par l’image d’un œil voyant un espace : une table
constituée de carrées noirs. Si l’œil était posé sur la table, il
ne verrait pas de table, mais un assemblage hétérogène de
carrés différents, un espace partes extra partes, où les formes
sont contiguës sans posséder la moindre unité. Par contre,
l’œil en position de survol au-dessus de la table voit une
table unifiée. Ruyer opère par là même une réforme
double, celle de l’espace en même temps que celle de la
conscience. L’auteur en témoigne ici avec éloquence :
À peine mon ouvrage terminé, j’eus la crainte de n’avoir
pas assez explicité le point capital, à savoir que la
conscience, le « regard sur la carte », était bien un
système structural, tout comme la carte de papier et tout
comme le paysage géologique. J’écrivis divers articles sur
ce sujet, en essayant de mieux définir la notion de
« surface absolue », à laquelle je me référais
implicitement, et qui pour moi contenait tout ce qu’il y
avait dans la conscience. L’expression « regard sur » la
carte est en elle-même trompeuse. Elle risque de faire
croire à une mystérieuse entité, le sujet, conscient de la
carte, qu’il regarde du dehors. Mais, une fois le regard
jeté, selon la mécanique du corps, une fois la sensation
visuelle obtenue, cette sensation est un champ spatial,
dans ma tête, un champ spatial dont le caractère
conscient ne tient pas à ce qu’il se regarde encore lui-
même, mais seulement à ce que son mode de liaison, qui
n’est pas de proche en proche, comme la cohérence du
papier de la carte, en fait une « surface absolue ». La
conscience n’est pas « connaissance de »..., elle est réalité,
elle est « être ». La conscience ne devient connaissance
que si elle est considérée dans sa fonction de
correspondance structurale avec l’objet qui est à l’origine
de la modulation cérébrale4.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
4 RUYER, Raymond, « Raymond Ruyer par lui-même », Les études philosophiques,