Stage sur l`alimentation Dynamique, Dornach , 10

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Stage sur l’alimentation Dynamique,
Dornach , 10-15 mars 2013
Organisé par la Section d’Agriculture du Goetheanum
Marie Jo Amiand (IPC/ F-Chatou), Susana Asquith (Ecole R.Steiner Genève), Sylvie Audouin
(Structure d’accueil en Biodynamie, CH-Savigny), Odile Bachelin (Ecole R.Steiner,Genève),
Jérôme Bocquet (Assoc. La Branche, Savigny), Christian Boy (Assoc. La Branche, Savigny),
Ina Chesnier (LabelBio, Ecole R.Steiner en région d’Avignon), Gilles Daveau (formateur
indépendant en cuisine alternative, F-Vertou), Rafaella Duret (Ecole Perceval de Chatou),
Natalia Rama (Assoc. La Branche, Savigny), Cornelia Vellut (Nutritherapeute, CH-Gland)
Présentation Générale du stage et de l’anthroposophie - JM Florin
Au début du 20ème siècle, Rudolf Steiner, issu de la Théosophie (approches spirituelles et
ésotériques de la connaissance), propose l’approche anthroposophique pour apporter des
solutions opérationnelles et pratiques dans divers secteurs de la vie humaine : l’agriculture,
la médecine, la pédagogie, etc. Il définit l’anthroposophie comme un moyen de relier le
spirituel dans l’homme avec le spirituel dans l’univers, amenant la personne à prendre
conscience de son humanité : comment, en tant qu’homme, je pense ma vie, je me soigne,
je mange, etc. Steiner a présenté et développé cette approche en répondant à des
questions pratiques, souvent d’ordre professionnel, dans différents domaines de la vie
humaine et sociale.
Conférence d’introduction sur la Biodynamie – JM Florin – 11 mars
La Biodynamie est une approche « contextuelle » de l’agriculture qui vient répondre à des
questions posées par les agriculteurs au début du XXème siècle, alors que se généralisent
des pratiques agronomiques modernes voire industrielles, dont on ne connaît pas encore les
conséquences, mais dont on constate déjà certains effets négatifs. Comment envisager alors
l’agronomie dans ce contexte, notamment pour restaurer les cycles et la continuité entre
plante, animal et sol, ainsi que le lien entre la terre et le cosmos ?
Ces questions ne se posent pas il y a 10000 ans, aux origines de l’agriculture, lorsque
l’homme se sédentarise. L’agriculture s’inscrit dans ces liens verticaux et horizontaux et est
conçue comme un « culte » rendu, où l’être humain, intermédiaire actif et responsable entre
le monde spirituel et la nature, ne se contente plus de prélever (cueilleur chasseur) mais
vient, en semant, se lier à la terre en y amenant des forces de lumière (la graine). Cette
dimension spirituelle perdure au fil des siècles, où l’on continue de prier avant de semer
(jusque 19ème) ou de couper le pain (milieu 20ème). Dans la 2ème moitié du 19ème siècle
l’agriculture est peu à peu envisagée comme une production industrielle et la fin de la 1ère
guerre mondiale marque un tournant lorsque les explosifs sont recyclés en engrais azotés,
initiant l’origine guerrière des démarches d’agro-industrie qui se retrouvera aussi dans les
défoliants/herbicides et la machinerie agricole.
Dans les années 20, R Steiner vient apporter des réponses à 5 types de questions exprimant
des préoccupations formulées par les agriculteurs et chercheurs.
• Quelles conséquences auront les apports d’engrais azotés en terre ?
• Comment régénérer des espèces animales et végétales en perte de vitalité (bétail
sujet aux maladies, plantes moins vivaces…), comment préserver cette vitalité ?
• Comment révéler, observer, mesurer… les forces de vie d’une plante, d’un produit ?
1
•
•
Les forces cosmiques (lune, planètes,…) ont-elles une action ?
Comment améliorer les conditions de vie des populations agricoles ?
Les réponses apportées, notamment sur la question 2, révèlent comment, au 20ème siècle,
on a commencé à appliquer les lois industrielles dans notre relation à la nature par une
segmentation : il s’agit donc en particulier de restaurer la continuité et la boucle (le cycle
sain) entre la plante (apporte la nourriture) > l’animal (apporte la fumure) > le sol > la
plante etc.
L'idée est donc de soigner la terre, les animaux et les hommes, de créer des paysages dans
une recherche d'harmonie à partir des besoins des plantes et des animaux. Ces systèmes
organiques ne produisent pas de déchets et n’ont pas de besoins extérieurs (achats
d’intrants). Ils produisent un excédent (produits alimentaires animaux et végétaux) à chaque
stade qui permet de nourrir les humains sur place (la ferme et ceux qui cultivent) et au delà
(le monde social). L’approche Biodynamique cherche à produire plus afin de
garantir l'autonomie de l’exploitation tout en respectant la cohérence organique de
l'ensemble des processus. Elle aborde l’agriculture et l’élevage à l’inverse des techniques
modernes basées sur la segmentation et la spécialisation, dans lesquelles les techniques
employées considèrent les espèces comme des machines à produire « hors-sol ». Outre les
gaspillages multiples, l’or du paysan (le fumier) est devenu un déchet, qui plus est polluant.
La perte du lien vertical entre cosmos et terre est corollaire d’une totale irresponsabilité,
d’une perte de sens avec une très forte morbidité (taux de suicides notoirement élevé) des
populations agricoles.
La Biodynamie cultive le lien entre ciel et terre, elle va se consacrer à retrouver une
agriculture « intégrée » sur tous les plans, y compris sur le plan social, avec une réflexion sur
des pratiques coopératives, afin de ne pas s’aliéner au travail agricole, si exigeant et
contraignant
avec
son
rythme
de
travail
365/365
jours.
Les pratiques
agronomiques biodynamiques
vont
au-delà
des
pratiques
de
l'agriculture
biologique. Elles sont quasiment d’ordre thérapeutique et visent à redonner de la vitalité
(« des forces de vie »), à la terre, aux plantes et aux animaux. On pratique ainsi des
rotations de culture (avec notamment une phase «légumineuses» pour apporter de l’azote
au sol), des assolements qui répartissent les différents types d’espèces (avec besoins et
impacts différents), l’utilisation de compost (fumier) pour renforcer la vie du sol
(particulièrement riche en vers de terre). Le lien terre-ciel est favorisé avec la bouse de corne
qui stimule l’enracinement, et la silice de corne qui optimise l’utilisation de la lumière par les
plantes. Les ambiances qui sont favorables à la résistance naturelle des plantes sont
améliorées par les tisanes de prêle des champs ou d’orties (pulvérisations). Il s’agit de
stimuler la plante pour qu’elle assimile mieux les éléments du sol : l’azote pour sa
croissance, le phosphate et la potasse pour sa fructification : ces éléments sont rendus plus
disponibles par la vie du sol. L’approche est totalement renversée par rapport à l’agriculture
conventionnelle. Au-delà du fumier qu’il apporte, l’animal par sa présence et son « astralité »
participe d’une ambiance favorable aux plantes : il n’y a pas de plantes sans vie animale. Le
lien indéfectible entre les espèces et les terroirs est également observé. On utilise 6 types de
plantes médicinales en préparation selon les observations du sol, afin de le soigner :
l’achillée, le pissenlit, la camomille, l’ortie, l’écorce de chêne et la valériane.
… une première approche à poursuivre.
En résumé, cette approche agronomique organique favorise les liens horizontaux et
verticaux, et stimule la vie à tous les niveaux : ceux qui découvrent la biodynamie le
perçoivent-ils dans les produits ?... notamment par l’aspect, le goût, l’analyse de son
ressenti, ou bien par ce que révèle la méthode des cristallisations sensibles ?
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2 cours sur l’alimentation dynamique – Joël Acremant – 12/13 mars
Joël Acremant se définit comme « chercheur » en alimentation saine et dynamique.
Enseignant de l’école de Chatou aujourd’hui en retraite, il y a également été pendant 12
années le cuisinier.
1ère partie
Joël Acremant introduit son approche en analysant les visions réductrices de l’alimentation, y
compris dans les approches de l’alimentation saine, et ce afin d’éclairer certains propos de R
Steiner ou d’autres chercheurs en alimentation dynamique (Gerhard Schmidt, BircherBenner…).
Les approches classiques de l’alimentation peuvent le plus souvent être rattachées à une
vision limitée de l’homme. L’homme a peur de l’humanité dans l’homme, de sa grandeur, de
sa spiritualité, de sa liberté. Il est plus facile de l’approcher en le simplifiant, voire en le
rabaissant. A l’inverse on donne aussi à voir des modèles de « surhomme » souvent
considérés comme inaccessibles.
On voit en général 3 simplifications classiques :
•
•
•
L’homme machine : horloge, chaudière, usine, disque dur…
L’homme animal : réduit à ses sensations et ses désirs/plaisirs
L’homme plante : dont on peut stimuler la croissance, la vitalité
Dans toutes ces approches et particulièrement dans celle de l’homme machine, c’est la
logique de la gestion et de la comptabilité dans la relation avec la terre qui prime. L’homme
est un ensemble de fonctions, avec entrées et sorties, à qui on fournit dans une logique
standardisée et quantitative des calories, des nutriments (glucides, protides, lipides, fibres,
micro-nutriments…). Les mots clés de cette gestion sont : la quantité, la matière, l’économie,
le rendement, la dépense (physique…). Et il est corollaire de représentations ou dominent la
peur et le manque.
Mais ce modèle se fissure de plus en plus en plus car des constats simples s’imposent : la
« machine » humaine marche toujours et parfois même mieux si l’on diminue les apports, de
même qu’elle dysfonctionne souvent quand on les surmultiplie (repas très chargés…).
Les approches de l’alimentation « saine », quant à elles, ont pour mot clés « la qualité »
selon des critères classés ici par ordre d’importance décroissante :
• Aliments vivants – frais
• Aliments purs
• Aliments non dénaturés … par leur mode de production, de préparation, etc.
Mais ces approches connaissent aussi leur dérives, avec notamment une forme de
« matérialisme bio » et des tendances au fanatisme, mais aussi avec des formes dénaturées
ou perverties du bio (produits bio raffinés, etc…). Plus généralement, on peut voir les
pensées réductrices sur l’homme continuer à « alimenter » les approches de l’alimentation
saine : l’homme machine/animal ou plante, qu’on remplit de composants, de sensations, de
stimulants « bio ».
Contrairement à cette vision de l’homme « diminué », et donc « désengagé », l’alimentation
anthroposophique ou dynamique s’appuie sur la connaissance de la nature humaine et
envisage l’idée de l’homme qui se construit dans sa globalité, et pour qui l’important est
« d’être librement en chemin ». Cette approche place l’homme au cœur d’un processus.
Ce processus peut se symboliser par 3 cercles ou sphères considérés comme distincts mais
qui vont peu à peu communiquer. C’est un point de vue qui concerne tout particulièrement le
cuisinier (moi) dans son travail de préparation (l’aliment) pour nourrir l’autre (toi) dans une
continuité « organique ». Grace à l’alimentation dynamique je valorise, j’agrandis l’aliment et
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ma relation à l’aliment (et à l’autre): l’aliment n’est plus considéré comme un simple
carburant. L’alimentation saine, dynamique stimule la vie de l’âme.
L’ALIMENT
TOI
MOI
On passe du quantitatif au qualitatif : ce n’est pas la matière qui vitalise le corps, c’est
l’activité que nous déployons pour se l’approprier qui le dynamise. S’alimenter veut dire
travailler avec les forces en devenir, afin de permettre à l’organisme de se fortifier, de pouvoir
rebondir.
Ainsi selon la citation de Bircher : « l’aliment est un tourbillon de lumière solaire
condensée ». Ou comme le dit Rudolf Steiner : « L’alimentation est d’avantage « activité »
que substance. L’alimentation n’est pas du monde du matérialisme mais du dynamisme. »
2ème partie
Joël Acremant revient d’abord sur les 3 simplifications, l’homme/machine, l’homme/animal,
l’homme/plante, qui ont en commun l’approche purement quantitative : quantité de matière,
quantité de plaisir, quantité de vitalité. Comme pour l’approche homme/plante qui se
caricature jusqu’à des formes de vitalisme/naturisme, les 2 autres approches encouragent
(exacerbent) les instincts naturels, l’individualisme (l’égoïsme) et des formes d’animalité.
L’aliment est conçu comme un puzzle, un ensemble mécanique de substances, ce que l’on
retrouve dans la notion d’aliment « complémenté », qui néglige la notion d’aliment vivant où
les substances sont en synergie.
En tant qu’humain, on goûte le monde par tous les sens. La spécificité de l’alimentation est
qu’avec la nourriture, ce sont des parties du monde qui pénètrent dans notre corps, et que
celui-ci va devoir les transformer en les digérant. Un proverbe arabe dit « l’homme, en
mangeant, tombe malade, mais il se guérit en digérant ». Le premier profit de l’alimentation
est donc l’activation générée par le fait de devoir digérer, transformer l’aliment : c’est une
obligation de passer à l’action. Ce n’est pas l’aliment que je mange qui m’apporte de
l’énergie, c’est l’énergie que je déploie pour le transformer qui me stimule. Penser
l’aliment en tant « qu’activité » plutôt que substance est la base de l’alimentation dynamique.
On va pouvoir choisir en particulier des aliments vivants qui « rebondissent », c’est-à-dire
qui, en plus de l’activité qu’ils mobilisent pour les transformer, apportent un plus en
stimulation. Ce n’est pas le chou, la céréale, le navet que je mange qui m’apportent de
l’énergie, c’est l’énergie nécessaire pour s’approprier la dynamique vivante de ces aliments
qui me stimule.
Par un schéma de silhouette corporelle, Joël montre que c’est tantôt la tête, en tant que pôle
neuro sensoriel ou psycho-spirituel, tantôt le corps et plus particulièrement le métabolisme
qui sont activés au cours de la journée. Avant le repas, à jeun, l’activité peut être plutôt au
niveau de la tête. A la suite du repas c’est le pôle métabolisme qui est sollicité, engagé. Ainsi
on peut interpréter la faim, non pas comme le signe que « les batteries sont vides », mais
comme un appel intérieur comme si la tête, le pôle psycho-spirituel, dissocié ou divorcé du
corps, avait besoin de recréer un lien avec ce dernier.
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De façon similaire, dans un processus d’un jeune prolongé, on peut constater que la faim
s’atténue au bout de quelques jours, en même temps que s’expérimente une forme de
légèreté liée à une autre relation/attention entre les deux pôles: tête et corps.
Cette polarité renvoie en particulier à 2 tendances, 2 types d’individus et singulièrement
d’enfants :
- le type « terrestre » hyper concentré, sérieux, à petite tête…l’enfant racine, (pauvre en
souffre) qui aura besoin de s’alléger, attiré par le sucre
.
- le type « cosmique », à grosse tête, rêveur, etc … l’enfant fruit (riche en souffre) qui aura
besoin de peser, de s’enraciner, attiré par le sel.
Ces 2 typologies (ici très schématisés pour simplifier) sont mis en regard de la nature
humaine et sa « tripartition inversée » par rapport à la plante, soulignée par l’alimentation
dynamique. Les 3 parties de la plantes, racine / tige-feuille / fleur-fruit, viennent nourrir les
différents pôles de l’être humain : le pôle volontaire ou métabolisme (stimulé par les parties
fleur/fruit), le système rythmique ou partie médiane, liée aux sentiments de l’homme
(respiration/circulation poumon/cœur stimulé par les parties tiges-feuilles), le pôle neurosensoriel psycho-spirituel (la tête, stimulée par les parties racines).
Ici les représentations de la tripartition, affichées dans la cuisine du Sonnenhof, et qui sont à
la base de la conception des recettes et de la constitution des plats/menus :
Ces 2 typologies (enfant à petite tête / enfant à grosse tête) peuvent être complétées par un
regard sur les 4 tempéraments : mélancolique, flegmatique, sanguin, colérique avec leurs
tendances caractéristiques et nuancées en chaque individu qui s’expriment en autre par des
affinités/des besoins plus ou moins marqués par rapport aux 4 saveurs classiques :
Le salé Le sucré L’amer L’acide
- Le mélancolique (schématiquement le + « tête ») a peu de besoin en sel
- Le flegmatique (schématiquement le + « ventre ») a peu de besoin d’amer
- Le sanguin a peu de besoin d’acide
- Le colérique a peu de besoin de sucre
Cet aperçu de l’alimentation dynamique pointe la possibilité pour le cuisinier en
collectivité de monter d’un cran dans son approche d’une alimentation « saine » pour
ses convives. Il peut reconnaître son propre rapport aux aliments et ainsi cuisiner de façon
plus consciente et responsable pour les autres en sachant comment il interagit lui-même à
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travers ses goûts : c’est la continuité entre toi, moi et l’aliment. Il peut affiner son regard sur
les besoins différents des mangeurs et comment satisfaire alternativement, ou par de petites
adaptations, les différents types de convives (tempérament, classe d’âge, types d’activité,
etc.) dans différents types de contextes.
(C’est en particulier ce que nous avons observé dans les structures thérapeutiques
(cliniques, centre de pédagogie curative) dans lesquelles nous avons travaillé cette
semaine).
Joël évoque enfin la typologie des aliments dans leur plus ou moins grande proximité avec
l’homme :
Homme
Cochon
Cheval
Vache
Mouton chêvre
Volaille
Poisson
Crustacés
Œufs
Lait - Miel
Soja
Légumineuses
Oléagineux
Céréales
Légumes (cuits)
Herbes
Fruits
Feuille verte
Cette répartition permet de comprendre comment la dynamisation sera la plus forte lorsqu’il
s’agit de transformer ce qui est le plus « loin » (le moins pré-organisé) de l’homme. Est-ce
que je propose ou mange le + « dynamisant » ou le plus facile à transformer…suis-je
également en mesure d’avoir des aliments très dynamiques par rapport à qui je suis, ce que
je fais, etc…
Joël conclue sur le fait que ces regards sur l’alimentation constituent aussi pour le cuisinier,
en tant que transformateur des aliments reçus, le défi d’essayer d’être à la hauteur, d’être en
cohérence avec la qualité de la production agricole biodynamique (et biologique), avec le
soin qu’elle cherche à apporter à la terre et à l’homme.
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Conférence sur l’alimentation et la santé – Michael Kastner
Michael Kaessner, spécialiste de l’alimentation, intervient notamment pour la restauration
collective, notamment pour l’adaptation de l’offre aux différentes classes d’âge.
1ère partie : alimentation et santé, quelques concepts et réflexions pratiques
Dans cette première partie la réflexion porte sur la relation entre ces notions d’alimentation et
de santé. Chacun a ses propres croyances et attentes en ce domaine. Qu’attend-on d’un
repas de midi ? D’être rempli ? D’être guéri ? D’être vivifié ? Pourtant on est souvent fatigué
après un « bon » repas. On fait donc un premier constat : La digestion demande des forces
avant d’en donner et l’on est parfois trop fatigué, au point de ne plus être en capacité de
manger. Ceci est de plus en plus fréquent chez des enfants comme chez des adultes.
Il y a en allemand plusieurs mots pour qualifier les aliments :
- « Nahrungsmittel» l’aliment comme moyen de se nourrir : celui qui fortifie et nourrit, pas
forcément pourvoyeur de plaisir (ex bouillie). Il laisse nos organes des sens au repos et agit
surtout sur le métabolisme, nous apporte des forces; on veut en tirer des substances.
- « Genussmittel» l’aliment comme moyen de se faire plaisir (pratiquement
« gourmandise »), y compris par la tête (l’idée gourmande que l’on s’en fait). Il stimule
essentiellement notre système neuro-sensoriel et on peut se demander si il faut le considérer
sous l’angle de l’apport nutritionnel.
- et puis « Lebensmittel » l’aliment « moyen de vie », traduisible par « les vivres », qui
exprime la priorité de vivre et renvoie au système rythmique, dont la respiration. Il stimule
essentiellement notre vitalité. On peut le concevoir comme intermédiaire aux 2 premiers
types (ce qui renvoie à la tripartition dans la plante, et en l’homme).
On peut ajouter 2 autres concepts que l’on peut placer sur le même axe
- « Heilmittel » le moyen de santé ou remède dans le sens d’un aliment naturel préparé
(phytothérapie/homéopathie) et – « Gift » le poison (dont un exemple est constitué
classiquement par les champignons). C’est toujours la dose qui fait le poison, et un certain
nombre de nutriments (glucides, graisses…) ou d’outils culinaires (herbes aromatiques,
épices, substances torréfiées) peuvent devenir « poisons » selon leur préparation et
utilisation.
Un autre concept est important dans l’alimentation : la préparation du repas, le travail du
cuisinier ou de la transformation (ex : extraction d’une huile, cuisson d’un aliment…) de la
même manière qu’un remède est un produit de la nature qui est préparé. Dans la préparation
de chaque aliment, on peut arriver au point de toxicité, de dénaturation au point qu’il ne soit
plus « aliment ».
On peut constater que l’être humain met de lui-même dans l’aliment qu’il prépare. Ainsi, le
grain de blé dont on a chassé les forces de vie en le détruisant pour faire de la farine,
reprend une forme dans un nouvel aliment – le pain – dans lequel on crée de nouveaux
espaces (espaces de la mie, idem dans la chantilly, la crème qui prend forme quand on la
fouette).
« Ce n’est pas le pain qui nous nourrit, mais ce qui nous nourrit dans le pain, c’est le Verbe
éternel de Dieu (=Nahrungsmittel), c’est la Vie (=Lebensmittel), c’est l’esprit
(=Genussmittel).»
Ainsi l’art de la cuisine c’est de mettre un processus en marche et de l’arrêter au bon
moment (aussi en fonction du type de mangeur).
De la même manière dans l’organisme humain malade, il s’agit d’un processus normal qui
est allé trop loin. Normalement on aurait dû se réveiller pour lutter contre.
Dans ce cas, pour renverser le processus, on aura besoin en priorité d’aliments qui
nourrissent (nourrit la vie). Puis quand on a reconstitué nos forces, on retourne vers ce qui
fait plaisir (nourrit l’âme). L’art de l’alimentation dans sa relation à la santé, est donc de
mettre en lien les forces de Vie et les forces de l’Âme : trouver le bon rythme.
Rudolf Steiner : « Verdauung ist ein Vorgang der sich in das Rythmische hineinbegibt » « La
digestion est un processus qui va /vit dans ce qui est rythmique »
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De façon caractéristique les forces de vie sont surtout présentes dans le végétal, et les
forces de l’âme, les forces psychiques, dans l’animal. Mais le cuisinier en tant qu’être humain
apporte lui aussi des forces de l’âme, des forces psychiques par son travail, par toutes les
préparations et le soin qu’il va prendre des aliments. Le végétal se trouve ainsi modifié et
enrichi, ce qui peut permettre éventuellement de se passer d’aliments animaux. Cependant
dans une alimentation saine on ne peut se passer du végétal, s’agissant du seul règne qui
peut, « en le soulevant », amener le minéral dans le domaine de la vie.
L’être humain est un être de chaleur, et d’ailleurs le seul être qui utilise la chaleur pour
préparer et transformer sa nourriture. Par la préparation de l’aliment, (ex. en le coupant, en
le râpant, en le mélangeant ou l’émulsionnant) on lui apporte de l’âme, la chaleur de l’âme.
Le cuisinier peut ainsi penser son travail : depuis la conception du menu, le choix des
aliments, la préparation, la façon de dresser et servir… j’apporte de la chaleur. Et l’art
de la cuisine est assimilable à un « art de la chaleur » qui commence déjà avec la chaleur de
l’être qui cuisine ce qui suppose aussi de choisir quel type de chaleur on apporte : dans la
conception initiale, mais aussi dans la question « Pour QUI je prépare ce repas ? » Quel
âge, quelle constitution et pour quel moment ou circonstance. En effet l’alimentation ne peut
être bonne que si elle permet d’apporter à la personne ce dont elle a besoin, au moment où
elle en a besoin. Par exemple trop manger le soir risquant de perturber le sommeil, celui-ci
gagnant à être un temps de « jeune » plutôt que de digestion (d’où le terme « breakfast,
briser le jeune pour le petit-déjeuner).
Cette réflexion sur ce qui vient après le repas est central dans l’alimentation
dynamique : qu’est-ce que je veux au fond ? Que veux-je faire de ma journée suite au repas
sachant que quand je mange, cela stimule mes forces de vie ? Elle vient contredire la vision
d’une alimentation qui consiste à croire que l’on va prendre dans l’aliment, dans la nature,
pour se remplir de ce qui nous manque. Dans cette croyance que l’être humain devient ce
qu’il mange, Rudolf Steiner voit l’apogée de l’ère du matérialisme. On ne devient pas ce
qu’on mange. On peut toutefois penser que cette approche qui consiste à penser que l’on
prend un aliment, une substance pour ce qu’il nous apporte (vitamine C, calcium, caféine,
etc.), est peut-être plus valable au niveau des aliments « plaisir ». Quand je bois du café, je
deviens un peu du café. Mais un aliment qui nous nourrit (Nahrungsmittel) devrait nous
laisser justement libre.
Là aussi, rappelons-nous de ce proverbe : « on devient malade en mangeant et guérit en
digérant. »
Cette réflexion peut s’élargir à la problématique des allergies. Des aliments qu’on a
consommés depuis des millénaires deviennent causes d’allergies : un peu de cette
substance, le lait par exemple, suscite une réaction. La 1 ère réaction est de bannir l’aliment,
puis se pose la question : suis-je devenu si faible que je ne peux plus le supporter ?
Il y a peut-être déjà un problème avec ce que sont devenus ces aliments. Ainsi la méthode
des cristallisations sensibles fait apparaître une nette perte de structure entre le lait de
vaches avec puis sans cornes.
Pourquoi ce sont justement les enfants qui présentent de plus en plus d’allergies par rapport
aux aliments de BASE (blé, lait, œufs, fruits à coques etc.)? N’est-ce pas que cette nourriture
hyper sensibilisée ou dénaturée qui ne contient plus de vie, ou autrement dit, plus de forces
formatrices provoque un rejet chez l’enfant qui aurait, au contraire, un si grand besoin en
forces vitales pour se construire, se structurer. Une manière de nous signaler la médiocrité
de ces aliments pervertis ? Une réaction de protection pour ne pas se faire empoisonner ?
On peut faire un parallèle avec la dérive entre semences anciennes et semences hybrides,
mais peut être aussi sur un autre glissement de confusion celui entre aliment nourriture et
aliment plaisir.
Sur un autre plan, la volonté de faire manger des légumes aux enfants se heurte à leur refus
« parce que c’est pas bon », tandis qu’ils sont très attirés par des « formes » d’aliments qui
n’existent pas dans la nature (ex les nouilles, faites par les hommes). Ils recherchent
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probablement la valeur ajoutée par rapport à l’état naturel. Cela semble aussi correspondre à
un besoin constant de force d’âme car fortement sollicités par une société qui demande de
se positionner, de prendre des décisions, de faire des choix. Ce tiraillement constant entre
sympathie et antipathie entraine un besoin renforcé en forces psychiques ou force d’âme et
dans le domaine de l’alimentation les enfants trouvent ces forces dans les formes faites par
l’être humain Par la créativité culinaire, la fantaisie et l’imagination, on peut pratiquement tout
leur faire aimer, et c’est peut-être cette valeur ajoutée dont ils ont d’abord besoin. Voilà des
considérations particulièrement enrichissantes contrairement à cette affirmation dépourvue
de toute fantaisie et de toute profondeur : « l’homme devient ce qu’il mange ».
2ème partie : Alimentation et Education
Comment peut-on organiser l’alimentation pour rendre la pédagogie, l’éducation,
possible ? Cette question est à la base de la réflexion proposée ici sur les 3 septaines 07/7-14/14-21, la question étant à chaque fois « de quoi l’enfant, le jeune a-t-il besoin
maintenant ? Que doit-il développer (au sens concret, lié au corporel et au sens large) ? »
1ère phase
L’enfant vient à la vie et de 0 à 6 mois, il a surtout besoin du lait maternel autant que
possible.
Ensuite et jusqu’à 7 ans, tout semble aujourd’hui possible mais l’enfant n’exprime pas ses
besoins : il dira-répètera ce qu’il a vu chez les autres. Il se perçoit plus grand que son corps
physique, il veut grandir. Il est encore en très forte relation avec toutes les forces de vie de
son environnement, il n’en a donc pas tant besoin que ça dans son alimentation, celle-ci
pouvant rester très simple. Les forces de vie inhérentes à l’aliment ne sont pas négligeable
mais il importe surtout qu’elles aient été transformées, préparées: exemple de la bouillie, à
partir de grain écrasé puis préparée en la remuant. Le petit enfant a alors plus besoin de
forces formatrices que de forces de vie afin de pouvoir croitre et grandir harmonieusement,
de marcher, de parler. L’essentiel sera donc de lui donner de la nourriture vraie, préparée par
l’adulte, c’est-à-dire rendue accessible, digérable. Mais, en parallèle, il faudrait aussi laisser
certains aliments à l’état brut, des bâtons de carottes par exemple ou d’autres légumes et
fruits crus pour que le petit enfant puisse s’exercer, s’entrainer.
Les forces qui ont créé les formes agissent jusqu’à 7 ans, âge auquel l’enfant devient alors
capable de former ses propres dents : il est donc capable de détruire lui-même les aliments.
Ce processus se poursuit grâce aux « meules », les molaires, qui sont constituées à 9 ans.
Dans la période de 0 à 7 ans, l’enfant n’a donc pas tant besoin d’une grande diversité
d’aliments, mais il s’agit plutôt de phases préparatoires : il apprend à saliver, il prépare ses
molaires même si une partie des aliments ressort telle quelle. Il apprend également à
fabriquer lui-même son propre sucre à partir des hydrates de carbones (céréales,
légumes…). Cette phase importante marque la différence entre « je reçois du sucre » et « je
fabrique mon sucre » (c’est une différence comparable à « j’écoute la musique d’un CD » ou
« je fais de la musique »). C’est une étape-clé de la construction du moi : le sucre a
tendance à cristalliser et seul le Moi peut l’en empêcher. A l’excès on peut d’une certaine
façon « sur-mobiliser » le Moi en donnant trop de sucre et ainsi favoriser une tendance à
l’égoïsme. D’où l’importance de préférer les hydrates de carbones (glucides lents).
L’enfant apprend à s’exercer (dans sa globalité) notamment avec son corps. R Steiner
indique que « seul un corps sain permet une pensée saine ».
De 0 à 7 ans l’enfant apprend à s’exercer au niveau du corps, ce qu’il doit ensuite faire au
niveau de l’âme quand viendront les années d’apprentissage à l’école pendant les deuxième
et troisième septaines. Beaucoup d’enfants aujourd’hui ne veulent plus exercer mais tout
savoir, et surtout savoir tout de suite …
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Si on résume les besoins du jeune enfant de 0 à 7 ans, il faut donc une petite variété
d’ingrédients de très bonne qualité :
- 2 à 3 sortes de céréales suffisent
- environ 5 sortes de légumes réguliers, ce qui peut s’élargir peu à peu jusqu’à 7 ans
(exercice)
- 5 sortes de fruits, idem.
- du lait et des produits laitiers
- éventuellement des fines herbes domestiques/locales mais pas d’épices
Préférer des repas simples, une forme de stabilité, sans cultiver la diversité pour la diversité
avec tous types d’aliments. Quand un enfant rejette un aliment (souvent suite à une
mauvaise expérience) il faut déjà l’accepter et observer à quel moment et dans quelles
conditions il ne l’aime pas (différence quelquefois entre maison et cantine).
On peut par contre contribuer au besoin de « formation » en cultivant l‘imagination par les
présentations, …
Pour la question des protéines : tant que l’enfant a du lait (ou 2 produits laitiers) et
éventuellement des fruits secs, il n’a pas besoin absolument à ces âges de : viande, poisson,
œufs, légumineuses. Il peut en prendre mais ça ne relève pas du besoin. Par contre il a
besoin du sens de la valeur de la vie animale, dans une consommation ritualisée et non
banalisée.
Dans la vie animale, les nutriments végétaux ont déjà été dynamisés, la viande constitue
donc un aliment « facile ». L’excès en ce sens va développer une tendance à la facilité chez
l’enfant qui ne mobilise pas sa propre capacité à dynamiser les aliments. On observe des
apports de 3 à 4 fois trop importants en protéines animales pour les enfants aujourd’hui. La
quantité journalière, préconisée comme suffisante par R. Steiner et certains scientifiques de
nos jours serait de 30g/personne/jour (pour un adulte).
2ème phase :
De 7 à 14 ans l’enfant découvre le monde, à l’école le professeur lui en parle. Il découvre
notamment toute la diversité des cultures alimentaires et la diversité des espèces qui y
contribuent. La découverte des épices, en racines ou graines, avec leurs propriétés
gustatives, médicinales, bactéricides, mais aussi psychotropes, peut être découverte à petite
dose.
- Le régime va pouvoir s’enrichir par la découverte de la diversité des graines et des autres
familles végétales. Et les légumineuses sont d’avantage indiquées.
- L’œuf, qui symbolise le début d’un nouvel animal, est recherché. C’est l’occasion de
sensibiliser l’enfant à la noblesse des animaux et à la question de la responsabilité de
l’homme face aux animaux. Pour qu’une poule puisse donner un œuf on doit prendre bien
soin d’elle. Se pose aussi concrètement la question de la vie et de la mort, une question
profonde que l’enfant porte fortement en lui vers l’âge de 9/10 ans.
3ème phase :
L’éducation de l’organisme par l’alimentation peut se faire jusqu’à 14 ans environ, après le
jeune peut « partir dans le monde » et faire ses propres expériences, en confiance, et
d’autant plus si son corps a été bien fortifié par une bonne alimentation les années
précédentes.
Avec la puberté débute une autre phase : la vie de l’âme devient autonome, le jeune veut
aller à la rencontre du monde de l’âme, expérimenter son monde psychique et vivre ses
sentiments dans sa relation aux autres humains (sympathie/antipathie) mais aussi à travers
l’alimentation. Dans ce contexte, la rencontre avec la viande peut être opportune.
Mais des relations fortes avec des animaux vivants auront d’avantage d’impact: il restera
toujours plus difficile, plus exigeant et plus formateur de monter un cheval que de le manger.
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Le contexte du stage : Le Goetheanum et son environnement
Le programme du stage a également permis de découvrir des lieux historiques de
l’Anthroposophie, le Goetheanum dans son environnement, avec un regard qui complète les
questions soulevées sur l’alimentation.
Le Goetheanum dans son environnement :
JM Florin nous présente l’histoire du bâtiment conçu dans les années 20 suite à l’incendie du
premier Goetheanum, entièrement construit en bois. Le siège actuel de la section
internationale d’Agriculture et de la recherche, dans lequel nous avons suivi les conférences,
reste le seul vestige du style architectural de ce premier bâtiment détruit, conforme au style
« art nouveau » du début XXème. En effet R Steiner a mis en œuvre ses idées
architecturales en phase avec les courants contemporains : art nouveau, art déco, boisbéton. Il n’y a pas de systématique, pas de dogmatisme sous forme d’un idéal architectural,
mais on peut voir une recherche constante d’être architecturalement dans son époque Le
second et actuel Goetheanum, conçu en 1923/24 et achevé 1929, est réalisé
essentiellement en béton avec des expressions proches de l’art déco (structures
trapézoïdales, ouvertures…) dans une recherche de formes organiques. En tant
qu’observateur on est mis en mouvement intérieurement, les formes fluides n’arrêtent pas
notre regard mais nous invitent au contraire à co-créer, à compléter les formes.
Le bâtiment actuel avec ses formes uniques a été pensé aussi en fonction de son intégration
panoramique comme un écho des reliefs et styles géologiques du massif du Jura.
Les chemins autour du bâtiment permettent de découvrir des changements permanents et
renversements de perspectives (angles/arrondis, proche/loin,…). Certains lieux sont
propices au retour sur soi ou au contraire préparent à la rencontre. Une rencontre qui se veut
progressive, sans accès direct, un chemin méditatif pour s’approprier petit à petit le bâtiment.
Parcs et jardins ne sont pas clôturés mais ouverts au public, selon les saisons les vaches y
sont présentes pour brouter autour. C’est un lieu de rencontre, plein de vie qui s’inscrit dans
un équilibre harmonieux entre nature sauvage et espaces cultivés, construits, humanisés.
La découverte de l’implantation dans l’environnement est une première approche de
l’architecture « organique », interpellant le visiteur par la dynamique générée dans sa
conscience autour du bâtiment.
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Une approche de l’architecture « organique » et de l’intérieur du
Goetheanum :
Notre guide, Denis Ruff, architecte, enseignant d’art (Waldorf et école publique) et spécialiste
d’architecture sacrée, envisage immédiatement la question de la « laideur » du bâtiment.
Rappelant les réactions suscitées par le premier tableau cubiste de Picasso, interpellant le
spectateur sur sa notion du beau, il fait le parallèle avec l’architecture unique proposée par
Steiner.
Celle-ci est basée sur les impulsions et mouvements de conscience expérimentés par le
visiteur immergé dans les différents étages, ambiances, couleurs et formes du bâtiment. A
l’ambiance un peu lourde et massive, voire oppressante, de la salle « des pas perdus » au
rez de chaussée, avec son rouge profond, succède un sentiment très fort d’élévation et de
respiration à l’étage, en pleine lumière, puis plus haut, c’est l’inattendu/la surprise qui
surviennent au moment de découvrir, dans une posture inconfortable en mi étage un
immense vitrail au symbolisme mystérieux… avant de pénétrer dans la grande salle de
spectacle. Entre symboles gravés en creux ou relief sur les lourdes arches de béton,
l’immersion dans les couleurs projetés par les vitraux produit l’effet d’un bain au cœur de
l’être.
Dans toutes les parties du bâtiment, on est pris par une respiration, un mouvement
ininterrompu entre intérieur et extérieur, avec l’impression de renversements, de
retournements constants. Là encore, on est saisi par l’hermétisme des symboles : rien n’est
donné tel quel, il faut le faire sien, se l’approprier.
La visite rapide s’achève par la découverte du Groupe, sculpté par Rudolf Steiner à la fin de
sa vie. On y retrouve le représentant de l’humanité, placé entre les forces les plus
désincarnées et celles qui attirent vers la plus forte matérialité les maintient à leur juste
place : ceci peut se retraduire par un équilibre juste entre ancrage et inspiration. Là aussi,
Denis attire notre attention sur des aspects surprenants, une représentation inhabituelle, qui
suscite une mise en mouvement intérieure chez le spectateur.
Les jardins et le maraîchage biodynamique au Goetheanum
Lors d’une courte visite des jardins et serres du Goetheanum, Benno Otter, jardinier chef
depuis 20 ans sur le site nous donne à ressentir très concrètement certains aspects de la
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Biodynamie présentés la veille par Jean Michel Florin, notamment par une dégustation de
carottes à l’aveugle. Chacun est invité à se mettre à l’écoute, à s’éveiller dans ses sens
(toucher, odorat, goût) et de partager son expérience individuelle avec le groupe.
Benno illustre les différents aspects du travail qui prennent en compte le rôle de la plante, sa
capacité de capter de la lumière dans le sol, renforcée par la culture suivant le rythme des
astres et par l’apport des préparations homéopathiques qu’on intègre au compost ou
directement à la terre. Le fumier y joue un rôle particulier (il apporte la qualité de prédigestion
de la force des plantes par la vache).
On est surpris de goûter une carotte à peine déterrée et non lavée : quelle remise en
question de nos représentations sur la nature du sol, le propre/le sale, l’hygiène… le rôle des
vers de terre.
Benno nous explique ensuite le fonctionnement du potager, les assolements et rotations de
cultures mais aussi le rôle social qu’il joue comme un parc de détente, un lieu de
promenade, y compris le jardin des plantes médicinales pour la population du quartier, ainsi
que des occasions d’échanges avec la vente des produits du lieu pour ceux qui y habitent.
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