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conscience minimale chronique, la propension à stopper les traitements s'avérait nettement moindre, puisque
les chiffres étaient alors respectivement de 38 et 29%.
Une tendance générale se dégage donc : la réticence beaucoup plus affirmée à laisser « partir » le patient si
on le juge capable de percevoir la douleur. Pourquoi cette vague de fond ? On en est encore au stade des
conjectures. Une hypothèse serait que la perception de la douleur soit assimilée à un signe plus général de
conscience de l'environnement.
Une double influence
En analysant plus avant les réponses de l'échantillon, Athena Demertzi souligne que la profession et le fait
d'être croyant (sans nécessairement être pratiquant) influent sur les opinions des participants à l'enquête.
Ainsi, les non-croyants se révèlent sensiblement plus favorables à l'arrêt des traitements que les croyants,
que le patient soit ou non censé ressentir la douleur physique. En effet, pour l'état végétatif, 69% des non-
croyants estiment opportun d'arrêter la nutrition et l'hydratation artificielles quand ils pensent que le patient
peut éprouver de la douleur et 86% quand ils pensent le contraire, alors que les chiffres sont respectivement
de 52% et 71% chez les croyants. Pour l'état de conscience minimale, les pourcentages sont plus faibles, mais
la différence subsiste. 38% des non-croyants sont en faveur de l'arrêt des traitements si le patient ressent la
douleur, contre 22% des croyants. Si le patient est jugé à l'abri des perceptions nociceptives, les chiffres sont
respectivement de 40 et 33%.
D'autre part, que ce soit face à l'état végétatif chronique ou à l'état de conscience minimale chronique, les
membres du secteur paramédical sont plus enclins à prôner l'arrêt des traitements chez les patients censés
connaître la douleur que ne le sont les médecins (64% et 33% contre 56% et 27%). « Devant ce constat,
il existe plusieurs hypothèses explicatives, telles la nature de la formation reçue et la sensibilité, dit Athena
Demertzi. Le fait que le personnel paramédical est plus proche des patients, passe plus de temps à son chevet,
semble néanmoins jouer un rôle majeur. » La profession n'a en revanche pratiquement aucun effet sur les
décisions ayant trait à la fin de vie des patients que l'on suppose préservés de la douleur.
Modèle biopsychosocial
Globalement, les résultats de l'enquête mettent en exergue que les décisions de fin de vie relatives aux patients
en état de conscience altéré s'enracinent fréquemment dans des sables mouvants, puisqu'elles peuvent être
dictées, du moins en partie, par des convictions religieuses ou l'éducation que les praticiens ont reçue. « Notre
souhait est que ces décisions se fondent davantage sur des évidences médicales », indique Steven Laureys.
Pour contribuer à la réalisation de cet objectif, une meilleure information du personnel soignant s'impose quant
à la distinction entre les états végétatif/syndrome d'éveil non-répondant et de conscience minimale. Eu égard
au poids conféré par les professionnels de la santé à la notion de douleur dans les opinions concernant la fin
de vie, il paraît indispensable d'affiner les diagnostics portant sur le ressenti des patients au niveau nociceptif.
Une échelle comme la Nociception Coma Scale-Revised y contribue. L'IRMf au repos est appelée à le faire
aussi. D'où des travaux entrepris actuellement par Athena Demertzi au sein du Coma Science Group, qui
montrent une corrélation entre la Nociception Coma Scale-Revised et l'activité du réseau de la douleur chez
le patient au repos (absence de stimulus externe).
« Toutefois, dans les domaines de la douleur et de la conscience, il faut faire le deuil d'une approche
dichotomique chez les patients cérébrolésés et convenir que nous sommes face à un spectre caractérisé