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Dossier coordonné par Mathilde CARON
Presses universitaires du Midi
Prix : 21 E
Expertises • Connaissance • Décision • Discours savant • Législateur •
Légitimation • Sécurité sanitaire • Conflit d’intérêt • Système judiciaire •
Négociation • Union européenne
SCIENCES
L’expertise est définie comme l’opération ponctuelle réalisée par une personne
possédant un savoir de spécialiste dans une science, un art, un métier. Elle
consiste en l’étude d’un objet afin de délivrer un avis au profit du commanditaire. Son savoir est appelé pour légitimer la norme, la décision politique,
ou encore pour aboutir à une décision estimée plus juste au sein des juridictions,
dans des secteurs aussi variés que la santé, l’environnement, le système
social, les procédures judiciaires, le droit de l’Union européenne, etc.
La multiplicité et la complexité de l’expertise, le recours à celle-ci de
plus en plus fréquent – interprété comme un transfert de responsabilité –
amènent de nombreux questionnements : risques de l’expertise, erreurs
commises par les experts sont aujourd’hui mis en évidence, une telle fiabilité
étant de plus en plus contestée, mise en doute par les médias.
Stratégie d’expertise
Développement et/ou orientation de la connaissance ?
La présente livraison de Sciences de la Société propose autour de la stratégie
d’expertise une recherche interdisciplinaire – associant juristes, sociologues,
médecins et spécialistes en communication – susceptible de contribuer
à une telle réflexion sur l’opportunité de l’expertise et la teneur et
l’influence de la connaissance qu’elle mobilise. Une telle mobilisation
de la connaissance pourra également relever d’une stratégie – légitimer
– et être elle-même stratégique – savoir individuel ou collectif. Quoi
qu’il en soit, elle participera de l’amélioration des connaissances, quand
celles-ci en effet ne seront pas remises en cause : ce sont les pratiques
ou les affiliations, etc., qui pourront alors être dénoncées.
Université Toulouse - Jean Jaurès
pum.univ-tlse2.fr
N° 95 - 2015
Stratégie d’expertise
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DE LA
Stratégie d’expertise
Développement
et/ou orientation
SCIENCES DE LA SOCIÉTÉ
SCIENCES
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niv-tlse2.f
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w3.scsoc
de la connaissance ?
LERA 95
Code Sodis : F408378
ISBN : 978-2-8107-0436-1
N° 95
2015
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PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIDI
N° 95
2015
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SCIENCES
DE LA SOCIÉTÉ n° 95 – © 2016
Jérôme BÉRANGER
La valeur éthique de la donnée de santé
à caractère personnel : vers un nouveau paradigme de l’écosystème médical dématérialisé
Face au développement constant de la e-santé, de la télémédecine et des big data médicaux,
des changements juridiques qui s’accélèrent, des ruptures économiques qui s’amplifient, une
sensation de flou survient autour de la donnée personnelle en santé. La manipulation et
l’exploitation de l’information médicale se trouvent alors en perpétuel équilibre entre
confidentialité et transparence. Désormais, ces nouvelles technologies de l’information et de
la communication (NTIC) perturbent sensiblement le microcosme médical allant jusqu’à
remettre en question les paradigmes de la Médecine d’Hippocrate telle que nous la
connaissons auparavant. Dès lors, une réflexion sur la valorisation de la donnée de santé à
caractère personnel s’impose à nous. Notre étude se base sur de nombreuses enquêtes terrain,
des interviews ciblées auprès des différents acteurs, ainsi que sur une recherche
bibliographique sur le sujet. Ces travaux ont aboutis à la réalisation d’une charte éthique
destinée à valoriser et à protéger la donnée personnelle en santé. L’objectif est de donner du
sens à la réalisation, la mise en place et l’utilisation de la donnée personnelle afin de mieux la
contrôler. Nos recherches souhaitent apporter les premiers éléments d’un cadre moral
contribuant à des changements sensibles des mentalités et d’usages des acteurs concernés par
cette donnée. Dans ces conditions, notre analyse éthique constitue le fondement d’une
nouvelle approche éthico-technique, respectueuse du citoyen, orientée en direction de la
pensée, de la conscience et de la responsabilité humaine.
Mots-clés :
NTIC,
donnée personnelle, santé, valeur, éthique.
The ethical
value of personal health data: towards a new paradigm of paperless medical ecosystem
To the constant development of e-health, telemedicine and medical Big data, legal changes that
are accelerating, economic disruptions that amplify, a feeling blur occurs around personal
health data. Handling and use of medical information are then constantly balance between
confidentiality and transparency. Now, these New information and communication
technologies (NICT) substantially disrupt the medical microcosm up to challenge the paradigms
of Medicine Hippocrates as we previously know. Therefore, a reflection on the value of health
data of a personal nature is imposed on us. Our study is based on many field surveys,
interviews targeted at different actors, as well as a literature search on the subject. This work
has enabled the creation of a code of ethics designed to enhance and protect the personal data
in health. The aim is to make sense of realization, implementation and use of personal data in
order to better control it. Our research wish to make the first elements of a moral framework
contributing to significant changes in attitudes and practices of people involved in this data.
Under these conditions, our ethical analysis is the foundation of a new ethical-technical
approach, respectful citizen, oriented in the direction of thought, conscience and human
responsibility.
Keywords : new information and communication technologies (NICT), personal data, health, value, ethics.
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SCIENCES DE LA SOCIÉTÉ n° 95 – © 2016
NOTE
La valeur éthique de la donnée
de santé à caractère personnel :
vers un nouveau paradigme
de l’écosystème médical dématérialisé
Jérôme BÉRANGER*
D’
une manière générale, la technologie permet à
l’Homme, en lui procurant des outils toujours plus performants, de construire
un univers socio-économique propre et d’innover par rapport à cette
construction. Ceci aboutit donc à une société dans laquelle les Nouvelles
technologies de l’information et de la communication (NTIC) jouent un rôle
majeur et central notamment dans le domaine de la santé. Aujourd’hui, la
médecine moderne est devenue presque inconcevable sans l’utilisation des
données personnelles numérisées. L’émergence de la e-santé, la
télémédecine, la m-health et des Big data modifient la prestation de santé, la
relation médecin-patient, et la compréhension scientifique du corps humain
et des maladies. L’exploitation des données personnelles est un sujet sensible,
du fait que ces dernières touchent directement à l’intimité de chaque individu.
Les situations dans lesquelles se posent de difficiles problèmes de choix
stratégiques en matière de gestion de la donnée personnelle sont chaque jour
plus nombreuses. Dans ce contexte, l’interaction de la société avec les NTIC
représente un système instable voir précaire.
* Chercheur/ consultant sénior en Ethique des SI en santé, Société Keosys (1, imp. Augustin Fresnel BP 60227 – 44815 Saint Herblain), jbe <at> keosys.com
Chercheur associé (PhD) UMR ADES 7268 – AMU/ EFS/ CNRS – Espace Ethique Méditerranéen – 27, bd JeanMoulin – 13385 Marseille Cedex 5, jeromeberanger <at> hotmail.com
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Jérôme BÉRANGER
La numérisation croissante des données médicales, la capacité sans cesse
accrue à stocker des données numériques, l’accumulation d’informations en
tous genres qui en découle, contribuent alors à apporter certaines craintes et
incertitudes en raison de ses usages multiples (voire complexes), de ses
impacts difficilement mesurables touchant des populations très différentes, et
de son information parfois hors de contrôle. C’est pourquoi, il devient
nécessaire de mieux connaître et comprendre l’usage des NTIC dans le secteur
médical afin de protéger la vie privée de chaque citoyen.
Dans ces conditions, il devient fondamental d’établir une réflexion sur la
donnée de santé à caractère personnel via un prisme éthique afin de soulever
le doute et de maîtriser les incertitudes entourant les dispositifs et les usages
de la donnée médicale dans ce nouvel écosystème dématérialisé.
La valorisation de la donnée personnelle de santé
A l’heure de l’explosion des volumes, de l’avènement du Big Data, de l’esanté et des m-health, la hiérarchisation et la sélection des données médicales
apparait comme fondamentale pour contrôler leurs usages. Cela nécessite
d’en connaitre la valeur informative et d’exploitation.
La mesure de la donnée à caractère personnel demande en prérequis d’établir
une réflexion sur la valeur intrinsèque de ces dernières afin de pouvoir les
évaluer. Pourquoi et comment évaluer ? Pour quoi faire, dans quel but et avec
quels objectifs ? Comment évaluer la valeur d’une donnée, selon quels
critères ? Que doit-on évaluer ? (Simonnot, 2007)
Dès lors, la valeur d’une donnée se définit dans le contexte de l’action et
vient du sens qu’on arrive à en tirer, en termes de prédictibilité ou de
corrélation. Il est alors possible d’apporter de la cohérence aux données
personnelles en la rattachant à leur cause commune : le comportement de la
personne. Ainsi, on peut non seulement étudier le comportement d’un
individu à travers les traces numériques qu’il propage, mais également, in
fine, reconstituer l’ADN de son identité numérique.
Par ailleurs, si cette valeur peut se juger bien évidemment sous l’angle du
contenu, elle peut l’être également sous l’angle de la redondance, de la diversité et de la quantité. La valeur de la donnée est définie par son utilisation et
non par sa nature ainsi que par le service rendu pour son utilisateur. Elle est
proportionnelle à la connaissance intégrée et se détermine par le niveau de
partage, la qualité et la quantité des échanges donnés. Après avoir estimé et
déterminer la valeur d’une donnée, son évaluation devient possible. Evaluer
une information, c’est également déterminer la stratégie de sa diffusion. Donner accès à la bonne information au bon moment, faire une transmission sélective de l’information en fonction des centres d’intérêt et des besoins des
utilisateurs afin lutter contre la désinformation, la surabondance et la
déviance informationnelle.
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La valeur éthique de la donnée de santé à caractère personnel...
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En éthique, le terme de « valeur » est de l’ordre du devoir-être. C’est un étalon de mesure qui permet de jauger les faits. Il indique des idéaux à poursuivre. Ce mot a une connotation générale et dynamique ; il a d’abord une évocation philosophique avant d’avoir une retombée éthique. Un des fondements
de l’éthique est cette impérativité à faire appel à la rationalité des acteurs.
Cette idée passe nécessairement par une entente dans la coordination et
l’échange entre les protagonistes. Chaque personne contribue à la recherche
d’une intercompréhension de la situation à analyser. Cela présuppose donc
une certaine solidarité entre les interlocuteurs qui partagent une même finalité.
Dans ce contexte, la donnée personnelle devient le principal objet de l’action
morale. Il revient de mesurer la valeur intrinsèque puis d’usage de celle-ci.
Valeur intrinsèque de la donnée
Par définition, la valeur intrinsèque d’une chose qualifie la valeur de cette
chose en elle-même, qu’elle permette ou non de satisfaire des besoins et
préférences personnels. Dès lors, cela revient se recentrer sur l’aspect
qualitatif de la donnée personnelle. La qualité ne constitue pas une notion
objective unique. On peut la définir, lorsqu’on considère les choses au plan
le plus global, comme le facteur qui va entraîner la satisfaction de l’usager de
soins quant au produit ou au service consommé, en fonction des attentes, des
besoins, ou des souhaits qui varient naturellement d’un type à l’autre de
produit ou service, mais aussi d’une personne à une autre et, chez la même
personne, éventuellement d’une circonstance à une autre.
En ce qui concerne les données médicales, la qualité désigne le fait que, lors
de leur traitement, de leur conservation ou de leur diffusion, les données
n’ont subi aucune altération, destruction volontaire ou accidentelle et
conservent un format permettant leur usage. Autrement dit, la qualité se
définit comme l’assurance que le contenu de l’information n’a pas été
modifié au cours de sa transmission1. Elle conditionne la réalité du
consentement libre et éclairé du patient vis-à-vis du professionnel de santé.
Face à l’immense production quotidienne d’information, il convient de
recenser les données qui demandent à être conservées et susceptibles d’être
exploitées. Il semble donc nécessaire de retenir que l’essentiel. Les données
que l’on a retenues demandent non seulement à être stockées, mais aussi à
être accessibles et rafraîchies à intervalles réguliers. Enfin, il est
indispensable de faire migrer de supports en supports, au rythme des
évolutions technologiques. Il convient donc d’instituer des archives
numériques, avec des règles claires et appropriées à un domaine en
perpétuelle mutation. Idéalement, le particulier doit pouvoir déterminer luimême ce qu’il souhaite conserver, apportant de ce fait une solution distribuée
au problème du choix des données conservées.
1. Par exemple, suite à un transfert via un réseau.
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Jérôme BÉRANGER
Afin de prendre des décisions sages et des choix raisonnables au sujet de la
santé, le grand public comme le professionnel de santé a besoin et a le droit
d’attendre des SI hospitalier qu’ils fournissent de l’information précise, à jour
et facile à comprendre, et des produits et des services de haute qualité.
C’est pourquoi, la qualité d’une information médicale peut se caractériser en
cinq éléments et critères bien déterminés qui sont : l’intégrité, l’exactitude, la
précision, la validité et l’authenticité.
Par ailleurs, afin d’évaluer la qualité de la donnée, il nous semble
indispensable de commencer par traduire les objectifs de la qualité en
indicateurs mesurables. Un système complet de contrôle de la qualité utilise
différents types d’indicateurs dont chacun mesure un aspect différent de la
qualité et dégage une information complémentaire. Il existe diverses
manières de conceptualiser et de définir les indicateurs. Par définition un
indicateur est une information devant aider un acteur à conduire le cours
d’une action vers l’atteinte d’un objectif ou devant lui permettre d’en évaluer
le résultat. Parmi de nombreuses définitions, l’indicateur de qualité doit
posséder certaines propriétés (Ponçon, 2009. Voir tableau 1).
Tableau 1 – Propriétés d’un indicateur de qualité
Caractère
de pertinence
Caractère
opérationnel
Caractère
consolidable
Caractère
nominal
Caractère
relationnel
Fidèle
Facile à établir
(simplicité)
Quantifiable
N'est jamais
unique
Juste et stable
Facile à utiliser
Cumulable
Reconnu/
Acceptable
Motivant/
Fédérateur/
Mobilisateur
Précis et sensible
Communicant
Utile
Utile à
la prévention
En nombre
limité
Pour Gilles Duhamel2, l’information délivrée aux patients contrairement à la
communication, se doit être à la fois : objective, adaptée au patient, fondée
sur des preuves scientifiques, actualisée, fiable, compréhensible, accessible,
transparente (sourcée), pertinente, et en accord avec la législation.
La donnée doit avoir une pertinence opérationnelle, avoir une pertinence
stratégique et une efficacité cognitive au niveau des connaissances qu’il
apporte. Elle permet de catégoriser, calculer, collecter, mesurer et recueillir
l’information. Ainsi, la donnée permet d’éclairer les différents types de
décision de nature : stratégique et méthodologique, structurel et
technologique, organisationnel et réglementaire, et relationnel et culturel, sur
2. Inspecteur Général des Affaires Sociales (IGAS).
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les informations à exploiter. Dans ces conditions, cette liste non exhaustive
de ces critères sur la qualité de la donnée est nécessaire afin que les
utilisateurs de cette information puissent se faire leur propre opinion et avis.
(voir tableau 2).
Tableau 2 – Critères sur la qualité de la donnée dans l’infosphère
Infosphère
Domaine d'étude
Epistémologie :
Donnée/
Information
Domaine d'étude
Epistémologie :
Donnée/
Information
Stratégique et méthodologique
Structurel et technologique
Applicabilité
Richesse
Adaptabilité
Ordonné
Flexibilité
Evolutibilité
Performance
Réutilisabilité
Pragmaticité
Consolidation
Fonctionnalité / Opérationnalité
Cohérence / Sens
Exactitude
Intégrité
Exhaustivité
Authenticité
Fiabilité
Robustesse
Légitimité
Nominal / Base de données
Organisationnel et réglementaire
Relationnel et culturel
Pertinence
Stabilité / Continuité
Assurance
Pluridisciplinarité
Systématicité
Référence
Normativité
Maintenabilité
Réglementation
Auditabilité
Coordination
Sécurité
Confidentialité
Fédération
Diffusion
Accessibilité
Convivialité
Universalité
Disponibilité
Coopération
Les individus doivent pouvoir juger par eux-mêmes de la qualité de la donnée
de santé qu’ils ont en leur possession dans l’infosphère3 numérique qui les
entoure.
Enfin, nous pouvons également faire un benchmark des données en évaluant
leur : degré de digitalisation, multiplicité des sources, variété de format,
volume des données, et intimité.
Après avoir identifié et caractérisé la valeur intrinsèque de la donnée, il est
indispensable d’analyser la valeur d’exploitation et d’usage de cette dernière
sous un angle éthique.
3. Ce mot est inventé par Dan Simmons (1989) dans son roman de science-fiction intitulé « Hypérion ». Par
la suite, ce terme a été repris par Floridi (1998) désignant l’environnement où se développe l’information. Cette
infosphère amène à des actions telles que : l’actualisation (évaluation, mise à jour, enrichissement) et la
valorisation (accès, diffusion, partage, exploitation et combinaison).
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Valeur d’exploitation de la donnée
Afin d’étudier la valeur d’utilisation d’une donnée, nous appuyons nos
réflexions à partir d’une vision éthique4. Notre approche éthique correspond
une réflexion sur les habitudes qu’il faut contracter pour rendre un espace
« habitable ». Elle apporte donc un questionnement sur les valeurs qui soustendent l’action, propice à un conflit de valeurs dans un monde des idées. Elle
« trouve naturellement sa source de réflexion dans l’action » (Hervé, 1997).
Elle est là pour donner du sens à une action. L’éthique est une disposition
individuelle à agir selon les vertus dans une situation donnée afin de
rechercher la bonne décision. Elle n’a de sens que dans une situation propre
dans laquelle elle admet l’argumentation, la discussion et les paradoxes.
Dans le cadre des NTIC, l’éthique a affaire à des actes, des actions qui ont une
portée causale incomparable en direction de l’avenir et qui s’accompagnent
d’un savoir prévisionnel qui, peu importe son caractère incomplet, déborde
lui aussi tout ce qu’on a connu autrefois. Il faut y ajouter l’ordre de grandeur
des actions à long terme et très souvent également leur irréversibilité. Tout
cela place la responsabilité au centre de l’éthique, y compris les horizons
d’espace et de temps qui correspondent à ceux des principes éthiques.
Dans ce contexte, notre approche éthique se fonde principalement sur les
quatre principes éthiques de Beauchamp et Childress (2001), à savoir le
principe de : Bienfaisance5, Autonomie6, Non-malfaisance7 et Justice8. Ces
éléments sont conçus à la fois comme des outils dans la résolution des problèmes humains et des balises d’orientation pour une intégration de la dimension éthique dans les pratiques. Dans ce contexte, ce prisme éthique permet
de mieux appréhender et comprendre l’équilibre instable qu’il existe entre
l’exploitation et la protection des données à caractère personnel. Ce contrebalancement peut pencher d’un côté ou d’un autre en fonction du contexte
donné. Une telle approche nous amène à nous poser toute une série de questions avant de mettre en application l’utilisation de ces données : Quels sont
les objectifs, les buts, les enjeux et le sens de cet usage ? Que vais-je utiliser
comme données ? Des données partielles ou totales ? Comment vais-je
l’utiliser ? A quel endroit ? Auprès de quels utilisateurs ? Plus globalement,
4. Le mot « éthique » prend son origine dans le terme grecque ethos signifiant « les mœurs » (Cicéron), « les
habitudes » (Platon et Aristote).
5. Elle contribue au bien-être d’autrui. Elle doit répondre à deux règles bien précises : l’action entreprise doit
être bénéfique et utile, c’est-à-dire avoir un rapport coût-bénéfice positif.
6. Elle désigne le fait qu’une personne se donne à elle-même sa règle de conduite, puisque les termes grecs
autos et nomos signifient respectivement « soi-même » et « la loi, la règle ». Ce principe a pour vocation de
faire participer le patient au processus décisionnel.
7. Elle a pour objectif d’éviter le mal à celui dont on a la responsabilité (le patient) et de lui épargner des
préjudices ou des souffrances qui n’auraient pas de sens pour lui. Sa finalité implique donc que l’on fasse du
bien et que l’on s’abstienne de nuire. Ce principe apparaît dans la maxime hippocratique primum non nocere
(« D’abord ne pas nuire), dont la conséquence est de faire du bien aux patients et de les écarter du mal et de
l’injustice.
8. Elle a pour vocation de partager entre tous les patients les ressources disponibles (en temps, en argent, et
en énergie). Ce principe est étroitement lié aux notions d’égalité et d’équité qui interviennent directement dans
le processus d’une décision de justice. Idéalement, toute action devrait tendre vers une égalité parfaite, mais
selon les circonstances et la nature des personnes, l’équité s’impose souvent afin d’établir des priorités et une
certaine hiérarchie dans les actes à réaliser.
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comment exploiter l’ensemble hétérogène de ces données médicales
accumulées et stockées dans un SI ? Quelle sera sa pertinence par rapport à
ma situation ? Cela ne va-t-il pas dénaturer la valeur informative initiale ?
L’intégrité de message final sera-t-elle conservée ? Cela rentre-t-il dans le cadre
d’un meilleur usage des données personnelles, une communication médicale
optimisée et d’une amélioration de la prise en charge vis-à-vis du patient ?
La valeur d’exploitation des données peut s’illustrer par le processus informationnel employé par l’utilisateur d’information. Cette valeur d’utilisation
doit tendre vers une info-éthique générée par une modélisation éthique
systémique néo-platonicienne (Ψ, G, Φ).
La modélisation systémique permet de développer des méthodes pertinentes de
décisions et de légitimations en prenant en compte les enjeux éthiques sousjacents à l’évènement étudié. Dans ces conditions, modéliser nous permet de
mieux comprendre nos expériences des relations que nous avons au monde, en
d’autres termes de « transformer nos expériences en sciences avec conscience » selon Léonard De Vinci. Cela passe par la prise en compte d’interactions à la fois relationnelles et cognitives avec, d’une part, la méthodologie
employée pour « apprendre comment faire » et, d’autre part, la téléologie destinée à « comprendre pour quoi faire ». Dès lors, une amélioration des outils
de pensée entraine nécessairement une amélioration de la prise de décisions.
Schéma 1 – Hiérarchisation sélective des données via la modélisation systémique néoplatonicienne (Ψ, G, Φ)
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Cette modélisation intègre trois paramètres : l’environnement du réel9 (Φ :
Phi10), l’infosphère (G : Gnose11) et la pensée éthique12 (Ψ : Psi13). Notons
que G et Φ appartiennent à un ensemble objectif dit de « rationalité
informationnelle », alors que Ψ provient d’un ensemble subjectif dit de
« rationalité cognitive » (Fransman, 1994 ; Roth, 2004).
Ce dispositif informationnel aboutit à la création d’une info-éthique via la
hiérarchisation sélective des données de santé à caractère personnel. Ce
passage de la donnée à l’info-éthique résulte d’un mécanisme d’interprétation
des données par une personne ou une organisation qui va conduire à ajouter
du sens à une donnée. Pour cela, la personne doit au préalable reconnaissance
la valeur de la donnée médicale personnelle afin de pouvoir l’acquérir et
l’assimiler avant de pouvoir la transformer en une information pertinente et
cohérente. Ce modèle éthique contribue à faire diminuer l’entropie (degré de
désordre) d’une donnée afin que cette dernière soit utilisée de manière
optimale par les producteurs et/ou fournisseurs d’information.
Ainsi, cette vision éthique démontre qu’une sélection des données de santé à
caractère personnel a une action positive pour le principe de :
– bienfaisance : une diffusion appropriée de la connaissance médicale envers
l’utilisateur de SI (notamment pour les professionnels de santé et les patients)
constitue un bien-fondé et une légitimité d’action. La communication
médicale et donc la prise en charge des soins deviennent plus efficients ;
– autonomie : une information préalable (claire, précise, adaptée et
compréhensible) garantit le consentement éclairé de la personne. Ce dernier
agit librement en disposant d’une capacité de délibérer, de décider et d’agir.
Il réalise un acte autonome : intentionnel, volontaire et indépendant avec
compréhension et sans influence extérieure de contrôle ;
– non-malfaisance : l’accès limité aux données médicales personnelles selon
le profil et la nature de l’utilisateur améliore donc la sécurité, la
confidentialité et la protection de ces données.
Toutefois, ce dispositif sélectif des données de santé à caractère personnel a
une répercussion négative sur le principe de Justice, du fait que l’information
médicale transmise n’est pas la même suivant l’utilisateur de la base de données. Un tel système impose des règles d’attribution et d’accès à l’information différente (et donc non égales) selon la nature et le profil de la personne.
Cela traduit d’une certaine manière une discrimination des individus et une
hiérarchisation des données médicales entrainant une dissymétrie de connais9. L’environnement du réel est une dimension propice : au repérage (identification, localisation, estimation,
caractérisation, cartographie et hiérarchie) et à la préservation (acquisition, formalisation et conservation).
L’environnement d’un SI se compose de quatre plans distincts : structurel et technologique, stratégique et
méthodologique, organisationnel et réglementaire, et relationnel et culturel.
10. Cette lettre grecque détermine le chiffre d’or mesurant 1,618. Depuis l’Antiquité, ce symbole représente la
proportion harmonieuse divine. Cela constitue la base des structures dans l’architecture, l’art, l’anatomie, la
musique et la littérature, c’est-à-dire les aspects concrets et pratiques de la Science et des arts.
11. Le terme Gnose signifie « connaissance » en latin.
12. Cf. quatre principes éthiques universels : Bienfaisance, Autonomie, Non-malfaisance et Justice.
13. Cette lettre grecque est souvent utilisée pour désigner la psychologie, la psychiatrie, la psychothérapie et
la psychiatrie, globalement les sciences de la pensée humaine. Ce symbole signifie âme, psyché.
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La valeur éthique de la donnée de santé à caractère personnel...
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sances médicales, et donc qui remet en cause la transparence de l’information
médicale. Enfin, on peut redouter que l’organisation des données via cette
hiérarchisation entraine une vision trop partielle de l’état de santé du patient
et une moins bonne intégrité de la donnée personnelle. De ce fait, la hiérarchisation des données aboutit à une plus grande simplification d’un point de
vue des utilisateurs (professionnels de santé et patients) pour sa pratique des
soins, mais également une plus grande complexité technique pour les producteurs et/ou fournisseurs d’information en termes de process et de modalité.
Dans ces conditions, il est difficile de trouver un équilibre entre la
disponibilité des données de santé, leur confidentialité et leur protection. A
notre sens, la technologie ne permet pas de répondre totalement à cette
problématique. Nous devons également faire appel à la déontologie et aux
comportements humains pour garantir la confidentialité et la protection des
données personnelles de santé. Cela passe nécessairement par une charte
éthique entourant la conception, la mise en place et l’usage de la donnée
personnelle médicale.
Une charte éthique au service de la protection de la vie privée
La société ne peut plus ignorer les modifications constantes apportées par les
NTIC dans les comportements chaque usager de santé, dans les relations
professionnelles et dans les modes d’exercice de la médecine. Dans ces
conditions, il nous a semblé primordial d’établir une charte éthique qui
reprend toutes les problématiques de ce contexte en perpétuelle évolution.
Ainsi, « la qualité de la saisie, du stockage et de l’utilisation des données
médicales dans les établissements de santé, d’une part, et la qualité des outils
fournis par les industriels pour répondre à ces objectifs de qualité, d’autre
part, doivent faire l’objet d’une exigence explicite instituée dans une charte
éthique sur le sujet » (Oumar Bagayoko et al., 2008).
Cette charte éthique sur la conception, la mise en place et l’usage de la
donnée personnelle vise à rendre les droits et les principes fondamentaux
applicables et adaptés au contexte actuel des NTIC en santé. Elle doit favoriser
la bonne pratique en matière d’éthique de ces données en facilitant la
création, le partage et la diffusion de ces dernières. Pour cela, elle doit établir
un contrat de confiance entre les producteurs et les utilisateurs de
l’information médicale.
Cette charte doit donc porter sur le sens moral des comportements individuels
vis-à-vis de soi-même et de son entourage dans un contexte professionnel.
Elle a pour ambition de donner à l’ensemble des acteurs concernés par les
données de santé à caractère personnel, les fondements éthiques, juridiques
et techniques utiles et nécessaires à la conception, la mise en place et l’utilisation correcte. Elle sert de référence et de guide de comportement pour des
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Jérôme BÉRANGER
décisions individuelles prises de bonne foi. Elle permet d’éviter l’écueil des
règlements hypertrophiés à rallonge face à l’intrusion des NTIC en santé, en
faisant principalement appel à la conscience professionnelle de chacun et la
connaissance de son métier, et protéger les libertés individuelles de tous les
utilisateurs de la donnée.
Enfin, cette charte éthique intervient selon deux niveaux d’action :
– comme un rappel aux quatre principes de la bioéthique de Beauchamp et
Childress (2001), à savoir le principe de : Bienfaisance, Autonomie, Nonmalfaisance et Justice qui doivent encadrer les données personnelles afin
d’éviter les imprudences, les manques de clairvoyance ou les négligences ;
– comme une référence à laquelle il faut se reporter afin de clarifier les
enjeux et les devoirs du citoyen et des professionnels de la donnée médicale
personnelle.
Ainsi, en nous appuyant sur de nombreuses enquêtes terrain, des interviews
ciblées auprès des différents acteurs, ainsi que sur une recherche
bibliographique sur le sujet, nous avons pu élaborer un modèle qui se
compose de 24 justifications représentant les principaux objectifs qui doivent
entourer la conception, l’établissement et l’utilisation des données de santé à
caractère personnel. Ces 24 recommandations intègrent les quatre principes
éthiques universels qui sont rattachées à des valeurs sociales. Parmi ces
actions, 9 sont associés au principe de Bienfaisance, 6 respectivement au
principe de Justice et de Non-malfaisance, et 3 au principe d’Autonomie. On
peut également classer ces items en fonction de la nature des valeurs sociales
associées suivantes (voir tableau 3) :
– 7 appartiennent à la « Préservation du lien social » ;
– 2 appartiennent à l’ « Efficacité » ;
– 4 appartiennent à la « Sollicitude envers son prochain » ;
– 4 appartiennent à la « Précaution » ;
– 3 appartiennent à l’ « Universalité » ;
– 3 appartiennent à la « Responsabilité » ;
– 1 appartient à la « Justice sociale ».
A partir du constat que nous avons fait précédemment sur la réalisation, la
mise en place et l’exploitation des données personnelles médicales, plusieurs
mesures et recommandations s’imposent à nous afin de garantir la qualité et
la protection des données de santé à caractère personnel (voir tableau 4).
A la lumière de ces réflexions, il semble indispensable d’apporter au cœur de
la mise en place et l’exploitation des données personnelles, de la sociologie
et de l’éthique en charge de produire un cadre conceptuel de bonnes pratiques
de ces données. Une bonne utilisation de la donnée personnelle basée sur une
intelligence organisationnelle consiste donc d’éliminer, de hiérarchiser et de
trier les données accessibles afin de leur donner du sens et de la cohérence,
et non à les accumuler. Cela revient à dire qu’une technologie sans éthique et
sans connaissance équivaut à un corps sans âme et sans esprit.
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Enfin, cette charte éthique et ces recommandations ne doivent pas être
utilisées comme un cadre rigide, mais plutôt comme une structure flexible à
intégrer dans la conception, la mise en place et l’utilisation des données de
santé à caractère personnel.
Tableau 3 – Charte éthique sur la conception, la mise en place et l’utilisation des données de
santé à caractère personnel
Justifications entourant les données
Principes fondamentaux Valeurs sociales
personnelles en santé
éthiques
associées
1 : Aider à la prise de décision médicale
établie par le professionnel de santé (PS)
2 : Promouvoir la qualité, l'organisation,
Sollicitude
la gestion et la planification des prises
envers
en charge du patient
son prochain
3 : Œuvrer pour le bien du patient
4 : Partager une information transparente
et accessible entre le malade et le PS
5 : S'assurer de la qualité et du choix de
l'information transmise au patient
Bienfaisance
Préservation
6 : Améliorer la continuité des soins
du lien social
7 : Aider le ministère de la santé à répondre
aux attentes et à la prise en charge du cancer
chez l’usager de santé
8 : Instaurer auprès du malade une légitimité du droit et du traitement d'information
Responsabilité
9 : Etablir un devoir de sécurité, d'intégrité, de traçabilité et de protection des
données médicales
10 : Evaluer les performances et cerner
les domaines où l'action s'impose en listant
les points de dysfonctionnement
Efficacité
11 : Permettre une analyse épidémiologique ou statistique (SAE)
12 : Améliorer et renforcer l'interactivité
Préservation
avec les acteurs extérieurs à la structure
du lien social
de soins
13 : Renforcer la disponibilité des PS
Justice
14 : Répartir de manière équitable des
inconvénients et des avantages d'un tel
Justice sociale
outil dans la charge de travail du PS
15 : Elaborer et partager une information
précise et adaptée à toute la population
Universalité
16 : Suivre la réglementation législative
des données médicales
Universalité
17 : Respecter les règles de stockage,
d'hébergement et de diffusion instaurées
par la CNIL
18 : Minimiser ou éliminer des torts faits
aux patients du fait d'une mauvaise
information
Non-malfaisance
19 : Réduire les risques inutiles ou mal calculés
Précaution
20 : Assurer la fiabilité du recueil de données
médicales et sa permanence
21 : S’assurer de la pertinence technique
et du bien-fondé humain de l'outil
22 : Replacer le patient au centre de la décision en lui apportant une information médiPréservation
cale plus complète et rapide : Meilleure
du lien social
autonomie du patient
23 : Respecter la vie privée et du droit au
secret médical et à la confidentialité
Autonomie
24 : Adapter une technologie aux connaisSollicitude
sances et au savoir-faire du PS
envers son prochain
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Jérôme BÉRANGER
Tableau 4 – Recommandations entourant l’élaboration, la mise en place et l’exploitation de la
donnée de santé à caractère personnel
• Indiquer l’origine de la donnée : brute, consolidée via différents producteurs, construites à
partir de tierces données ;
• La donnée médicale doit circuler en garantissant un souci de confidentialité et dans un
processus de qualité ;
• Indiquer clairement la date de transfert ou d'hébergement des données afin de s'assurer de
la bonne actualité et mise à jour de l'information ;
• Chiffrer la donnée pour assurer une traçabilité et un suivi de cette dernière ;
• Les outils de transmission de l'information doivent être valides ;
• La donnée médicale est sans cesse évolutive et doit être régulièrement mise à jour ;
• La donnée est revalidée (capacité de revalidation du diagnostic, des stratégies
thérapeutiques, etc.) ;
• Fournir de l'information consistante et basée sur des preuves médicales émanant de sources
et références médicales (organismes de validation interne ou externe) afin de garantir la
crédibilité et le bien fondée des données : Pourcentage des données validées, mode de
sélection des données validées, méthode de validation (critères), résultat (qualitatif et
quantitatif) de la validation, fréquence de validation (cf. données évolutives)14 ;
• Indiquer clairement si l'information est fondée sur des études scientifiques, consensus
d'experts, ou sur une expérience ou une opinion professionnelle ou personnelle ;
• S'assurer que les avis médicaux ou conseils soient donnés par des praticiens qualifiés ;
• Décrire le processus de recrutement (typologie des contributeurs, contrat avec le
fournisseur, mode de rémunération, consentement de la personne) ;
• Indiquer la modalité de fabrication, de constitution ou de transformation de la donnée ;
• Décrire le processus d’usage et de conservation de ses données médicales par le fournisseur
ainsi que les conditions dans lesquelles l’utilisateur pourra lui-même accéder à ses données
afin de garantir l’intégrité, la sécurité et la confidentialité des données personnelles ;
• Evaluer rigoureusement et équitablement l'information, y compris celle utilisée pour décrire
produit ou service ;
• Respecter les droits associés à la protection intellectuelle : licence d’utilisation des sources,
droits du producteur / fournisseur sur la donnée, altération de licence dû au traitement de la
donnée ;
• S’assurer que les fournisseurs respectent les réglementations génériques et particulières
liées à l’exploitation de la donnée personnelle ;
• Une cohérence de la donnée nécessite un temps de coordination (Fournier 2008) ;
• Rendre plus accessible l'information au patient ou au professionnel de santé non spécialisé
afin qu'il puisse la comprendre et l'utiliser dans les meilleures conditions. Pour cela, les
produits ou services employés devraient être décris dans un langage clair, facile à lire et
approprié aux utilisateurs ciblés.
14. Cf. document intitulé « Charte éthique et big data : faciliter la création, l’échange et la diffusion des
données », réalisé par l’Institut des technologies Multilingues et Multimédias de l’Information (IMMI-CNRS), le 14
juin 2013, <http://wiki.ethique-big-data.org>.
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Conclusion
Avec le développement des NTIC, notre société multiplie les possibilités de
choix, souvent contradictoires concernant l’usage de la donnée personnelle.
Désormais, chaque personne doit réfléchir, faire un tri et resituer chaque donnée dans une échelle de valeur rationnelle dans l’objectif de pouvoir assumer
ses choix et ses décisions sur son usage notamment en santé. L’exploitation
croissante de la donnée numérisée dans la société impose une certaine légitimité de l’information à l’usager de soins (Fainzang, 2006). Le développement
du consumérisme de l’information médicale marque donc une évolution importante de la demande des patients. Ces derniers demandent plus naturellement des comptes sur la manière dont ils sont soignés et comment sont
utilisées les données de santé à caractère personnel ? Les professionnels de
santé, les producteurs et les fournisseurs d’information sont dans l’obligation
d’adapter leurs prestations et la manière de travailler en prenant compte de
cette nouvelle donne.
Désormais, la médecine traditionnelle 1.0 a laissé la place à la médecine connectée 2.0 apportant une meilleure compréhension des maladies chroniques,
des maladies infectieuses, des nouvelles approches de diagnostic et de
traitement thérapeutique, de la surveillance de la maladie et des facteurs de
risques sanitaires en santé publique, en fonction de nos habitudes et notre
comportement de navigation sur Internet. Dès lors, cette surabondance de
données suscite certaines préoccupations éthiques de leurs usages et des
déviances qui peuvent en découler. En effet, la quête de sens qui marque cette
période de transition entraîne nécessairement un questionnement sur les
valeurs qui orientent nos comportements et nos actions tant individuels que
collectifs (Saint-Jean, 2002). Cette éthique, située au centre de cette quête de
sens entourant ces outils de communication et de diffusion de l’information,
est d’autant plus forte qu’il s’agit du secteur médical.
En conséquence, la gestion informatique de la donnée de santé à caractère
personnel appelle à une vigilance accrue notamment pour sa protection et ne
pourra être envisagée que dans le respect de certaines conditions. Ceci nous
amène à nous poser la question de la valorisation et de la protection des données de santé. Selon nous, le bon usage et protection de ces données passent
inéluctablement par une réflexion éthique sur des procédures de contrôle et
d’encadrement de ces dernières afin de conserver une place prédominante à
la confidentialité et la confiance auprès des producteurs et fournisseurs d’information, et ainsi contribuer à donner une certaine maitrise des risques et des
déviances de ces derniers. C’est pourquoi, nous espérons que notre charte
éthique permettra de renforcer les partenariats public/privé atour du partage et
de l’exploitation des données médicales personnelles, tout en préservant la
sécurité des données personnelles dans des réseaux de confiance.
Ainsi, les acteurs impliqués dans le cycle de vie de la donnée personnelle vont
devoir s’aligner sur ce modèle de valorisation éthique afin que les
responsabilités soient clairement délimitées et indiquées.
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Jérôme BÉRANGER
Enfin, on peut imaginer que dans les années à venir, toutes les explorations,
tous les progrès et diffusions de donnée, jusque-là impossibles deviendront
effectives dans tous les secteurs de la science, de la santé, de la médecine, et
de la société. Les synergies qui n’étaient qu’imaginées, deviendront réelles et
modifieront le rôle de la personne face à l’exploitation de la donnée de santé
à caractère personnel. Dès lors, cela nous amène à se demander, s’il ne serait
pas bénéfique de donner la propriété des données à leurs producteurs initiaux,
c’est-à-dire aux personnes ? Cela permettrait, peut-être, aux individus de plus
se protéger et se responsabiliser vis-à-vis de leurs données personnelles, tout
en bénéficiant d’une partie de la valeur financière générée par leurs
exploitations. Dans ce contexte, la personne verrait son statut évoluer de
« consommateur » à « data trader » de ses données personnelles…
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44, n° 3, 210-216.
Dossier coordonné par Mathilde CARON
Presses universitaires du Midi
Prix : 21 E
Expertises • Connaissance • Décision • Discours savant • Législateur •
Légitimation • Sécurité sanitaire • Conflit d’intérêt • Système judiciaire •
Négociation • Union européenne
SCIENCES
L’expertise est définie comme l’opération ponctuelle réalisée par une personne
possédant un savoir de spécialiste dans une science, un art, un métier. Elle
consiste en l’étude d’un objet afin de délivrer un avis au profit du commanditaire. Son savoir est appelé pour légitimer la norme, la décision politique,
ou encore pour aboutir à une décision estimée plus juste au sein des juridictions,
dans des secteurs aussi variés que la santé, l’environnement, le système
social, les procédures judiciaires, le droit de l’Union européenne, etc.
La multiplicité et la complexité de l’expertise, le recours à celle-ci de
plus en plus fréquent – interprété comme un transfert de responsabilité –
amènent de nombreux questionnements : risques de l’expertise, erreurs
commises par les experts sont aujourd’hui mis en évidence, une telle fiabilité
étant de plus en plus contestée, mise en doute par les médias.
Stratégie d’expertise
Développement et/ou orientation de la connaissance ?
La présente livraison de Sciences de la Société propose autour de la stratégie
d’expertise une recherche interdisciplinaire – associant juristes, sociologues,
médecins et spécialistes en communication – susceptible de contribuer
à une telle réflexion sur l’opportunité de l’expertise et la teneur et
l’influence de la connaissance qu’elle mobilise. Une telle mobilisation
de la connaissance pourra également relever d’une stratégie – légitimer
– et être elle-même stratégique – savoir individuel ou collectif. Quoi
qu’il en soit, elle participera de l’amélioration des connaissances, quand
celles-ci en effet ne seront pas remises en cause : ce sont les pratiques
ou les affiliations, etc., qui pourront alors être dénoncées.
Université Toulouse - Jean Jaurès
pum.univ-tlse2.fr
N° 95 - 2015
Stratégie d’expertise
TÉ
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C
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Stratégie d’expertise
Développement
et/ou orientation
SCIENCES DE LA SOCIÉTÉ
SCIENCES
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LERA 95
Code Sodis : F408378
ISBN : 978-2-8107-0436-1
N° 95
2015
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PRESSES UNIVERSITAIRES DU MIDI
N° 95
2015
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