Sarah BECKER
Maella CARIOU
Adélaïde DÉSILLES
Stéphanie DUJARDIN
Théodora RALLI
Master II Droit de l’environnement
Année universitaire 2011/2012
PATRIMOINE NATUREL ET CULTUREL
M. Christophe SANSON
Maître de Conférences (HDR)
à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)
TRAITÉ DE LISBONNE ET LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT
CLIMATIQUE :
EXAMEN CRITIQUE DES DISPOSITIONS PERTINENTES
1
SOMMAIRE(
Introduction*...............................................................................................................................................*2!
I-*Le*principe*de*libre*circulation:*la*promotion*d’une*croissance*économique*
incompatible*avec*le*principe*de*développement*durable*....................................................*7!
A) La libre circulation des marchandises et le développement durable: une difficile conciliation .............. 8
1. L’intransigeance de l’Union européenne à l’égard des obstacles tarifaires: article 30 TFUE!............!9!
2. Une position plus souple pour les restrictions quantitatives : articles 34 et 36 TFUE!..........................!11!
B) La libre circulation des personnes et des services au détriment de la protection de l’environnement .. 13
1. Les enjeux du droit de circuler librement!..............................................................................................................!13!
2. La libre prestation de services et sa nature résiduelle par rapport à la libre circulation des
marchandises!...................................................................................................................................................................!15!
II-*Les*politiques*sectorielles*de*l’Union*européenne*:*une*gestion*inadaptée*des*
ressources*naturelles*.......................................................................................................................*17!
A) Les potentielles contradictions entre les dispositions relatives à l’énergie et les dispositions
spécifiques à l’environnement*.........................................................................................................................*18!
1. La promotion d’une politique énergétique durable dans un cadre procédural complexe!.....................!18!
2. Une base juridique incertaine quant à la lutte contre le changement climatique!....................................!20!
B) L’utilisation durable de l’énergie absente des fondements des politiques sectorielles*...........................*22!
1. Politique agricole commune versus agriculture durable!..................................................................................!22!
2. Le retard du tourisme et de l’industrie en matière de développement durable!.........................................!24!
Conclusion*...............................................................................................................................................*29!
BIBLIOGRAPHIE*.....................................................................................................................................*30!
2
Introduction
Le 13 décembre 2007, les vingt-sept pays de l’Union européenne (UE) ont signé le traité de
Lisbonne1, mettant ainsi un terme à cinq années de négociations sur la réforme institutionnelle de
l’Europe et offrant à l’Union européenne la possibilité de sortir de la crise profonde dans laquelle
l’échec du traité constitutionnel l’avait plongée.
Le « Traité établissant une Constitution pour l’Europe2 » issu des travaux de la Convention3
chargée de mener une réflexion sur l’élargissement des compétences de l’Union européenne, était
un dispositif novateur et ambitieux ayant vocation à remplacer les traités jusqu’alors en vigueur.
Mais, le traité de « Rome II », qui permettait à l’Union européenne élargie de fonctionner, n’est
jamais entré en vigueur ; les participants français, néerlandais et irlandais l’ayant rejeté par le
référendum dont il a fait l’objet.
Le traité constitutionnel abandonné, l’Union restait régie par le traité de Nice, inadapté à une
Europe élargie à vingt-sept Etats. Les chefs d’Etat et de gouvernements ont alors convoqué, le
23 juillet 2007, une nouvelle conférence intergouvernementale chargée de réfléchir à l’élaboration
d’un traité « modificatif ». Près de deux mois plus tard, un nouveau projet de traité était finalisé. À
la différence du traité constitutionnel qui devait remplacer les traités existants, le traité de Lisbonne
n’a fait qu’amender les traités en vigueur.
L’Union est aujourd’hui fondée sur deux traités que le traité de Lisbonne a modifié : le traité sur
l’Union européenne (TUE) et le traité instituant la Communauté européenne rebaptisé traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
Le traité de Lisbonne a opéré de multiples changements à l’architecture institutionnelle et apporté
des innovations importantes à l’essence même de l’ordre juridique de l’Union4 tout en se
dépouillant des références aux symboles constitutionnels du traité mort-né.
La politique communautaire de l’environnement a cependant été épargnée par la profondeur de ces
mutations.
1 Traité de Lisbonne modifiant le traité de l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé
à Lisbonne, le 13 décembre 2007, Journal officiel, n° C 306 du 17 décembre 2007.
2 Traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé à Rome, le 24 octobre 2004, Journal officiel, C 310 du 14
décembre 2007.
3 Convention sur l’avenir de l’Europe convoquée par le Conseil européen de Laecken réuni en décembre 2001 sous la
présidence belge. Le Conseil européen avait désigné M. Valéry GISCARD D'ESTAING comme Président de la
Convention et MM. Giuliano AMATO et Jean-Luc DEHAENE comme Vice-Présidents. Elle comptait 105 membres
titulaires.
4 Lire notamment : SADELEER de (N.), DUMONT (H.), JADOUL (P.), VAN DROOGHENBROECK (S.) (dir.), Les
innovations du traité de Lisbonne Incidences pour le praticien, Bruylant, Bruxelles, 2001, 331 p.
3
Entré en vigueur le 1er décembre 2009, soit un an après l’adoption du « paquet énergie-climat5 »
portant engagement de l’Union européenne dans le cadre du protocole de Kyoto6, le traité de
Lisbonne n’a en effet pas eu d’incidence significative sur le droit européen de l’environnement et
en particulier, sur la lutte contre le changement climatique.
Les grandes évolutions du droit européen de l’environnement ont eu lieu dans les années 90 et
force est de constater qu’elles se sont essoufflées en 1997. En effet, l’Acte unique européen, en
1987, avait porté sur les fonts baptismaux la politique de l’environnement comme action
communautaire autonome, en tant que composante obligée des autres politiques par l’Union et
comme composante spécifique du marché intérieur. Plus tard, en 1992, les compétences de l’Union
européenne en la matière avaient été approfondies à l’occasion du traité de Maastricht et ses
objectifs environnementaux mieux affirmés dans le traité d’Amsterdam, en 1997. En revanche, ni
le traité de Nice, ni le projet de Constitution, ni le traité de Lisbonne n’ont apporté
d’aménagements significatifs à cette construction.
En l’état actuel, la politique de l’environnement est concentrée dans trois articles spécifiques, les
articles 191, 192 et 193 TFUE. Elle vise à contribuer à la poursuite de la préservation, de la
protection et de l’amélioration de la qualité de l’environnement ; à la protection de la santé des
personnes humaines et, ce qui nous intéresse davantage dans le cadre de la lutte contre le
changement climatique, à « l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles » (article
191-1 TFUE). En effet, agir contre le changement climatique suppose de se placer en amont de la
politique environnementale – en réglementant l’exploitation des ressources naturelles – et en aval –
en régulant une consommation débridée7.
Or, les premiers enjeux du droit de l’environnement de l’UE ont été de juguler les impacts, les
nuisances et les pollutions d’origine industrielle. Anthropocentrique, l’approche européenne de la
protection de l’environnement vise avant tout la protection de la santé humaine. La protection de
l’environnement est ainsi instrumentalisée. Sans préjuger à ce stade des dispositions du traité de
Lisbonne, il convient de se demander si cet anthropocentrisme a conduit les rédacteurs du traité de
Lisbonne à inscrire dans l’architecture générale du traité une base juridique permettant d’organiser
une réelle gestion durable des ressources naturelles. Plus précisément, sont-ils parvenus à concilier
les impératifs de développement économique associée à la libre circulation des biens, des
5 Ensemble de directives adoptées le 23 janvier 2008 par la Commission européenne.
6 Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Nations Unies, Kyoto,
11 décembre 1997.
7 SADELEER de (N.), Environnement et marché intérieur, Éditions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 2010, p.
20, 580 p
4
personnes et des services avec les exigences qu’imposent la lutte contre le changement climatique
et donc une utilisation durable des ressources naturelles ?
Par ailleurs, la politique de l’Union européenne dans le domaine de l’environnement est fondée sur
les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la
source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur et vise « un niveau de
protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de
l'Union » (article 191-2 TFUE). Cet objectif de protection à un degré élevé est très satisfaisant en
ce qu’il impose de lutter activement contre le changement climatique, puisque celui-ci est un
danger pour l’environnement. Il se trouve, en l’occurrence, renforcé par les dispositions de
l’article 193 TFUE8 qui permet à chaque Etat membre de prendre des mesures de protection plus
strictes que celles adoptées au niveau communautaire.
Enfin, les dispositions spécifiques à l’environnement de l’UE s’accompagnent d’un principe
fondamental pour mener une politique environnementale efficace, le principe d’intégration. Selon
les termes de l’article 11 TFUE : « Les exigences de la protection de l'environnement doivent être
intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l'Union, en particulier
afin de promouvoir le développement durable ».
Ainsi, la protection de l’environnement, pour être effective, doit être prise en compte par les autres
politiques communautaires qui ont des incidences sur l’environnement. Or, l’article 11 TFUE peut
faire l’objet d’interprétation quant à portée et sa force obligatoire.
L’emploi du verbe « devoir » au présent de l’indicatif, laisse penser qu’il s’agit d’une obligation,
obligation qui laisse rêveur lorsque l’on est conscient que la protection de l’environnement doit être
intégrée dans toutes les politiques et actions de l’UE, et donc aussi dans celles qui sont contraires à
cette protection, notamment celles relatives à l’industrie, à la libre circulation des marchandises, à
la politique agricole ou encore aux transports.
Et d’ailleurs qu’est ce que l’intégration ? Les politiques et actions de l’UE doivent-elles se rendre
compatibles avec la protection de l’environnement, se contenter de limiter les effets négatifs, ou
seulement poursuivre cet objectif ? Soit trois degrés différents que peut comporter « l’intégration ».
L’intégration supposerait, a minima, une certaine conciliation entre l’action communautaire en
question et la protection de l’environnement.
Or, quelles sont les actions communautaires qui seraient difficilement conciliables avec l’objectif
de protection élevée de l’environnement ? Plus précisément, quelles sont les dispositions du traité
8 « Les mesures de protection arrêtées en vertu de l'article 192 ne font pas obstacle au maintien et à l'établissement,
par chaque État membre, de mesures de protection renforcées. Ces mesures doivent être compatibles avec les traités.
Elles sont notifiées à la Commission ».
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