L`enrichissement de la croissance en emploi : une - Pole

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epuis le début des années 90,
la France connaît un dynamisme
sans précédent de l’emploi au
regard de la croissance économique. Plus encore, le ralentissement du
PIB des années 2001-2003 ne s’est pas
concrétisé par une décélération identique du rythme de croissance de l’emploi
salarié. Toutefois, la tendance semble
s’inverser depuis : le phénomène d’enrichissement de la croissance en emploi
s’essouffle légèrement depuis 2002 tout
en conservant un contenu de la croissance
riche en emploi. Et l’année 2004 marque
un tournant brutal : la reprise de l’activité
économique ne s’est pas traduite par les
créations d’emplois normalement attendues du fait de réserves de main d’œuvre
dans les entreprises.
Le développement du secteur tertiaire et
du temps partiel, la réduction de la durée
légale du travail, la flexibilisation du
marché de l’emploi, ainsi que la politique
publique de l’emploi, ont, sur des registres
différents, contribué à l’enrichissement
de la croissance en emploi. Mais ils
semblent également être les principaux
facteurs explicatifs de son tout récent
tassement.
Toutefois avec l’installation d’une croissance économique affirmée, les facteurs
explicatifs du phénomène pourraient
renouer avec un dynamisme soutenu
dans les années à venir et relancer, ainsi,
l’enrichissement de la croissance en
emploi. Il s’agirait donc bien d’une pause
temporaire résultant d’un rétablissement
de la productivité par tête des salariés.
Le contenu en emplois de la
croissance : quatre facteurs
explicatifs
Depuis le début des années 90, l’activité économique a été plus favorable à la création d’emploi que
par le passé. Même la période de retournement
conjoncturel de 1993 n’est pas parvenue à altérer ce
phénomène : il faut de moins en moins de croissance
du PIB pour créer des emplois (cf. graphique 1).
Dans les années 80, + 2,1% de PIB était nécessaire
pour stabiliser l’emploi, ce seuil tombe à + 1,0%
dans les années 90. Sur la période 2001-2003, dans
un contexte de réduction importante du rythme de
croissance économique, les créations d’emploi,
même ralenties, sont restées conséquentes si bien
que l’on peut estimer que seule une vraie récession,
recul du PIB, aurait enrayé le développement de
l’emploi (cf. graphique 2). L’orientation de l’année
2004 laisse entrevoir, quant à elle, un arrêt brutal
du phénomène observé depuis maintenant près de
quinze ans. Malgré une assez vive croissance sur
Point statis
D
DIRECTION DES ÉTUDES ET DES STATISTIQUES
N° 7
Décembre 2004
L’ENRICHISSEMENT
DE LA CROISSANCE
EN EMPLOI :
UNE PAUSE
TEMPORAIRE EN
ACCOMPAGNEMENT
D’UN RÉTABLISSEMENT
DE LA PRODUCTIVITÉ
GRAPHIQUE 1 - ÉVOLUTION DU PIB ET DE L'EMPLOI AFFILIÉ À L'ASSURANCE CHÔMAGE
(en moyenne annuelle)
PIB
4%
Salariés
600 000
3%
400 000
2%
200 000
1%
0
0%
– 200 000
Croissance moyenne du PIB
– 1%
Évolution moyenne de l’emploi
salarié affilié
– 400 000
– 2%
1980 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04
prévu
Source : INSEE et Unédic
Point statis
NUMÉRO
7
l’année 2004, peu de créations nettes d’emplois
auront été enregistrées : avec + 2,1% de croissance
du PIB attendue, le marché du travail sera tout
juste créateur d’emplois. Il semble en effet que
les « trop fortes » créations d’emplois lors des
années 2001-2003 au regard de la croissance
aient leur répercussion sur l’année 2004 : un gain
de 500 000 emplois par rapport au rythme des
années précédentes aurait ainsi été comptabilisé
entre 2001 et 2003. Un rattrapage aurait ainsi été
effectué en 2004. Les raisons majeures de cette
évolution sont au nombre de quatre et interviennent de manière différenciée dans la formation
du phénomène d’enrichissement de la croissance
en emploi ainsi que dans l’explication de son
essoufflement. Mais tout laisse à penser que le
fléchissement récent de ce phénomène n’est que
temporaire et qu’à plus long terme un retour à une
croissance riche en emplois est envisageable.
GRAPHIQUE 2 - TAUX DE CROISSANCE DU PIB À CRÉATION NULLE D’EMPLOI
(en moyenne annuelle - emploi salarié affilié)
4,0%
3,5%
3,0%
2,5%
2,0%
1,5%
1,0%
0,5%
0,0%
– 0,5%
– 1,0%
– 1,5%
1980 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04
prévu
Source : INSEE et Unédic
Le développement du
secteur tertiaire
La première source d’explication de l’enrichissement de la croissance en emploi réside dans le
développement du secteur tertiaire. Ce secteur,
qui représentait à peine 45% des emplois affiliés
en 1976, a vu ses effectifs augmenter de plus de
5 000 000 pour atteindre 68,7% de l’ensemble
des emplois en France et devenir ainsi le secteur
prépondérant de l’économie. La progression a notamment été fulgurante au cours des dix dernières
années : de 1993 à 2003, 2 600 000 emplois ont
été créés dans le tertiaire, alors que dans le même
temps, l’industrie en perdait 200 000.
La particularité du secteur tertiaire est que les
gains de productivité 1 y sont faibles comparés à
ceux de l’industrie (cf. graphique 3) où l’innovation
technologique améliore sensiblement la performance des machines utilisées et augmente ainsi
fortement la productivité du travail par tête d’une
année à l’autre. Avec l’accroissement de la part
relative du secteur tertiaire, les gains de productivité par tête de l’ensemble de l’économie tendent
à se rapprocher de ceux prévalant dans le secteur
tertiaire. Ils se sont ainsi considérablement réduits
à partir de 1997, ce qui a généré la création de
plus d’emplois que par le passé pour une même
évolution de la production.
À partir de l’année 2002, la courbe des gains de
productivité dans l’économie semble amorcer
une remontée, en raison essentiellement de la
hausse des gains de productivité dans le tertiaire,
après cinq années de repli. Ce retournement
implique ainsi un contenu de la croissance en
emplois légèrement moindre.
Le fait que la croissance française ait, de 1990 à
1999, un contenu plus fort en emploi trouve également son explication dans le développement
du temps partiel et, par la suite, dans la baisse de
la durée légale du travail. Ces deux facteurs
conduisent en effet à augmenter le nombre d’emplois pour le même nombre d’heures travaillées
au total.
Mais ce phénomène ne devrait pas perdurer à
long terme. La remontée de la productivité dans
le tertiaire fait suite à la panne de croissance de
2002, année au cours de laquelle les entreprises
ont contenu leurs plans de licenciement. Avec le
retour de la croissance, elles privilégient dans un
premier temps la restauration de la productivité
du travail par tête avant de réembaucher. Par
ailleurs, la tertiarisation de l’économie étant loin
d’être achevée, les gains de productivité moyens
dans l’économie seront de plus en plus limités.
La proportion des salariés à temps partiel dans
l’emploi est passée de 8,2% en 1979 à 17,3% au
plus haut en 1999 (cf. graphique 4). Cette progression a été particulièrement forte entre 1992
et 1998, où la part est passée de 12,7% à 17,3%,
ce qui représente 1 000 000 de salariés supplémentaires à temps partiel en six ans. À partir de
1999, la tendance s’est inversée, et la part des
salariés à temps partiel tend à diminuer d’année
en année. En 2003, cette proportion repart à la
hausse, passant de 16,2% à 16,7%.
GRAPHIQUE 3 - ÉVOLUTION DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ PAR SECTEUR
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
– 1%
Le développement du temps
partiel et la réduction de
la durée légale du travail
Tertiaire
Industrie
Ensemble de l’économie
Cette évolution suit essentiellement celle des
dispositifs en vigueur. Ainsi, la forte accélération
du recours au temps partiel à partir de 1992 coïncide avec la mise en œuvre d’un abattement de
30% des cotisations patronales pour l’embauche
d’un temps partiel. Des restrictions sont ensuite
progressivement apportées à ce dispositif à partir
de 1998 avec l’arrivée de la RTT, avant d’être
définitivement supprimé au 1er janvier 2003. La
seconde explication du développement du
temps partiel est en lien direct avec la croissance
du secteur tertiaire, qui trouvait dans le recours
au temps partiel une réponse à sa recherche de
flexibilité de la main d’œuvre. Parmi le million
d’emplois à temps partiel créés entre 1992 et
1998, la moitié serait imputable au développe1 Le contenu de la croissance en emploi étant l’inverse
– 2%
1978 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01 02 03
Source : INSEE et Unédic
de la productivité apparente par tête, l’enrichissement de
la croissance en emploi correspond à une baisse des gains
de productivité dans l’économie.
IMPACT DE LA TERTIARISATION SUR LES GAINS DE PRODUCTIVITÉ
DE L’ENSEMBLE DE L’ÉCONOMIE
Afin d’isoler l’effet propre de la tertiarisation sur les gains de productivité de l’économie, nous
pouvons imaginer une situation fictive où les gains de productivité dans chaque secteur sont stables
au cours du temps (nous prenons, dans notre exemple, une moyenne des gains de productivité
observés entre 1980 et 2003)
et nous allons appliquer à ces
Répartition sectorielle
Gains de productivité
de l'économie
taux, la déformation structu1980
2003
Moyenne 1980-2003
relle de l’économie observée
Industrie
39,2%
23,5%
3,3%
entre 1980 et 2003 et calculer,
pour chaque année, les gains
Construction
11,9%
7,9%
0,9%
de productivité prévalant dans
Tertiaire
48,6%
68,5%
0,2%
l’ensemble de l’économie.
Source : INSEE et Unédic
Pour cela nous appliquons la
répartition sectorielle prévalant cette année là aux gains de productivité - supposés constants dans le
temps - dans chacun des secteurs. Cela revient à faire une moyenne pondérée. Pour l’année 1980, nous
aboutissons à des gains de productivité dans l’ensemble de l’économie de 1,5% alors que ceux-ci
n’atteignent plus que 1,0% en 2003. Ainsi, en tenant uniquement compte de la déformation sectorielle
de l’économie au profit du tertiaire, les gains de productivité de l’ensemble de l’économie se sont
réduits de 0,5 point en 23 ans. La conclusion à retirer de cette simulation est qu’en raison du développement du secteur tertiaire, il semble difficile de partager l’idée que les gains de productivité dans
l’ensemble de l’économie pourraient, à long terme, retrouver leurs niveaux des années 80 voire des
années 90. Certes, les gains de productivité peuvent légèrement augmenter à court terme en raison de
facteurs multiples dont la hausse des gains de productivité dans le tertiaire, mais jamais ils ne rejoindront,
pour une longue période, leurs niveaux historiques en raison de la forte tertiarisation de l’économie et
de l’existence de gains de productivité intrinsèquement plus faibles dans le tertiaire que dans les autres
secteurs.
ment du secteur tertiaire et l’autre moitié au
dispositif d’exonération de cotisations. De
même, le renversement de tendance observé à
partir de 2000 trouve son explication dans le durcissement des conditions du recours au temps
partiel et les moindres exonérations de charges.
L’évolution observée en 2003 est encore trop
récente pour être interprétée alors qu’aucune
nouvelle mesure ou modification n’a été mise en
œuvre récemment.
GRAPHIQUE 4 - PART DU TEMPS PARTIEL
DANS L’ENSEMBLE DES ACTIFS OCCUPÉS
18%
17%
16%
15%
14%
13%
12%
11%
10%
9%
8%
79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03
Source : INSEE
Ce développement rapide du temps partiel a
indéniablement contribué à enrichir la croissance
en emploi durant les années 90, en diminuant la
durée du travail et donc la productivité par tête.
Une étude de la DARES2 estime à 300 000 environ le nombre d’emplois nets créés grâce au
développement du temps partiel à fin 1999.
Quant à la tendance pour les années à venir, la
poursuite de la hausse amorcée en 2003 paraît la
plus plausible. En effet, les mesures désincitatives
à l’embauche de salariés à temps partiel sont suffisamment anciennes pour ne plus impacter le
choix des employeurs mais surtout nombre de
dispositifs prévus dans le cadre de la lutte contre
le chômage à partir de 2005 concernent des salariés à temps partiel.
Bien que la première loi de RTT ait été instaurée
dès 1996, le passage massif des entreprises aux
35 heures ne s’est manifesté qu’à partir de 1999,
suite aux lois Aubry de juin 1998 et janvier 2000.
Ainsi, entre 1999 et 2003, la durée de travail hebdomadaire moyenne des salariés à temps complet
est passée de 38,68 heures à 35,65 heures (cf. graphique 5). Fin 2001, près de 200 000 entreprises,
soit 12,6% du secteur privé, ont mis en place une
RTT, ce qui représente 8,2 millions de salariés
GRAPHIQUE 5 - DURÉE HEBDOMADAIRE DU TEMPS DE TRAVAIL DES SALARIÉS À TEMPS
COMPLET (Secteurs marchands non agricoles)
39,0
38,5
38,0
37,5
37,0
36,5
36,0
35,5
35,0
déc. 92 déc. 93
déc. 94
déc. 95
déc. 96 déc. 97
déc. 98
déc. 99
déc. 00 déc. 01 déc. 02 déc. 03
Source : DARES
NUMÉRO
7
Point statis
(soit 53% de l’ensemble des salariés). D’après
l’INSEE, cette baisse de productivité par tête a été
partiellement compensée en 1999 et 2000 par des
créations d’emploi (18% des créations d’emploi).
Mais depuis 2002, la diffusion de la RTT aux entreprises en France semble avoir atteint un palier,
puisque la durée du travail ne baisse quasiment
plus depuis (à peine – 0,4 point entre fin 2001 et
fin 2003). La productivité par tête des salariés dans
l’ensemble de l’économie a ainsi pu recouvrir
une pente ascendante, ce qui a mécaniquement
contribué à l’essoufflement de l’enrichissement
de la croissance en emploi observé ces dernières
années. Contrairement aux précédents facteurs
décrits, ce phénomène devrait perdurer puisque
la durée du travail devrait poursuivre sa stabilisation, et pourrait même augmenter légèrement
dans les années à venir.
La flexibilisation du marché
du travail
La structure de l’emploi est le reflet, depuis
quelques années, de profondes mutations engagées pour répondre aux besoins de flexibilité des
entreprises, notamment celles du secteur tertiaire.
Se sont alors développés les CDD, l’intérim ou
encore les stages rémunérés. La part de ces formes
particulières d’emploi a fortement progressé
entre 1984 et 2000, où elle est passée de 2,5% à
9,6% de l’ensemble de l’emploi salarié. Cette
tendance semble toutefois s’être inversée depuis
l’année 2001 en perdant 1 point en deux ans.
En 2000, près de 2 000 000 d’emplois sont
occupés par des CDD, intérimaires ou stagiaires.
Si les CDD ont toujours été dominants en nombre
(49% des formes particulières d’emploi en 2000,
soit 980 000 individus), la plus forte croissance
en dix ans (1990-2000) revient à l’intérim. Ses
effectifs ont en effet plus que doublé (+ 137%) en
passant de 232 000 à 550 000. Les CDD et les stagiaires ont respectivement crû de 64% et 67%
dans le même temps. Au total, ce sont donc
885 500 nouveaux emplois créés entre 1990 et
2000, CDD, intérim, et stages réunis.
Par rapport au CDI, ces formes particulières
d’emplois permettent aux entreprises d’adapter
plus rapidement leur production à la demande.
Les employeurs peuvent ainsi débaucher plus
facilement mais aussi embaucher plus rapidement, ce qui entraîne une baisse de coût de la
main d’œuvre et incite davantage à embaucher
que par le passé, lorsque le seul type de contrat
possible était le CDI. Le développement de ces
contrats « courts » aura ainsi indéniablement
contribué à l’enrichissement de la croissance en
emploi entre 1990 et 2000. L’impact de ce phénomène sur les créations d’emplois ne peut être
estimé que par des modélisations macroéconomiques en raison de la difficulté à isoler l’effet
propre sur des observations ex-post. Ainsi, avec
une hypothèse de baisse du coût du travail
engendrée par la flexibilisation comprise entre
2 KLEIN (Tristan), « Onze années d’exonérations de
cotisations sociales pour l’embauche à temps partiel »,
Premières synthèses, n° 18.1, mars 2004.
Point statis
NUMÉRO
GRAPHIQUE 7 - ÉVOLUTION DES EMPLOIS AIDÉS DANS LE SECTEUR NON MARCHAND
(CES + CEC + NS-EJ en équivalent temps-plein)
7
450 000
1,5% et 2,5%, le développement des CDD, intérim
et stages rémunérés pourrait être à l’origine de
210 000 à 370 000 emplois nets créés en dix ans.
À partir de 2001, le recours à ces formes particulières d’emploi fléchit alors que l’emploi salarié
continue d’augmenter : plus de 200 000 emplois
en moins sur les trois dernières années (2001 à
2003) en CDD, intérim et stages rémunérés alors
que l’emploi salarié augmente encore de près de
500 000 3 dans le même temps. Leur part baisse
alors de 9,6% en 2000 à 8,4% fin 2003. Mais les
raisons de cette baisse semblent être davantage
liées à la dégradation de la conjoncture économique qu’à un changement de comportement
durable des employeurs. Ces types d’emploi
devraient reprendre une tendance à la hausse
plus forte que celle de l’emploi salarié dès le
retour d’une économie plus porteuse et contribuer
ainsi au maintien d’une croissance riche en emploi.
Les politiques publiques de
lutte contre le chômage
La politique gouvernementale de lutte contre le
chômage renforcée à partir de 1993, au moment
de la forte hausse du chômage, a également
contribué significativement à accroître les créations d’emplois.
La principale mesure que l’État a mise en place
consiste en des allègements de charges sociales
dans le cadre de la loi quinquennale pour l’emploi. Le principal dispositif de cette loi de 1993,
revue en 1995, consiste en une exonération progressive des cotisations patronales sur les bas
salaires (jusque 1,3 fois le SMIC). Elle est de grande
ampleur car s’applique sur tout le stock des salariés
en emploi.
Au niveau du salaire minimum, le taux théorique
des cotisations sociales employeurs est de 41,8%
du salaire brut. Avec l’allègement résultant de la
ristourne dégressive mise en place en 1996 et
pour un salarié dont l’entreprise n’est pas passée
aux 35 heures, le taux de cotisation est réduit à
23,6% du salaire brut au niveau du SMIC. Le passage aux 35 heures permet aux entreprises de
bénéficier d’allègements plus importants et jusqu’à
GRAPHIQUE 6 - ÉVOLUTION DE LA
PROPORTION DES FORMES PARTICULIÈRES
D’EMPLOI (CDD, intérim, stages) DANS
L’EMPLOI SALARIÉ
10,0%
9,0%
8,0%
7,0%
6,0%
5,0%
4,0%
3,0%
2,0%
82
85
88
91
94
97
00
03
Source : INSEE
Point statis
400 000
350 000
300 000
250 000
200 000
150 00
100 000
50 000
0
1990
1991
1992
1993
1994
1995 1996
1997
1998
1999
2000
2001
des salaires atteignant 1,8 fois le SMIC, mais dont
l’amplitude dépend de la date de passage à la RTT
de l’entreprise. Pour un salarié rémunéré au SMIC
et passé aux 35 heures en 1998, le taux de cotisation après allègements atteint 15,7%. Il passe à
17,6% pour ceux passés aux 35 heures après le
1er août 2001.
Cette politique, poursuivie avec constance depuis
1993 a eu des effets indéniables sur l’emploi des
salariés les moins bien payés, qui sont également
les moins qualifiés : la part des emplois peu ou pas
qualifiés dans l’économie est passée de 23% en
1994 à 24% en 2000, alors qu’au cours des dix
années précédentes (1984-1994) elle avait diminué de 4 points. Quant au taux de chômage des
jeunes, il s’est sensiblement réduit, tout comme
celui des salariés dépourvus de diplôme.
En raison des possibilités de substitution entre travail qualifié et non-qualifié et des effets d’opportunité, l’effet net de la baisse du coût du travail sur
l’emploi est difficilement évaluable. De nombreuses études prospectives ont été menées qui
tentent d’évaluer l’effet propre des réductions de
charges sur les bas salaires, mais les résultats
sont difficiles à interpréter en raison de la diversité
des hypothèses retenues. Les études ex-post semblent apporter des résultats plus satisfaisants même
si elles sont encore peu nombreuses en raison du
faible nombre d’années de recul. Néanmoins, selon
un récent article de l’INSEE4, 460 000 emplois
auraient ainsi été créés ou sauvegardés dans l’économie, entre 1994 et 1997, grâce à ces mesures.
La moitié de ces emplois seraient des emplois non
qualifiés (alors que dans l’économie, les emplois
non qualifiés représentent moins du quart des
emplois salariés). Sur ces 460 000 emplois,
150 000 seraient comptabilisés dans l’industrie et
310 000 dans le tertiaire.
Outre l’abaissement des charges sociales issu de
la loi quinquennale pour l’emploi et de la RTT, de
nombreuses mesures publiques ont été mises en
place afin de dynamiser l’emploi. On peut citer
entre autres les politiques d’exonérations de
charges sur les temps partiels ou pour l’embauche
d’un premier salarié dans les TPE, mais également
la mise en place de divers dispositifs visant des
populations particulièrement touchées par le
chômage (jeunes, non-qualifiés, chômeurs de
longue durée) comme les Soutien-Emploi-Jeunes,
Contrats Jeunes en Entreprise, CES-CEC, contrats
d’adaptation ou de qualification ou encore les
7
2003
conventions de coopération. Ces mesures étant
avantageuses pour les entreprises, elles y ont eu
massivement recours. Pour les exonérations sur
l’embauche d’un premier salarié par exemple, le
dispositif a enregistré plus d’un million d’entrées
entre 1989 et 2001. Et on estime qu’une embauche exonérée sur dix a donné lieu à une création
nette d’emploi.
Pourtant, ces dernières années, la politique
publique de l’emploi s’est révélée moins créatrice
d’emploi que par le passé, en raison principalement de la mauvaise conjoncture économique et
de ses répercussions sur les finances de l’État.
Ainsi, le dispositif d’exonérations de charges
sociales pour l’embauche d’un premier salarié a
disparu fin 2001 et celui de l’abattement en faveur
du temps partiel a été supprimé au 31 décembre
2002. Ce qui a pu contribuer à ralentir l’enrichissement de la croissance en emploi. Dans le cadre
de la nouvelle orientation du gouvernement en
faveur de la lutte contre le chômage, les années
futures sont susceptibles de retrouver un niveau
élevé d’emplois aidés. Le plan de cohésion sociale pour 2005 prévoit notamment un renforcement
des aides pour certains dispositifs existants, la
création de nouveaux types de contrats aidés
(CAE, Contrats d’Avenir…) et un accent particulier sera mis sur la fluidification du marché du travail (création des maisons de l’emploi…). Par ce
biais là, également, le contenu de la croissance en
emploi pourrait redevenir plus riche dans les
années à venir.
Aline OLIVEIRA
Département Équilibre Technique et Prévisions
3 Ensemble des salariés du secteur marchand non agricole,
source Enquête Emploi de l’INSEE.
4 CREPON (Bruno), DESPLATZ (Rozenn), « Une nouvelle
évaluation des effets des allègements de charges sociales
sur les bas salaires », Economie et Statistique, n° 348,
2001.
> Voir aussi
• GERARDIN (Arnaud), « La richesse accrue
en emplois de la croissance française :
quels enseignements peut-on en tirer à la
fin de l’année 2001 ? », Statis, n° 163, 2002.
• GERARDIN (Arnaud), « La richesse accrue
en emplois de la croissance française :
quelques remarques », Bulletin de liaison
Unédic, n° 151, 1999.
Directeur de la publication : Jean-Pierre REVOIL | Directeur de la rédaction : Bernard ERNST
NUMÉRO
2002
Source : DARES
Réalisation : PARIMAGE | Impression : IROPA | ISSN : 1767-7602
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