préparation à l`arrêt du tabac : 5 étapes

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PRÉPARATION À L’ARRÊT DU TABAC :
5 ÉTAPES
par Patrick Dupont,
Médecin généraliste, tabacologue
Hôpital Chenevier Créteil
Objectif : Préparer un patient à arrêter de fumer. Le médecin peut aider son patient à arrêter de
fumer en informant et en dialoguant avec lui avant même qu'il n'ait pris une décision.
Aider le fumeur fait partie des activités de prévention du médecin généraliste. Il peut le faire à deux
niveaux avant le sevrage : d'une part en lui apportant des motifs supplémentaires pour arrêter,
renforçant ainsi sa motivation, et d'autre part en lui expliquant les moyens disponibles pour réaliser sa
décision, augmentant sa volonté de le faire.
La motivation (ensemble des motifs expliquant une action) à l'arrêt du tabac se construit petit à petit au
cours de plusieurs années et autour de nombreuses idées, impressions et autres sentiments de gêne en
utilisant la cigarette. Gênes physiques, psychologiques, comportementales, personnelles et (ou)
familiales... Jusqu'au jour où la décision (conséquence de la motivation, engagement vers un nouveau
comportement) est prise d'arrêter. La volonté (énergie et moyens pour réaliser la décision) de le faire
peut alors se développer.
AGIR AVANT TOUTE DÉCISION DU PATIENT
Connaître le statut tabagique du patient
La première étape pour le médecin est de connaître le statut tabagique du patient. L'interrogatoire d'un
patient sur son tabagisme doit donc être systématique, dès le plus jeune âge (l'âge moyen du début du
tabagisme est de 14 ans et demi).
Il doit comprendre les items suivants
- fumeur, non-fumeur, ex-fumeur;
- si fumeur, nombre de cigarettes fumées par jour ;
- âge du début du tabagisme régulier (une cigarette par jour au moins) ;
- si ex-fumeur, date de l'arrêt.
La notion de paquet-année doit être abandonnée. Elle est mal calculée et ne prend pas en compte la
façon de fumer. Elle est donc un mauvais indicateur de risque. Ces données minimales de
l'interrogatoire peuvent être complétées par d'autres notions, comme celles relatives aux modifications
du tabagisme. Le passage à des cigarettes dites légères ou la réduction de la consommation traduisent
un début de réflexion sur l'usage du tabac et une évolution au stade 2 du cycle de Prochaska. Les
tentatives d'arrêt antérieures, leurs résultats, les aides utilisées, leur efficacité sont aussi des éléments
utiles à connaître. Le médecin généraliste a l'avantage de revoir son patient au cours de plusieurs
années. Il peut donc en répétant ce questionnaire noter l'évolution du tabagisme, renforcer les doutes
par rapport au fait de fumer, et développer la motivation d'arrêter.
Docteur Bruno MASI – JANVIER 2004 – LA REVUE DU PRATICIEN N°635 DU 15/12/2003
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Donner un conseil minimal
La deuxième étape consiste à donner un conseil minimal d'arrêt. Il faut toujours demander au patient
s'il a envie de s'arrêter de fumer. Cela permet d'ouvrir un espace de discussion, même si la réponse est
non. Les résultats de l'interrogatoire précédent et la réponse à la question « souhaitez-vous vous arrêter
de fumer? » donnent des indications précises quant à la position du patient vis-à-vis des stades de
Prochaska. On peut résumer les actions du médecin en fonction des stades de Prochaska en trois
catégories :
- La réponse est « non, je ne veux pas m'arrêter » (stade 1: le fumeur heureux). Une information
médicale brève doit être donnée.
- La réponse est du type « j'aimerais bien oo j'ai beaucoup diminué ma consommation » (stades 2 et 3,
dits stades d'indétermination et d'intention). Ce type de réponse montre déjà une hésitation à fumer. Le
médecin peut alors renforcer cette cognition en aidant le patient à augmenter sa motivation d'arrêter par
des entretiens motivationnels (voir plus loin).
- La réponse est « oui, je veux m'arrêter » (stade d'action). Proposer de l'aide si besoin et encourager le
patient à prendre sa décision sont les actions importantes qui augmentent sa volonté d'arrêter. C'est
vraisemblablement aux stades d'intention et d'action que le conseil minimal d'arrêt est efficace. Il
permet de déclencher 5% d'arrêts dans l'année qui suit. Si tous les médecins le faisaient, cela
permettrait 200 000 arrêts en France par an. L'efficacité serait plus grande que l'ensemble des
consultations d'aide au sevrage tabagique.
AIDER UN PATIENT QUI DÉCLARE VOULOIR ARRÊTER
Évaluer la motivation du fumeur à arrêter
La troisième étape consiste à évaluer la motivation du fumeur à s'arrêter. Lorsqu'un fumeur déclare
vouloir arrêter de fumer à un médecin, sa motivation n'est pas forcément très grande, et ce peut être une
réponse de complaisance: stades 2, 3 ou 4 de Prochaska ? Si l'on souhaite l'aider de manière pertinente,
une évaluation plus fine de sa motivation est nécessaire. Un traitement d'arrêt, proposé alors que le
patient n'est pas décidé à arrêter, est inefficace. De plus, lorsque ce même traitement est proposé de
nouveau à un stade ultérieur de motivation, le patient le refuse souvent et n'y fait plus confiance, lui
attribuant son échec précédent.
Un nouveau questionnaire d'évaluation de la motivation en 4 items est finalisé. Il devrait permettre au
médecin, dans le temps réduit d'une consultation, d'évaluer l'importance de la motivation d'arrêter et de
proposer ainsi une stratégie thérapeutique adaptée.
Mener un entretien de motivation
La quatrième étape est celle de l'entretien de motivation. Si le fumeur n'est pas réellement dans une
phase de décision d'arrêter, le médecin peut l'aider à faire évoluer sa motivation. L'entretien
motivationnel, développé dans les années 80 par les psychologues William Miller et Stephen Rollnick,
est une intervention thérapeutique efficace pour faire progresser les patients qui ont une addiction dans
les stades de changement. Il s'agit d'un entretien empathique, d'écoute et d'encouragement, au cours
duquel le médecin doit augmenter la confiance du patient dans sa capacité au changement. Il convient
d'éviter l'affrontement et de ne pas forcer la résistance du patient. Le thérapeute suggère plutôt des
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alternatives différentes, laissant toujours au fumeur le sentiment de liberté de son choix. Poser des
questions ouvertes, avoir une écoute active (écoute en écho), renforcer les besoins de changement
exprimés, faire de brefs résumés sont les techniques employées dans ces entretiens. Ainsi, petit à petit,
le fumeur avance vers la prise de décision d'arrêt, dans laquelle le généraliste a également un rôle
important.
Évaluer le type d'aide pour arrêter
La cinquième étape est celle de l'évaluation du type d'aide nécessaire pour arrêter. Parmi les fumeurs,
70 à 80% sont peu dépendants de la nicotine. Lorsqu'ils ont atteint un niveau de forte motivation
d'arrêter, ils peuvent le faire seuls et sans aide. Le travail du médecin avant le sevrage cesse donc là.
Les 20 à 30% restants (soit 3 à 4 millions de fumeurs) sont des patients qui nécessitent de l'aide pour
s'arrêter. Pour la plupart, leur dépendance chimique est forte, voire très forte, déclenchant un syndrome
de sevrage, suffisamment puissant pour vaincre une volonté très importante : 22 % ont un trouble
dépressif non traité ou non équilibré au moment de leur prise de décision de s'arrêter. Un sevrage
tabagique peut à lui seul déclencher un épisode dépressif ou renforcer une dépression déjà existante. Il
est donc important que lors de la préparation à l'arrêt, le médecin traitant évalue cette dépendance au
tabac. Il doit pour cela s'aider du test de Fagerstrôm pour l'évaluation de la dépendance tabagique
suivant les recommandations de l'Afssaps. Le dépistage de troubles anxio-dépressifs peut se faire avec
le test HAD.
CONCLUSION
Le médecin généraliste doit et peut réinvestir l'aide à l'arrêt du tabac, qu'il a, semble-t-il, délaissé
depuis la mise sur le marché des substituts nicotiniques, fin 1999. Cependant, de nouvelles
connaissances adaptées à la tabacologie et de nouvelles thérapeutiques lui donnent des possibilités très
efficaces, bien supérieures aux méthodes placebos.
En suivant un schéma issu des thérapies cognitives, sur le modèle PADIM, le médecin peut aider son
patient à s'arrêter de fumer et à ne pas reprendre. Informer, dialoguer, guider, encourager, renforcer :
qui mieux que le généraliste peut mettre en place cette stratégie ?
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