La gastrostomie percutanée par endoscopie en soins palliatifs dans

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PRATIQUE DU SOIN
Med Pal 2003; 2: 211-213
© Masson, Paris, 2003, Tous droits réservés
La gastrostomie percutanée par endoscopie en soins palliatifs
dans les obstructions intestinales en phase terminale
Dominique Beaufils, membre de la SFAP, Centre Hospitalier Brisset, 02500 Hirson.
Summary
Percutaneous endoscopic gastrostomy for terminally ill
patients with intestinal obstruction
Percutaneous endoscopic gastrostomy (PEG) is a simple minimally invasive technique providing relief from vomiting related
to intestinal obstruction in terminally ill patients. Hydration and
nutritional support are also facilitated. PEG greatly improves
quality of life for terminally ill patients and reduces the workload for the palliative care team.
The goal for palliative care is to assure patient comfort without
excessive therapeutic interventions. For some, PEG may be considered as such an intervention. In many situations however,
PEG improves or resolves severe symptoms allowing the patient
to cope with the end of life situation. Uncontrollable vomiting
due to bowel obstruction is one of these situations.
Résumé
La gastrostomie percutanée endoscopique (GPE) permet, par une
technique simple et peu invasive, de pallier les vomissements
liés à une obstruction intestinale en phase terminale avec une
bonne efficacité, tout en permettant une hydratation et une alimentation orales. Apportant une amélioration notable à la fin
de vie des patients sans surcharger le personnel soignant, elle
est parfaitement justifiée dans le cadre des soins palliatifs.
Les soins palliatifs ont comme but d’assurer le confort d’un
malade en fin de vie, excluant toute forme d’acharnement thérapeutique. La gastrostomie percutanée par endoscopie (G.P.E.)
pourrait être considérée comme une telle forme d’acharnement.
Mais il est des situations où, en améliorant ou même en résolvant une symptomatologie qui retentit gravement sur le confort,
l’état général et psychique du malade, elle représente un élément
de soulagement qui permet de la considérer comme un geste
palliatif. Tel est en particulier le cas des vomissements incoercibles liés à l’obstruction intestinale.
Key-words: percutaneous endoscopic gastrostomy, bowel
obstruction.
Mots clés : gastrostomie percutanée, endoscopie, obstructions
intestinales .
Beaufils D. La gastrostomie percutanée par endoscopie en soins palliatifs dans
Adresse pour la correspondance :
les obstructions intestinales en phase terminale. Med Pal 2003; 2: 211-213.
Dominique Beaufils, Centre Hospitalier Brisset, 40 rue aux Loups, 02500 Hirson.
Introduction
sons habituellement la charrière 16, qui nous a toujours
donné satisfaction. Il existe par ailleurs des sondes de
charrière 12 et 20 (figure 1).
La technique de pose est simple et rapide. Nous recourons, pour le confort du patient, à une neuroleptanalgésie
à base de Midazolam-Fentanyl, complétée par une anesthésie locale du point de passage pariétal.
Le fibroscope est introduit dans l’estomac et l’on pratique, par béquillage, une transillumination qui permettra
de ponctionner à coup sûr la cavité gastrique en percutané
La gastrostomie percutanée par endoscopie est une
technique simple, rapide, parfaitement acceptable pour les
malades. Cette technique n’est pas nouvelle. Elle était déjà
proposée, dès les années 1992-1993, par plusieurs auteurs
comme Forgas [1] et Noyer [2]. Elle est réalisable dans
toute structure pouvant assurer une fibroscopie gastrique,
et son coût est raisonnable, le prix du kit étant inférieur
à 150 euros.
Le kit que nous utilisons comporte la sonde avec le
matériel de pose et les adaptateurs. La sonde est en polyuréthane souple, munie d’un côté d’un embout effilé rigide
permettant son passage transpariétal, avec une boucle
permettant la solidarisation au fil-guide et, de l’autre,
d’une collerette-ballon assurant un contact atraumatique Figure 1. Sonde de G.P.E.
avec l’estomac qu’elle plaque contre la paroi. Nous utili- Figure 1. Sonde of G.P.E.
Médecine palliative
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N° 4 – Septembre 2003
PRATIQUE DU SOIN
La gastrostomie percutanée par endoscopie en soins palliatifs dans les
obstructions intestinales en phase terminale
par un trocart à travers lequel on introduit un long filguide. Celui-ci est récupéré dans l’estomac par une pince
à corps étranger type « crocodile », et extériorisé à la bouche en retirant le fibroscope. Il est alors solidarisé à la
sonde grâce à la boucle fixée à l’extrémité effilée. La
sonde, lubrifiée, est introduite dans la bouche et descendue avec douceur dans l’estomac en tirant sur l’extrémité
du fil-guide resté en dehors du trocart. Lorsque l’extrémité
rigide de la sonde arrive sous la peau, on retire le trocart
et on réalise une moucheture cutanée laissant passer la
sonde à frottement doux. Elle est alors tirée jusqu’à ce
que la tension témoigne du contact gastro-partiétal. On
peut, en cas de doute, réintroduire le fibroscope pour vérifier le bon positionnement. Il ne reste plus qu’à mettre en
place le clip de fixation, couper l’extrémité rigide, la remplacer par le raccord en Y et vérifier le bon fonctionnement par injection de quelques cc d’eau.
Dans les 18 derniers mois, nous avons réalisé une
G.P.E. en période terminale de soins palliatifs pour des
vomissements incoercibles chez 5 malades en état
d’occlusion intestinale liée à :
– un cancer des voies biliaires ;
– une carcinose péritonéale d’origine ovarienne ;
– un envahissement digestif par une métastase pariétale d’un cancer du sein ;
– une compression digestive par un volumineux sarcome d’Ewing ;
– un envahissement du grêle par un cancer sigmoïdien inextirpable ayant été dérivé.
Dans ces 5 cas, les patients avaient bénéficié de tentatives de traitement médicamenteux qui s’étaient avérées
inefficaces. Les vomissements retentissaient évidemment
de façon importante sur l’état général des malades, mais
essentiellement sur leur état psychique. L’intolérance gastrique absolue avait une signification péjorative, en particulier pour la troisième malade qui s’était persuadée
qu’elle avait encore « une chance » tant qu’elle pouvait
s’alimenter, et se forçait malgré les vomissements.
La G.P.E. leur a été proposée
comme une solution d’amélioration
des vomissements, en précisant
La G.P.E. a permis
qu’elle n’obtiendrait probablement
le rétablissement
pas un tarissement complet, mais
qu’elle permettrait le retour à un cerd’une qualité de vie.
tain confort dans la mesure où :
– elle représentait un geste rapide avec le minimum d’inconfort grâce à l’analgésie ;
– la sonde ne présentait ni l’inconfort ni la gène
d’une sonde naso-gastrique ;
– elle était discrète, sortant au niveau abdominal et
facilement masquée ;
– elle laissait une possibilité d’hydratation et d’alimentation orale.
Médecine palliative
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Ainsi présentée, la G.P.E. a été acceptée dans les 5 cas
comme un élément d’espoir. Le traitement médical antiémétique n’a pas été interrompu.
L’efficacité a été bonne, permettant le rétablissement
d’une certaine qualité de vie. Dans 3 cas (1, 2 et 4), les
vomissements ont été taris. Dans les deux autres, ils ont
été ramenés à 2 à 3 épisodes quotidiens de faible abondance. Trois malades ont pu reprendre une alimentation
orale. Il faut cependant noter qu’ils sont parmi ceux dont
les vomissements n’ont pas été taris.
Le bénéfice a été très notable sur le plan du confort
et du retentissement psychique. La durée de vie après la
pose a été de quelques jours seulement pour les malades
1 et 4, 10 jours pour les malades 2 et 5, un peu plus de
3 semaines pour la malade 3.
Discussion
Nous n’abordons pas ici le cas des occlusions localisées
pouvant justifier une chirurgie, et qui, étant encore du
domaine du curatif, sortent du cadre des soins palliatifs.
Nous n’avons par ailleurs pas fait mention d’une G.P.E.
dont l’indication n’était pas une occlusion mais une paralysie de la déglutition en phase terminale d’un cancer parotidien. D’autre part, nous ne pouvons pas présenter une
série significative, prenant en charge les soins palliatifs non
pas en unité spécialisée à débit important, mais en service
actif de chirurgie, le nombre de malades étant donc beaucoup plus restreint. Par contre, nous bénéficions de l’avantage de réaliser nous-mêmes les G.P.E. dans notre bloc, ce
qui nous évite d’avoir à affronter le problème d’obtention
de l’accord du confrère chirurgien ou gastro-entérologue.
Notre travail porte ainsi essentiellement sur le confort
rendu, la qualité des derniers moments de vie, et le ressenti des familles.
Nous avons vu que la durée de survie était brève (quelques jours à 3 semaines), et ce indépendamment de la
G.P.E., dont le but n’était aucunement de la prolonger.
Mais la qualité en a été améliorée de façon très notable :
– la tolérance a été bonne ;
– nous n’avons pas eu de complication liée à la
G.P.E. ;
– les malades ont vu leurs vomissements très minorés
ou taris ;
– 3 des malades ont repris une alimentation ;
– le décès est survenu de façon plus sereine ;
– le bénéfice a été notable pour le ressenti des
familles.
La tolérance ne souffre aucune comparaison avec une
sonde gastrique, beaucoup moins acceptable, gênante au
niveau bucco-pharyngé comme au niveau narinaire, sup-
N° 4 – Septembre 2003
Dominique Beaufils
primant l’agrément d’une alimentation, et représentant
une sujétion qui fait que nous ne la proposons jamais dans
le cadre des soins palliatifs.
L’absence de complication est peut-être liée à la brièveté de la survie. Mais l’expérience de la G.P.E. dans
d’autres indications montre que les complications locales,
infectieuses, caustiques ou les fuites peuvent être minimisées par la vigilance dans les soins locaux.
La qualité de l’efficacité est également liée à la vigilance locale, et elle requiert une aspiration modérée, guidée essentiellement par le nombre de vomissements, et
une parfaite perméabilité du dispositif, qui nécessite des
lavages fréquents.
Elle permet l’hydratation et une alimentation orale.
Nous n’en développerons pas ici l’importance dans le vécu
de ces patients, mais aussi de leur entourage, ni l’intérêt
indéniable quant à l’apport calorique et protéique. La possibilité d’alimentation implique :
– des aliments mixés, semi-liquides, des yaourts,
compotes, crèmes glacées… ;
– par petites quantités ;
– la fermeture du dispositif au moment des prises alimentaires ;
– des lavages soigneux permettant une vidange gastrique sans risque de bouchage de la sonde, ces lavages
devant être systématiques après chaque prise alimentaire.
Elle est réalisable dans tous les cas d’obstruction intestinale, la seule contre-indication étant l’envahissement
gastrique.
Elle améliore de façon notable la qualité de la fin de
vie de ces patients.
PRATIQUE DU SOIN
des acteurs de soins palliatifs, mais de tenter de convaincre par notre expérience les confrères gastro-entérologues
ou chirurgiens d’accepter les indications fondées qui leur
sont proposées. Certes, l’acte n’apporte pas le prestige du
geste curatif brillant, mais cherche à rendre supportable,
à adoucir au mieux les moments restant à vivre à ces
malades, et cela me semble parfaitement contribuer à la
noblesse de la médecine.
Bien que portant sur un nombre
peu important de malades, notre expérience nous permet toutefois de conL’efficacité est également
clure que :
– la G.P.E. est facile à réaliser,
liée à la vigilance locale.
peu invasive et parfaitement tolérable pour le patient, efficace sur le plan général et très
satisfaisante pour l’état psychique ; elle offre une amélioration très notable de la qualité de fin de vie du patient
et du ressenti des familles, ce qui permet de la placer dans
le domaine des techniques utilisables en soins palliatifs ;
– elle représente peut-être, pour le personnel soignant, un certain surcroît de charge de travail, mais, finalement, peu important en quantité et surtout en qualité
en regard des changes pluriquotidiens justifiés par des
vomissements fréquents ;
– elle a donc une place dans la pratique des soins palliatifs en cas d’obstruction intestinale en stade terminal,
et devrait être considérée comme un acte parfaitement
justifié et non récusable par les équipes techniques sollicitées pour ce geste.
Références
1. Forgas I, Mac Pherson A, Tibbs C. Percutaneous endoscopic
gastrostomy. The end of the line for nasogastric feeding?
BMJ 1992; 304: 1395-6.
Conclusion
2. Noyer C, Lewis D, Dottino P, Bush A. PEG gastric decompression in patients with carcinomatosis (Abstract). GastroLe but de cette présentation n’est ni de donner des
Intestinal Endoscopy, 1993; 39: 282A.
statistiques, ni de convaincre de l’intérêt de la méthode
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© Masson, Paris, 2003, Tous droits réservés
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www.e2med.com/mp
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