Génétique et affections de l appareil locomoteur

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Génétique et affections de l’appareil locomoteur
XIVe Journée de rhumatologie de l’hôpital Cochin*
a génétique est une approche omniprésente dans la
recherche médicale actuelle, qu’elle soit fondamentale
ou clinique. En rhumatologie, de nombreuses maladies
sont connues pour être liées à un terrain génétique particulier :
polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathies, certaines connectivites... Il paraissait important de définir les avancées de cette
approche et son intérêt pour le rhumatologue, que ce soit pour le
diagnostic ou, peut-être, dans un futur proche, pour le traitement
de certaines affections par la thérapie génique. Enfin, la recherche
génétique a entraîné une réflexion éthique et la mise au point de
textes et d’observatoires internationaux (sous l’égide de
l’UNESCO) ou nationaux pour tenter de contrer les dérives possibles de l’exploitation d’une telle approche, mettant en avant les
enjeux majeurs de la génétique.
caps. Chez l’adulte, 60 % des maladies ont une composante génétique, en rhumatologie en particulier : la polyarthrite rhumatoïde,
les spondylarthropathies, certaines connectivites... Les cartes du
génome ont permis de simplifier la lecture du génome en la
restreignant à des régions précises : la carte génétique mise au
point par Jean Weissenbach (fragments identifiés par des repères),
la carte physique par Daniel Cohen (fragments recopiables), la
carte de fragments de gène par Charles Auffray (recherche de
fragments). Ces trois cartes ont révolutionné l’étude des maladies génétiques : actuellement, il faut quelques mois pour localiser un gène, l’identification du gène étant la première étape de
la compréhension du mécanisme de la maladie. On peut ainsi
obtenir un pronostic de la maladie, un diagnostic prénatal et, éventuellement, appliquer des techniques de thérapie génique.
LA MALADIE PÉRIODIQUE : UNE DÉCOUVERTE GÉNÉTIQUE
RÉCENTE (M. Delpech, Paris)
LA MÉTHODE GÉNÉTIQUE PEUT S’APPLIQUER AUX MALADIES
PLURIFACTORIELLES (G. Thomas et F. Clerget, Paris)
La maladie périodique est une maladie héréditaire autosomique
récessive qui touche essentiellement les populations du bassin
méditerranéen. Dans ces populations, la maladie est fréquente,
mais le diagnostic est difficile et aucun test biologique ne permet
actuellement de le confirmer. On sait que le risque d’amylose
avec atteinte rénale est important, prévenu par la prise précoce et
régulière de colchicine. La découverte récente, par deux équipes
concurrentes, d’une mutation génique responsable de la maladie
périodique est une avancée majeure dans la prise en charge de
cette maladie. En France, la recherche menée par l’équipe du
Pr Marc Delpech sur plus de cent familles a permis de déterminer un intervalle de 250 kb où pouvait se situer le gène situé sur
le bras court du chromosome 16. La recherche a ensuite été affinée par des programmes de recherche de séquences codantes permettant d’aboutir à la découverte de la mutation génique. La protéine codée par ce gène muté a été dénommée marenostrine par
l’équipe française et pyrine par l’équipe israélo-américaine. La
mutation initiale serait commune aux différentes populations
atteintes : les Arméniens, les Juifs Séfarades, les Arabes du Maghreb
auraient hérité cette maladie d’un ancêtre commun. C’est ici que
la génétique et la géopolitique se rejoignent.
L’étude des maladies mendéliennes, dues à la mutation rare d’un
gène, s’appuie sur une méthode statistique, la méthode des “lod
scores”, qui étudie la liaison du gène avec des marqueurs pris
aléatoirement sur le génome. La génétique humaine s’oriente
actuellement vers l’étude de caractères individuels résultant de
l’interaction de plusieurs facteurs génétiques et de l’environnement. Les méthodes de recherche actuelles s’appuient sur le recrutement d’un grand nombre de petites familles comportant un
nombre restreint de sujets possédant les caractéristiques recherchées. La première méthode s’appuie sur l’analyse des liaisons
du génome. La deuxième approche, plus nouvelle, s’appuie sur
les méthodes d’association, qui nécessitent encore de restreindre
les recherches à un segment précis du génome.
Dr S. Perrot, service de rhumatologie A
et Centre de la douleur, Hôpital Cochin, Paris
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TECHNIQUES DE LA GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE : DES PRÉLÈVEMENTS À LEUR EXPLOITATION (J.F. Prud’homme, Paris)
Les maladies génétiques sont très fréquentes : chez l’enfant, elles
sont responsables de 25 % de la mortalité et de 30 % des handi* 25 mars 1998, Paris.
La Lettre du Rhumatologue - n° 243 - juin 1998
GÉNÉTIQUE DE LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE (F. Cornelis,
Paris)
Le système HLA explique un tiers de la composante génétique
de la PR. Le Dr Cornelis poursuit son étude des gènes de susceptibilité en dehors du système HLA (consortium de 7 pays composé de 17 centres). L’étude des gènes candidats est décevante.
Une recherche systématique par criblage du génome est en cours
(loci liés à la PR) pour chaque locus de susceptibilité. Deux types
de familles caucasiennes sont étudiées : les germains atteints
(recherche du coefficient de partage des marqueurs) et les familles
dont un patient est atteint de PR. Neuf marqueurs sur 23 régions
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différentes du HLA donnent des résultats suggestifs. Les tests de
réplication montrent une évidence de liaison avec la région RA2
(Rheumatoid Arthritis 2), située sur le chromosome 18 (commune
au diabète insulinodépendant). Cette région est appelée RA2 en
référence à la région HLA, appelée RA1.
GÉNÉTIQUE DU LUPUS (J.C. Piette, Paris)
Le lupus érythémateux systémique (LES) a une prévalence estimée à 1/2 000 dans la population caucasienne (le risque relatif
chez les apparentés au premier degré est de 20). Le poids des
allèles HLA 1 et 2 prédisposant au lupus est modéré et les résultats sont contradictoires selon les ethnies. Parmi les allèles HLA
de classe 2, les haplotypes HLA DR2 et DR3 sont associés de
façon significative à la survenue d’un LES chez les Caucasiens
et ils semblent plus corrélés au profil d’autoanticorps qu’à l’expression clinique de la maladie. Parmi les gènes codant pour les
protéines du complément, l’anomalie la plus fréquente concerne
le C4a. Les déficits complets en C1q s’associent presque constamment à la survenue d’un LES. Un locus de susceptibilité situé sur
le bras court du chromosome 1 aurait été récemment identifié ;
sur celui-ci se trouvent aussi des gènes codant pour la portion Fc
des immunoglobulines G. Une étude génétique française est en
cours (120 familles lupiques multiplexes identifiées à l’hôpital
Necker). Mais l’hétérogénéité clinique reflète-t-elle l’hétérogénéité génétique ?
GÉNÉTIQUE DU PSORIASIS (J. Fischer, Ivry)
Le psoriasis cutané touche 1 à 2 % de la population. Une association entre les antigènes de classe 1 du système HLA et l’âge
de début du psoriasis a été identifiée, mais la liaison à l’HLA
n’explique qu’une part de la prédisposition génétique. Le risque
de la maladie pour les apparentés du premier degré est estimé
entre 8 et 23 %. L’étude de familles américaines et irlandaises a
montré une association avec l’antigène HLA Cw6, avec le chromosome 17, et le bras long du chromosome 4. Quatre autres
régions chromosomiques seraient impliquées : les chromosomes
2, 8, 20 et 6 ; ce dernier expliquerait 35 % de l’effet génétique du
psoriasis. Actuellement, grâce au Généthon, plus de 3 800
familles ont été retenues dont 502 avec au moins 5 sujets atteints ;
le phénotypage est en cours.
GÉNÉTIQUE DES MALADIES INFLAMMATOIRES DIGESTIVES
(J.P. Hugot, Paris)
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont
plus fréquentes en Europe et en Amérique du Nord (prévalence
globale en Europe : 1/1 000). Un à deux pour cent des apparentés
du premier degré sont atteints (maladie de Crohn [MC] et rectocolite hémorragique [RCH]). Les gènes candidats les plus étudiés
pour les MICI sont les gènes HLA. Pour la RCH, une association
a été rapportée avec les allèles HLA DR2, et pour la MC, avec
DR1, DR7 et DQ5. D’autres études montrent qu’il existe un gène
de prédisposition aux MICI sur les chromosomes 12 et 16. Cependant, des facteurs environnementaux semblent très importants.
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POLYMORPHISME DU HLA B27 ET SUSCEPTIBILITÉ À LA
SPONDYLARTHRITE ANKYLOSANTE DANS LE MONDE
(C. Lopez-Larrea, Espagne)
Le HLA B27 est associé fortement à la spondylarthrite ankylosante (SPA) et représente une famille de 11 allèles (B27-01 à B2711). Une étude de population a permis de les caractériser en fonction des régions du globe. B27-05 est le sous-type prédominant
dans les régions polaires et préarctiques, B27-02 est pratiquement
restreint aux populations caucasiennes, avec une grande fréquence
au nord de l’Afrique et dans le Moyen-Orient, B27-03 est plus
fréquent en Afrique de l’Ouest ; B27-06 est associé négativement
avec la SPA en Thaïlande, ainsi que B27-09 en Sardaigne.
GÉNÉTIQUE DE LA SPONDYLARTHRITE ANKYLOSANTE :
EXPÉRIENCE ANGLAISE (P. Wordsworth, Oxford)
P. Wordsworth confirme dans une étude anglaise de 284 SPA caucasiennes l’association à HLA B27. Il n’a pas observé de relation avec B27-05 ni B27-02, mais avec HLA B-60. B27 est faiblement représenté (6 % de la population) dans l’ethnie Fula
(Gambie) ; cette faible incidence peut être corrélée à la prédominance de HLA B27-03 dans cette population et/ou à la protection par des facteurs environnementaux. Une étude sur
40 jumeaux souffrant de SPA a été effectuée en Grande-Bretagne.
Soixante-quinze pour cent des jumeaux monozygotes sont
concordants pour la SPA contre 12,5 % de jumeaux dizygotes.
Par ailleurs, une association significative avec HLA DR1
indépendante de B27 a été observée, ainsi qu’avec HLA DR8
(364 SPA en Grande-Bretagne). HLA B27, -B60 ou -DR1 n’ont
pas montré de relation avec la sévérité de la maladie. Par ailleurs,
certains gènes de la SPA seraient situés sur le chromosome 16.
En conclusion, 20 à 50 % de la susceptibilité de la SPA serait liée
au complexe HLA, d’autres gènes non HLA semblant toutefois
contribuer pour plus de 50 % à la maladie. Les facteurs environnementaux sont importants mais probablement non ubiquitaires.
GÉNÉTIQUE DES SPONDYLARTHROPATHIES : EXPÉRIENCE
FRANÇAISE
Cent vingt familles atteintes de SPA sont en cours de collecte
(S. Laoussadi, Paris). Elles comportent au moins 200 familles
avec deux germains atteints et 40 familles avec au moins
5 membres atteints. La recherche de gènes de susceptibilité et/ou
de coopération dans la région du complexe majeur d’histocompatibilité et l’étude systématique du génome (recherche d’autres
gènes) sont en cours.
Les résultats préliminaires d’une autre étude (M. Bréban, Paris)
portant sur 500 individus confirment la forte association avec
HLA B27 (p < 10-9). Une association est aussi retrouvée avec
HLA A28, -C1 et -C2. L’étude de la région HLA classe 2 ne montre
pas d’association indépendante du B27. Le risque de développer
une spondylarthropathie diminue très rapidement avec l’éloignement de l’apparentement. Cela justifie une recherche systématique
de gènes non HLA impliqués dans les spondylarthropathies.
Dr F. Laroche, service de rhumatologie A,
Hôpital Cochin, Paris
La Lettre du Rhumatologue - n° 243 - juin 1998
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