daral shaga Opéra Circassien Livret Musique Mise en scène Direction artistique Laurent Gaudé Kris Defoort Fabrice Murgia Philippe de Coen dossier pédagogique collèges, lycées Contact Sophie Tessier, T : +32 474 47 50 25, www.feriamusica.org/daralshaga, [email protected] 1 préambule L’opéra contemporain Daral Shaga réunit plusieurs langages Opéra circassien en un acte artistiques – la musique, les arts du cirque et le théâtre-cinéma - 3 chanteurs pour refléter la violence de l’exil, du passage de frontière et de la perte d’identité, avec, à cœur, la volonté de donner une véritable place à l’acte circassien. Cinq acrobates, trois chanteurs et trois musiciens forment ainsi le chœur-rumeur des immigrés, de ceux qui n’ont pas de place dans le monde moderne, ceux à qui on ne prête jamais la voix. La compagnie Feria Musica, le romancier Laurent Gaudé, le compositeur Kris Defoort, le metteur en scène Fabrice Murgia et l’ensemble vocal Silbersee s’inspirent Le père La fille, Nadra L’émigré Le choeur 3 musiciens Piano Violoncelle des lambeaux de vie laissés à Melilla, Tijuana, Lampedusa, pour Clarinette dessiner la figure d’un dieu des immigrés et entrevoir la possibilité 5 acrobates de passer d’une rive à l’autre sans rien laisser derrière soi. Ce dossier propose d’aborder avec les élèves tant cette Distribution thématique de l’immigration que la façon dont le cirque et l’art Solistes et choeur Silbersee / Michaela Riener (mezzosoprano), Maciej Straburzynski (basse & contre-ténor), Tiemo Wang (baryton) lyrique parviennent à proposer un regard sur ce sujet d’actualité. Le dossier s’adresse principalement aux collégiens et lycéens, suggérant des analyses de textes, d’images et des réflexions philosophiques. Ce ne sont là que quelques pistes laissant libre cours à votre inspiration ! Musiciens Fabian Fiorini (piano), Lode Vercampt (violoncelle), Jean-Philippe Poncin (clarinettes) Acrobates Anke Bucher, Renata do Val, Mark Pieklo, André Rosenfeld Sznelwar, Laura Smith 2 en amont du spectacle Le défi de cette création : réunir le cirque et l’opéra En 2009, Alain Mercier, directeur de l’Opéra-Théâtre de Limoges propose à la compagnie de cirque contemporain belge Feria Musica de créer un opéra circassien. Un challenge que Philippe de Coen, directeur de la compagnie souhaite relever, une expérience inédite. Le renouveau des arts du cirque Le cirque connaît depuis une quarantaine d’années un renouveau dans ses formes traditionnelles comme dans ses formes contemporaines. Le cirque actuel est très divers tant dans les formats de spectacles, que la taille des équipes, et surtout les propositions esthétiques. Il bénéficie encore d’une assise populaire et attire un public toujours aussi nombreux. Aujourd’hui on parle plus volontiers des Arts du cirque tant les expressions sont diverses et dans la mesure où les disciplines ont pris beaucoup d’autonomie : les spectacles pluridisciplinaires sont plus rares au profit de spectacles axés sur une, ou parfois deux, trois disciplines. Chaque discipline s’est singularisée, devenue indépendante des autres, les artistes ont pu creuser la poétique de chaque technique. On distingue en général le cirque traditionnel (ou familial) du cirque contemporain (ou de création), lui-même extrêmement éclaté. Ce sont les années 1970 avec les mouvements sociaux et culturels et le déclin du cirque traditionnel qui amènent à une rupture. L’enseignement du cirque ouvert à tous (et non plus réservé aux cercles fermés des familles de cirque) est créé par Annie Fratellini qui ouvre son école en 1974. Dès lors, de nouveaux artistes apparaissent et avec eux la liberté d’inventer hors de la tradition : le nouveau cirque est né. 1974 Création de l’Ecole Nationale du Cirque par Annie Fratellini et de l’Ecole du Carré Monfort par Alexis Grüss. 1979 Le cirque passe du Ministère de l’Agriculture au Ministère de la Culture 1985 Création du Centre National des Arts du Cirque (CNAC) et son école supérieure. Années 1980 Apparition de troupes innovantes (Le Puit aux images, le Cirque Aligre, le Cirque Bidon, le Cirque Archaos, le Cirque Plume...). 1995 Spectacle fondateur du «Nouveau Cirque» avec les élèves de la 7ème promotion du CNAC, «Le cri du Caméléon» en collaboration avec Josepf Nadj, chorégraphe. 2001 Année des arts du cirque en France 2011 Création du label de Pôle national des arts du cirque par le Ministère de la culture qui attribue à 12 lieux en France, référents et structurant pour les arts du cirque. Rédaction Le Sirque, pôle national des arts du cirque de Nexon - Limousin 3 En parallèle, en Belgique, le cirque est reconnu comme secteur à part entière des arts de la scène par la Fédération Wallonie Bruxelles en 1999. Le premier contrat-programme (convention qui permet à une compagnie de recevoir une subvention annuelle au fonctionnement) est signé en 2008 avec la compagnie Feria Musica. Bibliographie, documentation La fabuleuse histoire du cirque, Pascal Jacob - Le Chêne, 2008 Le nuancier du cirque, Jean-Michel Guy et Julien Rosemberg, Sceren et Hors Les Murs, 2010 Panorama contemporain des arts du cirque, Véronique Klein et Pierre Hivernat, Textuel, 2011 Hors Les Murs Centre national de ressources pour les arts de la rue et du cirque : études, articles, chiffres, dossiers thématiques... www.horslesmurs.fr L’opéra et le concept d’art total Tout au long du XXe siècle, les compositeurs se sont posés la question du renouvellement de l’art lyrique. Que faire après Wagner ? Les révolutions musicale, esthétique, artistique qu’ont fait naître l’œuvre wagnérienne ont marqué les générations — chacun de ses successeurs a tenté dans son propre style et sa propre époque de faire la synthèse des apports du Ring, de Tristan et de Parsifal, que ce soit en France (déjà dans Pelléas et Mélisande de Debussy), en Angleterre (Britten) et, bien sûr, en Allemagne (Hindemith, Berg puis Stockhausen). Révolution musicale : celle de l’écriture ; révolution artistique : celle du traitement de l’action ; révolution esthétique : celle de l’œuvre d’art totale, la Gesamtkunstwerk. La fusion entre les arts, expérimentée avec succès à Bayreuth, propose à l’auditeurspectateur une vision supérieure du spectacle habituel, portée par sa symbolique et sa signification. Cette fusion est possible lorsqu’un seul homme est à l’origine de l’oeuvre : dans Parsifal, créé pour et à Bayreuth, Wagner, déjà librettiste et compositeur, en plus d’être directeur de festival, donna de nombreux conseils aux metteurs en scène et remplaça le chef pour la dernière. Le concept de la Gesamtkunstwerk a largement influencé les successeurs de Wagner et l’art lyrique en général. Mais le XXe siècle multiculturel, où tout se confronte, où tout se métisse et se reconstruit après les grands désastres de la guerre, la culture contemporaine cesse de chercher dans le symbole un ailleurs supérieur pour s’intéresser à la réalité du monde qui l’entoure. Inspirée par les siècles passés, où danse (à l’ère baroque) et théâtre (à l’ère classique) côtoyaient la musique sur les scènes, la juxtaposition des arts est devenue un pilier de notre culture. Mais de tous les arts, cette fois : arts du cirque, arts numériques, musique(s), littérature… Le spectacle contemporain est avant tout l’aboutissement d’une recherche entre créateurs. Dans cette recherche de création, chacun a sa place, dans une totale cohérence et sans aucune hiérarchie ; on ne cherchera pas à mettre une musique sur un livret, ni à coller un texte sur une musique ; on ne cherchera pas non plus à interpréter dans la mise en scène la volonté du compositeur… Non : le travail entre compositeur, auteur, metteur en scène, compagnie, interprètes (acrobates, chanteurs, instrumentistes) est une oeuvre simultanée, à même échelle. Rédaction Opéra-Théâtre de Limoges 4 Bibliographie, documentation Tout l’opéra, de Monteverdi à nos jours, Gustav Kobbé, Réed.: 1999, Robert Laffont Géographie de l’opéra au XXe siècle, Hervé Lacombe, Fayard, 2007 Les liens entre le cirque et l’opéra, le cirque et la musique Fondée par un trapéziste et un musicien, Feria Musica fait de l’alliance musique et acrobatie sa marque de fabrique. Entre impulsions réciproques et réponses inattendues, chacune contribue en interdépendance à l’éveil des émotions chez le spectateur. La musique n’est pas perçue comme un accompagnement de l’action mais comme une partie intrinsèque et une composante de la dramaturgie. Sans renfort de cuivres ni roulement de tambour, la musique surprend, suit la piste résolument contemporaine de la compagnie, par des détours vers l’improvisation, sur des rythmes qui voyagent, lancinent, s’envolent. Feria Musica se doit de maintenir un cap, de continuer à faire des propositions différentes pour ouvrir le cirque à d’autres champs d’explorations, d’autres techniques, pour que jamais le cirque ne « reste à sa place » justement. C’est ce qui me semble essentiel si le cirque veut prétendre à être un art à part entière. Interview de Philippe de Coen réalisé par Hubert Amiel, blog de la compagnie > A partir de recherches autour du cirque contemporain et de l’histoire du cirque, identifier les éléments qui ont pu être un frein à la reconnaissance du cirque comme « art à part entière », et, en parallèle, retrouver les éléments qui positionnent le cirque aujourd’hui comme un art de la scène au même titre que le théâtre, la danse et la musique. > Travailler sur ce qui peut rapprocher le cirque de l’opéra, et, inversement ce qui les différencie. En quoi serait-ce un défi de les réunir ? > Proposer aux élèves, par petits groupes, de repérer des spectacles où le cirque et la musique se côtoient et de comparer les démarches, à partir d’extraits vidéo, d’articles de presse et des sites internet des compagnies. Bibliographie, documentation Compte-rendu du Focus Cirque et Musique, circostrada.org Cirque Plume, www.cirqueplume.com Cirque Trottola, www.cirque-trottola.org Cridacompany, www.cridacompany.org/site Circa Tsuica, www.cheptelaleikoum.com/ Deux hommes jonglaient dans leur tête, spectacle de Jérôme Thomas et Roland Auzet, www.jerome-thomas.fr/ Sinué, spectacle de Feria Musica, reportage Une Vue de musiciens, //www.youtube.com/watch?v=ZWQQbTwhiqU 5 La compagnie Feria Musica Emmener ce cirque ailleurs. Ailleurs, c’est-à-dire là où le spectateur ne l’attendra pas. Vers une zone trouble. Une sensation inconnue. Faire se rencontrer acrobates et musiciens, acrobates et chorégraphes, constructeur ingénieux et homme de théâtre. Réunir des artistes hétéroclites prêts à s’embarquer dans l’aventure d’une création et tenter de s’émanciper de leur propre technique. Renouveler l’agrès, explorer ses possibilités au-delà de l’accomplissement de la figure parfaite. Fouiller le connu pour extraire le singulier. Raconter. Sans guider le spectateur dans une histoire terre-àterre. Traduire par tel ou tel acte acrobatique, léger ou violent, petit ou grandiose, un regard porté sur tel ou tel agissement quotidien, néfaste ou anodin, condamné ou encensé. Mettre en musique, y accorder une attention toute particulière. Une musique vivante, créée en interaction permanente avec l’acrobatie, pour impulser, répondre, suggérer. Voir les choses en grand, occuper les plateaux, construire des agrès-monuments. Et oser le rassemblement d’un groupe. Etre plusieurs, être nombreux, pour toucher au plus près nos fragilités, nos émotions et nos envies. 1995 Création de Feria Musica à Bruxelles • 1997 Liaisons dangereuses, Dirk Opstaele • 2000 Calcinculo, Dirk Opstaele • 2004 Le vertige du papillon, Fatou Traoré • 2009 Infundibulum, Mauro Paccagnella • 2010 Prix SACD du spectacle vivant • 2012 Sinué, Mauro Paccagnella • 2014 Daral Shaga, Fabrice Murgia > Proposer aux élèves, à partir de ce texte, de mettre en avant la démarche spécifique que développe la compagnie dans le milieu des arts du cirque. Pour cet exercice, l’analyse du texte peut être accompagnée d’une étude de l’annexe 1 (portrait de la compagnie publié dans l’ouvrage « Panorama des arts du cirque »), et d’une visite sur le site internet de la compagnie www.feriamusica.org > A la lumière de ce texte et du précédent texte sur la musique, qu’est-ce qui, dans le discours de la compagnie, semble la mener logiquement à la création d’un opéra ? 6 Daral Shaga Parce que nos villes regorgent de regards exilés à apaiser, parce que le cirque, art de l’obstination à l’extrême, gagne à poursuivre ses incursions sur de nouveaux territoires, parce que réunir auteur, compositeur, metteur en scène, acrobates, chanteurs, musiciens, nous donne l’audace d’avancer, nous choisissons de forger l’utopie de Daral Shaga à plusieurs voix. Le parcours de création Début 2011 Après plusieurs temps d’échange avec Alain Mercier, nous mettons le projet en marche Mai 2011 Rencontre avec le compositeur Kris Defoort Sept 2011 Rencontre avec le librettiste Laurent Gaudé Oct 2012 Laurent Gaudé débute l’écriture du livret, plusieurs étapes de dialogue auront lieu jusqu’à la version finale d’avril 2014. Nov 2012 Rencontre avec le metteur en scène Fabrice Murgia Avril 2013 Première rencontre avec l’ensemble Silbersee Eté 2013 Auditions des chanteurs, rencontre avec les musiciens choisis par Kris, choix de l’équipe acrobatique et technique Automne 2013 Premiers ateliers de recherches acrobatiques, construction du décor, début de l’écriture musicale Janvier, février 2014 Cinq semaines de création à Bruxelles avec l’équipe acrobatique et Fabrice Murgia Avril 2014 Deux semaines de création à Bruxelles, présentation d’une étape de travail Mai 2014 Premières répétitions des chanteurs Août 2014 Dix jours de création à Bruxelles = première période de travail avec acrobates, chanteurs et musiciens réunis Sept 2014 Quatre semaines de création à Limoges et premières > Lecture de la rubrique « Coulisses de la création » en ligne : http://www.feriamusica.org/daralshaga/coulisses/ (annexe 2) et jeu de l’oie (annexe 3) afin de cerner les différentes étapes du montage d’un spectacle, au-delà de l’aspect artistique. > Analyser le terme «utopie» et cerner son double sens dans le discours de la compagnie : en quoi le spectacle, dans son contenu et dans son montage, peut-il constituer une utopie ? Le point de départ : le texte C’est suite à la lecture d’Eldorado que la compagnie Feria Musica choisit de contacter Laurent Gaudé pour l’écriture du livret. Résumé L’émigré rentre chez lui. Il veut repasser par chaque poste frontière, chaque gare traversés quelques temps plus tôt, alors qu’il avançait, assoiffé, vers son eldorado. De l’autre côté, au pays des jours lents, Nadra et son père sont sur le départ. Ils vont avancer, eux aussi, pas à pas, vers un ailleurs meilleur. Mais le chemin épuise le père et poussera Nadra à passer la frontière seule, laissant bien plus qu’une maison et quelques valises derrière elle. 7 L’émigré poursuit sa route, guidé par son désir de retrouver une dignité, de racheter en quelque sorte les dérapages passés, vécus au cœur d’un voyage inhumain. Et le chœur des immigrés le hante de ses questions incessantes. Où vas-tu ? Il marche à la recherche de cette part perdue de lui-même, jusqu’à rencontrer le père de Nadra au pied de la grille, ce père qui deviendra sage capable de voir ce que les immigrés laissent derrière eux, leur permettant alors de tout réunir et de tout emporter. Extraits Nadra et son père quittent leur terre, pour échapper aux jours lents. Regarde-le longtemps, Ce que tu ne peux pas prendre avec toi. Emmène-le en pensée, Ce qui ne rentre pas dans tes poches. L’émigré rentre. Nulle part est chez lui. Le choeur questionne, et se projette, prêt à affronter la grille. Où vas-tu, alors ? Là où j’ai perdu un peu de moi. (...) Toi, moi, Et des milliers d’autres, Aimantés par les lumières, Sans fatigue, Concentrés sur l’idée qu’il est des terres, Là-bas, Où l’on ne souffre pas (…) Tous nos voyages, Tous nos efforts Nous mèneront à ce point : La grille. Qui ne laisse passer personne sans le saigner. Daral Shaga naîtra de regards et d’un passage impossible. Daral Shaga. Le vieil homme qui ne meurt pas. Texte édité chez Actes Suds Papiers, suivi de Maudits les innocents. > Analyser quelques extraits avec les élèves, les mettre en parallèle avec l’extrait d’Eldorado (annexe 4). > Imaginer l’action possible des acrobates pendant tel ou tel passage. > On pourra également s’attarder sur les évocations du titre. 8 La thématique : l’immigration Photos : caméra-surveillance (web), le mur et la peur (Gaël Turine) Texte et schéma (Amnesty International) Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. (Article 14-1,Déclaration universelle des droits de l’homme) L’Union européenne s’entoure de murs. Barrière-frontière de Ceuta et Melilla, clôture de Bulgarie ou de Grèce. L’Union européenne transforme ses frontières en murs. Murs de la surveillance, physique, policière et technologique. L’Union européenne consolide ses murs naturels. La Méditerranée est aujourd’hui un lieu de contrôle des personnes déracinées qui tentent de la franchir, avant même d’être un espace de sauvetage des vies perdues, abandonnées et fragiles dans cet élément. Au pied de chacun de ces murs, des êtres humains. Certains en quête de protection fuyant les persécutions, un conflit, une violence généralisée. D’autres à la recherche d’une autre vie. Tous sont semblables au pied de ces murs, de ces barrières, de ces frontières : fragiles et vulnérables, avec leur dignité comme ultime protection. 9 Extraits - Le droit d’émigrer, Catherine Wihtol de Wenden, CNRS Ed. Aux Nations-Unies, l’ancien secrétaire général, Kofi Annan, a appelé, depuis le milieu des années 2000, à un dialogue constructif : « Depuis qu’il y a des frontières, les hommes les franchissent pour visiter les pays étrangers, mais aussi pour y vivre et y travailler… L’histoire nous enseigne que les migrations améliorent le sort de migrations Sud-Sud, 37 millions de migrations Nord-Nord et 40 millions de migrations Nord-Sud. Le premier constat que l’on peut tirer de ces chiffres est que le Sud attire aujourd’hui presque autant de migrants que le Nord : 75 millions pour le Sud contre 113 pour le Nord au début des années 2000 et 114 pour le Sud contre 134 pour le Nord aujourd’hui. ceux qui s’exilent mais font aussi avancer l’humanité toute entière… Tant qu’il y aura des nations, il y aura des migrants. Qu’on le veuille ou non, les migrations continueront, car elles font partie de la vie. Il ne s’agit donc pas de les empêcher, mais de mieux les gérer et de faire en sorte que toutes les parties coopèrent davantage et comprennent mieux le phénomène. Les migrations ne sont pas un jeu à somme nulle. C’est un jeu où il pourrait n’y avoir que des gagnants. »* L’approche « win win win » est désormais lancée. En 2009, le Programme des Nations Unies pour le Développement > Proposer une analyse du corpus de documents ci-dessus. > Recherche sur les « murs » frontières existants et passés dans le monde et proposer des exposés par groupes : relater l’histoire de ces murs, les chiffres, la situation politique, les perspectives. > On peut proposer la même chose aux élèves sur les camps de réfugiés (Irak/Syrie, Lampedusa, Liban, Tchad, Népal). > Projet de rédaction : imaginer le trajet d’un migrant de sa ville d’origine à sa destination rêvée. (PNUD) dans son rapport intitulé « Lever les barrières »**, souligne, chiffres à l’appui, que la mobilité est un facteur essentiel du développement humain. (...) Bibliographie, documentation Sur les presque 7 milliards d’habitants que compte la planète, Atlas des migrations, un équilibre mondial à inventer, C. près d’un milliard est en situation de mobilité interne (pour 740 millions d’entre eux) ou internationale (240 millions). Au début des années 2000, alors que l’on comptait 190 millions de migrants internationaux, les Nations Unies comptabilisaient 63 millions de migrants Sud-Nord, 62 millions de migrants Sud-Sud, 50 millions de migrants Nord-Nord et 14 millions de migrations NordSud. En 2011, pour 240 millions de migrants internationaux, on comptabilisait 97 millions de migrations Sud-Nord, 74 millions de * Les migrants font avancer l’humanité, Le Monde, 9 juin 2006 ** PNUD, Lever les barrières : mobilité et développement humain, 2009 Whithol de Wenden, Ed. Autrement Kingsley, carnet de route d’un immigrant clandestin, Olivier Jobard, Florence Saugues, Ed. Marval Le mur et la peur, Gaël Turine, Actes Sud Numéro 23 du magazine Exils, Amnesty International : http:// www.amnesty.fr/sites/default/files/exils_23.pdf Site internet Arte / Refugiés http://info.arte.tv/fr/refugies 10 Les notes d’intention Philippe de Coen - le cirque Daral Shaga superpose les écritures, et positionne l’acrobatie comme un vecteur émotionnel fort aux côtés de la musique et du chant. Le cirque vient ici chorégraphier l’abandon, la détermination, l’espoir, la désillusion, l’obstination...autant de thèmes liés au sujet choisi, la quête d’un Eldorado. (...) Le cadre coréen associé au trampoline est au coeur du dispositif scénographique. Nous abordons ces disciplines aériennes, ainsi que la technique du contrepoids et la chaîne, pour transcender l’immuabilité du mur, et permettre aux corps emprisonnés d’évoluer vers une légèreté. Nous souhaitons aussi, dans cet espace cerné qu’est le trajet d’un immigré, rentrer dans l’intimité d’une relation par la discipline du main-à-main. © Hubert Amiel Kris Defoort - la musique La relation entre Nadra et son père est très marquante, je crée une musique tendre et déchirante. Leur parcours, la perte d’identité progressive, le retour de l’émigré, installent pour moi une empreinte mélancolique constante. (...) L’équilibre de la palette sonore est assuré, entre le violoncelle et la clarinette (et clarinette basse) qui peuvent parfois se fondre en un seul instrument et prendre une couleur très intime, et le piano qui satisfait toute mon imagination orchestrale et harmonique. Ma palette s’étend de la musique de chambre à l’éclatement orchestral, pour créer une musique nourrie de toute ma mémoire musicale, du baroque au jazz jusqu’à la musique contemporaine, pouvant s’inspirer de sonorités arabisantes et balkanisantes. 11 Fabrice Murgia - la mise en scène Daral Shaga est l’histoire d’un ultime effort au pied d’un mur. Une collision entre deux enfermements, entre l’espoir et la désillusion, le rêve et la réalité. (...) La présence multiple des personnages, avec les chanteurs, acrobates, musiciens, et la vidéo, témoigne d’un chant collectif : celui des êtres meurtris par l’exil. Daral Shaga est la partie d’entre eux, la partie d’eux, restée entre ici et là-bas, accrochée aux murs de fils barbelés qui enferment les uns et les autres. > S’attarder sur l’image proposée par la compagnie pour présenter le spectacle dans les programmes, observer sa symbolique. On pourra proposer aussi les images de répétitions ci-contre pour éclairer les élèves sur les agrès de cirque et le dispositif vidéo. le cadre coréen associé au trampoline le contrepoids le main-à-main la chaîne © Hubert Amiel > Essayer de dégager les émotions et sentiments que les différents intervenants du projet souhaitent évoquer. Compléter la liste à partir du travail mené plus haut sur le thème de l’immigration. Etablir une corrélation entre ces émotions et le cirque. 12 au retour du spectacle © Hubert Amiel Scénographie > Décrire et analyser la scénographie, se remémorer les 3 tableaux du spectacle et dégager les étapes du récit. > Relier cette analyse aux réflexions menées en amont du spectacle : en quoi cette scénographie est-elle une scénographie de cirque ? En quoi est-elle porteuse de sens par rapport au parcours des migrants ? Quel est l’apport des caméras ? 13 Les scènes et les personnages Scène 14 - Adieu (Nadra et le père) © Hubert Amiel Scène 9 - Je suis une ombre maintenant (l’émigré) > Décrire la scène, qu’évoquent les artistes de cirque à l’arrière ? > Résumer le parcours de l’émigré, ses différentes positions dans l’espace de jeu, la musique qui l’accompagne. Pourquoi sa position est-elle particulière ? Daral Shaga, le dieu des immigrés > Discuter de la symbolique du père devenu Daral Shaga. > Proposer une recherche autour des divinités liées à la notion de voyage (Hermès, Ulysse, Adéona et Abéona). > Synthétiser les analyses sur l’émigré et le père par une réflexion sur la mort dans l’œuvre de Laurent Gaudé, à partir aussi des romans La Mort du Roi Tsongor et Danser les ombres. (annexe 6) > Décrire la scène d’adieu, interpréter le choix de mise en scène et du gros plan vidéo, le texte (annexe 7), et la musique ? > Résumer le parcours de Nadra et de son père, qu’évoque le choix du père ? > Demander aux élèves de rechercher d’autres scènes d’adieux en littérature et ainsi découvrir les façons de traiter ce genre de scène, souvent lié au registre de la tragédie, les analyser et les confronter (voir en annexe 8 les adieux des frères dans Eldorado, et ceux de Jean Valjean à Cosette dans les Misérables). > Commenter cet extrait d’interview de Fabrice Murgia : « une grande notion d’espoir se dégage du fait que ce soit une fille qui passe, dans le fait qu’un père se laisse abandonner, L. Gaudé a imaginé une forme de passation du monde et une utopie magnifique.» 14 La musique > Quels genres de musique les élèves ont-ils reconnu (cf note d’intention de Kris Defoort) ? Les élèves ont-ils repéré des changements en fonction des personnages impliqués dans les scènes, en fonction des scènes elles-mêmes et de l’évolution du récit ? > Discuter de la place de la musique, son apport aux différents tableaux du spectacle, les émotions qu’elle crée. > Quel sens peut-on voir dans la position des musiciens au coeur de la scénographie ? Quel rôle peut-on attribuer aux musiciens dans certaines scènes ? > Commenter cet extrait d’interview de Fabrice Murgia : « Kris donne les énergies principales au spectacle, la musique raconte quelque chose que le texte ne raconte pas forcément, et la mise en scène doit aussi raconter autre chose.» Le défi de conjuguer les arts > Interroger les élèves sur le défi de conjuguer les arts et ce qu’il en résulte pour Daral Shaga. En quoi ce choix est-il intéressant par rapport au thème de l’immigration ? > Comment cette thématique ressort-elle dans le spectacle ? Que semble dire le spectacle à ce sujet ? Que peut-on apprendre ? Prolongations : projets de rédaction > Imaginer un épisode de la vie de Nadra après le passage de la grille. > Imaginer les actions de Daral Shaga dans une scène future. > Imaginer les retrouvailles de Nadra avec son père devenu Daral Shaga. > Commenter cet extrait de presse (Laurent Bourdelas, France Bleu Limousin) : « Daral Shaga dit tous les murs, toutes les frontières, depuis toujours : le limes, le mur de Berlin, le mur « de sécurité » construit par Israël, celui entre le Mexique et les Etats-Unis… ceux qui séparent les nantis des métèques, des barbares… Etranges étrangers. Ceux qui parlent une autre langue. Nos frères. Ceux à qui la mise en scène nous confronte lorsqu’ils frôlent les spectateurs. Oublier cette humanité, c’est permettre le surgissement d’autres grilles, comme celles qui entouraient Auschwitz, si fortement suggérées par les corps inertes plaqués contre la grande barrière érigée sur la scène. (...) Daral Shaga dit le réfugié, l’exilé, dans toute son humanité quand tant voudraient le faire apparaître comme d’abord suspect. Mais est-il encore temps ? » > Disserter sur la question du droit d’asile et/ou du droit de circuler librement. « Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien ». (article 2 du protocole additionnel n°4 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.) 15 Annexes 1. Portrait Feria Musica 2. Coulisses de la création, journal 3. Jeu de l’oie 4. Eldorado, Laurent Gaudé, extrait 5. Daral Shaga, scène 9 6. La mort chez Laurent Gaudé (La Mort du roi Tsongor, extrait, et Danser les ombres, extrait) 7. Daral Shaga, scène 14 8. Scènes d’adieux © Hubert Amiel (Eldorado, extrait, les Misérables, extrait) 17 ANNEXE 1 – PORTRAIT EXTRAIT DU PANORAMA CONTEMPORAIN DES ARTS DU CIRQUE ANNEXE 2 - LES COULISSES DE LA CREATION, JOURNAL http://www.feriamusica.org/daralshaga/coulisses/ PREMIERE SEMAINE, EFFERVESCENCE Comment vous faire palper l’effervescence qui règne au Centre communautaire de Joli Bois en cette première semaine de création ? Comment ne pas cacher notre excitation à rentrer dans le feu de l’action ? Les acteurs de l’ombre Les journées sont trop courtes, les idées fusent. Le matin, Philippe (directeur artistique) arrive tôt, très tôt (7h30) pour finir d’assembler les éléments de scénographie avec Bruno (constructeur : scénographie et machinerie) et Joachim (régisseur général). Quand Mark, Laura, Renata, André et Anke (acrobates) arrivent à 10h, Bruno en chemise rouge, Philippe en pantalon de travail et Joachim en casquette sont affairés à percer, accrocher, déplacer, planifier. Dans un coin de la salle, une « chambre noire » a été aménagée pour la préparation des lumières et des effets vidéo sur la maquette. De drôles de personnages – petits chevaliers ou mini Schtroumpfs – ont pris place sur cette maquette, pour figurer les acrobates, les chanteurs et les musiciens. Emily et Giacinto (création lumière vidéo) passent beaucoup de temps dans leur « chambre » mais circulent aussi pas mal « là où ça se passe » pour pointer les lumières, découvrir les techniques de cirque et la recherche acrobatique qui démarre. De la dramaturgie… Fabrice (metteur en scène) arpente l’espace de long en large, d’une table à l’autre, d’un interlocuteur à l’autre, d’un écran à l’autre. Il aménage des temps de « dramaturgie » avec les acrobates et le dialogue s’installe sur la thématique du spectacle, sur les contraintes liées au travail acrobatique, les possibilités d’éclairage, de costumes… L’équipe regarde ensemble « La Forteresse », reportage sur un centre de requérants d’asile situé à Vallorbe (Suisse). Fabrice souligne la situation d’un jeune Africain qui craque aux côtés du directeur du centre : « je ne sais plus pourquoi je suis là ». Cette notion d’égarement, d’effacement, de perte de sens guide la création de Daral Shaga. Les mots du livret résonnent : Le père : Regarde-le longtemps, Ce que tu ne peux pas prendre avec toi. Regarde-le longtemps, Ce qui ne rentre pas dans tes poches… (…) L’émigré : Je suis là, Maintenant, Parmi eux. Je vois les lumières qui ne s’éteignent jamais. La richesse et le confort Et tout cela m’écrase. … aux corps Youri (formateur au cadre coréen / trampoline) travaille chaque après-midi avec les acrobates et déjà, les allers-retours de la voltigeuse entre son porteur et le trampoline, les mains tendues l’un vers l’autre, cette fraction de seconde suspendue entre le rebond et l’attrape, nous évoque la difficulté de laisser derrière soi, comme une envie intime de revenir, mais aussi le mouvement perpétuel de l’obstination. La semaine se ponctue également de temps de recherche en main-à-main et contrepoids. Fabrice aimerait mélanger les deux pour créer le trouble au milieu des portés par de brefs temps de suspension. Le premier test avec la caméra Go pro sur Renata, agrippée au dessus d’André est probant, cela crée un plan sur le visage du porteur, marqué par l’effort. Anke a aussi installé sa chaîne et suscite l’envie de travailler sur le contraste entre la violence de l’agrès et la douceur des mouvements. Première semaine / le medley ! Des milliers de réflexions, d’ajustements et de petits événements ont jalonné cette première semaine. Donnons quelques indices en vrac ! Il a été question d’un mur de chaines, d’un tapis de danse blanc, de l’achat d’un vidéoprojecteur, de bonnets de piscine, d’un univers visuel feutré, de touches fluo, de machine à fumée, d’un martèlement, d’une semaine de répétition à décaler, du tournage d’un teaser, de cases dramaturgiques, de tableau des noyés, de danger. DEUXIEME SEMAINE, STRUCTURER Lundi, rendez-vous à Wolubilis, pour fixer la prochaine période de travail prévue en avril 2014. Nous serons donc dans un théâtre ! C’est une donnée importante pour pouvoir travailler les lumières et la vidéo dans de bonnes conditions. Prendre en main les caméras A Joli Bois les expérimentations acrobatiques se poursuivent dans une rencontre de plus en plus rapprochée avec la vidéo. Les acrobates apprennent à manier les caméras tandis qu’ils sont suspendus à des systèmes de contrepoids, ils se filment entre eux, pour obtenir un point de vue sur leur visage, sur leurs mains. Etablir la structure Mardi matin, une nouvelle réunion « dramaturgie » permet à Fabrice de présenter la structure globale du spectacle, structure encore à l’épreuve, qui sera remise à Kris Defoort, avec des timings précis pour la composition de la musique. Les intentions du metteur en scène sont très claires pour les premières séquences : plonger le spectateur dans une ambiance de favela grouillante et montrer les prémices du déracinement. Il souhaite également faire entrer progressivement le public dans les codes de l’opéra et que le chant ne soit pas présent d’emblée. Choisir les matériaux Côté construction et scénographie, l’heure du point budgétaire a sonné ! Nous sommes dans les clous pour l’instant mais nous n’avons pas encore trouvé des solutions pour chacune de nos idées éclatantes. C’est notamment la grille du final qui pose question : utiliserons-nous des filets de réception acrobatiques, des barbelés, des balises de chantier pour créer un espace complètement clos ? Quant au sol, l’idée première d’utiliser des particules de liège, pour laisser des traces du voyage sur les corps, les tissus, est abandonnée, au profit de la tourbe…L’essentiel est d’insuffler à l’image globale une unité visuelle forte, en recouvrant les matériaux disparates actuels (bois, métal, cordes) d’une même texture. Participer à la promotion Jeudi soir, nous tournons un teaser. La journée est longue. La fatigue se fait ressentir. Nous attendons que la salle de Joli Bois soit plongée dans le noir pour recréer quelques ambiances prévisionnelles du futur spectacle. Après quinze jours de travail, la tâche est difficile mais les démons de la promotion ne nous laissent pas le choix ! La séance se termine sur une session de course et chutes « freestyle » sur notre plan incliné transformé en rampe acrobatique, les derniers souffles d’énergie sont lâchés. Vendredi repos bien mérité, avant le workshop animé par Claudio Stellato. Rendezvous en troisième semaine ! lâche et qui est récupéré par les autres ». Claudio encourage les acrobates à explorer le déséquilibre, à trouver des mouvements amples. L’improvisation jusqu’à l’épuisement est sa méthode : pour découvrir ce qui se passe au-delà, parvenir à échapper aux inhibitions. Tranquiiiiiiiiille. Nous partons Mercredi, Fabrice choisit de travailler le texte avec les acrobates. Mots en bouche, rythme, mémoire, voix, répétition. Nous vous avions prévenu, les acrobates seront sollicités vocalement pendant le spectacle, ça commence aujourd’hui ! Toi, moi, Et des milliers d’autres, Nous partons, En pleine nuit… Le ciel est vaste Nous partons, (…) Quelques jours de pause en fin de semaine : les corps en ont besoin. Renata et André entonnent des chants au yukulélé sur un air de week-end. Premier public Dimanche 2 février, pour la première fois alors que la compagnie répète depuis 15 ans au Centre Communautaire de Joli Bois, nous présentons au public de la commune de Woluwé-Saint-Pierre l’état de nos recherches acrobatiques : la chaîne, le contrepoids filmé, le main-à-main, le cadre coréen. Moment fort pour ce passage au cadre : un peu accidentellement Mark rattrape Laura de dos, par les aisselles. Ce geste nous interpelle tous, l’intention de Fabrice est de le travailler pour obtenir cette sensation de rattrape dans l’urgence, l’inattendu. Comment recréer cette impression une fois la figure répétée ? QUATRIEME SEMAINE, TOURBE TROISIEME SEMAINE, LÂCHER, RECUPERER Un élément de scénographie fait son apparition : la grille. Un simple tronçon, nu, similaire à une échelle, est accolé au trampoline. Elle se dresse, majestueuse et douloureuse. De sérieuses choses s’annoncent. Explorer le déséquilibre Les après-midis sont consacrés aux recherches chorégraphiques guidées par Claudio Stellato. Il explore les traversées possibles de la pente (plan incliné) en lien direct avec les idées d’obstacle, d’épuisement, d’effacement. Les mains s’agrippent. La contrainte de la lenteur est donnée le deuxième jour, et crée des déplacements graves mais solidaires. La grille est exploitée aussi pour des ascensions empêchées : « un qui La grille. Qui ne laisse passer personne sans le saigner. Les acrobates répètent un trajet vers la grille avec Fabrice. Il leur demande de crier, de clamer un passage du livret puis finalement de chanter une comptine dans leurs langues respectives tout en grimpant fiévreusement, doucement. Traversées en rafale Les envies, les idées ont germé pendant trois semaines. Phase de test. Les femmes portent les hommes. Le système de contrepoids pourrait-il créer l’illusion d’une voltige masculine au-dessus d’un corps de femme ? Des chutes au trampoline par dizaine sont mises en parallèle avec des dérapages sur la pente. Le groupe laisse échapper quelqu’un pour le rattraper immanquablement. Les traversées sont travaillées au sol puis sur la pente, en silence, en criant, en chantant. Les caméras s’insèrent par moment, proches des mains, des peaux et des regards. S’arrêter sur la tourbe Les matières prennent forme. Avant la reprise de la création en avril, les tronçons de la grille métallique seront recouverts d’une peinture rouillée. L’utilisation de la tourbe au sol, déposée sur de la toile de jute, n’est plus une rumeur… Du choeur à l’ouvrage Mercredi matin, deux de nos trois chanteurs nous rejoignent pour trois jours de training physique. Nous accueillons Maciej et Tiemo, impatients et curieux. Se prêter au jeu des portés, du trampoline, de la grille et du contrepoids ne ressemble pas à une épreuve pour nos deux membres de l’ensemble VOCAAL LAB, habitués à chanter dans l’effort, le repli, la contrainte. Si nos deux nouvelles silhouettes n’évoluent pas avec la même souplesse ni la même force que les corps acrobates, leur volonté et leur puissance vocale émeuvent. Pas de musique écrite encore. Quelques extraits enregistrés chez Kris pour notre teaser – premières pistes et improvisations – ponctuent les répétitions. Déjà le contraste est beau entre la mélancolie des notes et la brutalité des gestes. Maciej et Tiemo s’imprègnent du texte avec Fabrice, pressés de pouvoir, fin avril, mettre des notes sur les mots. Déracinés Dernier jour. Nous quittons Joli Bois pour quelques heures. Un spectacle se joue au Théâtre National de Bruxelles, avec de la tourbe au sol. Nous avons l’opportunité de passer une matinée au contact de cette terre humide. Des ambiances de rituel, de départs sont improvisées. Hubert, assistant à la mise en scène et photographe, extrait quelques clichés prenants de cette séance hors du temps. La présence de la tourbe crée des couleurs rougeoyantes, des salissures âpres et mystérieuses. Les images du futur spectacle sont (presque) là. Séances de visionnage Matinée musicale pour les acrobates, Kris Defoort a été filmé jouant au piano et interprétant les premières partitions chantées de sa composition ! Certains diront que cette version à usage éphémère est « collector ». En attendant les répétitions des chanteurs fin avril, la voix enrouée de Kris nous suivra pour toute cette deuxième période de création. On sélectionne sur vidéo les moments acrobatiques retenus en janvier. Les séquences sont baptisées grappe, tremblement de terre, échappée, fracasse, boule, Jésus… Naissance d’un vocabulaire interne à manier avec distance ! Des images saisissantes Fabrice teste les scènes une par une, avec les éclairages et la vidéo, projetée tantôt sur le tulle ou le cyclorama, tantôt sur le plastique ou sur la pente. Première scène : atmosphère grave d’un rituel de départ autour du feu, fausses larmes et émotion du dernier texto envoyé. Jour après jour, Fabrice, Emily et Giacinto façonnent les images du spectacle, feutrées, brumeuses, troubles, bleutées, désertiques, éblouissantes. La visite Jeudi, Kris, accompagné par Laurent Gaudé, de passage à Bruxelles, assistent aux répétitions, comment perçoivent-ils la façon dont l’équipe s’approprie l’histoire de Daral Shaga ? Des micros ont été placés sur le plateau, la pente est sonorisée, les pas des acrobates sont des coups de tonnerre. Une interaction entre la lumière et la voix des chanteurs est prévue, pour faire vibrer les rayons lumineux au son des vocalises. Les manipulations de la scénographie d’une position à l’autre prennent encore du temps. Les gestes s’impriment, répétés puis optimisés, la mise en scène patiente, bouillonnante, trépidante. Enfin, à 18h, la bière irrigue la fourmilière, aux terrasses du Cook & Book. « Acharnez-vous ! » Il est question de bambous de 3 mètres, que l’on heurte à la grille, que l’on assemble en abri, que l’on s’échange prudemment. La grille face public est massive, il devient soudain évident qu’elle arrive trop tôt dans le spectacle et que son apparition doit être plus brève. Enième amendement au conducteur du spectacle, Hubert n’a pas fini de prendre des notes… CINQUIEME SEMAINE, TREPIDANTE Premier montage en théâtre Les jours sont comptés car nous louons la salle dans laquelle nous répétons. Un jour de montage n’est pas suffisant. Quand les acrobates arrivent le 8 avril, il faut encore ajuster les différents modules de scénographie, pointer les lumières, tester les 3 positions de la scénographie. L’axe de la deuxième position est modifié pour améliorer le point de vue du spectateur. La tourbe est attendue pour mercredi. SIXIEME SEMAINE, CONCENTRES SUR L’IDEE… … que nous présentons une étape de travail vendredi !! Le retour de Claudio Chaque matin, les acrobates recherchent les mouvements susceptibles de révéler la dureté du trajet, à partir des indications de Claudio Stellato. Ils courent, s’épuisent, s’accrochent les uns aux autres pour avancer, s’empêcher d’avancer, passer le premier. Chorégraphie brutale de corps qui s’acharnent, au sol d’abord, puis sur la grille. Ils explorent la fluidité, la rapidité, les ruptures de rythme, les traversées furtives sur de courtes distances. Suggérer le danger Lundi, le cadre coréen est travaillé avec la Go Pro dans deux positions différentes, les plans se centrent sur le visage de Laura, les mains, le rituel de la magnésie. Lumières d’apparat derrière le plastique, puis ambiance glaçante pour les gestes accidentels à falsifier. A la chaine, Anke est amenée à confronter la violence des maillons métalliques à la grâce féminine, et à déraper jusqu’à s’effondrer au sol. La voix d’André résonne, rumeur du chœur des immigrés. La conduite La tension s’installe pour la préparation de la présentation du vendredi. Mercredi matin, la conduite est prête. Filage pour les deux jours à venir. Les techniciens ont vissé leurs casques intercom sur leurs oreilles, commentaires studieux alternent avec humeurs blagueuses. Qu’est-ce qu’ils attendent ? Parfois la communication entre la régie et le plateau se brouille. La patience est de mise quand on approche le travail acrobatique, les temps de préparation, les mises en place, les discussions entre duos de main-à-main sont parfois longs et probablement inimaginables pour qui ne s’y est jamais frotté. Chacun apprend à apprivoiser les besoins des autres, à réagir vite, quand c’est possible. Vendredi Expérience sensorielle garantie. Découvrir les images douloureuses, vibrantes, retentissantes, les sons et les voix réverbérés, le fil, déjà tendu, d’un trajet sous surveillance. Les mots tournent en boucle dans nos têtes « de l’autre côté, la vie possible ». On s’amusera, un peu, de la voix de Kris restée notre bande son pour 15 jours. On se satisfera aussi de la venue de Frédéric Roels et Roger Le Roux, convaincus, suite à la présentation, de programmer Daral Shaga à l’Opéra de Rouen en novembre 2015. SEPTIEME ET HUITIEME SEMAINE, METTRE EN PLACE Les voix, les instruments Entendre les musiciens et les chanteurs pour la première fois sur le plateau. C’est pour ainsi dire l’événement de cette nouvelle session de travail à Bruxelles. Nous disposons de 6 jours top chrono pour passer à travers toutes les scènes et tester les déplacements, les positions des chanteurs, la façon dont la musique rencontre l’action au plateau. Mélancolie et espoir se dégagent de la partition ; piano acharné et violoncelle acéré sur les braises enveloppantes des clarinettes. La méthode Si le matin, chacun est attelé à sa tâche première – acrobates aux agrès, chanteurs et musiciens en répétition chez Kris Defoort – les après-midi sont consacrés à réunir les interprètes sous les directives d’un metteur en scène déterminé, méthodique, frondeur. Deux scènes par jour sont abordées avec les musiciens puis on travaille les positions des deux scènes suivantes entre acrobates et chanteurs pour le lendemain, et ainsi de suite. Il faut « tracer », arriver à la mer (scène 11) samedi, tester la scène finale coûte que coûte. Les dépenses En coulisses, on égraine les idées de costumes et d’accessoires pour évoquer le contraste entre la terre quittée et la terre convoitée. Des roses, des confettis, des boules à facettes, des seaux d’eau, des couvertures… Les friperies de Bruxelles sont notre caverne. Au rayon bricolage, peinture, bois et sacs de jute, les achats vont bon train et l’administratrice veille au grain. Les conclusions Au bout de six jours, la phase de mise en place est accomplie, essentielle pour que le travail de lumière puisse avancer à Limoges, pour que les images se dessinent plus nettement par la suite. Ce travail permet aussi de mettre en relief les manques de lisibilité, les besoins de silence, les moments pour lesquels le bon équilibre reste à trouver. Jeudi, le débriefing est dense, il faut se préparer au mieux pour la phase finale. Nous réalisons que les surtitres seront nécessaires et que le rôle de l’émigré doit encore se frayer un chemin juste dans la mise en scène. Le cirque peut être plus présent et plus imprégné d’intentions. Le chœur des émigrés acrobates doit faire mûrir sa voix, sa puissance. Kris continue d’écrire la musique, les ponts entre les scènes, laissant encore des plages flexibles et affinant les tempos. Il faudra mettre au point la scène finale, la raccourcir, lui donner tout son impact. Rendez-vous à Limoges ! NEUVIEME ET DIXIEME SEMAINE, ACCORDER Arrivée à l’Opéra-Théâtre de Limoges Après deux journées de montage denses, aux côtés des techniciens qui nous entoureront pendant 4 semaines, notre équipe technique est rejointe par les acrobates, Fabrice et Philippe. En journée les moments acrobatiques sont passés en revue, tant au point de vue des figures que des intentions. Chaque enchaînement prend peu à peu sa forme définitive, le groupe est soudé et avance efficacement. Quelques soirées autour du barbecue auront pour vertu de débriefer joyeusement, entre la côte de bœuf et le camembert fondu. Conjonction de coordination La coordination de ces quatre semaines de résidence à 700km de Bruxelles est une logistique à rôder. S’assurer de la livraison des repas, de la répartition des mobil homes, des listes de courses, des demandes de costumes, des transferts gare/camping, des horaires, du stationnement des véhicules. De l’autre côté, porter une attention particulière aux relations avec l’équipe de l’Opéra, du Festival les Francophonies en Limousin et du Sirque de Nexon pour que les demandes presse soient satisfaites, pour que les décisions sur la jauge soient prises, pour que les quotas d’invitation soient suffisants et respectés, pour que les supports de communication soient prêts, relus et envoyés dans les temps. Vingt-et-un Dimanche soir. Gare de Limoges Bénédictins. 21h54. 28°C. Les chanteurs, puis les musiciens débarquent. Nous passons de 14 à 21. 21 personnes à réunir autour du même objectif. 21 personnes, 5 champs de compétences, des besoins, des rythmes et des dynamiques différentes à agencer et harmoniser. Une cohésion à trouver pour que chacun s’écoute, se concentre et patiente. Même découpage des journées qu’à Wolubilis, matinées où chacun répète sa propre technique, après-midi collectifs pour travailler les scènes au plateau. Et certains matins, les acrobates rejoignent les chanteurs au foyer musiciens pour travailler le final. Pour Emily (lumières) et Giacinto (vidéo), les journées commencent très tôt afin de disposer d’un plateau vide, pouvoir travailler dans le noir, anticiper aussi sur la passation de leurs conduites à Thomas et Fanny qui reprendront leur régie en tournée. Et certains soirs, le doute s’installe, la fin n’est pas encore convaincante. Premier filage à l’opéra Le filage de fin de semaine est un bon exercice, déjà les retours sur l’esthétique, la musique et la place du cirque sont positifs. Il reste quelques chantiers pour les 2 semaines à venir, notamment les réglages pour les changements de plateau, l’entrée en matière de l’émigré, la mise en scène du « baptême » de Daral Shaga, les costumes. On attend l’arrivée de Kris, la partition peut encore évoluer. Et la série de filages journaliers commencera lundi. ONZIEME ET DOUZIEME SEMAINE, MONTER EN PUISSANCE Une rencontre scolaire pour démarrer la onzième semaine. Une centaine d’élèves qui viendront à la première, assis au foyer du public, écoutent Philippe présenter le projet, attentifs ? Mettons-nous d’accord sur le vocabulaire : une allemande ? une italienne ? Au théâtre, à l’opéra, au cirque, en France, en Hollande, en Belgique, chacun ne l’entend pas de la même façon. Pour épargner les corps acrobates certains jours, ce sera une allemande, on marque les mouvements, on évite les blessures. Et si la dernière allemande était de trop ? Magie de la répétition. Les changements de décor sont maintenant effectués dans les temps, certains cœurs en sont plus que rassurés. La qualité des cadrages et des mises au point pour les projections sur le tulle s’affine. Il faut aussi prendre le temps de repérer les positions des chanteurs pour qu’ils soient bien placés sous les sources lumineuses. Après-midi autour de la table, Fabrice travaille la prononciation et les intentions de jeu avec les chanteurs. Avancer progressivement est une façon d’amener chacun vers la justesse. Interview matin, midi. France 3 vient ce soir. Nous filons. Perte d’énergie, maintenir la flamme jusqu’au bout. On repérera l’équipe de Feria Musica au karaoké samedi soir. L’Amicale des parachutistes belges se souviendra aussi de son passage. En boucle, les mots du livret dans nos têtes : « mes frères… », « la grille !!! », « pour que notre terre nous laisse partir… » Derniers jours. On a bien fini par trouver un costume pour chacun, dans les tons. Les pétales de rose, les 200 roses artificielles aussi. Les proches qui veulent être là à la première commencent à arriver. Trancher pour la fin, harmoniser. On dit Toï toï toï, on offre des friandises, des porte-bonheur souvenirs. Laurent Gaudé est là aussi, impatient et désireux de savourer l’instant. Fabrice réunit tout le monde à 19h40 sur le plateau. Disons-le, c’est émouvant. N’oublions pas les exilés, les déracinés, les laissés-pour-morts aux portes de l’Europe forteresse. Puis, il est 20h30. Journal rédigé par Sophie Tessier, chargée de diffusion, production, communication Une série de filages quotidiens commence cet après-midi, indispensable pour que le spectacle se bonifie d’ici la première. Octobre 2009 TOP DEPART donné par Alain Mercier, directeur de l’Opéra-Théâtre de Limoges : la proposition nous est faite de créer un opéra circassien, alors que notre spectacle Infundibulum vient juste de voir le jour > Octobre & Novembre PREMIERE RENCONTRE VIF DU SUJET Juin Juin RDV OPERA de LIMOGES VIF DU SUJET REUNION AU SOMMET A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES & Alsace, Champagne & Septembre Réséo, Göteborg, Wallonie Mai VIF DU SUJET Livret Version 1 J -365 A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES UN PAS EN AVANT > Vocaal Lab embarque avec nous Décembre VIF DU SUJET Lode, Fabian, Bogdan, Hubert, Marc, Giacinto, Fabrice, Kris, Philippe, Hélène, Sophie Version 6 Mai Décembre PREMIERE RENCONTRE Concevoir la scénographie Septembre Provence, Paris, Nord Juin Philippe et Fabrice Livret & Version 2 Septembre RDV OPERA de LIMOGES A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES Livret Fabrice Murgia Festival Circa Novembre Novembre Octobre & Kris, Laurent, Philippe UN PAS EN AVANT > Consolidation des liens avec le Sirque de Nexon on y va !!! 2011 Juin Décembre RDV OPERA de LIMOGES A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES Décembre VIF DU SUJET PREMIERE RENCONTRE REUNION AU SOMMET Maciej et Tiemo Scénographie chanteurs de Vocaal Lab Kris, Laurent, Philippe GRAND BAIN AVIGNONNAIS && Niveau 2 Février RDV OPERA de LIMOGES Construction Mai Avril A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES & Août Juillet PREMIERE RENCONTRE GRAND BAIN AVIGNONNAIS > Kris Defoort Niveau 3 Fabrice embarque avec nous Août Juillet Décembre VIF DU SUJET VIF DU SUJET Livret Livret A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES Romain Bischoff & directeur de Vocaal Lab Mars Août VIF DU SUJET Version 7 Demandes de subsides Scénographie Maquette A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES au fil de la tournée de Sinué Mars Février VIF DU SUJET REUNION AU SOMMET Livret Kris, Laurent, Philippe, Fabrice Version 5 Mars Janvier Janvier UN PAS EN AVANT RDV OPERA de LIMOGES UN PAS EN AVANT < UN PAS EN AVANT chanteuse de Vocaal Lab PREMIERE RENCONTRE 1e dossiers de prod PREMIERE RENCONTRE Décembre && Michaela Riener Avril & Juillet AVEC QUI ? & Les Francophonies en Limousin Juillet Août RDV OPERA de LIMOGES > Livret Septembre Montpellier Août UN PAS EN AVANT Version 3 Septembre REUNION AU SOMMET LE FAISONSNOUS ? Avril A LA RECHERCHE DE A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES PARTENAIRES Aix et la Belgique 2010 < Kris embarque avec nous Version 4 2013 CREER DARAL SHAGA MAIS REDUIRE LA VOILURE 2012 QUI VEUT SOUTENIR LA CREATION ? Juillet GRAND BAIN AVIGNONNAIS && Niveau 1 Septembre PREMIERE RENCONTRE Laurent Gaudé Décembre UN PAS EN AVANT < Laurent embarque avec nous Règle du jeu 1 dé autant de pions que de joueurs Case RDV OPERA de LIMOGES vous devez avancer, rejouez Case UN PAS EN AVANT Avancez d’une case > Case VIF DU SUJET Les idées fusent, rafraîchissez-vous Case PREMIERE RENCONTRE Tentez de concrétiser votre rencontre en relançant le dé. En un seul lancer, vous devez être capable de rentrer dans l’action et de rejoindre une case VIF DU SUJET. Si vous ne tombez pas sur le chiffre exact, vous ne pouvez pas avancer. Case REUNION AU SOMMET vous entrez au coeur de l’action, la réunion dure un peu, passez votre tour. Case Année Vous démarrez bien mais vous vous posez beaucoup de questions, restez ici deux tours de plus pour bien réfléchir Case A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES & C’est quitte ou double ! Lancez de nouveau le dé : Si votre score se situe entre 1 et 3, vous reculez d’autant de cases que l’indique le dé Si votre score se situe entre 4 et 6, vous avancez d’autant de cases que l’indique le dé Case GRAND BAIN AVIGNONNAIS && Niveau 1 vous ne rencontrez pas beaucoup de partenaires potentiels, rien ne se passe Niveau 2 vous multipliez les contacts, nous vous invitons à entretenir vos relations et à avancer jusqu’à la prochaine case A LA RECHERCHE DE PARTENAIRES Niveau 3 vous faites le plein de rencontres stimulantes, et remportez la partie ANNEXE 4 - ELDORADO, LAURENT GAUDE, EXTRAIT Deux frères quittent le Soudan, l’un des deux, malade, ne poursuivra pas le voyage. Nous roulons sans cesse. De jour comme de nuit. Toujours vers la mer. Je me perds dans des terres que je ne connais pas. J’imagine Jamal en train de faire la route dans l’autre sens. Il repasse la frontière, sans joie cette fois, sans embrassade, retrouvant sa vie laide d’autrefois. Comme une bête qui, après s’être échappée, retourne de son propre chef à l’étable. Je me suis trompé. Aucune frontière n’est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s’arracher la peau pour quitter son pays. Et qu’il n’y ait ni fils barbelés ni poste frontière n’y change rien. J’ai laissé mon frère derrière moi, comme une chaussure que l’on perd dans la course. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes. ANNEXE 5 - DARAL SHAGA / SCENE 9 - L’EMIGRE Je suis une ombre maintenant. Comme il est facile de traverser le monde ainsi... Les hommes ne me voient pas. Je longe les chemins de fer, je passe les ponts, la poussière des routes ne me fait plus tousser, je n'ai plus soif sous le soleil. Les hommes ne me voient pas. Comme il est facile de traverser le monde ainsi... Je suis une ombre maintenant. ANNEXE 6 – LA MORT CHEZ LAURENT GAUDE DANSER LES OMBRES, LAURENT GAUDE, EXTRAIT LA MORT DU ROI TSONGOR, LAURENT GAUDE, EXTRAIT A Haïti, après le tremblement de terre, Port-au-Prince doit faire le deuil de ses morts restés dans les décombres et des cadavres sans tombeaux. En attendant, les morts côtoient les vivants… Dans une Antiquité imaginaire, le vieux Tsongor, roi de Massaba, souverain d’un empire immense, s’apprête à marier sa fille. Mais au jour des fiançailles, un deuxième prétendant surgit. La guerre éclate. Le monarque s’éteint ; son plus jeune fils s’en va parcourir le continent pour édifier sept tombeaux à l’image de ce que fut le vénéré – et aussi le haïssable – roi Tsongor. Quelques heures avant sa mort, Tsongor dialogue avec son vieux serviteur Katabolonga. Dans la nuit touffue de Massaba, il lui tendit un petit objet que le vieux serviteur recueillit au fond de sa main avec attention. C’était une vieille pièce de cuivre rouillée. Les contours étaient polis par l’usure. On distinguait à peine les inscriptions dont elle avait été frappée. « C’est une vieille pièce de monnaie que j’ai gardé sur moi toute ma vie. La seule chose qu’il me reste de l’empire de mon père. La seule chose que j’ai emportée avec moi lorsque j’ai levé ma première armée. C’est cette pièce-là que tu me glisseras dans la bouche et que je tiendrai serrée entre mes dents de mort lorsque je me présenterai aux dieux d’en bas. - Ils te laisseront passer avec respect, Tsongor. En voyant le roi du plus grand empire se présenter à eux avec cette seule pièce, ils comprendront ce que tu fus. - Ecoute bien, Katabolonga, poursuivit Tsongor, écoute bien car je n’ai pas encore fini. Cette pièce, il est d’usage de la donner au mort à l’instant où commencent les funérailles pour qu’il rejoigne au plus vite l’au-delà. Ce n’est pas ce que je veux. Pas tout de suite. Garde-la sur toi. Et veille à ce qu’aucun de mes fils n’y substitue une autre pièce. Je serai mort demain. Tu possèdes la seule pièce qui puisse payer mon passage et je te demande de la garder sur toi. - Pourquoi ? demanda Katabolonga qui ne comprenait pas ce que voulait le roi. - Tu la conserveras jusqu’au jour où Souba reviendra. Ce n’est que lorsqu’il reviendra à Massaba que tu pourras offrir à mon cadavre le prix du passage. - Tu sais ce que cela veut dire, Tsongor ? demanda Katabolonga. - Je sais, répondit simplement le roi. - Tu erreras des années entières, sans repos, reprit Katabolonga. Des années entières condamné au tourment. - Je sais, répéta Tsongor. Je serai mort demain. Mais je veux attendre le retour de Souba pour mourir tout à fait. D’ici là, que je sois une ombre agitée. J’entendrai encore les rumeurs du monde des hommes. Je serai un esprit sans tombeau. C’est ce que je veux. Toi seul auras la pièce capable de m’apaiser. J’attendrai ce qu’il faudra. Il ne pas y avoir de repos pour Tsongor tant que tout ne sera pas achevé. - Je ferai selon ta volonté, dit Katabolonga. - Jure-le, demanda le roi. - Je le jure, Tsongor. Par ces dizaines d’années qui nous unissent toi et moi. » D’abord, ce n’est qu’un petit groupe d’amis, serrés dans le salon de la maison Kénol. L’après-midi décline doucement. Les bruits de la ville semblent commencer à s’estomper imperceptiblement. On sent que dans quelques minutes – une heure tout au plus – la chaleur tombera et l’air deviendra doux. D’abord, ce n’est qu’un groupe, le même que chez Fessou, écoutant la voix de rocaille du Vieux dire que Dame Petite a raison, que les morts sont mécontents et que la ville va bientôt basculer sous leur colère. - Puisqu’il n’y a plus de place dans nos cimetières…, dit-il… Nous les enterrerons de nos paroles. Et les amis, autour de lui, acquiescent, Saul, Lucine, Jasmin. Ils les enterreront de leurs prières. Boutra regarde l’ancêtre avec admiration. - Chacun de nos mots sera une poignée de terre sur leur sépulture et alors seulement, le monde des vivants et le monde des morts seront séparés à nouveau. Et le Vieux poursuit, animé par une force nouvelle. Il parle avec fièvre, les poings fermés. - Nous devons emmener nos morts à la tombe. Les amis acquiescent. Chacun sait que le monde ne peut vivre ainsi, que les vivants s’y perdraient, deviendraient fous. Alors ils disent oui, même Saul, encore traversé par l’envie de voir Emeline, même lui, il acquiesce, parce que c’est le Vieux qui parle. Il faut renoncer et il le fera, avec ses amis, mâchoires serrées. Prophète Coicou les regarde chacun, lentement, avec gravité et il ajoute qu’il faut emmener le plus de monde possible, pas simplement eux, le petit groupe d’amis, lais tous ceux au-dehors, dans le jardin, dans les rues du quartier et dans tous les quartiers de la ville qu’ils traverseront. Il faut emmener tous ceux qui pleurent un frère, un père… La foule sera grande, mais c’est bien, c’est ce qu’il faut. Sa voix s’assombrit. Il hésite un temps, semble ému – peut-être pense-t-il à son ami le facteur Sénèque ou aux jeunes filles de l’école d’infirmières… Il reste silencieux quelques secondes puis reprend avec fermeté : - Pour que les vivants vivent, il faut que nous semions les morts. Et ils sentent alors que tout peut commencer. (…) D’abord, ce n’est qu’un cortège d’hommes et de femmes vaillants, entrant dans la nuit d’un pas sûr, mais maintenant la colonne semble se déliter, s’éparpiller, se briser. Des ombres restent sur le bas-côté, tête basse, désespérées d’être chassées du monde. A chaque carrefour, il s’en perd. Les morts ne savent plus où ils sont. Ils sentent qu’ils vont devoir rejoindre le pays des ombres et ils pleurent sur leur vie, sur les amis qu’ils quittent. Maintenant, la colonne avance d’un pas saccadé et tout le monde tremble. Les vivants ne savent plus si ils sont vraiment vivants. Ils craignent de se découvrir morts. ANNEXE 7 - DARAL SHAGA / SCENE 14 - NADRA, LE PERE La fille : Tu ne passeras pas, père. Tu ne vas pas assez vite. Le père : Je n’essaie même pas. La fille : Tu me regardes au lieu de courir et tes mots me reviennent : Ce que tu ne peux pas prendre avec toi… Le père : … Regarde-le longtemps... La fille : Ce dont tu te sépares à jamais… Le père : … Emmène-le en pensée. Adieu, ma fille. La fille : Je te regarde longtemps, père Le père : Adieu. La fille : Ce qui ne tient pas dans les sacs… Ton visage épais, Tes mains calleuses, Ton parfum. Adieu, père. Le père : N’oublie pas, Ma fille, De vivre avec joie. ANNEXE 8 – SCENES D’ADIEUX ELDORADO, LAURENT GAUDE, EXTRAIT Notre guide a salué le conducteur. Mon frère s’approche. Il parle à l’homme. Je n’entends pas ce qu’ils disent mais je vois mon frère sortir de l’argent et le lui tendre. C’est mon passage qu’il paie. Cet argent qu’il donne est celui qui lui manquera pour s’acheter des médicaments. Je voudrais lui crier de reprendre les billets mais je ne le fais pas. Je suis épuisé. C’est comme un peu de sa vie qu’il donne à cet homme. Il se condamne à la douleur pour moi. Je sais que maintenant les choses vont aller très vite. C’est ce que veut Jamal. Que je sois happé par le rythme du voyage. Le conducteur va vouloir que je monte et il démarrera sans attendre. Je veux un peu de temps. Je repense au thé que nous avons bu chez Fayçal. Je croyais que nous faisions nos adieux à la ville mais Jamal savait, lui, qu’il reviendrait. C’est à moi qu’il disait adieu. Cette tristesse dans ses yeux, c’était celle d’avoir à quitter son frère. Notre guide vient me saluer. Il me recommande à Dieu et ajoute, avant de faire trois pas en arrière : « Si tout va bien, tu seras à Al-Zuwarah dans deux jours ». je regarde mon frère, je suis perdu. - où est-ce que je vais, Jamal ? » Je ne sais même pas où je pars. Il voit mon trouble. Alors, encore une fois, il s’approche de moi et m’entoure de son calme. Il m’explique qu’il a payé pour tout, que je n’ai plus à me soucier de rien, simplement me concentrer sur mes forces et aller jusqu’au bout. La voiture m’emmène à Al-Zuwarah, sur la côte libyenne. Elle me déposera dans un appartement où les passeurs viendront me chercher. Je paierai la deuxième moitié à ce moment-là, pour la traversée. Jamal parle lentement. Il a tout calculé. Tout prévu. Il me demande si j’ai bien compris. Je ne parviens pas à penser que je vois mon frère pour la dernière fois. La tête me tourne. J’ai besoin d’appui. C’est alors que Jamal enlève de son cou un collier et me le tend. Je ne bouge pas. Je suis sans force. Il me le met doucement autour du cou. C’est un collier de perles vertes. J’ai toujours vu mon frère avec. Je sens le contact froid des perles sur ma peau. Il n’a pas dit un mot. Il doit être comme moi, incapable de prononcer une parole. Il me serre à nouveau dans ses bras, avec force. Je me remplis de sa vigueur. Jamal m’accompagne jusqu’aux portes du voyage. Je voudrais lui rendre son collier et prendre sa maladie. Je voudrais l’agonie à sa place. Mais je sais qu’il n’en sera pas ainsi. Je me remplis de lui pour ne jamais oublier le visage qu’il a à cet instant. LES MISERABLES, VICTOR HUGO, EXTRAIT Dans les dernières pages des Misérables, le personnage principal, Jean Valjean, au moment de mourir, dit adieu à Cosette, sa fille adoptive. « Comme le temps passe ! Nous avons été bien heureux. C’est fini. Mes enfants, ne pleurez pas, je ne vais pas très loin. Je vous verrai de là. Vous n’aurez qu’à regarder quand il fera nuit, vous me verrez sourire. Cosette, te rappelles-tu Montfermeil ? Tu étais dans le bois, tu avais bien peur ; te rappelles-tu quand j’ai pris l’anse du seau d’eau ? C’est la première fois que j’ai touché ta pauvre petite main. Elle était si froide ! Ah ! vous aviez les mains rouges dans ce temps-là, Mademoiselle, vous les avez bien blanches maintenant. Et la grande poupée ! te rappelles-tu ? Tu la nommais Catherine. Tu regrettais de ne pas l’avoir emmenée au couvent ! Comme tu m’as fait rire des fois, mon doux ange ! Quand il avait plu, tu embarquais sur les ruisseaux des brins de paille, et tu les regardais aller. Un jour, je t’ai donné une raquette en osier, et un volant avec des plumes jaunes, bleues, vertes. Tu l’as oublié, toi. Tu étais si espiègle toute petite ! Tu jouais. Tu te mettais des cerises aux oreilles. Ce sont là des choses du passé. Les forêts où l’on a passé avec son enfant, les arbres où l’on s’est promené, les couvents où l’on s’est caché, les jeux, les bons rires de l’enfance, c’est de l’ombre. Je m’étais imaginé que tout cela m’appartenait. Voilà où était ma bêtise. Ces Thénardier ont été méchants. Il faut leur pardonner. Cosette, voici le moment venu de te dire le nom de ta mère. Elle s’appelait Fantine. Retiens ce nom-là : Fantine. Mets-toi à genoux toutes les fois que tu le prononceras. Elle a bien souffert. Elle t’a bien aimée. Elle a eu en malheur tout ce que tu as en bonheur. Ce sont les partages de Dieu. Il est là-haut, il nous voit tous, et il sait ce qu’il fait au milieu de ses grandes étoiles. Je vais donc m’en aller, mes enfants. Aimez-vous bien toujours. Il n’y a guère autre chose que cela dans le monde : s’aimer. Vous penserez quelquefois au pauvre vieux qui est mort ici. Ô ma Cosette ! ce n’est pas ma faute, va, si je ne t’ai pas vue tous ces temps-ci, cela me fendait le cœur ; j’allais jusqu’au coin de ta rue, je devais faire un drôle d’effet aux gens qui me voyaient passer, j’étais comme fou, une fois je suis sorti sans chapeau. Mes enfants, voici que je ne vois plus très clair, j’avais encore des choses à dire, mais c’est égal. Pensez un peu à moi. Vous êtes des êtres bénis. Je ne sais pas ce que j’ai, je vois de la lumière. Approchez encore. Je meurs heureux. Donnez-moi vos chères têtes bien-aimées, que je mette mes mains dessus. » Cosette et Marius tombèrent à genoux, éperdus, étouffés de larmes, chacun sur une des mains de Jean Valjean. Ces mains augustes ne remuaient plus. Il était renversé en arrière, la lueur des deux chandeliers l’éclairait ; sa face blanche regardait le ciel, il laissait Cosette et Marius couvrir ses mains de baisers ; il était mort. La nuit était sans étoiles et profondément obscure. Sans doute, dans l’ombre, quelque ange immense était debout, les ailes déployées, attendant l’âme. revue de presse septembre 2014 EXTRAITS DE PRESSE Oratorio vibrant sur l’exil C compagnie Feria Musica, dirigée par Philippe de Coen, métaphores de cette Une mélodie du malheur, multitude de corps malalternant douceur, vibramenés qui se confrontent tion et rythme, qui monte face au mur de en intenLe cirque prend ici la liberté ou de sité au fil l’emprisonnetoute sa dimension ment.(…) des trois tableaux universelle et et dixartistique, et apporte L’ensemble est d’une grande huit à l’opéra toute sa Au coeur de ces arts, le scènes beauté, on se modernité. superbe et poétique lide cette sent saisi par vret de l’écrivain français création cette imbrication Laurent Gaudé, d’une rare incroyaoriginale des puissance pour raconter ble, à vous faire frissonner. arts et la force artistique dans une prose contempoet intense qui en émane. Une émotion accentuée au raine enlevée la violence Magistral. Eva Sala physique et morale, l’indi- gré des portés et voltiges Le 26/09/2014 des cinq acrobates de la gnation, l’inhumanité que e rêve d’exil, tout à la fois actuel et intemporel, entremêle harmonieusement et avec émotion les arts les plus différents pour créer un conte universel puissant dont le but est de redonner la parole aux clandestins, louer leur courage et leur détermination.(…) subissent les clandestins au quotidien. (…) Daral Shaga, triple salto réussi pour le premier opéra circassien Les mouvements et gestes circassiens expriment à merveille les sauts de l’âme et la force de l’illusion de ceux qui s’attaquent à ce mur presque infranchissable qui les sépare de cet autre monde tant espéré. Siegfried Forster Le 26/09/2014 Une merveille circassienne à l’opéra Fabrice Murgia dépoussière littéralement le genre. Ses images sont comme à chaque fois somptueuses, il parvient à mixer avec allégresse la musique, le chant, la poésie de la vidéo, avec des numéros de cirque époustouflants. Un spectacle coup de poing qui renouvelle le genre. Toute l’équipe a réussi à créer une atmosphère jamais vue dans l’enceinte d’un opéra et cela fait du bien. Stéphane Capron Journal de 19h, le 26/09/2014 Daral Shaga ou la beauté brûlante de la tragédie et de l’espoir des réfugiés ... D tèques, des barbares… Nos aral Shaga dit tous les murs, toutes les frères. Ceux à qui la mise frontières, depuis toujours en scène nous confronte lorsqu’ils frô: le limes, le mur de BerDaral Shaga, projet lent les spectateurs. (…) lin, le mur « artistique global, de sécurité est une réussite Dans la beau» construit esthétique et té des lumièpar Israël, res d’Emily signifiante. celui entre le Brassier, la Mexique et confrontation les Etats-Unis… ceux qui dynamique des images et séparent les nantis des médes angles de vision, celle des paroles, des chants et de la musique, les formidables artistes circassiens montrent la vitalité, le désir, de ceux qui avancent, avancent, au risque de se tordre sur les chaînes et le fer (prouesses magnifiques), de ceux qui escaladent sans cesse pour partir à l’assaut du monde et qui en seront le sel. Laurent Bourdelas Le 26/09/2014 Le brillant envol de Daral Shaga Un spectacle complet, impressionnant d’aboutissement. (…) L’extraordinaire de cette oeuvre vient du rôle inédit, inouï, joué par les acrobates de la compagnie de cirque belge Feria Musica qui animent de tout leur corps les chaînes et les murs, les barreaux et les gouffres. Ils subliment à en couper le souffle les émotions que les mots et les images se refusent à surligner : la violence, la chute, le vide, l’envol des mains tendues et le désir de vivre au-delà des grilles, de la mort. Marie-Noëlle Robert Le 2/10/2014 23 septembre 2014 Supplément http://www.rfi.fr/culture/20140926-­‐daral-­‐shaga-­‐laurent-­‐gaude-­‐triple-­‐salto-­‐reussi-­‐premier-­‐opera-­‐circassien-­‐francophonies-­‐limousin/ Publié le 26-09-2014 Modifié le 27-09-2014 à 09:54 «Daral Shaga», triple salto réussi pour le premier opéra circassien Par Siegfried Forster «Daral Shaga», premier opéra circassien, création mondiale le 25 et 26 septembre 2014 dans le cadre des 31e Francophonies en Limousin. ©Christophe Péan Quand l’art du cirque emballe l’opéra. « Daral Shaga » raconte la tragédie de l’immigration, le périple des êtres meurtris par l’exil et l’histoire d’un mur qui sépare deux mondes. Présenté en première mondiale à l’Opéra-Théâtre de Limoges dans le cadre des Francophonies en Limousin, ce spectacle a réussi l’exploit de faire fusionner la littérature du Prix Goncourt Laurent Gaudé (voir l’entretien cidessous), la musique de Kris Defoort et les arts de la corde, du trapèze et du trampoline du cirque menés par Philippe de Coen pour faire naître une nouvelle forme théâtrale très applaudie par le public. Un feu de camp brûle, une mélodie s’installe et avec un grand sac sur le dos, le périple peut commencer. « Regarde-le longtemps, ce que tu ne peux pas prendre avec toi. » Une dernière fois, Nadra plante sa main dans la terre natale qu’elle doit quitter avec son père. Déracinés, mais espérant trouver ailleurs un monde meilleur. L’histoire est tristement connue, un classique parmi les tragédies contemporaines qui se jouent chaque jour à Melilla, Tijuana ou Lampedusa. Daral Shaga porte les illusions et le destin de ces migrants autrement, avec la force poétique et l’obstination radicale de l’art circassien. Oui, il y a les voix d’opéra, le jeu des acteurs et les projections vidéo qui créent des univers audacieux et abyssaux, mais ce sont les acrobates qui font la différence avec leurs portés sur les épaules ou la tête, leurs « main-àmain », leurs sauts dans le vide et leurs saltos qui disent long sur l’exaspération et le désespoir face à ce monde impitoyable. Ce sont les acrobates qui occupent les airs et nous coupent le souffle, le tout accompagnés par les airs d’opéra. « On a construit un spectacle où le cirque apparaît lentement et paraît comme une nécessité dans le spectacle pour traduire des émotions que le chant ou le texte n’auraient pas abordées frontalement », http://www.rfi.fr/culture/20140926-­‐daral-­‐shaga-­‐laurent-­‐gaude-­‐triple-­‐salto-­‐reussi-­‐premier-­‐opera-­‐circassien-­‐francophonies-­‐limousin/ http://www.rfi.fr/culture/20140926-­‐daral-­‐shaga-­‐laurent-­‐gaude-­‐triple-­‐salto-­‐reussi-­‐premier-­‐opera-­‐circassien-­‐francophonies-­‐limousin/ explique Philippe de Coen, ancien trapéziste et directeur artistique de la pièce. C’est bluffant comment les artistes du cirque arrivent à percer un espace qui semble resté vide jusque-là. « Jusqu’à présent, le cirque était utilisé par l’opéra pour illustrer quelques petites scènes. Aujourd’hui, la poésie du cirque se greffe sur la poésie du texte et renforce le propos du spectacle. On parle de gens qui font des sacrifices incroyables et ont un courage énorme pour partir vers leur eldorado. On retrouve les mêmes sentiments du circassien qui se met en danger, qui a une obstination à arriver à faire son exercice, à atteindre un but ultime. Et c’est ce mix qu’on est parvenu à faire passer dans le spectacle. » Les mouvements et gestes circassiens expriment à merveille les sauts de l’âme et la force de l’illusion de ceux qui s’attaquent à ce mur presque infranchissable qui les sépare de cet autre monde tant espéré. « On s’est servi de tous les mouvements dont transpirait poétiquement un acrobate pour parler de notre thématique et on l’a mis en relief », explique le metteur en scène belge Fabrice Murgia au sujet de sa méthode de travail. Quant à la musique « tendre et déchirante » de Kris Defoort, ce dernier ose le grand écart dans une composition qui respire aussi bien le baroque que le jazz, l’opéra ou la musique contemporaine. Une musique qui reste plus collée à un destin personnel qu’à l’histoire, malgré des images d'archives projetées ou des mélodies yiddish, arabisantes et balkanisantes ressuscitées par la clarinette, le violoncelle ou le piano. Enfin arrivé à la grille de la frontière, l’espoir est resté intacte : « De l’autre côté, une vie est possible », avec « un travail » et « plus de coups ». « Où vas-tu, alors », demande le chœur à l’émigré avant de montrer patte blanche : « Tous nos efforts nous mèneront à ce point : la grille. Qui ne laisse passer personne sans le saigner. » La création mondiale de ce premier opéra circassien pour trois musiciens, trois chanteurs et cinq acrobates représente l’accomplissement de trois ans de travail et de recherche de financement pour un projet qui semblait à bien de gens trop innovateur. Aujourd’hui, le très grand succès auprès du public et le sentiment d’avoir avancé est pour Philippe de Coen la juste récompense : « On est vraiment dans un spectacle complet. Je pense qu’on a réussi à ouvrir une nouvelle piste de cirque dans le monde de l’opéra. » «Daral Shaga», premier opéra circassien. Livret de Laurent Gaudé. Musique : Kris Defoort. Mise en scène : Fabrice Murgia. Direction artistique : Philippe de Coen. Création mondiale le 25 et 26 septembre 2014 dans le cadre des Francophonies en Limousin. ©Christophe Péan http://www.rfi.fr/culture/20140926-­‐daral-­‐shaga-­‐laurent-­‐gaude-­‐triple-­‐salto-­‐reussi-­‐premier-­‐opera-­‐circassien-­‐francophonies-­‐limousin/ http://www.rfi.fr/culture/20140926-­‐daral-­‐shaga-­‐laurent-­‐gaude-­‐triple-­‐salto-­‐reussi-­‐premier-­‐opera-­‐circassien-­‐francophonies-­‐limousin/ ENTRETIEN AVEC LAURENT GAUDE Le Prix Goncourt et auteur de Eldorado a écrit le livret pour le premier opéra circassien, Daral Shaga. Fallait-il un titre énigmatique comme Daral Shaga pour raconter cette histoire d’un mur qui sépare les deux mondes ? Laurent Gaude : Pour le spectateur qui entre dans la salle, ce titre ne dit rien de particulier, si ce n’est peut-être l’ailleurs. Ce nom, « Daral Shaga », porte avec lui un peu d’étrangeté. Et puis, au fil du spectacle, je souhaite que le spectateur puisse dire à la fin : « Ah, je sais maintenant ce que cela veut dire. Je sais qui se nomme comme ça ». Lors de la première, le public était étonné et bouleversé de ce qu’il avait vu sur scène. Etiez-vous étonné ce que vos mots ont provoqué sur le plateau ? Ce soir, c’était la première fois que j’ai vu le spectacle. Donc, je ne me souciais pas de savoir comment il était perçu par le public. J’ai entendu le silence du public et son attention, mais j’étais dans le plaisir de découvrir la musique de Kris Defoort que j’avais entendue par morceaux, mais pas dans son intégralité et surtout le travail de Fabrice Murgia, le metteur en scène. J’avais vu quelques photos, j’ai assisté à quelques répétitions, mais au début du travail. Donc je n’avais jamais fait le parcours complet et c’était pour moi un moment de découverte. Vous dites de votre texte qu’il s’agit presque de la poésie. Aujourd’hui, avec les artistes du cirque, peut-on dire que jamais vos mots ont sauté et volé si haut ? C’est vrai [rires]. C’est un merveilleux cadeau pour un auteur d’avoir un jour la demande d’une compagnie de cirque. Normalement, nous sommes dans deux mondes qui ne se rencontrent jamais. Le cirque n’a pas besoin de nous et moi, je peux rencontrer des comédiens, des chanteurs, mais rarement des acrobates. Quand Philippe de Coen de la Compagnie Feria Musica est venu me voir et a dit : « Voilà, je suis une compagnie de cirque et j’aimerais travailler avec vous », j’étais à la fois très surpris, mais dans la seconde, je me suis dit c’est formidable, saisissons cette occasion. Je ne pense pas qu’elle se représentera dans ma vie d’auteur. C’est toujours réjouissant d’être face à des ovnis qu’il faut construire. « Nulle part est chez moi ». C’est une phrase issue de votre livret pour le spectacle. Est-ce la définition de l’homme moderne exilé d’aujourd’hui ? C’est une phrase, qui peut effectivement fonctionner comme une sorte de définition, parce que, à partir du moment où l’on quitte un pays - surtout si c’est un pays qu’on a quitté pour des raisons politiques -, l’exil est un adieu. On va dans un pays qui n’est pas encore le sien et il ne le sera peut-être jamais tout à fait. On est dans cet entre-deux à jamais. Et c’est une des choses les plus bouleversantes dans cet acte d’émigration. En fait, c’est un cadeau qu’on fait aux générations suivantes, au sacrifice de sa propre existence. Ce qu’ils posent comme une sorte de première étape, c’est pour leurs enfants, pour que leurs enfants, eux, soient d’ « ici ». On connaît votre littérature, on connaît l’opéra, mais on n’avait jamais vu un opéra circassien. Est-ce un nouvel espace artistique qui n’existait pas jusqu’ici ? Pour moi, c’est sûr, même si j’avais déjà croisé la route de l’opéra, notamment avec Mille orphelins, une mise en scène et une musique de Roland Auzet au théâtre des Amandiers à Nanterre. C’était une belle expérience, mais c’était un opéra « classique ». Avec Daral Shaga, le fait qu’il y ait du cirque en plus rajoute une étrangeté. Là, je me sens dans une zone totalement inconnue. Il y a les mots et les acrobates qui traversent l’espace du bas vers le haut et vice versa pour occuper littéralement tout l’espace de la scène... Il y a un moment que j’ai découvert ce soir. C’est le moment où apparaît le cirque dans le spectacle. Ce n’est pas la première scène, c’est après un quart d’heure où il y a, pour la première fois, cette image d’hommes qui portent d’autres sur leurs épaules et qui font des gestes de portés que seuls les acrobates peuvent faire. L’apparition du cirque crée une poésie qui serait impossible avec uniquement des comédiens et qui n’est pas non plus la poésie de la danse à laquelle on est peut-être plus habituée. Là, c’est quelque chose de plus fragile. En tant que spectateur, j’ai ressenti que, à ce moment précis où le http://www.rfi.fr/culture/20140926-­‐daral-­‐shaga-­‐laurent-­‐gaude-­‐triple-­‐salto-­‐reussi-­‐premier-­‐opera-­‐circassien-­‐francophonies-­‐limousin/ http://www.rfi.fr/culture/20140926-­‐daral-­‐shaga-­‐laurent-­‐gaude-­‐triple-­‐salto-­‐reussi-­‐premier-­‐opera-­‐circassien-­‐francophonies-­‐limousin/ cirque apparaît, ça crée du danger sur le plateau. Tout d’un coup, on reprend notre sorte de réflexe de spectateur de cirque : « Est-ce qu’il va tomber ou pas ? » A plusieurs moments dans le spectacle, il y a ce petit frisson qui est propre au cirque, ce moment où le cœur remonte. Tout est extrêmement millimétré par la musique, par la mise en scène, et là, le cirque arrive avec son danger. C’est d’une grande poésie. Daral Shaga, est-ce que cela représente pour vous une rupture par rapport à vos œuvres précédentes ? C’est une évolution totale d’un point de vue thématique. La migration est un thème que j’ai beaucoup traité, qui m’intéresse et bouleverse profondément depuis quasiment dix ans et qui continue à le faire. Et je suis encore sur des projets où j’interroge ce thème. Par contre, c’est une rupture totale, ou disons plutôt une découverte totale par rapport à la forme que cela prend. Daral Shaga, premier opéra circassien, le 25 et 26 septembre aux Francophonies en Limousin. Pour connaître les dates de la tournée à Strasbourg, Besançon et Grenoble, cliquez ici. http://www.rfi.fr/culture/20140926-­‐daral-­‐shaga-­‐laurent-­‐gaude-­‐triple-­‐salto-­‐reussi-­‐premier-­‐opera-­‐circassien-­‐francophonies-­‐limousin/ Daral Shaga : une merveille circassienne à l’opéra 27 septembre 2014 Des acrobates, des voltigeurs sur la scène d’un opéra : c’est Daral Shaga spectacle de Kris Defoort et de Laurent Gaudé mis en scène par Fabrice Murgia. Ce projet produit par l’Opéra-­‐Théâtre de Limoges a été créé dans le cadre des Francophonies en Limousin. Une pure merveille ! C’est la première fois dans le monde que l’on créé un opéra pour des artistes de cirque. L’idée vient de la compagnie Feria Musica et de son créateur Philippe de Coen qui aiment confronter le cirque à toutes les disciplines artistiques. La mise en scène a été confiée au belge Fabrice Murgia qui dépoussière littéralement le genre en transformant le plateau en un grand chapiteau féérique Ses images sont comme à chaque fois somptueuses, il parvient à mixer avec allégresse la musique, le chant, la poésie de la vidéo, avec des numéros de cirque époustouflants. Les circassiens de Feria Musica transforment les agrès traditionnels. Ils se hissent sur des chaines, grimpent sur des échafaudages et donnent l’illusion de plonger dans la mer en virevoltant sur leurs trapèzes. On retient notre souffle à chaque numéro. Le livret écrit par Laurent Gaudé parle de l’exil, de ces centaines de migrants africains candidats à une vie meilleure en Europe. Le Goncourt 2004 donne une âme à ces hommes et ces femmes qui au péril de leur vie rêvent de liberté. Un spectacle coup de poing qui renouvelle le genre. Toute l’équipe a réussi à créer une atmosphère jamais vue dans l’enceinte d’un opéra et cela fait du bien. Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr Muriel Steinmetz Lundi, 29 Septembre, 2014 Limoges, envoyée spéciale. La trente et unième édition des Francophonies en Limousin, que dirige avec brio Marie-Agnès Sevestre, lutte pied à pied pour offrir un large panorama de tout ce qui se passe ici ou là dans le spectacle vivant de langue française. Elle ouvre ses portes à « des artistes saute-frontière », en un temps où « nos sociétés européennes subissent à des degrés divers la tentation du repli autoritaire ». Vingt-quatre pièces de théâtre, de danse et de musique sont à l’affiche dont sept créations, deux premières en France et une première en France métropolitaine (1). Nous avons assisté à trois représentations d’envergure. Daral Shaga est un opéra circassien sur un livret de Laurent Gaudé, mis en scène par Fabrice Murgia. La figure de l’émigré face au mur qui le sépare de l’Europe Trois chanteurs, trois musiciens, cinq acrobates et un chœur invisible mêlent leurs disciplines. L’œuvre met en jeu la figure de l’émigré face au mur qui le sépare de l’Europe. L’appareillage technique est justement constitué de structures métalliques où grimper, de sauts dans le vide rattrapés de justesse, d’un voile de tulle couvrant la scène pour y projeter les lumières de la ville, « cet autre monde si près de nous ». L’idée de frontière est donc concrètement désignée jusqu’au rideau de scène qui s’ouvre et se ferme comme un couperet. Chanteurs et acrobates, le visage terreux, sont censés figurer tous ceux qui fuient leur pays. La sophistication des voix parfois mouillées de larmes contraste avec le souffle court devant l’obstacle à franchir. (…) - See more at: http://www.humanite.fr/limoges-le-congo-se-taille-la-part-du-lion553057#sthash.xOGSS82h.dpuf LE BLOG A EMILE (Lansman) Emile Lansman, éditeur et observateur privilégié du théâtre et de la littérature (dramatique) francophones, souhaite vous faire partager une part de ses activités de terrain, attirer votre attention sur des informations qui pourraient vous intéresser et dévoiler ses coups de coeur : lieux visités, spectacles, lectures, événements, personnalités... Voir également les autres blogs associés (CED-­WB, Promotion-­Théâtre...) vendredi 26 septembre 2014 DARAL SHAGA, un opéra-­cirque mis en scène par Fabrice Murgia Vu ce soir, aux Francophonies en Limousin, l'opéra-­‐cirque de Kris Defoort mis en scène par Fabrice Murgia à partir d'un livret de Laurent Gaudé. Objet théâtral inclassable et pourtant envoûtant qui raconte cet instant singulier où on se retrouve au pied du mur (au sens propre). D'un côté la dure réalité d'un monde injuste, de l'autre l'espoir et l'eldorado rêvé. Reste le dernier obstacle à franchir, le plus dur, qui laissera les plus faibles à leur triste sort. Chanteurs, comédiens, acrobates, musiciens... mais aussi éclairagistes et magiciens de l'image unissent leur talent au service d'une oeuvre forte, captivante à voir et à entendre, et surtout porteuse d'une émotion et d'une angoisse que le public partage d'un bout à l'autre. Après les saluts, et selon sa bonne habitude implantée à Avignon, Fabrice a pris la parole pour rappeler le combat des intermittents mais aussi évoquer les coupures du gouvernement flamand qui vont avoir des répercussions importantes sur la création et, sans doute, de celles qui s'annoncent, selon les rumeurs, en Wallonie et à Bruxelles. Avec humour, simplicité et sans agressivité. Bravo ! {grapsimostyle} 2014/09/29 Daral Shaga Posted in spectacle ¶ Leave a reply Un monde à plusieurs voix Daral Shaga révèle le souci d’une belle ambition. Projet d’heureuses rencontres. Celle d’abord d’Alain Mercier, le directeur de l’Opéra-Théâtre de Limoges, et de Philippe de Coen, le fondateur et directeur artistique de la Compagnie Feria Musica. À la genèse du spectacle, affleure la sensibilité d’Alain Mercier pour la rencontre des disciplines. La belle ambition sera celle d’un opéra circassien. Peu à peu, le quatuor se forme. Au final, s’harmonise. L’auteur Laurent Gaudé signe pour le livret un texte ciselé dans la lignée d’Eldorado. Le récit des errances, des violences de l’exil devient épopée. Le compositeur Kris Defoort dessine une ligne musicale fascinante où les genres semblent se superposer. Le jazz fait écho au baroque. De variations surprenantes s’ouvre le champ des émotions et notamment celle de la mélancolie lorsque la clarinette du dernier tableau traduit avec grâce le déchirement des âmes altérées par la séparation, par l’arrachement. La musique révèle les voies sinueuses des exils où les espoirs ne cessent de se heurter à l’échec, à la mort, à la solitude. Le metteur en scène Fabrice Murgia crée avec Philippe de Coen des images saisissantes. La caméra offre plan large et plan intime. Les agrès se poétisent. Le mur, la grille se dressent. Mur de l’indifférence, de l’injustice, à franchir. Les hommes et les femmes sont mus par la volonté féroce et inextinguible de la traversée. Au prix du sang comme l’illustre la paroi rouge en fond de scène qui s’élève du plateau jusqu’aux cintres. Course inachevée des exilés jusqu’au couperet de la mort ou jusqu’au début d’une vie renouvelée, d’un sang nouveau. Une artiste circassienne s’agrippe à la grille, se hisse, chute, se remet en mouvement, son corps disloqué nous alerte sur cette volonté niant toutes les douleurs. Daral Shaga, œuvre de quatre créateurs, œuvre polyphonique, fait entendre les voix des hommes dévastés par l’indignation, des hommes en lutte pour exercer une de ses libertés fondamentales, celle de circuler, de quitter librement un pays et d’y revenir. Garant de cette liberté, se dresse la figure de Daral Shaga, « Le vieil homme qui ne meurt pas / Et veille sur ceux qui défient la barrière », la divinité des êtres fauchés en plein élan, la mémoire d’espoirs avortés, la mémoire d’hommes privés de leurs droits. Geste scénique saisissant, Daral Shaga est un poème musical où les images et les corps tracent les contours d’une lutte éternelle pour la liberté. Sabine Dacalor http://grapsimostyle.com/ Laurent Bourdelas, 29 septembre 2014. Daral Shaga ou la beauté brûlante de la tragédie et de l’espoir des réfugiés, « sans-papiers » et autres exilés Après la réussite émouvante d’Infundibulum, la Compagnie bruxelloise de cirque contemporain Feria Musica propose un oratorio d’une furieuse beauté inspiré par le parcours d’exilés-émigrés. Trois chanteurs ; trois musiciens : au piano, au violoncelle et à la clarinette, dialoguant fébrilement ; pour une partition entre jazz et expérimental, écrite par Kris Defoort. Un livret poétique mais plutôt minimaliste écrit par Laurent Gaudé, Prix Goncourt, comme on s’en souvient. Des artistes circassiens de haut niveau, époustouflants de force, d’agilité, de beauté. La création video si expressionniste de Giacinto Caponio. Et la direction artistique de Philippe de Coen, la mise en scène de Fabrice Murgia. C’est Daral Shaga est un oratorio, mais plus encore un univers artistique dans lequel plonge avec plaisir mais inquiétude le spectateur. Deux histoires qui s’entrecroisent, et bien plus : un émigré-immigré ayant fui son pays de sang et de pauvreté pour rejoindre un pays riche – y a-t-il survécu ? Y est-il mort écrasé en traversant une route et sa voix fantomatique nous accompagne-t-elle alors ? Une fille et son vieux père en fuite, en exil vers ce même Eden improbable et vers la liberté rêvée. Il a fallu se délester de tout, ne prendre que l’essentiel, après avoir regardé longuement les choses que l’on ne pouvait emporter pour en conserver la mémoire – ce bagage ultime des exilés. Il a fallu partir, comme tous les autres, les milliers, les millions d’autres. Marcher, porter, souffrir. Tenter de franchir tous les obstacles éprouvants. La mer, peut-être, comme dans le détroit de Gibraltar, ce grand cimetière vivant, où les gilets de sauvetage ne sauvent pas du pire. Beauté cruelle de corps mouvants dans l’émeraude liquide… Les chaînes, la grille, le mur, que l’on essaie de franchir, tout en sachant que certains ne passeront pas, parce qu’ils sont épuisés et qu’ils n’auront plus la force, comme ce père qui va demeurer là, et que sa fille regardera longtemps, comme les objets qu’elle n’a pas emportés, pour le conserver dans sa mémoire. Daral Shaga. Le vieil homme qui ne meurt pas Et veille sur ceux qui défient la barrière. » Les chaînes, la grille, le mur, auxquels on se blesse toujours, réels ou métaphoriques ; toutes les barrières que l’on doit escalader lorsque l’on est un étrange étranger. Lorsque l’on est Sisyphe. Daral Shaga dit tous les murs, toutes les frontières, depuis toujours : le limes, le mur de Berlin, le mur « de sécurité » construit par Israël, celui entre le Mexique et les Etats-Unis… ceux qui séparent les nantis des métèques, des barbares… Etranges étrangers. Ceux qui parlent une autre langue. Nos frères. Ceux à qui la mise en scène nous confronte lorsqu’ils frôlent les spectateurs. Oublier cette humanité, c’est permettre le surgissement d’autres grilles, comme celles qui entouraient Auschwitz, si fortement suggérées par les corps inertes plaqués contre la grande barrière érigée sur la scène. Dans la beauté des lumières d’Emily Brassier, la confrontation dynamique des images et des angles de vision, celle des paroles, des chants et de la musique, les formidables artistes circassiens montrent la vitalité, le désir, de ceux qui avancent, avancent, au risque de se tordre sur les chaînes et le fer (prouesses magnifiques), de ceux qui escaladent sans cesse pour partir à l’assaut du monde et qui en seront le sel. Daral Shaga, projet artistique global, est une réussite esthétique et signifiante, qui dit le réfugié, l’exilé, dans toute son humanité quand tant voudraient le faire apparaître comme d’abord suspect. Mais est-il encore temps ? http://www.theatreoracle.com/content/index.php?mact=CGBlog,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=42&cntnt01returnid=57 Fabrice Murgia / Interview / Daral Shaga 30 sept. 2014 Interview de Fabrice Murgia. Au menu : les processus d'écriture, l'évolution d'un langage, l'imaginaire... et le théâtre de demain. Fabrice Murgia est le metteur en scène de l'Opéra-Circassien Daral Shaga, présenté à L'Opéra Théâtre dans le cadre du Festival des Francophonies en Limousin. Le Festival des Francophonies accorde au travail de Fabrice Murgia un intérêt particulier et a déjà accueilli plusieurs de ses créations précédentes : Le chagrin des Ogres, Life reset / Chronique d'une ville épuisée, Les enfants de Jéhovah. Propos recueillis par Emilie Barrier. Bonjour Fabrice Murgia. Votre connaissance aigüe du plateau vous a permis de développer un univers très onirique. Comment naît une idée ? Et comment traduit-on une idée au plateau ? Pouvez-vous nous parler de ce processus ? Quel fut votre point de départ pour l'image des roses rouges et celle des abysses ? Si une idée est narrative, elle naît de mon processus d'écriture. J'utilise des cartes heuristiques pour construire la structure du spectacle. Ce sont des dessins mentaux, des "mind map" comme on dit. Je travaille avec des logiciels de mind mapping pour rallier des mots sur une page blanche, comme on le ferait par exemple sur un tableau blanc. Je colle des images, des fragments, et très vite la narration se construit. Ici, l'idée des plastiques est arrivée parce que je voulais voir des corps qui chutent dans l'eau. C'était l'une des images les plus fortes que j'avais par rapport à l'immigration. Des corps qui chutent dans l'eau, c'est ce que je connaissais de l'immigration et je voulais cela. Dans ce livret qui m'a été donné, il y a cette chose assez douce : «Est-il possible que le bonheur ressemble à cet instant ?" J'ai donc commencé à m'imaginer que Le Père se noyait sur cette phrase. Ensuite ? C'est très technique. On a pris du plastique. Pourquoi du plastique ? Parce qu'on s'est dit que c'était ce qui ressemblait le plus à de l'eau. Et parce que ça peut être ignifugé. Si cette scène fonctionne aussi bien, c'est aussi parce qu'elle est sans vidéo. Dans le spectacle l'œil s'habitue vite à ce que la persistance rétinienne s'arrête sur le tulle, ou au plateau. Tout à coup pour cette scène, il y a le seul retro éclairage. Alors on peut créer une grosse profondeur, qui est beaucoup plus forte qu'elle ne l'aurait été si l'on n'avait pas eu le tulle avant. Ce n'est pas trop technique, ça va ? http://www.theatreoracle.com/content/index.php?mact=CGBlog,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=42&cntnt01returnid=57 http://www.theatreoracle.com/content/index.php?mact=CGBlog,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=42&cntnt01returnid=57 Non, c'est très bien. Le plateau, s'il est maîtrisé, offre la possibilité de rendre visible aux yeux des autres nos images intérieures. C'est la particularité du théâtre. Que se joue-t-il lorsque l'on crée à plusieurs ? Comment créer une vision commune ? Euh, je ne crois pas trop à la démocratie en art. Daral Shaga n'a pas été une création collective. Je ne fais jamais de création collective. Je m'entoure d'artistes. Ces artistes me font des propositions qui viennent d'eux. Je leur fais des retours, et je réutilise ces propositions en les déformant. Mais l'idée principale de ces propositions provient toujours de moi. Ici c'était différent, parce que je ne suis pas l'auteur du livret, ni le compositeur de la musique. On a pris la tête du projet un par un, en fonction des différentes étapes du processus d'écriture. J'ai eu la chance d'avoir un compositeur, un librettiste et un directeur artistique. Ils étaient très à l'écoute et le texte a évolué au fil des répétitions. Tout ça a été chapeauté par la compagnie Feria Musica et Phillipe de Coen. Est-ce que vous pouvez me parler un peu de la notion de "plateau" ? Quel est votre rapport au plateau ? Est-ce qu'il est vital ? Conflictuel ? Est-ce que le plateau modifie la façon de raisonner et la manière de voir le monde d'un homme ? Non. Mais c'est vrai qu'à force de passer du temps dans les salles à y essayer des choses, on réussit à faire évoluer son langage. Ce qui fait avancer c'est aussi de travailler avec le même décor et le même dispositif. Au bout d'un moment on le modifie et il évolue par lui-même. En ne changeant pas de scénographie, ni de processus de narration tous les spectacles, on arrive à voir une image qu'on n'a encore jamais essayée, tout en étant assez persuadé que ça va fonctionner. Cette scène des corps qui tombent dans l'eau, on a branché, on a monté les curseurs et ça a marché. Ça a marché parce qu'on connaissait les matériaux. On fait évoluer un langage, mais on ne lit pas un texte en se disant : "Tiens, quelle scénographie je vais inventer ? " Non, on vit avec son univers. A votre avis, vers où se dirige le théâtre ? Quel sera le théâtre de demain ? Je crois que ce sera quelque chose de très pur, très simple. Parce que ce sera un théâtre sans argent, un théâtre pauvre. Et je pense que l'usage des technologies va peut-être nous permettre de faire évoluer la narration. Aujourd'hui il y a surement des "Godard" dans des greniers, car tout le monde peut faire un film, on peut tous s'enregistrer avec un téléphone portable. En revanche, je pense vraiment que ce sera un théâtre sans moyen. Quoi qu'il arrive, on aura intérêt à créer des œuvres visuellement fortes, mais pauvres. Propos recueillis par Emilie Barrier. http://www.theatreoracle.com/content/index.php?mact=CGBlog,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=42&cntnt01returnid=57 "Daral Shaga" de Fabrice Murgia : un opéra cirque sur l'exil et les migrants Publié le 08/10/2014 à 12H07, mis à jour le 08/10/2014 à 14H52 Daral Shaga, une oeuvre à la frontière du cirque et de l'opéra qui explorent avec force l'univers des migrants © Hubert Amiel Daral Shaga est une oeuvre circassienne hors-norme imaginée par la compagnie Feria Musica. La musique, la voix, la vidéo et le texte du romancier Laurent Gaudé se mêlent pour raconter l'exil et l'épopée des migrants. Jusqu'au 9 octobre le théâtre des deux scènes de Besançon accueille ce récit bouleversant. Par Odile Morain Fabrice Murgia signe cette mise en scène brute et puissante où la musique acoustique des instruments et de la voix, le cirque, la vidéo-live et le texte (chanté, parlé, crié, surtitré) se répondent. Sur la scène, devenue territoire hostile, les acrobates et les chanteurs de Daral Shaga parlent de l'injustice et du désespoir des migrants. L'opéra devient cirque, la voix qui guide les sauts invite le spectateur à franchir les frontières, les mots de Laurent Gaudé rebondissent sur les murs trop hauts et s'effondrent sur le sol. Daral Shaga, c’est d’abord l’histoire d’un mur qui sépare deux mondes, un mur que certains franchissent et que beaucoup n’atteignent jamais, un mur qui les sépare de tout mais surtout de la liberté. La jeune Nadra, son père, un émigré, et le chœur racontent le voyage, la traversée, la perte de l’identité. Dans ce rêve d’exil, si actuel et si intemporel, tous les arts se mêlent pour créer un conte universel où l’indignation fait face au désespoir et la liberté à l’oubli. Entre les deux se dresse un dieu nouveau qui naît en abandonnant la course : Daral Shaga est celui qui n’a pas pu sauter. Daral Shaga mêle acrobatie, vidéo, chant et texte © Hubert Amiel Une équipe de France 3 Besançon était présente pour suivre les ultimes répétitions avant la première. Deux années depuis le début de la création auront été utiles pour mettre en scène Daral Shaga. Sur scène trois musiciens, cinq acrobates et trois chanteurs lyriques livrent cette oeuvre intense où les différentes disciplines artistiques s'écoutent, se regardent et s'influencent en bien. Une fois de plus la compagnie Bruxelloise Feria Musica, lointaine cousine du Cirque Plume, jette des passerelles entre les arts. Avec Daral Shaga, elle fait cohabiter subtilement le cirque et l'opéra. http://culturebox.francetvinfo.fr/scenes/cirque/daral-shaga-un-opera-cirque-pour-raconter-lexil-et-lesmigrants-192863 Reportage : Aline Bilinski / Fabienne Le Moing / Mehdi Bensmaïl / Marie Baschung http://www.lincontournable-­‐magazine.fr/portfolio/daral-­‐shaga/ DARAL SHAGA COMPAGNIE FERIA MUSICA Daral Shaga est un objet théâtral difficilement classable. Entre théâtre, opéra, danse contemporaine, video live et arts du cirque, la compagnie Feria Musica nous a embarqué dans un spectacle émouvant et éblouissant au service d’une histoire tragique. « Regarde-le longtemps, ce que tu ne peux pas prendre avec toi. » C’est sur ces mots que Daral Shaga s’ouvre, ce qui ne peut pas être pris c’est évidemment la terre que l’on doit laisser derrière soi pour quitter un pays devenu un tombeau. C’est également les êtres chers qui, trop faibles pour gravir le mur qui sépare les mondes, devront rester de l’autre coté. Des papiers d’identité qui brûlent dans un feu de camp, qu’est ce qu’il reste encore de vie à ces hommes et femmes qui risquent tout pour passer de l’autre coté? Nadra et son père, qui deviendra Daral Shaga, la divinité de l’exil, devront apprendre à rêver ensemble à un avenir meilleur pour trouver la force d’avancer et se séparer. La compagnie Belge Feria Musica a créé une oeuvre atypique, bouleversante et saisissante, c’est un opéra porté par une composition musicale qui oscille entre le baroque et le jazz. À mesure que l’histoire progresse le cirque se mêle à l’opéra, apportant par le jeu des corps une dimension toute autre à Daral Shaga. Ce qui n’aurait pu être qu’un patchwork se révèle être une oeuvre très cohérente, le ballet des acrobates soulignant les propos et la musique, exprimant une réalité si viscéralement humaine qu’aucun mot ne peut la traduire. Il faut donc laisser les corps se tordre et tomber pour se relever, encore et toujours. Une heure de spectacle et l’éternité d’un adieu au pied d’un mur, celui qui sépare les civilisations, un rappel évident de Tijuana, Lampedusa, Berlin ou Jérusalem quand l’envie de vivre est plus forte que la peur de la mort et qu’on ne craint plus de tomber pour continuer à avancer au risque de tout perdre. Laurent Gaudé pour le livret, Fabrice Murgia pour la mise en scène, Kris Defoort pour la musique et Phillipe De Coen pour la mise en piste ont livré une oeuvre parfaite sur la forme et au propos résolument poétique et politique. Christophe RAMAIN, Besançon, le 8 octobre 2014. Octobre 2014 HORS SERIE OCTOBRE 2014 http://www.dna.fr/edition-de-strasbourg/2014/11/29/daral-shaga-par-dela-les-murs Daral Shaga, par-delà les murs Daral Shaga, opéra circassien inédit au tuilage d’histoires d’exils, de quête de liberté. (PHOTO H. Amiel) Relayés par les médias, les drames et les souffrances endurés par les migrants et les réfugiés aux portes de l’Europe se succèdent sans qu’aucune autre politique que celle des contrôles migratoires ne soit envisagée. La Méditerranée est devenue ce cimetière marin qu’a récemment dénoncé le Pape François au Parlement européen, à Strasbourg. Des frontières de l’Union Européenne, du continent américain sont devenues le théâtre de dangereuses prises de risques, de renvois forcés, de violations des droits des migrants ou des réfugiés. Que savons-nous de ces êtres et de ce qui s’y passe réellement ? Dans son hybridation innovante, sa forme originale, Daral Shaga emboîte le pas aux migrants et croise le double parcours de Nadra et son père, en route vers une terre d’avenir plus hospitalière, et celui d’un émigré sur le retour. Au carrefour de ces chemins, Daral Shaga invente une nouvelle histoire de migration artistique : de l’univers du cirque vers le monde de l’opéra avec la médiation littéraire du mythe et dans la projection cinématographique. C’est l’ancien trapéziste et directeur artistique de la compagnie belge Feria Musica, dont le théâtre strasbourgeois Le Maillon a accueilli les plus récentes créations, Philippe de Coen qui a rêvé ce projet insensé, nécessitant trois ans de travail et de recherches de financement. Et l’a réalisé et coécrit avec Laurent Gaudé, prix Goncourt 2004, le compositeur inventif Kris Defoort et le metteur en scène surdoué Fabrice Murgia – qui en seulement quelques saisons est passé des scènes du festival Premières à celle d’Avignon. Un semblable regard posé sur le monde, lie ces hommes. Créé en septembre à Limoges, Daral Shaga offre en effet, la liberté de changer de point de vue, d’avoir une approche renouvelée, plus humaine de la catastrophe personnelle, des réalités collectives, tragiques vécues au large de Malte, de Lampedusa, du côté de Melilla, ou de Tijuana. Il y a toujours un mur qui sépare deux mondes, un mur que certains franchissent et que beaucoup n’atteignent jamais. Au pied du mur. Les acrobates de Feria Musica connaissent les risques, les chutes qui lestent l’esprit, l’obstination pour se relever guidé par le rêve d’Icare. Face au mur grillagé, les migrants se retrouvent pris au piège. Derrière eux, la terre des origines abandonnée. Daral Shaga, la divinité protégeant les exilés, saura peut-être les aider. « Daral Shaga est la partie d’entre eux, la partie d’eux qui est restée entre ici et là-bas, précise Fabrice Murgia, accrochée aux murs de fils barbelés ». Les voix du chœur fantomatique s’élèvent dans une obscurité où cohabitent des images projetées, des ombres en mouvements. Puis des hommes en portent d’autres, escaladent et enjambent le vide d’existences sacrifiées. Dans ce précipité de sensations, de transports lyriques, l’énergie poétique du cirque se greffe sur la poésie du texte. Sur scène, cinq virtuoses de la piste, trois solistes de l’Ensemble Vocaal Lab font vivre cette odyssée humaine aux accents déchirants. Empreinte d’une mélancolie constante, la partition de Kris Defoort accompagne cette quête meurtrie, et se déploie entre musique chambriste et éclatement orchestral, activée aussi par des sonorités arabo-balkanisantes. L’équilibre de cette palette sonore est assuré par le violoncelle et la clarinette que soutient aussi le piano. « Nulle part est chez moi ». Extraite du livret de Laurent Gaudé, la phrase dit la réalité de l’acrobate, du migrant, de l’exilé. Traversé par toutes les traversées, Daral Shaga dépose sur la rive l’épave des illusions de nos sociétés occidentales en pleine décroissance de civilisation. Veneranda Paladino 29/11/2014 à 04:59 DE STANDAARD / traduction L'opéra au trapèze Le compositeur Kris Defoort opte à nouveau pour le jazz Comment se présente un opéra circassien ? Dans Daral Shaga, les numéros de cirque ne sont pas isolés, mais la musique, le théâtre et les acrobaties se mélangent dans un portrait captivant de réfugiés en errance. Par Geert Van Der Speeten Traduction Martine Bom Dans Daral Shaga, Fabrice Murgia – le prodige du théâtre francophone – propose une succession d'images puissantes. Dans la première des dix-huit scènes, nous voyons des réfugiés se préparer au départ. Ils jettent leur carte d'identité dans les flammes : la rupture ne saurait être plus définitive. L'exil est dur. Nous retrouvons le groupe dans la tempête, comme des silhouettes sculptées dans un bas-relief. Au bout les attend la grille qu'ils doivent franchir s'ils veulent atteindre une vie meilleure et le riche Occident. Leurs vêtements réduits en lambeaux soulignent le degré de difficulté de l'escalade. L'une des cinq acrobates interprète la chorégraphie de l'échec. Elle grimpe à toute allure au sommet de l'échelle avant de redescendre lentement, désarticulée, en rebondissant d'une barre à l'autre. Des gros plans et plans d'ensemble filmés coulissent les uns sur les autres, intensifiant notre engagement dans ce récit tendu qui transpose une grande thématique abstraite en destin familier de trois personnages. Une femme entraîne son père, mais doit l'abandonner. Lors du final légèrement emphatique, ce personnage devient une sorte de saint patron de tous les réfugiés. De l'autre côté de la grille se tient un migrant en état de détresse morale ; il revient parce qu'il a omis d'aider un frère. La manière dont cet opéra intègre la compagnie de cirque bruxelloise Feria Musica est une véritable trouvaille. Si la saison dernière, la Monnaie a proposé des représentations de Rigoletto sous un chapiteau de cirque, c'était surtout pour la couleur locale. Ici, les numéros de cirque correspondent à l'essence même du récit. Afin d'assurer la réussite de leur périple, les réfugiés doivent faire appel à la résilience, à l'instinct de survie, à l'entraide. Dans les numéros de cirque, l'engagement est identique. Un saut au trapèze ou au « cadre coréen » ne peut réussir qu’à force d’entraînement et de confiance entre les partenaires. Mélange stylistique Daral Shaga fait appel à trois chanteurs et trois musiciens. Piano, violoncelle et clarinette : les sonorités ne sauraient être plus proches du jazz. C'est d'ailleurs ainsi que Kris Defoort a élaboré sa partition. Elle est née d'improvisations et s'appuie sur des rythmes puissants et flexibles. Du point de vue musical aussi, les scènes sont tendues et dépouillées. On entend des échos de divers styles vocaux ; l'espace d'un instant résonne même une bribe cynique de l'Hymne à la Joie. Dès ses débuts dans l'art lyrique, The woman who walked into doors (2001), Defoort avait opté pour un récit poignant, profondément humain. À cette occasion il avait associé le meilleur de deux mondes, le classique et le jazz, dans un pur mélange stylistique. Le spectacle fut un immense succès, une véritable référence pour le théâtre musical contemporain. The house of the sleeping beauties (2009) connut un autre cheminement ; un univers intérieur complexe y reçut une traduction sonore somptueuse et sensuelle. Puis le cours des choses fit que Defoort dut abandonner son troisième opéra, le livret n’étant pas achevé à temps. Il prépare actuellement un nouveau projet, The time of our singing de Richard Powers, dont la création aura lieu en 2018, dans une mise en scène d'Ivo Van Hove. Après cette œuvre, Kris Defoort tirera un trait sur la création d’œuvres lyriques. Mais Daral Shaga – tout comme An old monk, une collaboration avec Josse De Pauw – ouvre une nouvelle voie intéressante, celle d'un théâtre musical jazzy dans lequel la création et l'interprétation coïncident au plus près. Le spectacle, qui vient de connaître quelques représentations à Rotterdam, mérite de toute façon une longue tournée dans notre pays. 1 Wat hebben circusartiesten en vluchtelingen met elkaar gemeen? Ze moeten kunnen klimmen, springen, vallen, weer opveren, elkaar vasthouden en weer loslaten, bereid zijn om de grootste risico’s te nemen. In de opera Daral Shaga van de Belgische componist Kris Defoort gebeurt dat allemaal, maar het heeft ook allemaal een dubbele of meer dan dubbele betekenis. Zelden zal circus, opera en teksttheater zo geïntegreerd zijn geweest. Het begint bij een vuurkorf waarbij sjofele mensen zich staan te warmen. Het zijn vluchtelingen, misschien ergens in een woestijn. Een oude man en zijn dochter gaan op weg om te proberen over het hek te klimmen, op de vlucht voor het geweld in hun land. Ze weten allebei dat de vader het niet zal kunnen halen. Hij offert zich op zodat zijn dochter een beter leven zal hebben, aan de andere kant van het hek. Dat hek is tegelijkertijd een concreet hek, het hekwerk waarmee Europa zich lastige indringers van het lijf probeert te houden en een klimhek, waar acrobaten tegenaan klauteren, vanaf vallen, tegenop lopen. Voor Daral Shaga heeft schrijver Laurent Gaudé het Franstalige libretto geschreven, gebaseerd op zijn eigen gelijknamige roman. Kris Defoort heeft daar zeer subtiele muziek bij gecomponeerd, voor niet meer dan drie instrumenten: piano (Fabian Fiorini), cello (Lode Vercampt) en klarinet (Jean-Philippe Poncin). Het klinkt sober, maar vooral heel erg mooi. Nog mooier zijn de zangers, ook hier weer van Silbersee: Michaela Riener als de dochter, de Poolse tenor Maciej Straburzynski als een vluchteling en de Nederlandse bariton Tiemo Wang als de vader. Naast hen zijn er nog vijf acrobaten actief van het circusgezelschap Feria Musica van Philippe de Coen, de eigenlijke initiatiefnemer van deze voorstelling, die uiteindelijk werd geregisseerd door Fabrice Murgia. Maar belangrijker dan al deze verschillende namen is de verwonderlijke eenheid die werd bereikt met zulke heel verschillende elementen. Het toneel is meestal donker, figuren doemen op en worden vaak reuzengroot geprojecteerd op een gazen voordoek. Uiterst ontroerend is het als we vader en dochter aan weerszijden van het hek zien, heel dicht bij elkaar en gescheiden door een ijzeren grens. De vader heeft altijd gezegd dat je, wanneer je vlucht, alleen mee kan nemen wat je in je zakken kan dragen en hooguit in een tas, de rest moet je achterlaten. Nu is hij datgene wat zijn dochter moet achterlaten. Bijzonder aan deze opera is dat alle verhalen geheel vanuit de vluchtelingen zelf worden verteld. Je ziet en hoort hoe wanhopig, maar ook hoe dapper ze zijn. Hoe hard ze soms moeten zijn tegen anderen en hoe vreselijk dat hen later kan opbreken. In het begin begrijp je nauwelijks hoe daarbij mensen in de diepte kunnen vallen en toch weer opveren. Pas later zie je hoe er schitterend gebruik wordt gemaakt van een trampoline, als een metafoor voor de veerkracht van deze mensen. Zoals kettingen waarlangs een acrobate omhoog klimt symbolen zijn van de problemen die zij moet overwinnen. En zoals perfect samenwerken tussen de artiesten noodzakelijk is, om niet in de diepte te verdwijnen. Daral Shaga vertelt een concreet verhaal van twee vluchtelingen, maar ook het grote verhaal van de vluchtelingenstromen naar het rijke Westen. Het stemt droevig en hoopvol tegelijkertijd. Zolang kunstenaars bereid en in staat zijn op zo’n hoog niveau stem te geven aan vreemdelingen en vluchtelingen, kan hun lot toch niet geheel en al tevergeefs zijn, hoop je. Het heeft een unieke en weergaloze voorstelling opgeleverd, die u, als u u heel erg haast, woensdagavond 27 mei misschien nog in Rotterdam zou kunnen zien. THEATERKRANT (Traduction) DARAL SHAGA FERIA MUSICA / SILBERSEE La merveilleuse fusion du cirque, de l'opéra et du théâtre de texte par Max Arian spectacle vu le 26 mai 2015 Traduction Martine Bom Quel est le point commun entre les artistes de cirque et les réfugiés ? Devoir grimper, sauter, tomber, se relever d'un bond, s'agripper les uns aux autres et se relâcher, prêts à prendre les plus grands risques. Dans l'opéra Daral Shaga du compositeur belge Kris Defoort, tout cela se passe effectivement, mais tout a un double sens, voire des sens multiples. Le cirque, l'opéra et le théâtre de texte ont rarement été aussi étroitement entremêlés. Ça commence près d'un feu de camp ; un groupe, vêtu de lambeaux, s'y réchauffe. Ce sont des réfugiés, peut-être quelque part dans le désert. Un vieillard et sa fille, fuyant la violence dans leur pays, se mettent en route pour tenter de franchir la grille. Ils savent tous deux que le père n'y parviendra pas. Il se sacrifie afin que sa fille puisse connaître une vie meilleure de l'autre côté de la grille. Celle-ci est à la fois un grillage bien réel – la barrière dont se sert l'Europe pour tenter de refouler les intrus importuns – et une échelle que des acrobates escaladent, dont ils tombent et auquel ils se heurtent. L'auteur Laurent Gaudé a écrit le livret français de Daral Shaga. Sur ce livret Kris Defoort a composé une musique d'une grande subtilité, pour trois instruments seulement : le piano (Fabian Fiorini), le violoncelle (Lode Vercampt) et la clarinette (Jean-Philippe Poncin). Si les sonorités sont sobres, elles sont avant tout très belles. Plus beau encore est le chant, également de Silbersee : Michaela Riener chante la fille, le ténor polonais Maciej Straburzynski interprète le père et le baryton néerlandais Tiemo Wang tient le rôle de l’émigré. À leurs côtés évoluent cinq acrobates de la compagnie de cirque Feria Musica de Philippe de Coen, initiateur du spectacle mis en scène par Fabrice Murgia. Mais plus importante que cette série de noms est l'étonnante fusion obtenue à partir d'éléments si disparates. La plupart du temps le plateau est plongé dans l'obscurité, des personnages en surgissent tandis que, souvent, leur image géante est projetée sur un tulle à l'avant-scène. Une image particulièrement émouvante est celle du père et de la fille de part et d'autre de la grille, tellement proches, mais séparés par une frontière de fer. Le père a toujours dit qu’à l’heure du départ, il ne faut emporter que ce qui rentre dans nos poches ou, tout au plus, dans un sac ; tout le reste doit être abandonné. Cette fois-ci, c'est son père que la fille doit laisser sur place. Cet opéra a comme particularité que tous les récits sont entièrement racontés du point de vue des réfugiés. On voit et on entend leur désespoir, mais aussi leur courage, la dureté des rapports entre eux et leurs terribles conséquences. Au début, on comprend à peine comment les gens peuvent chuter si bas, puis remonter malgré tout. Ce n'est qu'après un certain temps qu'on découvre le recours génial à un trampoline, comme une métaphore de la résilience de ces individus. Quant aux chaînes auxquelles s'agrippe une acrobate pour monter, elles sont le symbole des difficultés qu'elle doit vaincre. La collaboration entre les artistes doit être parfaitement réglée, pour éviter de sombrer dans l'abîme. Daral Shaga raconte le récit de deux réfugiés, mais aussi la grande histoire des flux migratoires en direction du riche Occident. Cela rend triste, mais donne aussi de l'espoir. Tant que des artistes sont prêts à offrir une voix aux étrangers et aux réfugiés, et en sont capables à un tel niveau d'excellence, ce que vivent ces derniers ne sera pas entièrement vain, espère-t-on. Ici, le résultat est un spectacle unique en son genre, sans pareil ; si vous vous dépêchez, vous pourrez peut-être encore le voir le mercredi 27 mai à Rotterdam. 1 Poin t m édias R adio M us iq3 , Temps de pause, Anne Mattheuws, mardi 9 septembre 2014 http://www.rtbf.be/radio/podcast/player?id=1954059&channel=musiq3 Fr an ce In t e r , Journal de 19h, Stéphane Capron, vendredi 26 septembre 2014 (time code : 17’07>19’02) http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=976138 R FI, Vous m’en direz des nouvelles, Jean-François Cadet, vendredi 26 septembre 2014 http://www.rfi.fr/emission/20140926-1-31eme-edition-festival-francophonies-limousin/ Fr an ce In t e r , La Librairie Francophone, Emmanuel Kerad, samedi 11 octobre 2014 Entretien avec Laurent Gaudé autour du texte Daral Shaga publié chez Actes Sud. http://www.franceinter.fr/emission-la-librairie-francophone-corine-jamar-fellag-et-laurentgaude-0 TV T h é ât r e -vidé o. n e t , entretien avec Marie-Agnès dans le cadre du Festival les Francophonies en Limousin http://www.theatre-video.net/video/Entretien-avec-Fabrice-Murgia-pour-Daral-Shaga-31eFrancophonies-en-Limousin?autostart La 7 à Lim og e s , sujet de Aurélien Guilloteau, jeudi 25 septembre 2014 http://www.7alimoges.tv/Daral-Shaga_v2540.html Fr an ce 3 Lim ous in , La Voix est libre, Annaïck Demars, samedi 27 septembre 2014 http://france3-regions.francetvinfo.fr/limousin/emissions/les-francos-tout-le-monde-est-la Fr an ce 3 Nat ion al, Espace Francophone, Stéphane Balazuc, diffusion à venir http://www.replay.fr/espace-francophone.html T é lim , Finissez d’entrer, sujet de Emma Le Bail Deconchat, diffusion le 6 novembre 2014 http://www.telim.tv/videos/opera-theatre-henri-nanot Fr an ce 3 , C ult ur e Box, reportage d’Aline Bilinski, le 8 octobre 2014 à l’occasion de notre venue aux 2 scènes, Besançon http://culturebox.francetvinfo.fr/scenes/cirque/daral-shaga-un-opera-cirque-pour-raconterlexil-et-les-migrants-192863 C ult ur e Box, capt at ion in t é g r ale , en ligne du 6 décembre 2014 au 6 juin 2015 Coproduction Feria Musica et Ozango, diffusion sur Szenik et Alsace 20 http://culturebox.francetvinfo.fr/live/musique/opera/daral-shaga-de-fabrice-murgia-alopera-de-limoges-207373 WEB docum e n t air e , festival Détours de Babel, mars 2015 https://www.youtube.com/watch?v=UgJnEOUr5xo