DOSSIER
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vale, moderne et contemporaine. Il y a des
cours de philosophie systématique : logi -
que, métaphysique, anthropologie philo -
sophique, épistémologie, éthique, philoso-
phie politique et théodicée (philosophie
de Dieu). Puis nous offrons des matières
plus « locales », par exemple sur les
courants philosophiques d’Orient (Inde et
Chine), sur la « pensée indonésienne ». Il y
a aussi des cours sur certains grands
philosophes de différentes époques :
Platon, Heidegger, Levinas, Marx.
En même temps, nous devons répon -
dre par notre programme aux exigences
gouvernementales, en particulier pour
des cours d’introduction à la psychologie,
à l’anthropologie, à la sociologie, à l’édu-
cation civique. Et il y a bien sûr l’introduc-
tion à l’Islam ou « l’islamologie ».
Durant de longues années, le profes -
seur Leahy a été l’expert en anthropologie
philosophique et en théodicée. Il a ensei -
gné ces matières à des centaines d’étu -
diants et a publié de nombreux ouvrages
sur ces matières fondamentales. Il a ensui -
te élargi son champ à d’autres matières.
Le directeur du département, l’abbé Simon
Lili, pourra vous en parler.
UNE INSTITUTION UNIVERSITAIRE
CATHOLIQUE EN MILIEU MUSULMAN
Jusqu’à maintenant, nous n’avons
pas de difficulté à trouver notre place dans
la société indonésienne. Les opinions sur
notre centre, celles des musulmans y
compris, sont favorables. Dans un
contexte social qui ne laisse pas
beaucoup de place à la réflexion, nous
offrons un milieu « d’approfondissement
de la pensée » par nos cours, nos publica-
tions et par les nombreuses conférences
publiques que nous proposons. Nous
gardons de bonnes relations avec les
musulmans. Par exemple, le professeur
jésuite Franz von Magnis-Suseno est
considéré comme un « leader pluraliste » ;
il est respecté par les musulmans.
Bien sûr, nous constatons, comme
bien d’autres, qu’il y a dans notre société
un problème avec des groupes fanatiques
et fondamentalistes. Mais nous ne som -
mes jamais entrés en conflit direct avec
eux. Nous choisissons de nous lier avec
des musulmans tolérants, ceux qui sont
ouverts intellectuellement et qui aiment
apprendre. En somme, notre centre univer -
sitaire, Driyarkara, a une bonne réputation
pour la qualité de la réflexion qu’il propose.
LA PLACE DE LOUIS LEAHY
Pour le professeur Leahy, l’enseigne-
ment et la publication étaient au centre de
sa vie. Il s’y consacrait entièrement, jour
après jour. Étant arrivé en Indonésie rela-
tivement tard, il n’avait pas une maîtrise
totale de la langue du pays. Alors, il tra-
vaillait très fort pour améliorer son indo -
nésien et je dirais qu’il a réussi. Il est clair
que son style d’écriture était influencé par
la grammaire française, mais il n’avait aucu -
ne difficulté à bien se faire comprendre.
Personnellement, j’ai été impres-
sionné par le sérieux de son enseigne-
ment de la « philosophie de l’homme »,
aussi par son cours sur la mort, que j’ai
suivi il y a plusieurs années. J’aimais la
manière dont il vivait sa mission de
professeur jésuite, invitant à la réflexion
sur les questions essentielles, ce que sont
la vie, l’être humain, la mort et l’immorta -
lité qu’il abordait avec un sens critique.
J’ai beaucoup aimé ce qu’il nous a
présenté de la philosophie grecque. Je
n’étais pas toujours d’accord avec ses
idées sur Platon, par exemple, mais
comme professeur, il m’inspirait et me
présentait l’exemple à suivre d’un jésuite
totalement dédié à sa mission.
UNE ANECDOTE
Quand je pense au zèle du professeur
Leahy, je me rappelle cette anecdote
arrivée durant l’un de ses cours. C’est
bien courant que les musulmans utilisent
de puissants systèmes de son pour
diffuser la prière du haut des minarets. Un
jour – c’était probablement un vendredi –
Louis Leahy était en train d’enseigner
quand les haut-parleurs se sont mis à
l’œuvre au maximum de leur force ; la
mosquée était toute proche de l’école. Le
professeur est sorti, s’est rendu à la
mosquée et leur a demandé de baisser le
son car il ne pouvait enseigner avec un tel
niveau de bruit. Et, ô surprise, les musul -
mans ont immédiatement baissé le son !
En tant qu’Indonésien, je n’aurais
jamais eu le courage d’aller faire cette
demande et, si je l’avais faite, je ne pense
pas que j’aurais eu beaucoup de succès.
Dans les journaux, certains politiciens –
des musulmans – osent dire que les haut-
parleurs des mosquées ennuient bien des
gens. Mais ils n’ont pas d’impact : les
prières et les sermons résonnent toujours
aussi fort !
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Le P. Setyo conseille un étudiant.
La bibliothèque de Driyarkara, réputée,
construite avec des dons de l’Allemagne.
Le P. Leahy, au cours d’une
réunion communautaire.