à l’eau, sera donc un enjeu
crucial dans les prochaines
décennies. Une conséquence
logique est que les économies
qui gagneront seront celles qui
seront économes en ressources à
production constante. Les états
doivent travailler pour créer des
économies plus efficaces : cela
L’énergie photovoltaïque
nécessite des investissements
sur le court terme, mais s’avère
payant sur le plus long terme, à l’instar de ce qui avait été entrepris pour le nucléaire.
M. CHEVET constate que la France dépend encore à 50 % des énergies fossiles pour son
énergie, même si la situation de notre pays reste enviable par rapport aux autres pays européens,
dont la dépendance à l’égard du pétrole s’établit à 80 % en moyenne.
M. Pierre-Franck CHEVET aborde ensuite la question stratégique du climat, constatant
que le rôle des émissions de GES dans le réchauffement climatique constaté, ne fait plus débat.
à la conférence de Copenhague en décembre 2009, 192 pays ont entériné le fait que +2 °C de
réchauffement devrait constituer le maximum « acceptable », ce qui revient en fait à diviser par
15
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
deux les émissions de GES d’ici à 2050. Pour l’Europe, M. Pierre-Franck CHEVET rappelle que l’objectif fixé en 2007 sous
présidence allemande de l’UE est de diminuer de –20 % les émissions de GES d’ici 2020 :
il indique à cet égard qu’il aura fallu deux années pour arrêter, sous présidence française,
l’économie générale du partage de l’effort entre les 27 états membres, l’Union européenne
étant la seule « région » au monde à afficher une politique aussi volontariste et normée en
matière d’environnement.
Cette politique se traduira, d’ici 2020, en Europe, par une équation qui peut être résumée
par les « trois 20 » : –20 % d’émissions de CO2, –20 % d’émissions de CO2 (contre 8 %
actuellement), 20 % de gagné en efficacité énergétique. Pour la France, les objectifs poursuivis
sont de –25 % pour les émissions de CO2 (à condition que le Grenelle soit mis en œuvre), 23 %
pour les énergies renouvelables et de 20 % (conformes aux objectifs moyens européens) pour
l’efficacité énergétique.
En conséquence, des efforts considérables seront à développer, notamment par
substitution d’énergies « propres » à des énergies « carbonées », ce qui, selon M. CHEVET,
correspond à 50 % de l’effort à produire. il cite pour ce faire trois pistes : le nucléaire, les
énergies renouvelables et la capture et la « séquestration » de carbone. Le reste de l’effort
est à déployer sur les usages que l’on fait de l’énergie, dans les domaines des véhicules, du
logement, de l’industrie et de l’agriculture.
Production d’énergies renouvelables en France (2009)
En 2009, la production primaire ENR s’élève à 20 Mtep (15,3 % de la production énergétique nationale)
Au niveau européen, M. Pierre-Franck CHEVET souligne que la France a un peu
d’avance en la matière, avec 8 T de CO2 par habitants contre 12-13 T dans l’UE (les Américains
16
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
étant à plus de 20 T) : ce résultat est obtenu grâce, principalement, au parc nucléaire6, à
l’hydroélectricité et au parc automobile français. En revanche, le directeur général énergieclimat pointe des insuffisances au niveau du parc de logements, d’où l’accent mis par le Grenelle
de l’environnement sur cette question.
Si les préconisations du Grenelle sont suivies, les émissions de CO2 par habitant
seront réduites de -25 %, soit 6 T. Or, l’objectif est bien de passer à 2 T en 2050, mais pour
l’atteindre, M. CHEVET indique que le problème à résoudre sera celui des véhicules, car
c’est sur ce segment, en l’absence de toute autre marge de manœuvre identifiable, que devra
reposer l’effort sur la période 2020-2050. Cela nécessite des efforts considérables en matière de
recherche, notamment et y compris dans le domaine des batteries des véhicules du futur.
Le directeur général énergie-climat a ensuite livré un point de situation pour la France
pour les énergies renouvelables, en indiquant que notre pays est le 2e producteur (en quantité)
d’énergies renouvelables en Europe, mais en soulignant qu’il faudrait en réalité doubler
l’effort.
S’agissant de l’énergie éolienne et de la production d’énergie photoélectrique, M. PierreFranck CHEVET indique que les résultats ne sont pas bons, mais que le bilan est plutôt
encourageant pour le bois et l’énergie hydroélectrique. Si notre pays devrait faire porter
l’effort sur les éoliennes et le photovoltaïque, s’agissant des pistes de réduction des émissions
de GES, le directeur général énergie-climat évoque surtout les réseaux de chaleur, qui doivent
constituer environ 60 % de l’effort à produire.
Il estime qu’il faudrait doubler, d’ici 2020, le nombre de personnes rattachées à des
réseaux de chaleur, ce qui est problématique car en France, l’habitat n’est pas très dense, alors
que les réseaux de chaleur ne sont rentables que sur des habitats rapprochés.
Pour M. Pierre-Franck CHEVET, le reliquat de l’effort à fournir (40 %) concerne
l’électricité, pour lequel la biomasse (production de chaleur et d’électricité, ou cogénération)
constitue un gisement réel, non seulement en termes d’énergie, mais aussi en termes d’emplois.
Un débat s’est ensuite engagé avec l’assemblée, portant sur les différents types d’énergies
renouvelables et des projets d’implantation susceptibles d’y être associés dans les territoires.
Certains ont mis en avant l’absence de lisibilité sur la politique en matière de
photovoltaïque et la complexité, qui y est associée, du développement de cette énergie. Son
coût élevé est une réalité, mais peut-être pas dans la durée, indique M. Pierre-Franck CHEVET,
car le prix baisse dès lors que l’on passe à une phase de production industrielle. Il souligne
ainsi que le prix du panneau photovoltaïque a été divisé par deux en un an et demi, ce qui
est notable si l’on considère que, pour cette énergie, le coût se réartit en moyenne à 50 % pour
le panneau et à 50 % pour l’installation. Il identifie même pour ces deux postes des gisements
d’emplois.
à la question de la disparité observée entre les tarifs pratiqués au moment du raccordement
au réseau et ceux en vigueur au moment de la vente, le directeur général énergie-climat répond
que, selon la loi, les tarifs doivent refléter « la juste rémunération du capital investi » au
moment du lancement. Selon lui les distorsions observées pénalisent surtout les investisseurs
6. La question de l’entretien et du renouvellement du parc nucléaire nécessitera des investissements lourds.
M. CHEVET indique qu’il y a eu un trou d’investissement il y a environ cinq années, qu’il va falloir rattraper. Par
ailleurs, la durée de vie des centrales nucléaires étant de vingt ans, la France devra entreprendre le renouvellement
de certaines d’entre elles arrivant en fin de vie prochainement (Fessenheim en 2020 par exemple), sachant que la
décision de construction doit être prise sept ans avant, soit la durée du chantier : des décisions devront donc être
prises assez rapidement en la matière, en tenant, bien entenu, compte de l’absolue priorité de la sûreté.
17
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
qui ont anticipé sur les procédures de construction, car pour ceux qui respectent la procédure et
sa chronologie sans brûler les étapes, « l’état honore sa parole ».
Répondant à plusieurs questions préfectorales sur l’énergie éolienne, M. PierreFranck CHEVET précise qu’il existe une gamme de possibilités sur l’off-shore, y compris
pour des éoliennes flottantes. Tout dépend en fait des régimes de vent.
Le directeur général énergie-climat indique qu’un appel d’offre sera prochainement lancé
pour la construction d’éoliennes off-shore, sur les zones identifiées au terme d’études d’impact.
S’agissant de la question des logements, M. CHEVET rappelle que l’objectif du Grenelle
est un gain de 38 % en efficacité énergétique pour le parc, ce qui induit de nouvelles normes
techniques pour les bâtiments neufs. La mise aux normes du parc existant suppose en revanche
un effort financier dans la durée, avec un dispositif de soutien à la rénovation. ¢
6.
M. Jean-Benoît ALBERTINI
Préfet, Directeur de la modernisation et de
l’action territoriale
Clôture de la journée et animation
du brainstorming final
Le Préfet Jean-Benoît ALBERTINI, Directeur de la modernisation et de l’action territoriale
étant présent pour clôturer cette journée, un échange s’est instauré avec l’assemblée.
Plusieurs préfets lui ont fait part du décalage important ressenti entre les ambitions
fortes exprimées au niveau national en matière d’énergies renouvelables et la difficulté
qu’il y a à mettre en œuvre des projets sur le terrain, en raison de fortes oppositions
locales, y compris parfois au sein des services de l’état, car les enjeux environnementaux
s’inscrivent dans le long terme, pour des rentabilités économiques aléatoires.
Une pédagogie adaptée s’impose, de même sans doute qu’une clarification des politiques
de l’état en la matière.
De même, s’agissant de la « territorialisation » du Grenelle de l’environnement, s’est
exprimé le souhait de disposer d’un vademecum pour que, sur le terrain, les préfets puissent
se faire de manière encore plus accentuée les porte-parole de la politique environnementale et
énergétique de l’état.
Des préfets sont intervenus pour souligner l’existence de lacunes en matière
d’expertise technique et des flous en matière de coûts. Ils ont par ailleurs unanimement
regretté la quasi-disparition des DDE (Direction départementale de l’équipement) et des DDAF
(Direction Départementales de l’Agriculture et de la Forêt), tout ne pouvant pas reposer assez
sur les nouvelles DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du
logement) qui sont souvent loin du terrain.
Dans les territoires, certains préfets relèvent l’existence de deux écologies contradictoires :
une « écologie contrainte », en particulier à travers l’ensemble des normes pesant sur l’eau,
et une « écologie d’opportunité », souvent soutenues localement par les élus dès lors qu’elle
se traduit par des projets nouveaux et porteurs d’avenir en termes par exemple d’énergies
renouvelables.
18
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
Le « brainstorming » préfectoral a aussi mis en évidence l’émergence d’une véritable
écologie urbaine, portée par les collectivités locales et se traduisant par des projets de
construction d’un habitat « intelligent » de type nouveau.
Le préfet Jean-Benoît ALBERTINI conclut la journée en soulignant que l’administration
territoriale comporte une dimension « intégratrice » des politiques publiques qui conforte les
préfets dans leur mission interministérielle. à ce titre :
• le développement durable « fait partie » du métier des préfets avec une
méthodologie qui est celle de l’approche territoriale, prospective et intersectorielle
particulièrement appropriée aux enjeux du Grenelle,
• une meilleure exploitation des expériences accumulées par les préfets fournira
un matériau considérable pour la construction des nouvelles politiques publiques
dans ce domaine.
Jean-Benoît ALBERTINI souligne l’intérêt, au moment où l’administration territoriale
voit son interministérialité renforcée par la nouvelle organisation issue de la Réate, de souligner
la capacité des préfets à favoriser l’émergence de ces nouveaux enjeux dans les priorités de
politiques publiques mais aussi dans les processus de prise de décision (concertation, études
d’impacts au sens large, croisement des approches, etc.). Cela suppose de veiller à la capacité
d’expertise des services de l’état, aux niveaux régional et départemental, pour mettre en
œuvre une ingénierie appropriée des projets de développements et formuler le « dire » de
l’état sur les grands projets d’occupation de l’espace. C’est là un sujet d’attention partagée
entre les préfets et l’administration centrale.
Il évoque enfin l’intérêt pour le ministère de l’intérieur, dans un périmètre élargi, de mieux
mobiliser les différentes facettes de ses propres compétences « métiers » pour contribuer
aux réflexions interministérielles sur les thématiques du développement durable, qu’il
s’agisse de planification et d’aménagement du territoire, d’affectation de crédits nationaux ou
européens -notamment du FEDER- de gouvernance territoriale ou de prévention des risques.
L’annonce de la création d’un collège stratégique du ministère de l’intérieur doit pouvoir y
contribuer. ¢
Pour le CHEMI
Pour les préfets
Jean-Martin JASPERS
Directeur
Rollon MOUCHEL-BLAISOT
Préfet, Directeur général,
de l’association des maires de France
19
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
Une illustration des débats de la journée
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Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
La journée du CHEMI en images
Le Palais d’Iéna a offert son hospitalité au CHEMI pour ses travaux sur l’environnement
Le brainstorming studieux du groupe de préfets imprégnés par les sujets sur la biodiversité
et le changement climatique
21
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
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Mme V. MASSON-DELMOTTE, M. J.M. JASPERS,
directeur du CHEMI se réjouissant à l’écoute de la vision
stratégique du Préfet R. MOUCHEL-BLAISOT
22
Journée d’Études et de Réflexion Actes 8
Quels actions de l’État pour l’environnement un an après le sommet de Copenhague ?
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