PUMA
NOTE DE
SYNTHÈSE
LETHIQUE
ET LE SERVICE PUBLIC
“La probité des hommes politiques et des fonctionnaires est un élément
fondamental dans une société démocratique.”
Alice Rivlin
Vice-Présidente, Conseil des gouverneurs
du système fédéral de réserve, États-Unis
Présidente du Colloque ministériel
de lOCDE/PUMA sur lAvenir des Services publics
PUMA Note de synthèse No. 1
Service de la Gestion Publique
Février 1997
Peu de pays de lOCDE ont échappé à des titres dans les
journaux dénonçant des scandales touchant le
gouvernement et mettant à jour des actes allant de
comportements indélicats, de la part de responsables
politiques ou de fonctionnaires, à de véritables pratiques de
corruption. Si les hommes politiques ne sont pas sanctionnés
par le système judiciaire, ils peuvent l’être par les électeurs.
Mais comment garantir lintégrité du service public ?
Les valeurs sont-elles en recul ?
Les fonctionnaires exercent un fort pouvoir discrétionnaire dans
différents domaines, qu’il s’agisse de la gestion des ressources
publiques, des rapports avec leurs concitoyens ou de l’influence qu’ils
ont sur l’élaboration de la politique gouvernementale. Pour éviter un
usage arbitraire de ce pouvoir, les normes étiques sont un contrepoids
essentiel. Ainsi, elles constituent un élément clé de la qualité de la
gouvernance.
En l’absence d’un “baromètre de l’éthique”, il est difficile, voire
impossible, d’apprécier l’évolution de la fréquence relative des cas de
corruption dans la fonction publique. Ce qui semble être une
augmentation peut simplement signifier que les systèmes de contrôle et
de surveillance fonctionnent bien et que des écarts de conduite qui,
auparavant, étaient discrètement ignorés ou dissimulés dans le secret
des administrations apparaissent aujourd’hui en plein jour. Les
fonctionnaires sont exposés aux mêmes tentations de retirer un
avantage personnel de leurs fonctions que n’importe quelle autre
catégorie de la population et il y aura toujours des “brebis galeuses”
dans la fonction publique comme ailleurs. Ce sont beaucoup plus les
systèmes que les hommes qui sont en cause, car les mauvais systèmes
sont plus nocifs.
Les systèmes d’incitation à la bonne conduite
échouent-ils ?
Les pays, pour la plupart, se sont dits préoccupés dune baisse des
normes éthiques tout en considérant que, dune manière générale, elles
restent élevées.
En revanche, ils se sont déclarés inquiets de ce
qui leur semble être une inadéquation entre les
règles et les systèmes traditionnels régissant le
comportement des fonctionnaires et ce que lon
attend deux dans la société actuelle.
...la grande majorité des gens, dans la vie publique, répondent à ces
normes élevées. Mais il existe des points faibles dans les
procédures utilisées pour maintenir et faire appliquer ces normes.
Dès lors, les gens, dans la vie publique, n'ont pas toujours une
vision aussi claire qu'il le faudrait du point où se situent les limites
d'une conduite acceptable. Nous considérons que c'est là la
principale raison de l'inquiétude du public.
Rapport du Royaume-Uni
PUMA Note de Synthèse n L’éthique et le Service Public
Les tensions
Les fonctionnaires opèrent dans un contexte en évolution, notamment
lorsque les techniques de gestion (gestion des risques, autonomie de
gestion, valorisation des résultats plutôt que des règles), ont été
importées du secteur privé. Ils sont davantage surveillés par le public,
qui leur demande de fournir des services de meilleure qualité et mieux
adaptés aux besoins, et cela avec des ressources plus limitées
quauparavant.
Les fonctionnaires doivent par ailleurs assumer de nouvelles fonctions et
responsabilités sous linfluence de plusieurs facteurs : décentralisation
et autonomie de gestion accrue ; recours de plus en plus fréquent aux
pratiques commerciales ; relations nouvelles entre secteur public et
secteur privé (notamment le système de la porte tournante suivant
lequel le secteur public recrute souvent dans le vivier du secteur privé) ;
changements dans lobligation de rendre des comptes. Bref, ils sont
obligés dadopter de nouvelles manières daccomplir le travail
gouvernemental.
Tandis que les réformes de la gestion publique ont
réalisé dimportants bénéfices en termes defficience
et defficacité, certaines ont pu avoir des effets non
voulus sur l’éthique et les normes de comportement.
Des sources de tensions comprennent :
des ressources limitées ;
la réduction de la taille du secteur public ;
la restructuration ;
la sous-traitance des activités gouvernementales ;
le transfert de compétences et lautonomie en matière de décisions ;
davantage de recrutement dans le privé, notamment pour les postes
de direction ;
de nouvelles relations entre les fonctionnaires et les citoyens ;
la mondialisation et laffrontement entre normes en matière d’éthique
et de culture différentes ;
de nouvelles normes sociales.
...les changements intervenus dans les formes juridiques et politiques
dassociation (par exemple, le transfert de compétences des ministères
et des directions à des entreprises publiques et à des fondations ou
des entreprises à responsabilité limitée appartenant à l'État) ont pour
résultat de libérer dans une certaine mesure les employés du secteur
public d'une grande partie des règles, des normes et des pratiques
habituelles de la fonction publique qui avaient caractérisé jusqu'ici
l'administration publique. Rapport de la Norvège
La complexité et l'individualisation croissantes de la société ont généré
des structures sociales plus difficiles à saisir, et abouti à des normes et
des valeurs profondément divergentes. Les normes sociales
deviennent floues, et le fonctionnaire y est également sensible.
Rapport des Pays-Bas
PUMA Note de Synthèse n L’éthique et le Service Public
Il faut considérer une infrastructure de l’éthique
Comment les pays sassurent-ils que les règles sont respectées dans la
fonction publique, surtout quand ils sont confrontés au changement ? En
pratique, ils ont recours à toute une gamme dinstruments et de
processus qui réglemente les comportements indésirables et incite à
une bonne conduite.
Afin dilluster le fonctionnement et linteraction
de ces instruments, le PUMA a défini le concept
dune infrastructure de l’éthique.
Les pays privilégient certains éléments de cette infrastructure éthique,
selon quils gèrent les comportements essentiellement par le biais de
directives et dincitations ou par les contrôles et les sanctions. Si un pays
est miné par la corruption ou les scandales, il souhaitera probablement, au
moins à court terme, mettre laccent sur la répression plutôt que sur la
prévention.
La synergie relative entre les différentes composantes dune infrastructure
éthique sera fonction des traditions culturelles, politiques et administratives
et des initiatives prises dans le passé pour promouvir un comportement
éthique.
Comme celle de nimporte quel autre instrument,
l'efficacité d'une infrastructure de l'éthique
suppose qu'elle soit comprise et utilisée de
manière cohérente.
PUMA Note de Synthèse n L’éthique et le Service Public
Cette infrastructure se compose de huit éléments :
lengagement politique (les hommes politiques devraient souligner
limportance de l’éthique, donner lexemple et soutenir la bonne
conduite avec des ressources adéquates) ;
un cadre juridique efficace (lois et réglementations qui établissent et
font respecter des normes de conduite) ;
des mécanismes de responsabilisation efficaces (procédures
administratives, audits, évaluations de la performance dune
agence, mécanismes de consultation et de supervision) ;
les codes de conduite (énoncé de valeurs dune organisation, de
son rôle, des responsabilités et des obligations de ses employés, et
des restrictions sur les activités) ;
des mécanismes de socialisation professionnelle (éducation et
formation) ;
de bonnes conditions demploi dans la fonction publique (traitement
juste et équitable, rémunération et sécurité appropriées) ;
un organisme de coordination pour les questions d’éthique ;
une société civique active (y compris des médias zélés) qui surveille
les activités gouvernementales.
Liaison entre l’éthique et la gestion publique
Les tensions potentielles entre les notions classiques de ladministration
(travailler selon les règles) et les nouvelles formes de gestion publique
(obtenir des résultats grâce à linnovation et à la geston des risques)
commencent à se faire sentir. Il est possible que cest dans le domaine
de l’éthique que ces tensions sont les plus évidentes. Sil y a trop de
contrôle, on ne peut rien faire ; mais sil ny en a pas assez, on risque de
ne pas faire ce quil faut faire. Les citoyens ne pardonneront pas plus
linefficacité et le gaspillage que la corruption. Où doit se situer le point
d’équilibre ? (voir le graphique à la dernière page)
Chaque pays trouvera ses propres solutions, tenant compte de ses
traditions politiques et administratives. Cependant, il y a des arbitrages
inévitables à opérer, notamment entre, dun côté, les coûts administratifs
induits par lidentification de chaque écart de conduite, de délit mineur
ou dacte de corruption véritable et, de lautre, les coûts politiques de
certaines erreurs tolérées. De nouvelles stratégies de gestion des
risques fondées sur les coûts et les avantages sont indispensables.
Le régime de gestion de l’éthique dun pays doit
être compatible avec sa conception de la gestion
publique en général.
Il ne serait pas logique de lier une infrastructure de l’éthique stricte
basée sur le respect des règles avec des systèmes de gestion
déconcentrés et axés sur les résultats. Les évolutions récentes dans le
domaine de la gestion de l’éthique -- abandon relatif des règles
détaillées au profit de grandes orientations (définition de valeurs et
diffusion de codes de conduite) et dune plus grande transparence
(dispositifs dalerte et obligation faite aux fonctionnaires de divulguer
leurs intérêts, financiers ou autres, pour désamorcer tout risque de
conflit) -- laissent penser que les pays cherchent plus de cohérence.
La bonne conduite a toujours été une précondition à la bonne
gouvernance. En dépit, ou peut-être à cause, des changements en
cours dans le secteur public des pays de lOCDE, une bonne conduite et
un comportement éthique sont impératifs. Le succès des réformes de la
gestion publique, voire la confiance générale à l’égard des pouvoirs
publics, en dépend. Cela exige quune infrastructure de l’éthique soit
bien en place.
L’éthique ne doit plus être envisagée à part et de
façon distincte, mais comme faisant partie
intégrante de tous les systèmes de gestion.
PUMA Note de Synthèse n L’éthique et le Service Public
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