Cours d'initiation à la physique quantique 2
Partie 1 : Invariance de jauge en mécanique quantique
1 Introduction
1.1 L'invariance de jauge
Il est frappant de remarquer que 3 des théories les mieux établies sont des théories de jauge. Ce
sont l'électrodynamique quantique (QED), la théorie électrofaible, et la chromodynamique
quantique (QCD). En outre, de très nombreux efforts ont été consacrés, avec un certain succès,
à reformuler la théorie de la Relativité Généralisée (GR) en ce sens. Il est effectivement
possible d'écrire GR comme une théorie de jauge, à condition d'ajouter les degrés de liberté de
torsion dans la connexion. Ainsi, le groupe de Cambridge (Lasenby, Doran et Gull) a réussi à
reformuler la gravitation comme une théorie de jauge, avec le tenseur métrique pour jauger les
translations et la torsion pour jauger les rotations. Au lieu que ces tenseurs soient vus
traditionnellement comme faisant partie d'une connexion géométrique dans un espace courbe,
ils apparaissent alors comme des champs de jauge physiques, dans un espace plat !
Le succès du principe de jauge en théorie quantique des champs est qu'il permet, une fois le
Lagrangien libre connu, de générer de façon précise le Lagrangien d'interaction. Dans le cas
de la Relativité Générale, le principe est assez différent parce que le Lagrangien est supposé
essentiellement connu (c'est celui de Hilbert, ou des variations de celui-ci) et les
transformations que l'on peut "jauger", c'est-à-dire les transformations qui doivent laisser le
Lagrangien invariant, agissent sur le repère local de coordonnées. Ce sont par exemple des
transformations "externes" comme les translations et les rotations du repère local de
coordonnées. L'idée ici est d'essayer de deviner quel est le groupe le plus large des
transformations admissibles. Par exemple, on doit évidemment au moins jauger les translations
et les rotations, mais on pourrait aussi jauger les dilatations et les cisaillements (shear). Chaque
fois que l'on considère des nouveaux degrés de liberté dans les transformations, il apparaît soit
des nouveaux champs de jauge, soit des degrés de liberté supplémentaires dans les champs de
jauge existants, et donc des équations du champ supplémentaires. En tous cas, le statut de GR
comme théorie de jauge est bien moins établi que celui des théories quantiques des champs. La
forme du Lagrangien est un tant soit peu contrainte, car les champs qui constituent la
connexion, et leurs degrés de liberté, sont fixés par le groupe d'invariance du Lagrangien. Mais
rien ne garantit que l'on possède vraiment le Lagrangien correct.
Le développement du principe de jauge a été très laborieux. Pendant de nombreuses décades, le
concept de l'invariance de jauge a été considéré comme une pure curiosité mathématique de la
théorie de Maxwell. Avec l'avènement de la théorie quantique, on a constaté que l'invariance
de jauge du potentiel vecteur du champ EM doit s'accompagner de l'invariance de l'équation de
Schrödinger pour une transformation de phase de la fonction d'onde. Ces transformations de
phase forment un groupe à un paramètre que l'on a dénommé U(1). C'est le cas le plus simple
possible, et il est dit "Abélien", parce que les transformations de U(1) commutent entre elles.
Ce sont des transformations considérées comme "internes" parce qu'elles n'agissent pas sur le
repère d'espace-temps, mais uniquement comme des rotations dans le plan complexe de la
fonction d'onde. Malgré sa simplicité, le groupe U(1) permet de montrer que si la phase de la
fonction d'onde dépend de la position, ce que l'on appelle une invariance "locale" (par contraste
avec l'invariance globale où la phase est la même dans tout l'espace), alors le Lagrangien libre
du champ de Dirac par exemple, permet de générer automatiquement le Lagrangien
d'interaction de la particule chargée avec le champ électromagnétique.