Stage sur l’alimentation Dynamique,
Dornach , 10-15 mars 2013
Organisé par la Section d’Agriculture du Goetheanum
Marie Jo Amiand (IPC/ F-Chatou), Susana Asquith (Ecole R.Steiner Genève), Sylvie Audouin
(Structure d’accueil en Biodynamie, CH-Savigny), Odile Bachelin (Ecole R.Steiner,Genève),
Jérôme Bocquet (Assoc. La Branche, Savigny), Christian Boy (Assoc. La Branche, Savigny),
Ina Chesnier (LabelBio, Ecole R.Steiner en région d’Avignon), Gilles Daveau (formateur
indépendant en cuisine alternative, F-Vertou), Rafaella Duret (Ecole Perceval de Chatou),
Natalia Rama (Assoc. La Branche, Savigny), Cornelia Vellut (Nutritherapeute, CH-Gland)
Présentation Générale du stage et de l’anthroposophie - JM Florin
Au début du 20ème siècle, Rudolf Steiner, issu de la Théosophie (approches spirituelles et
ésotériques de la connaissance), propose l’approche anthroposophique pour apporter des
solutions opérationnelles et pratiques dans divers secteurs de la vie humaine : l’agriculture,
la médecine, la pédagogie, etc. Il définit l’anthroposophie comme un moyen de relier le
spirituel dans l’homme avec le spirituel dans l’univers, amenant la personne à prendre
conscience de son humanité : comment, en tant qu’homme, je pense ma vie, je me soigne,
je mange, etc. Steiner a présenté et développé cette approche en répondant à des
questions pratiques, souvent d’ordre professionnel, dans différents domaines de la vie
humaine et sociale.
Conférence d’introduction sur la Biodynamie – JM Florin – 11 mars
La Biodynamie est une approche « contextuelle » de l’agriculture qui vient répondre à des
questions posées par les agriculteurs au début du XXème siècle, alors que se généralisent
des pratiques agronomiques modernes voire industrielles, dont on ne connaît pas encore les
conséquences, mais dont on constate déjà certains effets négatifs. Comment envisager alors
l’agronomie dans ce contexte, notamment pour restaurer les cycles et la continuité entre
plante, animal et sol, ainsi que le lien entre la terre et le cosmos ?
Ces questions ne se posent pas il y a 10000 ans, aux origines de l’agriculture, lorsque
l’homme se sédentarise. L’agriculture s’inscrit dans ces liens verticaux et horizontaux et est
conçue comme un « culte » rendu, l’être humain, intermédiaire actif et responsable entre
le monde spirituel et la nature, ne se contente plus de prélever (cueilleur chasseur) mais
vient, en semant, se lier à la terre en y amenant des forces de lumière (la graine). Cette
dimension spirituelle perdure au fil des siècles, l’on continue de prier avant de semer
(jusque 19ème) ou de couper le pain (milieu 20ème). Dans la 2ème moitié du 19ème siècle
l’agriculture est peu à peu envisagée comme une production industrielle et la fin de la 1ère
guerre mondiale marque un tournant lorsque les explosifs sont recyclés en engrais azotés,
initiant l’origine guerrière des démarches d’agro-industrie qui se retrouvera aussi dans les
défoliants/herbicides et la machinerie agricole.
Dans les années 20, R Steiner vient apporter des réponses à 5 types de questions exprimant
des préoccupations formulées par les agriculteurs et chercheurs.
Quelles conséquences auront les apports d’engrais azotés en terre ?
Comment régénérer des espèces animales et végétales en perte de vitalité (bétail
sujet aux maladies, plantes moins vivaces…), comment préserver cette vitalité ?
Comment révéler, observer, mesurer… les forces de vie d’une plante, d’un produit ?
1
Les forces cosmiques (lune, planètes,…) ont-elles une action ?
Comment améliorer les conditions de vie des populations agricoles ?
Les réponses apportées, notamment sur la question 2, révèlent comment, au 20ème siècle,
on a commencé à appliquer les lois industrielles dans notre relation à la nature par une
segmentation : il s’agit donc en particulier de restaurer la continuité et la boucle (le cycle
sain) entre la plante (apporte la nourriture) > l’animal (apporte la fumure) > le sol > la
plante etc.
L'idée est donc de soigner la terre, les animaux et les hommes, de créer des paysages dans
une recherche d'harmonie à partir des besoins des plantes et des animaux. Ces systèmes
organiques ne produisent pas de déchets et n’ont pas de besoins extérieurs (achats
d’intrants). Ils produisent un excédent (produits alimentaires animaux et végétaux) à chaque
stade qui permet de nourrir les humains sur place (la ferme et ceux qui cultivent) et au delà
(le monde social). Lapproche Biodynamique cherche à produire plus afin de
garantir l'autonomie de l’exploitation tout en respectant la cohérence organique de
l'ensemble des processus. Elle aborde l’agriculture et l’élevage à l’inverse des techniques
modernes basées sur la segmentation et la spécialisation, dans lesquelles les techniques
employées considèrent les espèces comme des machines à produire « hors-sol ». Outre les
gaspillages multiples, l’or du paysan (le fumier) est devenu un déchet, qui plus est polluant.
La perte du lien vertical entre cosmos et terre est corollaire d’une totale irresponsabilité,
d’une perte de sens avec une très forte morbidité (taux de suicides notoirement élevé) des
populations agricoles.
La Biodynamie cultive le lien entre ciel et terre, elle va se consacrer à retrouver une
agriculture « intégrée » sur tous les plans, y compris sur le plan social, avec une réflexion sur
des pratiques coopératives, afin de ne pas s’aliéner au travail agricole, si exigeant et
contraignant avec son rythme de travail 365/365 jours. Les pratiques
agronomiques biodynamiques vont au-delà des pratiques de l'agriculture
biologique. Elles sont quasiment d’ordre thérapeutique et visent à redonner de la vitalité
(« des forces de vie »), à la terre, aux plantes et aux animaux. On pratique ainsi des
rotations de culture (avec notamment une phase «légumineuses» pour apporter de l’azote
au sol), des assolements qui répartissent les différents types d’espèces (avec besoins et
impacts différents), l’utilisation de compost (fumier) pour renforcer la vie du sol
(particulièrement riche en vers de terre). Le lien terre-ciel est favorisé avec la bouse de corne
qui stimule l’enracinement, et la silice de corne qui optimise l’utilisation de la lumière par les
plantes. Les ambiances qui sont favorables à la résistance naturelle des plantes sont
améliorées par les tisanes de prêle des champs ou d’orties (pulvérisations). Il s’agit de
stimuler la plante pour qu’elle assimile mieux les éléments du sol : l’azote pour sa
croissance, le phosphate et la potasse pour sa fructification : ces éléments sont rendus plus
disponibles par la vie du sol. L’approche est totalement renversée par rapport à l’agriculture
conventionnelle. Au-delà du fumier qu’il apporte, l’animal par sa présence et son « astralité »
participe d’une ambiance favorable aux plantes : il n’y a pas de plantes sans vie animale. Le
lien indéfectible entre les espèces et les terroirs est également observé. On utilise 6 types de
plantes médicinales en préparation selon les observations du sol, afin de le soigner :
l’achillée, le pissenlit, la camomille, l’ortie, l’écorce de chêne et la valériane.
… une première approche à poursuivre.
En résumé, cette approche agronomique organique favorise les liens horizontaux et
verticaux, et stimule la vie à tous les niveaux : ceux qui découvrent la biodynamie le
perçoivent-ils dans les produits ?... notamment par l’aspect, le goût, l’analyse de son
ressenti, ou bien par ce que révèle la méthode des cristallisations sensibles ?
2
2 cours sur l’alimentation dynamique – Joël Acremant – 12/13 mars
Joël Acremant se définit comme « chercheur » en alimentation saine et dynamique.
Enseignant de l’école de Chatou aujourd’hui en retraite, il y a également été pendant 12
années le cuisinier.
1 ère
partie
Joël Acremant introduit son approche en analysant les visions réductrices de l’alimentation, y
compris dans les approches de l’alimentation saine, et ce afin d’éclairer certains propos de R
Steiner ou d’autres chercheurs en alimentation dynamique (Gerhard Schmidt, Bircher-
Benner…).
Les approches classiques de l’alimentation peuvent le plus souvent être rattachées à une
vision limitée de l’homme. L’homme a peur de l’humanité dans l’homme, de sa grandeur, de
sa spiritualité, de sa liberté. Il est plus facile de l’approcher en le simplifiant, voire en le
rabaissant. A l’inverse on donne aussi à voir des modèles de « surhomme » souvent
considérés comme inaccessibles.
On voit en général 3 simplifications classiques :
L’homme machine : horloge, chaudière, usine, disque dur…
L’homme animal : réduit à ses sensations et ses désirs/plaisirs
L’homme plante : dont on peut stimuler la croissance, la vitalité
Dans toutes ces approches et particulièrement dans celle de l’homme machine, c’est la
logique de la gestion et de la comptabilité dans la relation avec la terre qui prime. L’homme
est un ensemble de fonctions, avec entrées et sorties, à qui on fournit dans une logique
standardisée et quantitative des calories, des nutriments (glucides, protides, lipides, fibres,
micro-nutriments…). Les mots clés de cette gestion sont : la quantité, la matière, l’économie,
le rendement, la dépense (physique…). Et il est corollaire de représentations ou dominent la
peur et le manque.
Mais ce modèle se fissure de plus en plus en plus car des constats simples s’imposent : la
« machine » humaine marche toujours et parfois même mieux si l’on diminue les apports, de
même qu’elle dysfonctionne souvent quand on les surmultiplie (repas très chargés…).
Les approches de l’alimentation « saine », quant à elles, ont pour mot clés « la qualité »
selon des critères classés ici par ordre d’importance décroissante :
Aliments vivants – frais
Aliments purs
Aliments non dénaturés … par leur mode de production, de préparation, etc.
Mais ces approches connaissent aussi leur dérives, avec notamment une forme de
« matérialisme bio » et des tendances au fanatisme, mais aussi avec des formes dénaturées
ou perverties du bio (produits bio raffinés, etc…). Plus généralement, on peut voir les
pensées réductrices sur l’homme continuer à « alimenter » les approches de l’alimentation
saine : l’homme machine/animal ou plante, qu’on remplit de composants, de sensations, de
stimulants « bio ».
Contrairement à cette vision de l’homme « diminué », et donc « désengagé », l’alimentation
anthroposophique ou dynamique s’appuie sur la connaissance de la nature humaine et
envisage l’idée de l’homme qui se construit dans sa globalité, et pour qui l’important est
« d’être librement en chemin ». Cette approche place l’homme au cœur d’un processus.
Ce processus peut se symboliser par 3 cercles ou sphères considérés comme distincts mais
qui vont peu à peu communiquer. C’est un point de vue qui concerne tout particulièrement le
cuisinier (moi) dans son travail de préparation (l’aliment) pour nourrir l’autre (toi) dans une
continuité « organique ». Grace à l’alimentation dynamique je valorise, j’agrandis l’aliment et
3
ma relation à l’aliment (et à l’autre): l’aliment n’est plus considéré comme un simple
carburant. L’alimentation saine, dynamique stimule la vie de l’âme.
On passe du quantitatif au qualitatif : ce n’est pas la matière qui vitalise le corps, c’est
l’activité que nous déployons pour se l’approprier qui le dynamise. S’alimenter veut dire
travailler avec les forces en devenir, afin de permettre à l’organisme de se fortifier, de pouvoir
rebondir.
Ainsi selon la citation de Bircher : « l’aliment est un tourbillon de lumière solaire
condensée ». Ou comme le dit Rudolf Steiner : « L’alimentation est d’avantage « activité »
que substance. L’alimentation n’est pas du monde du matérialisme mais du dynamisme. »
2 ème
partie
Joël Acremant revient d’abord sur les 3 simplifications, l’homme/machine, l’homme/animal,
l’homme/plante, qui ont en commun l’approche purement quantitative : quantité de matière,
quantité de plaisir, quantité de vitalité. Comme pour l’approche homme/plante qui se
caricature jusqu’à des formes de vitalisme/naturisme, les 2 autres approches encouragent
(exacerbent) les instincts naturels, l’individualisme (l’égoïsme) et des formes d’animalité.
L’aliment est conçu comme un puzzle, un ensemble mécanique de substances, ce que l’on
retrouve dans la notion d’aliment « complémenté », qui néglige la notion d’aliment vivant
les substances sont en synergie.
En tant qu’humain, on goûte le monde par tous les sens. La spécificité de l’alimentation est
qu’avec la nourriture, ce sont des parties du monde qui pénètrent dans notre corps, et que
celui-ci va devoir les transformer en les digérant. Un proverbe arabe dit « l’homme, en
mangeant, tombe malade, mais il se guérit en digérant ». Le premier profit de l’alimentation
est donc l’activation générée par le fait de devoir digérer, transformer l’aliment : c’est une
obligation de passer à l’action. Ce n’est pas l’aliment que je mange qui m’apporte de
l’énergie, c’est l’énergie que je déploie pour le transformer qui me stimule. Penser
l’aliment en tant « qu’activité » plutôt que substance est la base de l’alimentation dynamique.
On va pouvoir choisir en particulier des aliments vivants qui « rebondissent », c’est-à-dire
qui, en plus de l’activité qu’ils mobilisent pour les transformer, apportent un plus en
stimulation. Ce n’est pas le chou, la céréale, le navet que je mange qui m’apportent de
l’énergie, c’est l’énergie nécessaire pour s’approprier la dynamique vivante de ces aliments
qui me stimule.
Par un schéma de silhouette corporelle, Joël montre que c’est tantôt la tête, en tant que pôle
neuro sensoriel ou psycho-spirituel, tantôt le corps et plus particulièrement le métabolisme
qui sont activés au cours de la journée. Avant le repas, à jeun, l’activité peut être plutôt au
niveau de la tête. A la suite du repas c’est le pôle métabolisme qui est sollicité, engagé. Ainsi
on peut interpréter la faim, non pas comme le signe que « les batteries sont vides », mais
comme un appel intérieur comme si la tête, le pôle psycho-spirituel, dissocié ou divorcé du
corps, avait besoin de recréer un lien avec ce dernier.
4
L’ALIMENT
TOI
MOI
De façon similaire, dans un processus d’un jeune prolongé, on peut constater que la faim
s’atténue au bout de quelques jours, en même temps que s’expérimente une forme de
légèreté liée à une autre relation/attention entre les deux pôles: tête et corps.
Cette polarité renvoie en particulier à 2 tendances, 2 types d’individus et singulièrement
d’enfants :
- le type « terrestre » hyper concentré, sérieux, à petite tête…l’enfant racine, (pauvre en
souffre) qui aura besoin de s’alléger, attiré par le sucre
.
- le type « cosmique », à grosse tête, rêveur, etc l’enfant fruit (riche en souffre) qui aura
besoin de peser, de s’enraciner, attiré par le sel.
Ces 2 typologies (ici très schématisés pour simplifier) sont mis en regard de la nature
humaine et sa « tripartition inversée » par rapport à la plante, soulignée par l’alimentation
dynamique. Les 3 parties de la plantes, racine / tige-feuille / fleur-fruit, viennent nourrir les
différents pôles de l’être humain : le pôle volontaire ou métabolisme (stimulé par les parties
fleur/fruit), le système rythmique ou partie médiane, liée aux sentiments de l’homme
(respiration/circulation poumon/cœur stimulé par les parties tiges-feuilles), le pôle neuro-
sensoriel psycho-spirituel (la tête, stimulée par les parties racines).
Ici les représentations de la tripartition, affichées dans la cuisine du Sonnenhof, et qui sont à
la base de la conception des recettes et de la constitution des plats/menus :
Ces 2 typologies (enfant à petite tête / enfant à grosse tête) peuvent être complétées par un
regard sur les 4 tempéraments : mélancolique, flegmatique, sanguin, colérique avec leurs
tendances caractéristiques et nuancées en chaque individu qui s’expriment en autre par des
affinités/des besoins plus ou moins marqués par rapport aux 4 saveurs classiques :
Le salé Le sucré L’amer L’acide
- Le mélancolique (schématiquement le + « tête ») a peu de besoin en sel
- Le flegmatique (schématiquement le + « ventre ») a peu de besoin d’amer
- Le sanguin a peu de besoin d’acide
- Le colérique a peu de besoin de sucre
Cet aperçu de l’alimentation dynamique pointe la possibilité pour le cuisinier en
collectivité de monter d’un cran dans son approche d’une alimentation « saine » pour
ses convives. Il peut reconnaître son propre rapport aux aliments et ainsi cuisiner de façon
plus consciente et responsable pour les autres en sachant comment il interagit lui-même à
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