Histoire - Thème 2 – Grandes puissances et conflits dans le monde depuis 1945 Question 1 - Les chemins de la puissance chapitre 1 - Les États-Unis et le monde depuis 1945 Au lendemain de la Première Guerre mondiale, alors qu'ils ont apporté une contribution décisive à la victoire des alliés et que le programme en «14 points» du président Wilson a largement inspiré le traité de Versailles (1919), les Américains font le choix du retour à l'isolationnisme. Ils ne ratifient pas le traité de Versailles et n'intègrent pas la nouvelle SDN. C'est la Seconde Guerre mondiale qui conduit les États-Unis à prendre enfin leurs responsabilités au plan international. Face au Japon qui menace les intérêts américains en Chine, Roosevelt obtient dès 1940 une augmentation des crédits militaires. La loi prêt-bail (mars 1941) autorise le gouvernement à aider les pays dont la défense est vitale pour la sécurité des États-Unis. Cette loi permet au Royaume-Uni de poursuivre la lutte contre l'Allemagne nazie. Le 12 août 1941, Roosevelt et Churchill, le Premier ministre anglais, signent la Charte de l'Atlantique, qui reprend les grandes idées de Wilson. Les Etats-Unis se posent ainsi en arbitres des traités qu'il faudra signer à la fin du conflit en en définissant les principes: droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, renoncement des pays de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon) à leurs conquêtes, collaboration économique internationale, etc... = Loi prêt-bail (Lend-lease) Loi autorisant à fournir sous forme de « prêts» des armes aux adversaires de l'Axe. Le Royaume-Uni et l'URSS en sont les principaux bénéficiaires. Ce n'est que le 7 décembre 1941 que les États-Unis entrent en guerre, à la suite de l'attaque surprise du Japon contre leur base militaire de Pearl Harbor, à Hawaï. L'opinion américaine unanimement ralliée à son président considère désormais que les États-Unis ne peuvent plus rester isolés du reste de l'humanité. Problématique: - Comment les États-Unis ont-ils bâti, depuis 1945, une puissance « globale » qui demeure aujourd'hui encore au premier rang mondial? Notions-clés: = Isolationnisme: Attitude consistant, autant que possible, à ne pas intervenir dans les affaires internationales et à se fermer aux influences étrangères. Dans le cas américain, cette doctrine politique prône le repli des États-Unis sur le seul continent américain et exclut en particulier un engagement politique en Europe. = «Destinée manifeste»: conviction que les États-Unis ont été désignés pour répandre le progrès dans le monde en propageant le modèle qui a assuré leur propre réussite. et crée la SDN. = Quatorze points: Discours prononcé par Wilson le 8 janvier 1918, dans lequel il expose sa conception d'un nouvel ordre international fondé sur le droit. = Multilatéralisme: système de relations internationales fondé sur la négociation, la coopération et le respect des règles communes. = Doctrine Monroe: Doctrine énoncée en 1823 par le président Monroe, selon laquelle les États-Unis n'interfèrent pas dans les affaires européennes, mais s'opposent à toute intervention européenne sur le continent américain. Ces principes inspirent la diplomatie américaine au moins jusqu'à la Première Guerre mondiale. I. Les Etats-Unis, leaders du « monde libre » durant la Guerre froide (1945-1991) A. A l'issue de la 2GM, les Etats-Unis ont acquis le statut de superpuissance: = Superpuissance: pays capable d'exercer une suprématie à l'échelle mondiale grâce à son rayonnement dans les domaines géopolitique, économique ou culturel. L' engagement des EU dans la 2nde GM a été total. ► Cet engagement est d'abord industriel et économique: le Victory Program mobilise le pays au service de l'effort de guerre; d'énormes quantités d'armements et de navires sont fabriquées à la chaîne. Les EU deviennent «l'arsenal des démocraties». L'extraordinaire reprise de la croissance économique qui s'ensuit ressoude la société. Entre 1939 et 1945, le nombre de chômeurs passe de 18% à 4% de la population active. ► Cet engagement est ensuite militaire: les États-Unis doivent combattre sur deux fronts, dans le Pacifique et en Europe. Trois débarquements (Afrique du Nord 1942, Italie 1943, Normandie 1944) permettent à l'armée américaine, aidée de ses alliés, de libérer l'Europe occidentale. La lutte contre le Japon est tout aussi intense: la progression est lente, à l'est par le Pacifique et au sud par les Philippines. Les terribles bombardements de Tokyo et l'usage de l'arme nucléaire à Hiroshima et Nagasaki (6 et 9 août 1945) finissent par pousser le Japon à capituler. 1 La Seconde Guerre mondiale projette les États-Unis au premier rang mondial. À la fin du conflit, les EU sont devenus une véritable superpuissance. Leur puissance est sans égale dans de nombreux domaines: ► sur le plan militaire: ils sont les seuls à posséder l'arme atomique. ► sur le plan économique: - Ils sont la 1ère puissance industrielle mondiale et leur territoire est intact. - Les EU instaurent une première gouvernance économique mondiale fondée sur le principe qu'une interdépendance des économies atténue les risques de conflit.: => Les accords de Bretton Woods, en juillet 1944, font du dollar la seule monnaie convertible en or et donc le pivot du nouveau système monétaire international. Le dollar devient ainsi la principale monnaie du commerce mondial. Ces accords reposent sur le fait que les EU détiennent à la fin du conflit les 2/3 du stock d'or mondial. Ils consacrent la puissance financière américaine et la suprématie du dollar. La place des États-Unis dans les nouvelles institutions monétaires internationales (FMI et Banque mondiale) est prépondérante. - Les accords du GATT, en octobre 1947, qui s'inspirent des principes libre-échangistes (=> promotion du libreéchange), favorisent l'économie des États-Unis, alors en position dominante. ► sur le plan diplomatique: - ils jouent un rôle de premier plan dans les conférences de Yalta en février 1945 (Roosevelt, Churchill, Staline) et de Potsdam, fin juillet 1945, (Truman, Attlee, Staline) qui règlent le sort des vaincus (Allemagne, Japon). - Les sièges des nouvelles institutions internationales, ONU et FMI, sont respectivement à New York et Washington. ► sans oublier la capacité de séduction de leur culture et de leur modèle de société. Comme en 1919, se pose alors la question de savoir ce qu'ils vont faire de cette puissance: - se replier à nouveau sur leur traditionnelle politique isolationniste ou - accepter, comme le souhaitent Roosevelt (décédé le 12 avril 1945) et son successeur Truman, de jouer un rôle international à la hauteur de leur statut. B. Durant le Guerre froide, les EU développent une puissance géostratégique assumée au service de la lutte contre le communisme: Un engagement total contre le communisme: ► Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis décident de tourner définitivement la page de l'isolationnisme et d'assumer pleinement les responsabilités que leur confère leur puissance, afin d'éviter, à l'avenir, d'être plongés comme en 1917 et 1941 dans un nouveau conflit mondial. À partir de 1947, et durant plus de 40 ans, ils prennent la tête du monde occidental dans la Guerre froide qui les oppose à l'URSS et ses alliés. Au nom de la défense de la liberté et de la démocratie contre le communisme, ils s'engagent dans une lutte de tous les instants, sur tous les terrains et tous les continents, en évitant toutefois un affrontement militaire avec leur adversaire direct. ►Le président Harry Truman, dénonçant la satellisation des Etats d'Europe de l'est par l'URSS instaure au printemps 1947 une politique de containment (endiguement du communisme). En application de cette doctrine Truman, l'Europe occidentale reçoit une aide économique massive (13 milliards de dollars) dans le cadre du plan Marshall (1947). Les EU multiplient les pactes bilatéraux et multilatéraux de façon à encercler l'URSS et à empêcher l'extension de l'influence communiste. Ils sont ainsi le pivot d'un réseau d'alliances, dont l'OTAN (1949) est le plus solide élément, doublé de bases militaires terrestres et maritimes qui leur sont autant de points d'appui. Le pacte de Bagdad (1955) renforce la présence américaine au Proche-Orient, comme l'ANZUS (1951) en Océanie et l'OTASE (1954) en Asie. Ce réseau d'alliances assure une présence militaire américaine dans la plupart des régions du monde, à tel point que les adversaires des États-Unis dénoncent une forme d'impérialisme. Dans le même esprit, les EU engagent l'épreuve de force à Berlin (crise du blocus de Berlin par les soviétiques 1948-1949) et se lancent en Corée dans une guerre longue et meurtrière (1950-1953) contre la Corée du Nord qui a envahi la Corée du Sud et est soutenue par la Chine communiste de Mao Zedong. Cette guerre se termine par un statu quo. Plusieurs des crises de la guerre froide semblent consacrer la puissance des EU, comme la crise des fusées de Cuba (1962) où l'URSS de Khrouchtchev (1953-1964) a reculé (retrait des missiles nucléaires installés en secret à Cuba) devant la fermeté du président démocrate Kennedy (1960-63). L'issue de cette crise a marqué le début de la période dite de la Détente caractérisée par une volonté d'apaisement réciproque des relations entre les deux superpuissances (Etats-Unis et URSS). La Détente dure jusqu'au milieu des années 1970. = Containment (« endiguement » / Doctrine Truman): Doctrine appliquée par les États-Unis à partir de 1947, visant à s'opposer par tous les moyens (militaires, économiques, propagande) à toute nouvelle extension du communisme dans le monde => aide économique aux pays menacés (Plan Marshall) construction d'un système d'alliances (OTAN, OEA - Organisation des Etats Américains, OTASE - Organisation du Traité de l'Asie du Sud-Est ...). 2 = OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord): Organisation civile et militaire de l'Alliance atlantique mise en place en 1949 et rassemblant à l'origine, autour des États-Unis, le Canada et 10 pays d'Europe occidentale. = Impérialisme: terme qui prend souvent une connotation péjorative et qui désigne la volonté d'un pays d'établir par différents moyens (politiques, économiques, culturels, etc.) son influence sur des territoires et sur des hommes, parfois contre leur gré, en dehors de ses propres frontières. Une suprématie disputée: Dans certains domaines, la suprématie américaine est toutefois mise à mal par l'autre superpuissance, l'URSS. ► L'URSS obtient l'arme nucléaire en 1949. Elle parvient à rattraper son retard dans la course aux armements, à instaurer un équilibre de la terreur et même à dépasser les États-Unis dans les années 1970 en nombre de missiles nucléaires. = Équilibre de la terreur: Situation dans laquelle les États-Unis et l'URSS possèdent chacun un stock d'armes nucléaires suffisant pour anéantir l'adversaire. Une attaque de l'un contre l'autre provoquerait la destruction des deux camps. ► L'URSS prend également les EU de vitesse dans la course à l'espace et est la première, dès 1957, à placer un satellite en orbite (satellite Spoutnik) et en 1961 à envoyer un homme dans l'espace (Youri Gagarine). C. Le modèle américain exerce une extraordinaire capacité de séduction: Une hégémonie économique et financière: ► Dans les années 1950-60, les États-Unis sont de très loin la première puissance économique mondiale dans tous les domaines: - industriel (ils produisent en 1955 43 % de l'acier mondial et 65 % des automobiles); - commercial (leur flotte marchande représente les deux tiers du tonnage mondial); - financier (leurs investissements extérieurs passent de 6 à 30 milliards de dollars entre 1946 et 1959). Le complexe militaro-industriel (=>expression popularisée dans les années 1950 aux EU pour désigner l'industrie de l'armement et les autres industries liées à l'armée) entretient la croissance économique et le progrès technologique aux EU. ► Cette puissance économique sert la politique de Guerre froide. Le plan Marshall, annoncé en juin 1947, est une aide indispensable à la reconstruction des pays d'Europe de l'Ouest; mais il permet aussi aux États-Unis, qui disposent d'un droit de regard sur l'utilisation de l'aide, de contrôler la politique économique de leurs alliés et de renforcer ainsi à leur profit la cohésion du monde occidental. L'American way of life, mêlant société de consommation, liberté et prospérité, est proposé en modèle au monde entier, notamment par le cinéma hollywoodien, les séries télévisées et la musique (Jazz puis Rock'n'Roll à partir des années 1950). La culture populaire et les modes vestimentaires (jeans) américaines exercent une forte séduction sur les générations de l'après Seconde Guerre mondiale, tout particulièrement dans les pays européens. Un pays d'immigration: Les Immigration and Nationality Acts of 1965 (Lois de 1965 sur l'immigration et la nationalité) abolissent les quotas basés sur la nationalité, en vigueur depuis la Loi d'immigration Johnson-Reed de 1924. Les EU s'ouvrent à nouveau à l'immigration et accueillent à partir des années 1960 des migrants venant essentiellement d'Amérique latine et d'Asie, démontrant la vitalité du «rêve américain» (idée qu'aux Etats-Unis, terre de la liberté individuelle, chacun a une chance de réussir par son travail et son talent). la conquête spatiale, vitrine de la puissance technologique et outil de propagande: L'envoi du 1er homme sur la lune en 1969 (Neil Armstrong / mission Apollo 11) a un retentissement planétaire. L'évènement est retransmis dans le monde entier en Mondovision (500 à 600 millions de téléspectateurs le suivent). Il marque la victoire des EU dans la course à l'espace. D. Affaiblie dans les années 1970, la superpuissance américaine sort néanmoins victorieuse de la Guerre froide en 1991: 1. Une suprématie contestée à partir du milieu des années 1960: Les ÉU sont confrontés aux difficultés de leur leadership. Les États-Unis s'enlisent dans des conflits limités. La guerre du Vietnam (1964-1973) est une terrible défaite pour le containment et a des conséquences désastreuses sur l'image des États-Unis. Ceux-ci, malgré toute la puissance de leur armée, ne réussissent pas à venir à bout de la guérilla Vietcong et à stopper la progression du communisme en Asie du Sud-Est. Les violences commises par l'armée américaine (usage du napalm et de défoliants chimiques, bombardements aériens massifs du Nord-Vietnam) jettent le trouble au sein de leur propre camp. Les EU n'exercent plus une suprématie absolue. Richard Nixon reconnaît cet état de fait en négociant avec l'URSS, dans le cadre de la 3 Détente bipolaire (adoption de l'accord SALT 1 de limitation des armes nucléaires en 1972), et en faisant de la Chine communiste un interlocuteur légitime (les EU appuient l'entrée de la Chine communiste au Conseil de sécurité de l'ONU comme membre permanent en 1971 [jusque là ce siège était occupé par la Chine nationaliste de Taïwan]; Nixon se rend en Chine en 1972 pour rencontrer Mao Zedong). Le bloc occidental se fissure dans les années 1960. La France du général de Gaulle, sans remettre en cause l'Alliance atlantique, conteste l'hégémonie américaine et quitte le commandement militaire intégré de l'OTAN en 1966. Mais c'est surtout en Amérique latine que l'emprise économique et politique de Washington est de plus en plus mal acceptée. Arrivé au pouvoir en 1959, Fidel Castro avait fait basculer Cuba du côté communiste. Craignant une propagation du communisme en Amérique latine et pour lutter contre les guérillas d'inspiration marxiste ou les gouvernements de gauche qui accèdent au pouvoir sur le continent, les États-Unis n'hésitent pas, comme au Chili en 1973, à soutenir des coups d'État et favoriser des dictatures d'extrême droite (dictature du général Pinochet au Chili à partir de 1973), ni à intervenir militairement, comme en République dominicaine en 1965. L'image des États-Unis dans le monde se brouille. Le scandale du Watergate qui conduit le président Nixon à la démission (1974) semble indiquer une trahison par l'Amérique des idéaux au nom desquels elle agissait sur la scène internationale. La chute de l'ensemble du Vietnam entre les mains des communistes (en 1975, soit deux ans après le retrait américain), la conviction que l'URSS est en train de prendre un avantage au plan stratégique et le Japon au plan économique, apparaissent comme de nouvelles humiliations. L'entrée des Soviétiques en Afghanistan (1979) provoque un spectaculaire raidissement des relations internationales (on qualifie parfois de «Guerre fraîche» la période 19751985 qui succède à la Détente /1962-1975). 2. Les États-Unis vainqueurs de la Guerre froide (1980-1990) Les années Reagan semblent correspondre à un rebond. Une victoire stratégique et diplomatique: • Les deux présidences de Ronald Reagan (1981-1988) marquent le retour d'une politique offensive, qui fait de la lutte contre « l'Empire du Mal » - c'est ainsi qu'il qualifie l'URSS - la priorité absolue. Les États-Unis accroissent significativement leurs dépenses militaires (le budget militaire passe de 4,8 % du PIB en 1977 à 6,5 % en 1987). Ils répondent systématiquement aux actions soviétiques et, avec l'Initiative de défense stratégique (IDS), relancent la course aux armements dans un domaine où ils savent que l'URSS n'a pas les moyens financiers et technologiques de les suivre. Il ne s'agit plus seulement de contenir la progression du communisme, mais de le combattre de l'intérieur pour le faire refluer (doctrine du roll back => faire reculer le communisme dans le monde). Toutefois, si l'effort de réarmement met les États-Unis en position de mieux négocier avec l'URSS de Gorbatchev (1985-91), il se traduit par un déficit budgétaire qu'il faut financer par l'endettement. Pour la première fois depuis 1917, le pays renoue en 1987 avec son statut de débiteur envers l'étranger. = Initiative de défense stratégique (IDS): Projet annoncé par Ronald Reagan en 1983 visant à déployer un bouclier spatial capable d'intercepter et de détruire les missiles soviétiques avant qu'ils ne touchent le sol américain. • L'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir à Moscou en 1985 modifie la donne: il comprend la nécessité de réformer le système soviétique et de négocier avec les États-Unis des accords sur le désarmement nucléaire (accords de Washington en 1987 et START en 1991). • La chute des régimes communistes en Europe de l'Est (1989-1990), la réunification de l'Allemagne (1990) et l'éclatement de l'URSS (1991) laissent les États-Unis sans rivaux. Ils sortent vainqueurs de la Guerre froide de façon pacifique, parce que leur concurrent s'est effondré. Une victoire idéologique • La victoire des États-Unis est aussi celle de leurs valeurs: le libéralisme économique, qui triomphe dans les années 1980, le capitalisme, qui gagne l'Europe de l'Est et la Chine avant même les réformes politiques, la démocratie, qui progresse en Amérique latine, en Asie du Sud-Est ou en Afrique australe. Néanmoins, les États-Unis ont toujours une vision claire de leurs intérêts et continuent à soutenir des régimes non démocratiques s'ils le jugent nécessaire, comme, au Moyen-Orient, l'Égypte ou les monarchies pétrolières de la péninsule Arabique. • La puissance des États-Unis, incontestée et universelle, semble alors à son apogée. 4 II. Les Etats-Unis et le monde depuis 1990: de l'hyperpuissance au déclin relatif A. L'hyperpuissance américaine à son apogée (1991-2001) = Hyperpuissance: terme dont l'usage a été popularisé par Hubert Védrine (ministre français des Affaires étrangères de 1997 à 2002) pour désigner la puissance sans rivale des États-Unis à cette époque. 1. Les multiples facettes de l'hyperpuissance: Une puissance géostratégique sans égale • L'effondrement de l'URSS en 1991 laisse les États-Unis sans égaux ni rivaux sur le plan géostratégique. Ils bénéficient d'une suprématie absolue dans les domaines essentiels de la puissance: militaire, économique (ils produisent, en 2000, 22 % des richesses mondiales), technologique et culturel. À cela s'ajoutent le poids déterminant qu'ils jouent dans les institutions internationales politiques et financières, ainsi que le rôle clé du dollar qui, malgré la crise des années 1970 (fin de la convertibilité du dollar en or et du système de Bretton Woods en 1971; chocs pétroliers de 1974 et 1979), continue d'être la principale monnaie d'échanges et de réserve. • Cette « hyperpuissance ». outre qu'elle implique de nouvelles et lourdes responsabilités, permet aux États-Unis de définir comme ils l'entendent leur place dans le nouvel ordre mondial et de choisir le cadre, multilatéral ou unilatéral, dans lequel ils veulent jouer leur rôle. = Multilatéralisme: Attitude consistant à agir en concertation avec les autres acteurs des relations internationales. = Unilatéralisme: Attitude consistant pour un État à définir sa politique extérieure sans tenir compte de l'avis des autres États ni des institutions internationales. Une économie dominante mais de plus en plus concurrencée • L'économie américaine, de plus en plus tertiarisée, est de loin la plus puissante. La croissance des États-Unis est portée par les NTIC et les activités financières quand leur principal rival économique, le Japon, entre en récession. Une nouvelle génération d'entrepreneurs comme Bill Gates arrive au premier plan. La confiance dans le dollar et la bonne santé de la bourse favorisent le recours au crédit qui permet d'investir et de soutenir la consommation. Les entreprises américaines assurent plus du tiers des dépenses mondiales de recherche et développement. = NTlC: Nouvelles technologies de l'information et de la communication. • L'économie américaine, qui défend les principes du libre-échange et de la déréglementation, fait des États-Unis la plaque tournante du commerce mondial et l'acteur principal de la mondialisation. Ils doivent toutefois de plus en plus compter avec la concurrence de l'Union européenne, du Japon et surtout des puissances émergentes comme la Chine, l'Inde ou le Brésil. Si leurs importations représentent toujours, à la fin des années 1990, 22 % du total mondial, la part de leurs exportations a chuté de 25% en 1950 à 9 % à la fin des années 1990. Il s'ensuit un déficit considérable de leur balance commerciale, qu'ils financent en s'endettant. De plus, durant les années 1990, les EU deviennent de plus en plus dépendants de leurs fournisseurs de pétrole (Remarque: grâce à l'exploitation du pétrole de schiste, la production de pétrole brut des Etats-Unis a atteint 7,7 millions de barils par jour en octobre 2013, dépassant les importations pour la première fois depuis février 1995. L'exploitation massive des gisements de gaz et de pétrole de schiste ces dernières années aux EU laissent envisager une reconquête de leur indépendance énergétique dans un futur proche). • La mondialisation ressemble à une américanisation de la planète. Le soft power des États-Unis réside d'abord dans leur capacité de séduction: ils attirent chaque année plus de trois millions d'immigrants; la langue, les innovations technologiques et les produits culturels américains modèlent les esprits sur toute la planète. Combiné avec le hard power, le soft power semble faire des États-Unis une hyperpuissance. = Soft power: éléments non coercitifs de la puissance, essentiellement la capacité d'influence s'exprimant au travers de la diffusion de la culture ou des systèmes de pensée. 2. Les États-Unis et le «nouvel ordre mondial» Les « gendarmes du monde » • La puissance géostratégique des États-Unis est à son apogée sous les présidences du républicain George H. Bush (1989-92) et du démocrate Bill Clinton (1993-2000). Les dirigeants américains considèrent qu'avec la fin de la Guerre froide, leurs valeurs économiques et politiques ont triomphé et qu'un «nouvel 5 ordre mondial» commence. La première guerre du Golfe contre l'Irak après l'invasion du Koweït (199091) a montré que leur armée, principal instrument du hard power, est capable de se projeter sur n'importe quel théâtre d'opérations de la planète. = Nouvel ordre mondial: expression utilisée par le président G. H. Bush (mars 1991) pour décrire la configuration du monde au lendemain de la Guerre froide. Ce concept postule le triomphe du mode de vie démocratique, capitaliste et libéral (donc celui des EU) et envisage la survenue d'une nouvelle sécurité collective fondée sur le droit international garanti par l'ONU et le cas échéant en s'appuyant sur la puissance militaire américaine (cf. l'intervention lors de la première guerre du Golfe). = Hard power: les instruments les plus contraignants de la puissance, en particulier les moyens militaires. • Renouant avec l'idéalisme du président Wilson, les États-Unis interviennent dans les années 1990 sur tous les continents au nom du droit et d'une communauté internationale où ils comptent bien jouer le premier rôle. Sous l'administration Clinton, cette doctrine diplomatique est théorisée sous le nom d'enlargement. La puissance américaine doit servir à "élargir" la démocratie dans le monde => intervention militaire pour mettre fin à la guerre de Bosnie (1995), participation active au processus de paix israélopalestinien, missions multiples en Afrique (échec de l'opération Restore Hope en Somalie, dans le cadre de l'ONU, en 1992-1993). Les EU interviennent le plus souvent dans le cadre de l'ONU et, en ex-Yougoslavie, par le biais de l'OTAN, dont le terrain d'action a été redéfini pour lui permettre d'agir hors de la zone atlantique. = enlargement: politique de l'administration Clinton visant à "élargir le cercle des nations démocratiques". • Ce multilatéralisme affiché n'est pas sans contradictions. Les États-Unis entendent d'abord défendre leurs intérêts, notamment économiques, et préserver les grands équilibres internationaux: ils n'interviennent ni contre la Russie dans le conflit tchétchène, ni contre la Chine dans le conflit tibétain. Ils deviennent de plus en plus méfiants à l'égard des instances internationales (ONU), dont ils acceptent mal le pouvoir contraignant. Ils signent mais ne ratifient pas le traité sur l'interdiction des essais nucléaires (1996), le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (1997) ou le traité de Rome instaurant la Cour pénale internationale chargée de juger les crimes de guerre et contre l'humanité (1998). En 1999, l'intervention de l'OTAN pour venir en aide aux Kosovars contre les Serbes se fait sans mandat explicite de l'ONU. B. Les années Bush (2001-2008) : la fin du « siècle américain»? 1. Le choc du 11 Septembre: Les attentats terroristes du 11 septembre 2001 révèlent de façon spectaculaire la vulnérabilité des États-Unis face à la menace terroriste. Ils sont atteints en leur cœur par un ennemi d'un genre nouveau, difficilement identifiable, qui s'attaque à leur hégémonie mais aussi à leurs valeurs. En réaction, le président républicain George W. Bush (2001-2008) déclare « la guerre au terrorisme». Dans un premier temps, cette riposte s'effectue avec le soutien de la communauté internationale et de l'ONU. L'OTAN et les EU fournissent l'essentiel des forces de la vaste offensive lancée, dès octobre 2001, contre l'Afghanistan, dont le régime abrite les responsables d'Al-Qaida, l'organisation responsable des attentats. Cette intervention provoque la chute rapide du régime islamiste des talibans. 2. La guerre contre l'Irak (2003) et la tentation de l'unilatéralisme: Le président George W. Bush, influencé par les néoconservateurs, fait clairement en 2002 le choix de l'unilatéralisme. Il engage son pays dans une croisade contre « l'axe du Mal » - la Corée du Nord, l'Iran et l'Irak, accusés sans preuves formelles de détenir des armes de destruction massive et d'encourager le terrorisme international. En mars 2003, les États-Unis se lancent dans une guerre préventive contre l'Irak (deuxième guerre du Golfe), sans l'accord de l'ONU. La victoire militaire est rapide et la dictature de Saddam Hussein est renversée. Contrairement à ce que prétendait l'administration Bush, ni le soutien de S. Hussein aux attentats du 11/09, ni la présence d'ADM en Irak n'ont été démontrés à ce jour. = Unilatéralisme: politique extérieure consistant à décider seul, sans prendre en compte le point de vue des alliés ou celui de la communauté internationale. = Néoconservatisme: Doctrine de politique étrangère américaine. Pour les néoconservateurs, les États-Unis doivent, au nom de la démocratie, utiliser leur puissance pour combattre et renverser les dictatures, au besoin par la force. 6 = Armes de destruction massive (ADM): Terme désignant l'ensemble des armes non conventionne lles, notamment les armes nucléaires, chimiques, biologiques (ou bactériologiques) et radioactives. Cette guerre divise profondément la communauté internationale et jette le trouble au sein même de l'Alliance atlantique (OTAN) et de l'Union européenne: elle est condamnée par la Russie et la Chine, mais aussi par plusieurs alliés traditionnels des États-Unis, dont la France, l'Allemagne, le Canada et la plupart des États d'Amérique latine. Les pays d'Europe de l'Est, ex-communistes, qui entrent dans l'OTAN en 2004, soutiennent en revanche leur nouvel allié. 3. La politique internationale de l'administration Bush suscite une contestation croissante: Très vite, la présence américaine en Irak se heurte à l'hostilité d'une partie croissante de la population. Malgré de premières élections libres en 2005 et la mise en place d'institutions démocratiques, les Américains ne parviennent pas à contrôler le pays et, comme en Afghanistan, subissent des attentats et doivent affronter une situation de quasi guerre civile. Dans les deux cas, les forces armées classiques (les EU et leurs alliés) sont à la peine face à un adversaire insaisissable, dans le cadre de guerres asymétriques. = guerre asymétrique: guerre qui oppose la force armée d'un État à des combattants aux forces matérielles beaucoup plus faibles, qui se servent des points faibles de l'adversaire pour parvenir à leur but souvent politique ou religieux. Il s'agit notamment de rendre le coût humain et financier la guerre insupportable pour l'opinion publique de l'adversaire afin d'obtenir son retrait (cf. la mise en ligne sur internet, par les combattants irakiens, de vidéos d'attentats visant des soldats américains). Les guerres asymétriques englobent notamment le terrorisme ou la guérilla et se distinguent des guerres entre États. L'autorité morale des États-Unis est profondément dégradée. Les atteintes portées aux libertés individuelles par le Patriot Act, les sévices contre les détenus enfermés en dehors de tout cadre légal sur la base de Guantanamo (enclave militaire américaine sur l'île de Cuba) paraissent en totale contradiction avec les valeurs sur lesquelles l'Amérique a été fondée et qu'elle se propose de diffuser à l'échelle de la planète. En même temps, elle refuse de s'engager dans la coopération internationale, contre le réchauffement climatique par exemple. En réponse, une vague d'antiaméricanisme se développe dans le monde à l'époque de George W. Bush. = Patriot Act: Loi antiterroriste votée par le Congrès des États-Unis et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001. L'un des ses axes centraux est d'effacer la distinction juridique entre les enquêtes effectuées par les services de renseignement extérieur (ex: CIA) et les agences fédérales responsables des enquêtes criminelles (FBI) dès lors qu'elles impliquent des terroristes étrangers. Elle crée aussi les statuts de combattant ennemi et combattant illégal, qui permettent au gouvernement des États-Unis de détenir sans limite et sans inculpation toute personne soupçonnée de projet terroriste. Dans la pratique cette loi autorise les services de sécurité à accéder aux données informatiques détenues par les particuliers et les entreprises, sans autorisation préalable et sans en informer les utilisateurs. => Menant une diplomatie contestée et enlisée en Afghanistan et en Irak sur le plan militaire, l'Amérique de George Bush, apparaît comme une puissance disqualifiée. = Antiaméricanisme: position méfiante ou hostile à l'égard des États-Unis d'Amérique. Longtemps limité à des milieux engagés, l'antiaméricanisme s'est développé plus largement dans le monde à partir de 2003. 4. Le modèle de croissance américain est remis en question par les déficits jumeaux et la crise de 2008: Les États-Unis sont de plus en plus dépendants de leurs créanciers, qui continuent de leur prêter tant qu'ils ont confiance dans la bonne santé de l'économie américaine. L'Amérique vit au-dessus de ses moyens. Elle est très largement endettée, du fait des déficits jumeaux. Le premier concerne la balance commerciale: la production de biens de consommation courante a été pour l'essentiel délocalisée hors des frontières nationales. Le second concerne le budget de l'Etat. Depuis les années 1980, l'État a allégé la fiscalité, surtout sur les entreprises et les particuliers les plus aisés, afin de favoriser la croissance. Il s'est ainsi privé de ressources indispensables face à la montée de ses dépenses, militaires notamment. Il en découle un déficit budgétaire qui a été financé par des emprunts sur le marché mondial des capitaux. L'Amérique apparaît donc dépendante, en particulier de la Chine qui est son premier fournisseur de marchandises et de crédit. La Chine détient une énorme quantité de dollars (notamment en Bons du Trésor américain), dont elle peut user à tout moment comme moyen de pression contre Washington. =Déficits jumeaux (twin deficits): déficit simultané du budget de l'État et de la balance commerciale (Exportations - importations) des ÉU. 7 La réalité de la société américaine apparaît, pour beaucoup aujourd'hui, bien éloignée du rêve américain. Les inégalités s'accroissent et les classes moyennes paraissent laminées: elles ont dû s'endetter lourdement pour maintenir leur niveau de vie. La crise financière de 2008 (crise des subprimes) met en cause le modèle de développement proposé au monde par les États-Unis: en 2008, 2,2 millions de familles, incapables de rembourser leur crédit, voient saisir leur logement; la faillite de la banque newyorkaise Lehman Brothers précipite le système financier mondial dans la crise. Cette crise économique et sociale sans précédent depuis les années 1930 s'étend à l'ensemble du monde industrialisé. Au début du XXIe siècle, s'affaisse le mythe d'une Amérique où tout est possible pour celui qui veut bien s'en donner la peine. C. Les années Obama (2008-2016) : comment réinventer le rôle de la puissance américaine dans un monde de plus en plus multipolaire? «Yes we can»: Barack Obama cherche à redonner de l'élan à l'Amérique. Élu en 2008, il s'est toujours présenté comme un héritier de l'histoire américaine et de ses valeurs. S'il n'hésite pas à faire un inventaire des erreurs passées, c'est afin que son pays puisse mieux repartir de l'avant et redevenir exemplaire dans le monde. Sans renoncer à l'emploi du hard power, Obama annonce l'ambition de renouer un dialogue constructif avec les autres pays et avec les organisations internationales (multilatéralisme), ce qui contribue largement à la restauration de l'image de son pays. Le smart power devient en 2009 le cœur de la doctrine américaine pour les relations internationales. En 2016, les EU ratifient l'Accord de Paris sur le climat qui fait suite aux négociations de la Conférence de Paris sur le climat (COP21). = Smart power: combinaison harmonieuse et réfléchie des éléments du hard et du soft power. Conscient de l'isolement diplomatique croissant de son pays et de l'absurdité de vouloir imposer la démocratie par les armes, Barack Obama, qui dès l'origine s'est opposé à la guerre, annonce le désengagement progressif des forces américaines d'Irak (les dernières troupes quittent le pays en décembre 2011). En novembre 2010, l'OTAN décide également de retirer peu à peu ses forces d'Afghanistan et de transférer dans les 4 ans ses responsabilités à la police et l'armée afghanes (retrait achevé en 2014). Les EU poursuivent toutefois leur lutte contre le terrorisme (exécution de Ben Laden en 2011 au Pakistan; assassinats ciblés - le plus souvent par des drones de combat - de dirigeants terroristes islamistes) et restent vigilants à l'égard d'Etats menaçants pour la paix (Corée du Nord, Iran). Lors de l'intervention militaire internationale dans le cadre de la guerre civile libyenne de 2011, les EU laissent les premiers rôles à leurs alliés (France, GB) en application de la nouvelle approche américaine en matière d'interventions extérieures ("leading from behind" / leadership en retrait) lorsque les intérêts américains ne sont pas directement menacés. En revanche, les atermoiements des EU dans la guerre civile syrienne (depuis 2011) ont laissé la Russie, soutien inconditionnel du président Bachar el-Assad, redevenir un acteur de premier plan au Moyen-Orient. L'Amérique doit prendre en compte la montée de puissances rivales. Au-delà du Japon, qui est en panne de croissance, et d'une Europe qui hésite à se constituer comme une puissance, les nouveaux rivaux se trouvent parmi les grands pays émergents comme le Brésil ou bien la Chine. En 2014, la Chine a dépassé les EU pour le PIB calculé en parité de pouvoir d'achat (ppa). (Les EU demeurent n°1 pour le PIB calculé selon la méthode traditionnelle => conversion des monnaies selon le taux de change du marché) L'Amérique peut continuer à fonder sa puissance sur des atouts exceptionnels. Des conditions naturelles remarquables lui offrent un énorme potentiel agricole et d'abondantes ressources énergétiques (l'exploitation croissante du gaz de schiste a rendu les EU quasi autosuffisants sur le plan énergétique ce qui les rend moins dépendants des hydrocarbures du Moyen-Orient). La moitié des cent premières firmes du monde sont américaines et le dollar reste la principale monnaie du commerce international. Son avance technologique lui permet de produire des armements sans équivalent et elle contrôle le réseau mondial de communication, grâce à la maîtrise d'Internet. Enfin, aucun pays du monde n'a intérêt à voir s'écrouler l'économie des États-Unis: ils restent la seule puissance globale. Conclusion: La Première Guerre mondiale a vu les Etats-Unis s'engager militairement en Europe pour la première fois de leur histoire. Mais c'est seulement après la Seconde Guerre mondiale qu'ils ont assumé pleinement leur rôle de puissance globale. Cette puissance résulte aujourd'hui encore de la combinaison d'éléments économiques et culturels ainsi que d'instruments diplomatiques et militaires. Bien que toujours au premier rang mondial, leur domination est moins évidente depuis le début du XXIe siècle. 8