
Introduction à la macro-économie Guillemette de Larquier
Université de Paris X – Nanterre 3
Dans cette introduction, nous introduisons l’approche macro-économique. Puis nous verrons
que « faire de la macro-économie » nécessite une opération de réduction de la « réalité »
conditionnée aux hypothèses que l’on a sur le fonctionnement de la société.
A – Micro-économie versus Macro-économie
Pourquoi dans les universités enseigne-t-on dans des cours séparés la micro-économie
et la macro-économie ? Pour la même raison qui justifie que parfois on a besoin d’un plan de
métro, et parfois d’une mappemonde pour le même type de problème : localiser un endroit.
Pour savoir où se trouve la station Sablons, l’information exhaustive sur les latitudes du reste
de la Terre de la mappemonde est inutile (l’information que je cherche est noyée dedans et ne
peut apparaître) ; en revanche, pour situer la Colombie par rapport à la France, ce sont les
informations détaillées du plan du métro parisien qui sont sans valeur (l’information que je
cherche est en-dehors du plan).
Regardons alors ce qu’apporte chacune des deux approches en économie.
L’approche micro-économique consiste à se placer au niveau de l’individu (de manière
virtuelle car on étudie un personnage idéalisé par la science économique, dont le motif
d’action se résume à chercher le plus de satisfaction possible contre le moins de peine
possible). L’homo oeconomicus plongé dans un univers de rareté (ses ressources et son
budget sont limités) cherche à atteindre le plus d’objectifs possibles (eux, sont illimités).
Pour cela il doit arbitrer, renoncer à certains objectifs (« pour acheter l’appartement de mes
rêves, dans les 15 ans à venir je décide de consacrer 33% de mon salaire au remboursement
de mon emprunt et donc d’amputer d’autant ma consommation courante »). L’économiste
imagine ainsi quel est le comportement d’un agent dit rationnel dans tel ou tel contexte
défini par des contraintes techniques ou budgétaires. Cette approche est essentiellement
hypothético-déductive, et donne lieu à des travaux souvent formalisés, mathématiques.
En adoptant une approche macro-économique, on se place au niveau d’une économie
territoriale, une nation. On construit des agrégats, à savoir l’addition ou l’agrégation d’une
multitude d’actions et de décisions individuelles de même type non coordonnées (on
somme toutes les consommations en euros des ménages français). Puis, par le biais
d’observations chiffrées, on cherche à établir des relations stables entre ces agrégats (la
consommation des ménages français est égale à 85% des revenus des ménages français),
alors même qu’aucune rationalité individuelle n’est derrière cette relation (aucun individu
n’a choisi sciemment le pourcentage 85%). C’est un effet de composition : de la multitude
des actions décentralisées, pensées par 60 millions de cerveaux incontrôlables, on suppose
qu’il sort quelques relations stables entre quelques grands types d’actions (produire,
consommer, investir, épargner, etc.). On néglige les décisions individuelles (qu’importe ce
qui les a motivées), on ne retient que le résultat agrégé.
Un dernier exemple : une approche micro-économique du chômage insisterait sur la recherche
d’emploi d’un individu en fonction du montant de son indemnité, alors qu’une approche
macro-économique chercherait à mesurer le coût du chômage en indemnités versées par
l’UNEDIC et en manque à gagner en termes de capital humain (travailleurs) non occupé.
Pour les deux approches, une opération de réduction de la « réalité » est nécessaire. On se
donne un modèle économique, c’est-à-dire un modèle réduit de cette « réalité » qu’aucune
intelligence humaine ne peut maîtriser dans son ensemble et dans ses détails. Qu’est-ce qui
peut résumer la « réalité » française ? L’augmentation du nombre d’immatriculations de
voitures neuves, la durée moyenne d’ensoleillement de la Charente-Maritime, le nombre de
morts du cancer des poumons ? Dans cette énumération, la raison peut nous aider à juger ce
qui est pertinent ou non (et encore ! chacun de ces facteurs a un impact économique,