1248 SA PREMIERE CROISADE
Extraits de : Citation de Saint-Damien Grambois
Saint Louis, lors de la première croisade, la sixième dans l’ordre général des
croisades, avait pensé qu’il était plus efficace d’atteindre Jérusalem en s’emparant
d’abord de l’Egypte, considérée comme le cœur du monde musulman. On connaît le
résultat de cette tentative : son armée fut défaite et lui-même fut fait prisonnier et
ne fut livré que contre forte rançon.
Saint Louis ne maîtrisait probablement pas la science de la guerre aussi bien
que le général Bonaparte mais il savait si bien rendre la justice qu’il était devenu
une sorte de juge sur le plan européen. Nous savons qu’il aimait à rendre la justice
sous un arbre, un chêne plus précisément.
En revanche, ce que nous ont jamais dit nos maîtres, cest quil y avait,
presque à chaque fois que Saint Louis décidait de l’organisation du tribunal sous
cette forme, un homme, une espèce dilluminé, qui sarrangeait pour être à
proximité, afin de faire entendre son cri au pieux monarque, un vrai qu’il poussait à
plein poumons :
« Majes! Attention à l’arbre ! Méfiez-vous de l’arbre, car sinon, il vous
procurera malheur ! »
Au début, cet homme, qui n’avait jamais manifesté le moindre signe
malveillant en direction du roi, était devenu une préoccupation pour les soldats
chargés de la protection du monarque. Chaque fois, il surgissait d’un coin de la
forêt, lançait au roi sa même phrase en guise d’avertissement puis s’évanouissait
dans la nature.
Comme le roi rendait sa justice champêtre quand il faisait beau temps (donc
pas de danger de foudre) et que l’arbre était vigoureux, tout le monde en déduisit
que notre homme était un simple desprit, un pauvre bougre qui disait nimporte
quoi, une espèce d’idiot de village.
1248 SA PREMIERE CROISADE
Extraits de : Citation de Saint-Damien Grambois
Un jour notre homme ne parut plus et, comme il était devenu une espèce
d’attraction, on le regretta un peu. Les jours où les séances étaient particulièrement
monotones, certains espérèrent sa soudaine apparition, en vain…
Les années passèrent et notre homme tomba dans loubli. Il faut dire que,
depuis deux ans, on ne pensait qu’aux préparatifs de la croisade décidée par Saint
Louis.
En septembre 1248, après avoir confié la régence du royaume à sa mère,
Blanche de Castille, il quitta Aigues-Mortes en direction de l’Egypte (via Chypre où il
passa l’hiver de 1249), à la tête d’une expédition comptant des centaines
d’embarcations de toutes tailles et de dizaines de milliers d’hommes (trente mille
aux dires des historiens).
Finalement, en juin 1249, l’expédition arriva à Damiette qui fut assiégée et
conquise en quelques jours, alors que lon sait quil fallut plus dun an à Jean de
Brienne, à la tête de la cinquième croisade, pour arriver à s’emparer de cette même
ville.
Tout se présentait sous les meilleurs auspices, d’autant plus que quelques
jours plus tard, le sultan d’Egypte décéda subitement. On apprit alors que son
épouse, la sultane, prenait le commandement de larmée et la direction du pays.
Dans un pays musulman, cela parut étonnant et même incroyable !
Toute la chevalerie des croisés se gaussa de l’avènement de cette sultane et
personne ne douta désormais de lissue heureuse de l’entreprise de Saint Louis. Il
ne vint à lie de personne de se dire :
« Tout de même ! Si les chefs de l’armée égyptienne ont accepté
immédiatement pour sultane et généralissime cette femme, c’est qu’elle était
vraiment digne de leur confiance, que l’on était face à un adversaire peu commun
et que, par conséquent, il fallait redoubler d’attention et de prudence. »
1248 SA PREMIERE CROISADE
Extraits de : Citation de Saint-Damien Grambois
Au lieu de cela, l’excès de confiance qui anima les esprits, à commencer par
celui d’un frère du roi, l’indiscipline, les conditions climatiques, la maladie et la
malchance transformèrent ce qui aurait pu (et aurait dû) être une victoire française
en une débâcle, malgré le courage, la ténacité et les qualités de grand tacticien
dont Saint Louis fit preuve et qui firent l’admiration de tous.
Toute l’armée où, plus exactement, ce qu’il en restait, c'est-à-dire à peine un
tiers des effectifs, avec à sa tête le roi de France, fut prisonnière des Egyptiens et
de leur souveraine (à la bataille de Mansourah), cette femme, que personne, du
côté français, ne sembla prendre au sérieux et qui se révéla un véritable chef de
guerre !
Lorsque son nom arabe fut connu, il inspira cette fois la crainte et le respect.
Mais dès que sa signification fut traduite en français, alors il produisit dans chaque
esprit l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein.
Cette sultane s’appelait Chajarat-Addor, ce qui, traduit en français, donne :
« l’arbre de perle ».
Tout le monde se rappela alors les avertissements de l’homme de la forêt,
quelques années plus tôt, mais il était trop tard.
Cette Chajarat-Addor fut une femme au destin exceptionnel. Elle exerça à
deux reprises le pouvoir suprême en Egypte, pouvoir auquel elle fut portée par
l’armée, mais connut une fin des plus tragiques. En effet, elle fut assassinée et son
corps jeté et laissé dans une décharge publique durant trois jours, avant que ses
ennemis ne finissent par accepter qu’il soit décemment enterré.
Quand elle fut assiégée et comprit que sa fin était venue, elle mit sa plus
belle robe brodée de pierres précieuses, mais surtout de perles, comme si elle
voulait justifier son nom et le graver à jamais dans les mémoires.
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