Dossier Kinésithérapie respiratoire chez l`enfant atteint de

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Dossier
Kinésithérapie respiratoire
chez l’enfant atteint
de mucoviscidose
Jean-Pierre Delaunay
Service de pédiatrie générale, Hôpital Necker Enfants Malades, 149 Rue de Sèvres 75015 Paris
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Pour les patients atteints de mucoviscidose, la kinésithérapie respiratoire (KR)
est une nécessité. Ayant comme but essentiel le désencombrement bronchique,
elle doit être adaptée à chaque âge et à l’évolution de la maladie. Elle permet de
suivre l’état ventilatoire, sécrétoire et macroscopiquement infectieux de tous les
territoires bronchiques et pulmonaires des malades. Chez le nourrisson, le
dégagement des voies aériennes est imposé, avec une attention particulière
pour le nez et plus encore pour les bronches distales où débute la maladie. Le
recueil des sécrétions bronchiques pour analyse se fait lors d’une séance de KR.
Avec le petit enfant, le jeu est le fil conducteur pour l’apprentissage de la
ventilation et du drainage actifs ainsi que de l’expectoration. Le grand enfant qui
s’initie à la maîtrise de l’expiration et de la toux, va les utiliser au mieux pour
assurer la perméabilité de ses bronches. Le préadolescent et l’adolescent pour
qui la KR est souvent pesante, se contentent facilement d’un drainage superficiel. Le désencombrement, encore plus utile lors des poussées aiguës, devient
alors plus délicat et risque avec l’évolution de la maladie de devenir plus limité.
Le kinésithérapeute doit être motivé, disponible. Témoin de l’état clinique du
malade, il doit le conseiller pour organiser au mieux la KR par rapport aux autres
soins et aux repas, et surtout le soutenir et l’encourager.
Mots clés : mucoviscidose, kinésithérapie respiratoire, sécrétion bronchique, flux expiratoire
Pourquoi
la kinésithérapie
respiratoire
dans la mucoviscidose ?
mtp
Tirés à part : J.-P. Delaunay
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La mucoviscidose, à cause des
troubles ioniques qu’elle entraîne, au
niveau des épithéliums, provoque, en
particulier au niveau des voies aériennes, la formation de mucosités le plus
souvent abondantes, épaisses, visqueuses, déshydratées. Inflammation
et infection augmentent les risques
d’encombrement bronchique [1].
La progression des sécrétions dans
l’arbre bronchique vers la trachée et
leur élimination naturelle sont alors
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insuffisantes parce que le système ciliaire, moteur de leur déplacement, se
révèle inefficace, débordé voire défaillant (englué, inadapté ou abrasé),
d’où le risque d’obstruction des voies
aériennes, en particulier au niveau
distal (atélectasies, emphysème).
La kinésithérapie respiratoire (KR)
se donne pour objectif premier de
suppléer au déficit ciliaire, en réalisant un désencombrement le plus profond possible, afin d’assurer au mieux
la perméabilité bronchique ainsi que
la ventilation alvéolaire. Lutter contre
la stase des sécrétions et leur accumulation dans l’arbre bronchique par leur
mobilisation, à intervalles réguliers,
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en se servant de l’amplification et de l’adaptation du
courant aérien ; permettre leur déplacement progressif
dans l’arbre bronchique et leur élimination : voilà ce que
se propose de réaliser la KR afin d’assurer les meilleurs
échanges gazeux possibles.
Aujourd’hui, l’augmentation du flux expiratoire (AFE)
est la technique la plus utilisée en France pour le drainage
bronchique dans la mucoviscidose. Son action sur les
sécrétions siégeant dans la trachée et les bronches proximales est bien connue et couramment utilisée. Son effet
sur les mucosités situées au niveau des voies aériennes
moyennes et distales est moins facile à obtenir ; il est
cependant important de le considérer sérieusement quand
on sait que la mucoviscidose débute généralement à ce
niveau, et quand on connaît la fréquence de la pathologie
des petites bronches chez le nourrisson et le jeune enfant
(en particulier les bronchiolites hivernales pouvant se
surajouter à la pathologie déjà existante ou risquant de la
compliquer et même d’être à l’origine d’une phase aiguë).
Augmentation passive, active, active aidée du courant
aérien expiratoire en débit, en vitesse ou en volume dans
le but de mobiliser d’entraîner, d’évacuer les sécrétions
bronchiques, la technique d’AFE est modulable, variable,
adaptable suivant l’âge du patient, la localisation, l’abondance, l’état de son encombrement bronchique.
Réalisée avec un important débit et surtout une grande
vélocité du courant aérien mais obligatoirement de durée
brève, l’AFE dite rapide s’adresse aux mucosités siégeant
dans la trachée et les grosses bronches. Concernant les
sécrétions stagnant au niveau des bronches plus périphériques qui sont très compressibles (parce que membraneuses) et se laissent facilement déformer par la pression
extra-bronchique lors de l’expiration, l’AFE se fera avec un
débit moindre mais finalement en mobilisant un plus
grand volume d’air, sur un temps plus long.
Kinésithérapie respiratoire
du nourrisson
Résistances bronchiques élevées, cage thoracique circulaire et très compliante et pouvant subir des distorsions,
muscles ventilatoires particulièrement fatigables, cellules
à mucus proportionnellement plus nombreuses, poumon
peu expansible, ventilation collatérale inexistante, gaz
trappés, taux d’oxygène bas, le nourrisson est en situation
ventilatoire défavorable [2,3]. Dans la mucoviscidose, les
glandes sous-muqueuses sont hypertrophiées et les cellules caliciformes qui siègent au niveau de l’épithélium
trachéal et des gros troncs bronchiques sont hyperplasiées. Avec la maladie, le nombre de cellules à mucus va
augmenter en périphérie et la sécrétion également.
Le nourrisson n’expectore pas seul. Même s’il tousse
beaucoup quand il est encombré, il se dégage peu ou
difficilement les voies aériennes. Il bouge peu, le plus
souvent il est en décubitus (hypoventilation). De plus, il ne
coopère pas. Il faut l’aider à se désencombrer afin qu’il
puisse s’assurer une meilleure ventilation alvéolaire.
Pour la KR, le nourrisson doit avoir l’estomac vide.
L’enfant est placé en décubitus dorsal bien à plat, ou
demi-assis en cas de régurgitations (même longtemps
après les repas), ou en cas de forte dyspnée. Le kinésithérapeute, debout sur le côté, tout en parlant à l’enfant, pose
ses mains sur le thorax de l’enfant pour l’aborder et suit ses
mouvements et son rythme ventilatoires. Puis il va empaumer le thorax du bébé à pleines mains, une par hémithorax
(ou une main englobant le thorax, l’autre maintenant
l’abdomen), avant-bras fléchis (pour ne pas peser sur lui),
en suivant bien le contour des côtes et les mouvements du
thorax, le kinésithérapeute augmente peu à peu l’amplitude et la durée de chaque temps expiratoire. Par des
pressions manuelles plus prononcées mais bien réparties
sur le thorax de l’enfant (pas d’appuis marqués avec
l’extrémité des doigts, ni avec le bord cubital ou le talon de
la main), le kinésithérapeute impose au nourrisson, à
chacune des séries d’exercices, un rythme ventilatoire
différent de celui de son état de base, et en mobilisant la
cage thoracique tout en maintenant l’abdomen, provoque
des expirations plus amples et plus profondes, et un courant aérien expiratoire plus important [4].
Les mains du praticien ne glissent pas sur la paroi
thoracique du nourrisson, elles appuient sur les côtes en
baissant et en serrant les arcs costaux dans le sens de
l’expiration et impriment une réelle pression adaptée à
l’enfant, à son encombrement et à l’effet recherché. La KR
ce n’est pas l’imposition des mains ! Il s’agit, à partir de la
cage thoracique, de réellement induire dans les bronches,
de façon indirecte, un flux d’air suffisant pour mobiliser les
sécrétions bronchiques.
Pour un encombrement proximal ou lorsque les sécrétions provenant des bronches moyennes ou périphériques
atteignent, lors de la séance, les grosses bronches, les
pressions thoraciques successives sont assez rapides, brèves, rapprochées, et, chassant l’air vivement, ont pour effet
d’entraîner les sécrétions vers la trachée, d’où elles sont
évacuées vers le carrefour pharyngé par une toux réflexe
ou sollicitée par une légère pression digitale sur la trachée
au niveau de la fourchette sternale. Cette toux alors grasse
est aidée et renforcée par une manœuvre simultanée de
mobilisation thoracique et abdominale expiratoire afin de
la rendre la plus efficace, c’est-à-dire la plus productive
possible. Et aussi pour ne pas multiplier les efforts de toux
qui sont fatigants pour le nourrisson.
Les manœuvres aisées pour des professionnels avertis
répondent à des gestes précis et aujourd’hui bien nomenclaturés, en suivant la mécanique costale sans dépasser la
physiologie thoracique ni pulmonaire. Cependant, la KR
ne s’improvise pas. C’est un acte professionnel exigeant
attention, précautions et sens clinique. Le kinésithérapeute procède généralement par séries de plusieurs mou-
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Kinésithérapie respiratoire chez l’enfant atteint de mucoviscidose
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vements expiratoires successifs. Ces séries d’AFE permettent la mobilisation et la progression des mucosités vers les
grosses bronches et la trachée.
L’énergie générée à partir de la pression-mobilisation
de la paroi thoracique et transmise aux poumons et aux
bronches agit donc indirectement sur l’air intrathoracique : mal réalisées ou insuffisamment effectuées, les
manœuvres risquent de ne pas aboutir. C’est par de nombreuses répétitions de ces mouvements ventilatoires que
leur action va pouvoir se manifester. Le frottement répété
du courant aérien sur des sécrétions même épaisses, infectées, déshydratées, stagnantes, devient alors de plus en
plus audible avec leur arrivée dans les gros troncs bronchiques. En même temps, à ce stade, le kinésithérapeute,
lors de ses manœuvres de mobilisation costale, va sentir
sous ses doigts la situation et la progression des mucosités
dans les grosses bronches et la trachée.
L’air ainsi mobilisé (bien supérieur au volume courant)
en un flux augmenté vient butter sur les sécrétions, et par
les turbulences provoquées les accroche, les étire, et par le
renouvellement des exercices ventilatoires amplifiés, finit
par les cisailler ou les arracher, les soulever, les décrocher,
soit par strates soit par petits amas successifs. Tout dépend
de leur abondance, de leur viscosité, de leur hydratation,
de leur adhérence aux parois bronchiques. Sauf état respiratoire très dégradé, pour un encombrement proximal le
résultat doit être sensible rapidement et l’auscultation à ce
niveau s’en trouver très nettement améliorée. Pour un
encombrement profond, les manœuvres de KR vont essayer d’agir sur les mucosités distales et les entraîner par
des séries répétées de mouvements expiratoires plus
longs, entrecoupées de temps de repos indispensables ; en
abaissant la fréquence respiratoire et en modifiant le
rythme ventilatoire de l’enfant, c’est-à-dire en augmentant
très progressivement l’amplitude et en prolongeant la durée de chacun de ses mouvements ventilatoires (afin de
solliciter l’air de réserve expiratoire).
Dans la mucoviscidose, au niveau respiratoire, la maladie débute au niveau des petites bronches. Inflammation
et infection s’entremêlent et s’ajoutent ; œdème, hypercrinie, abrasage et desquamation de l’épithélium, déficit et
incompétence ciliaires, sécrétions visqueuses, déshydratées, pullulation de germes, tout concourt au rétrécissement, à la diminution de la lumière des conduits bronchiques et à la stase des sécrétions.
Sur les conduits distaux étroits du nourrisson, encore
réduits par l’inflammation pariétale et avec l’accumulation des mucosités, produits de l’hypercrinie, le risque
d’obstructions multiples, partielles ou totales est réel et
permanent. On perçoit ici l’importance du drainage, c’està-dire de la mobilisation et de l’élimination quotidiennes,
et même si nécessaire pluriquotidiennes, des sécrétions.
D’autant que cette atteinte périphérique surtout à son
début peut passer inaperçue pendant quelque temps (pas
de toux à ce niveau, peu de signes cliniques).
Cependant les pressions costales thoraciques doivent
être progressives et restent, d’abord, davantage un accompagnement, puis un renforcement et surtout un allongement de l’expiration plutôt qu’une véritable mobilisation
passive du thorax. Souvent, en effet, le nourrisson réagit
lors des manœuvres de KR et ses mouvements ventilatoires amplifiés deviennent actifs. De plus, il garde en permanence l’initiative de sa respiration surtout avec son
muscle respiratoire principal : le diaphragme. Les temps
de calme entre les séries d’exercices permettent au nourrisson de se reposer et de retrouver un rythme ventilatoire
proche de son rythme initial.
Le nourrisson peut parfois s’opposer aux manœuvres
du kinésithérapeute et bloquer sa respiration, par simple
réflexe de défense ; ou s’il ne supporte pas la fréquence, le
rythme ou l’amplitude ou la durée des mouvements imposés : par exemple après une expiration prolongée, il peut
présenter une forte reprise inspiratoire avec un important
tirage, ou encore au cours de la séance donner brutalement des signes de fatigue (il se défend moins). Toutes ces
raisons impliquent l’arrêt momentané ou prolongé des
pressions thoraciques, pour donner à l’enfant la possibilité
de se reposer et de retrouver le rythme ventilatoire antérieur, puis le praticien reprend les manœuvres en deçà des
précédentes. Il faut tout le temps de la séance garder son
attention sur l’état du petit patient et surveiller son comportement et ses réactions.
Il n’est pas toujours aisé de dégager les voies aériennes
périphériques du tout-petit quand elles sont encombrées,
surtout en raison de la distension pulmonaire résultant de
l’obstruction bronchiolaire. La souplesse habituelle du
thorax du petit enfant s’en trouve diminuée, ses côtes plus
horizontales (thorax bombant) voient leur course réduite,
son diaphragme plus aplati a une cinétique et une fonction
moindres. La mise en jeu du volume expiratoire de réserve
(VRE) s’avère délicate. Le kinésithérapeute doit procéder
avec douceur et progression, surveiller en permanence
l’enfant (coloration, fatigue, tirage, quintes de toux fatigantes, épuisantes et parfois émétisantes) et noter tout
changement éventuel de son état (un tirage qui s’accuse,
une fréquence ventilatoire, contrôlée lors des temps de
repos, qui augmente au fur et à mesure de la séance, une
saturation limite) et tout signe d’aggravation (fatigue soudaine, brusque cyanose) et se comporter en clinicien
attentif et prudent ; d’où l’importance d’effectuer un bilan
ventilatoire avant de commencer la séance, bien surveiller
l’enfant lors de la KR et pendant les temps de repos, ainsi
que lors de la récupération après la séance.
Il faut considérer les manœuvres de KR comme une
aide externe pour atteindre une amplitude ventilatoire
plus importante mais, de par la ventilation profonde et les
réactions qu’elle entraîne, comme un travail ventilatoire
plus important et donc un effort supplémentaire demandé
à un enfant qui peut être encombré et déjà gêné, parfois
même fatigué, d’où l’importance de la surveillance étroite
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du praticien, de la prise de la SAO2, des temps de repos et
de récupération.
Les techniques manuelles de KR peuvent, aux yeux des
parents, paraître totalement inadaptées à leur petit bébé.
Exécutées sans explication préalable, elles peuvent leur
sembler déplacées, voire choquantes. Il arrive que des
parents les ressentent comme une véritable agression envers leur enfant. Certains craignent même un accident. Les
pressions manuelles agissant dans le sens de « l’expression » du thorax (enfoncement thoracique dans l’esprit des
parents) doivent être effectuées avec mesure. Il convient
donc, avant la ou les premières séances, d’indiquer aux
parents la finalité des gestes, d’expliquer que les manœuvres de KR, moyen externe, utilisent seulement les mouvements ventilatoires naturels, et ne font que provoquer
des expirations ciblées sur le désencombrement en restant
en deçà des limites physiologiques.
Si les gestes sont expliqués, décomposés, si les buts
sont fixés et compris, la KR est mieux acceptée. Il faut
prévenir les parents qu’il est normal que leur enfant réagisse lors de la KR, qu’il se défende, s’oppose parfois
même franchement ou participe à sa façon, mais qu’en
aucun cas les manœuvres sur le thorax, qui peuvent
paraître contraignantes, ne sont douloureuses.
La KR du nourrisson ne s’improvise pas. C’est un acte
spécifique, aujourd’hui bien nomenclaturé. Même si elles
doivent être suffisantes pour être efficaces et générer un
flux d’air intrabronchique réellement bien au-delà de la
ventilation normale de repos, les pressions manuelles
doivent cependant être dosées et le praticien tenir compte
de l’état de chaque enfant et des remarques et parfois des
réserves, ou même des critiques, de certains parents.
L’enfant ne doit pas être seulement un objet de soins,
même de qualité. Il faut lui parler avant et pendant la
séance ; la présence des parents est indispensable pour le
rassurer, et de plus, ils doivent savoir et voir ce qui est fait
à leur bébé. La visualisation des sécrétions parvenant dans
le pharynx de l’enfant, ou leur rejet en empêchant l’enfant
de les déglutir et en provoquant leur propulsion et leur
progression dans la cavité buccale par de légères pressions
sous-maxillaires transmises en sublinguales, permet aux
parents de mieux saisir l’importance de la KR.
Les gestes du praticien, si impressionnants qu’ils puissent paraître aux parents, se révèlent, alors, à leurs yeux,
pour ce qu’ils sont réellement : seulement un moyen pour
atteindre le résultat recherché : la perméabilité bronchique. Réaliser ce que sont les sécrétions, révéler, parfois, un
état bronchique auquel ils ne s’attendaient pas, entrevoir
les conséquences possibles de l’encombrement sur les
bronches et les poumons de leur petit enfant, dans un
premier temps peut les choquer, mais, par contre, au final,
mieux leur faire comprendre la nécessité de lutter contre
la stase bronchique, et faciliter leur adhésion aux soins de
KR et leur acceptation de la séance quotidienne. Si le bébé
n’est pas encombré, cette séance peut sembler inutile ;
certains centres de soins de la mucoviscidose ne sont pas
favorables à la KR en l’absence de signes objectifs d’encombrement bronchique (malades asymptomatiques). Il
semble malgré tout important de la faire entrer dans les
habitudes pour le suivi et la surveillance de l’état ventilatoire et si les choses se modifient, de l’état sécrétoire ou
infectieux du poumon profond de leur enfant. D’autant
que la maladie peut débuter très tôt au niveau respiratoire : des bouchons muqueux découverts dans le lavage
bronchoalvéolaire de nourrissons atteints sans que pour
autant les signes soient manifestement évidents d’emblée,
attestent de l’atteinte distale précoce. Le kinésithérapeute
se doit d’utiliser cette séance pour surveiller, apprécier,
évaluer, la perméabilité ou l’encombrement des voies
aériennes supérieures et surtout inférieures, et noter toutes
les modifications qui peuvent intervenir d’un jour à l’autre
ou se mettre en place au fil des jours, à bas bruit (par
exemple un encombrement profond débutant, une toux
qui se manifeste ou qui devient plus fréquente, des sécrétions muqueuses qui deviennent purulentes) [5]. Pour un
enfant en état stable, il faut considérer la KR de chaque
jour comme une séance de diagnostic, de quantification,
de qualification de l’encombrement et des possibilités
d’élimination des sécrétions bronchiques (facilité ou difficulté pour l’enfant). C’est un véritable bilan-test ventilatoire quotidien.
Alors, les parents, ayant saisi l’importance de la KR,
sont en droit d’attendre et même d’exiger du kinésithérapeute des actes efficaces et responsables, respectant leur
nourrisson pour le soigner au mieux c’est-à-dire protéger
ses poumons en plein développement alvéolaire afin de
mieux préserver l’avenir de son capital pulmonaire qui se
met en place.
Pour un enfant en poussée aiguë, il devient nécessaire
de pratiquer plusieurs séances par jour, bien réparties sur
la journée, afin d’éliminer le maximum de sécrétions.
Soit parce que l’hypercrinie est telle qu’une séance ne
suffit pas à le désencombrer ou bien le petit malade,
fatigué, ne supporte pas des séances longues et il est plus
raisonnable de pratiquer, pendant quelques jours, deux ou
trois séances quotidiennes plus courtes ou entrecoupées
de nombreux temps de repos, plutôt que de risquer lors
d’une séance une aggravation de la situation respiratoire,
d’autant que d’autres symptômes (fièvre, hyperréactivité
bronchique) ou des signes surajoutés (toux répétitive, oxymétrie basse, etc.) peuvent compliquer la situation et
rendre les actes kinésithérapiques plus délicats à exécuter
et donc moins performants.
Le recueil des sécrétions profondes au décours d’une
séance de KR permet leur étude cytobactériologique, avec
la recherche du ou des germe(s) en cause et l’établissement de l’antibiogramme adapté correspondant. Il
convient de prélever les mucosités parvenant dans le
pharynx de l’enfant après une toux grasse, soit avec un
abaisse-langue stérile, soit avec un mucus-extractor relié
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Kinésithérapie respiratoire chez l’enfant atteint de mucoviscidose
au vide comprenant un pot stérile inclus au circuit. L’idéal
est de recueillir non pas les premières mucosités obtenues
mais celles de milieu ou de fin de séance, pour avoir le
reflet exact de la flore siégeant localement au niveau des
bronches profondes lors d’un épisode aigu, afin de rechercher et quantifier les germes ; ou, pour un patient en état
stable, plus simplement pour vérifier s’il y a des germes
dans les sécrétions et si oui à quel taux. En cas d’impossibilité de prélèvement (sujet non sécrétant), chez le nourrisson en particulier, l’écouvillonnage pharyngé a été validé pour donner, dans la mucoviscidose, un assez juste
reflet de la flore bronchique existante et se révélant, par
exemple, à l’occasion d’un épisode viral surajouté [6].
Il est à tous points de vue délicat pour des parents de
faire les manœuvres de KR sur leur propre petit enfant ; les
gestes insuffisamment exécutés (réticence bien naturelle,
peur de faire mal ou de mal faire) n’aboutissent généralement pas à un réel désencombrement. Une approche
différente peut leur être suggérée : chatouiller leur enfant ;
le rire intense, « à gorge déployée », reste une manière
simple et facile d’aborder l’expiration active et d’entendre
le bruit de l’air sur les sécrétions, c’est-à-dire d’avoir un
aperçu de l’encombrement bronchique (tout en sachant
que cette méthode n’est pas forcément réellement adaptée
au meilleur désencombrement. Elle peut en effet déclencher des quintes de toux qui pourraient se révéler plus
nuisibles qu’utiles).
Voies aériennes supérieures :
lavage du nez
Le lavage du nez est un préalable obligatoire à toute
séance de KR du nourrisson.
Sujet en décubitus dorsal, tête sur le côté, il est habituel
de mettre une bonne quantité de sérum physiologique
dans la narine supérieure puis idem de l’autre côté. Vu le
peu de résultat de cette technique, il est préférable de faire
comme suit : le nourrisson tête droite, on instille seulement quelques gouttes dans chaque narine ; si en lui
fermant la bouche, on l’oblige à inspirer par le nez, le
courant d’air inspiratoire dans les fosses nasales va, si on
répète les choses, entraîner les sécrétions vers le pharynx
par un drainage rétrograde [7].
Le petit enfant
Avec un enfant d’environ deux à trois ans (parfois
même avant), la KR va changer. À chaque âge, son adaptation de la KR. Ici tout est basé sur le jeu, le dynamisme
actif orienté vers l’utilisation du souffle. Le début de coopération doit être sollicité à partir de l’imitation. Mime,
rire, jeux, doivent être utilisés pour le drainage actif des
sécrétions. Le jeu pour l’enfant représente un moment
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agréable. Il permet non seulement une activité orientée ici
vers le souffle et l’utilisation du souffle, mais encore une
certaine connivence avec le kinésithérapeute pour une
activité sollicitée devenue alors facile.
L’enfant est invité à se mettre en position assise sur un
plan assez dur pour qu’il puisse avoir le dos assez droit,
surtout pas en position enroulée ni le tronc penché en
avant. Le kinésithérapeute est assis soit à côté de lui, soit
face à lui, presque à sa hauteur, ce qui change complètement l’abord du patient et par le fait même la relation. Il
fait lui-même des démonstrations de l’expiration active,
fait participer l’entourage, puis demande à l’enfant de faire
la même chose : il l’encourage de la voix, l’aide du geste,
en empaumant son thorax et en mobilisant ses arcs costaux vers l’expiration, le félicite sur ses performances et
fait valoir ses résultats avec force démonstrations vives et
bruyantes : encouragements, applaudissements repris par
l’entourage et rires communicatifs rendant l’ambiance de
la séance beaucoup plus détendue.
Pratique de la KR sur un sujet en état stable
Il convient de marquer l’imagination en éveil du jeune
enfant par des images idéomotrices : faire de la buée sur
un miroir pour commencer à souffler la bouche entreouverte ; faire chaud sur les doigts pour apprendre à
laisser passer l’air sans résistance au niveau des lèvres et
peu à peu expirer ou sur un temps plus long ou avec un
débit qui s’amplifie. Prendre de l’air en faisant le gros
ventre, faire du vent en rentrant le ventre. Décomposer les
mouvements ventilatoires, c’est la première phase vers la
ventilation active volontaire. À cet âge, imprécisions,
erreurs, maladresses ventilatoires, incoordinations
abdomino-thoraciques sont prévisibles et normales, au
moins dans un premier temps. Fixer l’attention de l’enfant
s’avère souvent difficile. Il faut des attraits ludiques.
On reprend les exercices sur le jouet préféré de l’enfant
ou sur une poupée pour montrer encore, et surtout pour
rester au plus près du monde et de l’environnement quotidien de l’enfant. Démonstrations, répétitions, tout va
dans le sens de l’apprentissage de l’expiration active et de
la reprise des gestes du kinésithérapeute par l’enfant sur
lui-même et sur son jouet favori, pendant et bien souvent
après la séance quand il joue tout seul ; c’est le début de
l’intégration de la KR dans la vie de l’enfant.
Il convient de commencer aussi à maîtriser la toux,
juguler les quintes (par exemple en fermant la bouche de
l’enfant quand elles se déclenchent) et rendre la toux utile,
productive.
C’est aussi à cette période qu’il faut apprendre au
jeune enfant à expectorer. Il convient pour cela de lui
apprendre à racler la gorge en essayant de faire le son
« rrre », au moment opportun, c’est-à-dire lorsqu’après
une toux grasse et productive les sécrétions parviennent
dans le pharynx. Au lieu de les déglutir, l’enfant les projette ainsi sur sa langue pour ensuite les extérioriser. Même
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si les premiers essais s’avèrent infructueux et ne produisent que de la salive, le jeune patient, vivement encouragé
par le praticien et l’entourage, pourvu qu’il soit un peu
sécrétant, finira par savoir rejeter des mucosités.
On peut alors directement juger de leur aspect réel, de
leur viscosité, de leur couleur et des changements qui
peuvent subvenir au fil du temps. Pour un jeune enfant,
savoir expectorer s’il est encombré, non seulement permet
une meilleure surveillance de son réel état sécrétoire mais
encore facilite le recueil des mucosités (avec le kinésithérapeute ou avec ses parents), en vue de leur analyse au
laboratoire. Le « prélèvement simplifié », parce
que devenu actif, ne sera plus redouté comme il pouvait
l’être auparavant par l’enfant qui grandit et parfois appréhende quelque peu cette séance où on lui demande
d’expectorer alors qu’il ne sait pas le faire et où le kinésithérapeute est obligé de recueillir des sécrétions dans son
carrefour pharyngé. Là aussi, la coopération et l’activité
orientée changent complètement l’acte et la réception, le
vécu de l’acte par l’enfant. C’est également à cette période
qu’il faut enseigner le mouchage actif, même si au début
l’enfant commence souvent par renifler. Souffler par le nez
s’apprend comme souffler par la bouche : souffler par le
nez sur la main, souffler par une narine, etc.
Les parents peuvent, plus facilement, à cet âge, s’ils le
désirent, commencer à faire la KR à leur enfant, en sachant
cependant qu’une tierce personne a bien souvent plus de
chance d’obtenir, à long terme, davantage de coopération
que l’entourage immédiat.
Car il faut au fil du temps, après l’apprentissage de la
ventilation normale, réussir à faire expirer activement le
jeune patient sur des temps variables avec différents débits
pour obtenir le maximum de vacuité bronchique possible,
afin d’obtenir la meilleure ventilation alvéolaire.
Pratique de la KR en phase d’exacerbation
En cas de poussée aiguë l’abord du patient peut être
moins aisé : fatigue, infection, encombrement, toux, diminution de l’appétit, sous-hydratation, voire dyspnée, rendent alors la coopération plus délicate à obtenir et le
désencombrement plus difficile à réaliser. Pour l’enfant,
même le jeu devient moins attrayant. On doit s’armer de
patience et faire preuve de compréhension. L’enfant
n’étant pas généralement bien disposé pour la KR au
moment où il conviendrait qu’il coopère totalement : il
effectue alors des AFE actives plus faibles, moins efficaces ; plus l’enfant est fatigué, et dyspnéique, plus il a
tendance à s’opposer et à refuser la KR et même à repousser le praticien s’il n’est pas habitué à la KR. Toutefois,
l’enfant « éduqué » au drainage bronchique actif est, en
général, malgré ses difficultés (polypnée, distension, ou
même dyspnée, tirage) plus réceptif aux sollicitations du
praticien. De toute façon, le jeune patient a besoin d’être
aidé encore plus que d’ordinaire ; la position demi-assise
(jambes pliées si possible) s’avère généralement plus
confortable pour l’enfant. Il faut lui parler calmement, lui
donner confiance (présence des parents) et l’encourager
tout au long de la séance ; lui demander de souffler
d’abord un peu plus que son volume courant et en essayant de diminuer doucement sa fréquence respiratoire,
de le faire expirer progressivement plus longtemps, l’assister manuellement en empaumant son thorax à pleines
mains pour allonger et renforcer ses expirations et les
rendre alors plus profondes, et tendre à les rendre efficaces
en augmentant son débit expiratoire. À l’abaissement
s’ajoute le resserrement des côtes, ainsi que la diminution
de leur rayon de courbure. À cet âge, l’amplitude costale
est plus grande, et si on réussit à faire contracter les
abdominaux l’expiration active aidée, renforcée, prolongée par le kinésithérapeute aboutira à mobiliser plus d’air
et à entraîner les sécrétions [9].
Là aussi des séances moins longues, avec des moments
de repos, mais plus rapprochées s’avéreront plus adaptées
et plus judicieuses. Il convient également d’inciter l’enfant
à s’hydrater au mieux pour faciliter le drainage bronchique.
Le grand enfant (de 6 à 12 ans)
Pendant les exercices, le sujet assis sur un plan dur,
garde le dos droit, les épaules basses et corrigées en
arrière, omoplates serrées afin de prévenir l’enroulement
dorsal et scapulaire [8]. Chaque séance débute par le
désencombrement des voies aériennes supérieures. Le
mouchage est répété pendant la KR. Les grands enfants
sont capables d’exécuter des AFE produisant d’importantes accélérations de l’air expiré avec une remarquable
efficacité sur les sécrétions proximales. Le courant aérien,
à travers les voies bronchiques convergeant de tous les
points des deux poumons vers la trachée, est alors capable
d’entraîner les mucosités amoncelées dans les grosses
bronches. La forte pression extrabronchique engendrée
par le travail des muscles expirateurs comprime les bronches, réduit leur calibre, diminue le débit au niveau des
premières divisions bronchiques, mais augmente encore
la vitesse de l’air qui soulève, pousse, chasse les SB.
L’augmentation rapide de l’air n’est cependant pas
l’égale d’un débit expiratoire maximal. C’est une expiration forte mais limitée en volume expulsé. L’AFE rapide
même chez le grand enfant n’est pas l’expiration la plus
forte possible, qui comprimerait trop les bronches et obligerait les patients à faire des efforts trop importants.
Les malades hypersécrétants débutent souvent leurs
séances de KR en toussant beaucoup trop. Du fait de leur
encombrement proximal, les exercices d’AFE à peine
commencés engendrent des quintes de toux. Il faut apprendre aux jeunes patients, quand elles se déclenchent
trop tôt ou trop brusquement, à maîtriser, à juguler la toux
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Kinésithérapie respiratoire chez l’enfant atteint de mucoviscidose
et les quintes. Fermer la bouche, rentrer le menton, déglutir la salive, serrer les mâchoires et inspirer par le nez, sont
autant d’artifices permettant d’enrayer la toux et de ne
l’utiliser qu’à bon escient. Les quintes fatiguent les malades et ne désencombrent que superficiellement leur arbre
bronchique au prix de gros efforts qu’ils finissent par
redouter car épuisants. De plus ils se courbent, s’enroulent
(attitude des tousseurs chroniques). Il convient de lutter
contre cette tendance à l’enroulement dorsal dû à la
distension pulmonaire et à l’hypotrophie des muscles
spinaux, d’où la correction active (auto-redressement)
pendant la séance pour la partie revenant aux muscles.
L’activité physique doit être encouragée et très régulièrement exécutée.
Concernant les grands enfants en état stable, pour agir
au niveau distal, on demande, pour limiter le collapsus
respiratoire, des expirations adaptées qui permettent
d’évacuer suffisamment d’air profond pour avoir une action sur les sécrétions des petites bronches. Ce n’est pas la
force de l’expiration qui est recherchée mais sa durée, son
prolongement progressif au cours de la séance et au fur et
à mesure du désencombrement. L’expiration active volontaire devient alors un mouvement contrôlé dans son intensité, dans son déroulement pour être ajusté au mieux selon
la localisation des SB.
Difficiles à réaliser pour des sujets très encombrés car
la toux intervient trop vite, les exercices lents ont cependant l’avantage de réduire les inégalités ventilatoires et de
permettre une meilleure aération et un meilleur drainage
des territoires périphériques atteints et ordinairement peu
ou pas mobilisés et très mal ventilés.
Avec la maîtrise volontaire de la toux, de l’expiration
contrôlée, le désencombrement est plus efficace. Le kinésithérapeute, placé latéralement par rapport au malade,
accompagne le mouvement costal, une main par hémithorax, maintient les pressions manuelles tout le temps de
l’expiration lente pour aider au prolongement du mouvement dans toute son amplitude, en encourageant le patient à insister pour agir sur le VRE et sur les sécrétions
profondes. Le bruit lointain que fait l’air, vibrant sur les SB,
atteste de leur présence et son amplification, avec la
répétition des expirations, rend compte de leur progression ou, du moins, d’une partie d’entre elles, dans l’arbre
bronchique. Entre deux expirations, afin d’éviter la toux,
l’inspiration doit être nasale, non maximale (surtout
diaphragmatique) en faisant attention à ne pas développer
un trop important travail des muscles inspirateurs accessoires. Pendant les temps de repos, la pratique de la
ventilation dirigée avec une légère participation abdominale à l’expiration permet de redonner un peu de courbure
au diaphragme pour une inspiration suivante plus adaptée
à la récupération [10].
La KR quotidienne permet une surveillance et un suivi
très étroits de l’état ventilatoire, de l’état sécrétoire, et
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macroscopiquement de l’état infectieux du poumon profond des malades, mais aussi de l’état respiratoire, de la
force, et de l’endurance des muscles, par la charge de
travail augmenté lors de la séance.
Le recueil des SB dans des pots transparents permet de
quantifier le volume rejeté à chaque séance. Une attention
toute particulière est portée à la viscosité ou à la fluidité
des SB. Le relevé quotidien fait apparaître toute modification, non seulement du volume expectoré, mais encore de
la viscosité, de l’hydratation, de la couleur des SB. Le suivi
de l’état sécrétoire (inflammatoire ou muqueux) est possible en différenciant, de visu, à chaque séance la phase
séreuse de la phase muqueuse (mucopurulente ou purulente) proprement dite. Toute apparition, augmentation,
persistance, diminution ou arrêt des sécrétions purulentes
doit être notée. La survenue brutale d’un changement
important tel que l’apparition du sang dans l’expectoration (hémoptysie), une douleur thoracique (pneumothorax), une cessation brutale de l’expectoration (déshydratation, aggravation, décompensation soudaine) implique
d’en référer au médecin traitant sans tarder.
La séance de KR constitue un véritable bilan à l’exercice aussi bien ventilatoire que respiratoire. Les séries
d’AFE lentes apportent un réel aperçu des possibilités, de
mobilisation répétée d’une grande partie de la capacité
vitale, d’échanges gazeux et d’endurance musculaire de
chaque patient, et permettent de distinguer les malades
possédant des réserves pulmonaires utilisables lors de la
KR, de ceux qui n’en ont plus ou pas assez et chez qui
apparaissent des expirations plus limitées ainsi qu’une
fatigue, une reprise inspiratoire avec tirage, ou même une
cyanose [11].
Bien exécutée la technique d’AFE peut révéler un
encombrement profond passé inaperçu ou sous-estimé (si
avec la routine les exercices sont insuffisamment développés et n’aboutissent plus au but établi) ou négligé (par
relâchement ou arrêt des soins). Des AFE trop courtes ne
mobilisant pas le VRE ne permettent pas d’entendre le
grésillement profond de fin d’expiration ni de mobiliser les
sécrétions à ce niveau. Si l’on n’y prend pas garde, certains
malades savent masquer volontairement leur encombrement distal. L’aide du professionnel est importante. Des
expirations plus amples peuvent alors mettre en évidence
des SB sous la forme de petits pelotons denses, véritables
petits moules bronchiques en formation, reflets de la stase
négligée. La ventilation dirigée à fréquence lente et volume courant augmenté en complément du drainage,
permet une meilleure ventilation profonde avec une
meilleure oxygénation.
Expiration active limitée
La ventilation active presque exclusive de l’air non
rejeté dans la ventilation courante est une autre façon
d’aborder l’air profond. Après une expiration lente profonde, plusieurs inspirations nasales brèves, successives
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entrecoupées d’expirations buccales courtes permettent
non seulement de ne mobiliser temporairement que tout
ou partie du VRE, mais surtout d’agir sur les sécrétions à ce
niveau. La toux à bas volume après une expiration profonde aide aussi à percevoir et à entraîner les SB distales
[12].
Apprise avec un professionnel, cette technique d’AFE,
adaptable, se révèle, chez le patient encombré chronique,
une véritable méthode de désencombrement. Car une fois
acquise et possédée, le sujet peut la répéter seul et l’adapter à ses besoins et à la localisation (proximal, central,
distal) de son encombrement. Pour rester suffisante, cette
méthode exige cependant rigueur dans l’exécution et régularité dans l’indication. Même si le malade devient
autonome pour la KR, un suivi par un professionnel, dont
la fréquence des interventions est à définir selon l’état
bronchique du moment, s’avère souvent nécessaire. La
pratique de l’aide instrumentale (flutter, pep-mask) peut
aider certains patients (peu distendus) dans leur autonomie partielle [13-15].
En cas d’exacerbation
La KR peut devenir plus difficile à réaliser : dyspnée,
fatigue, hypercrinie, infection, diminution de l’appétit,
amaigrissement, rendent les séances plus délicates à exécuter, plus fatigantes pour le malade. Et ce d’autant plus
que les altérations bronchiques (obstructions fibreuses
distales, impactions, dilatations centrales, proximales) et
pulmonaires (surdistension, emphysème, et réduction de
la surface d’échange) sont importantes. Il convient de
multiplier les séances 2, 3, voire 4 fois par jour pour lutter
contre la bronchorrhée suppurée stagnante et d’autant
plus visqueuse et épaisse que l’infection est importante, en
tenant compte des difficultés du patient, et en particulier
de son débit expiratoire limité (résistances bronchiques
très augmentées) [16]. Hydrater le patient est alors une
priorité pour essayer de fluidifier les SB. En cas de forte
dyspnée, le patient est installé demi-assis. Pour tenir
compte de son handicap respiratoire, faire la KR lèvres
pincées à l’expiration pour lutter contre le collapsus expiratoire majoré permet d’améliorer le volume d’air mobilisé sur un temps plus long et d’avoir une incidence sur les
SB en incitant et en aidant le patient à exécuter, après
chaque série d’expirations ralenties (pour ne le pas fatiguer davantage et essayer de rester efficace), seulement
une ou deux expirations plus intenses (bouche entrouverte). L’oxygénothérapie alors nécessaire doit parfois être
augmentée pendant la KR. Si l’hypercapnie apparaît, la
ventilation non invasive (VNI) est mise en place. En diminuant le travail des muscles inspirateurs, en augmentant le
volume courant, la VNI permet une KR moins fatigante et
un désencombrement plus important pour passer ce cap
difficile [17].
Préadolescents et adolescents
À la longue avec les grands enfants, les préadolescents
et surtout les adolescents finit par se poser, comme pour
les autres soins constants, le problème de l’observance de
la KR. Toujours à recommencer, la KR est alors jugée
lassante, usante, parfois même inutile. Considérant la KR
comme une astreinte quotidienne ou pluriquotidienne,
beaucoup d’adolescents prennent leurs distances avec le
désencombrement bronchique. Autonomes, ils espacent
trop les séances. Bien que conscients de la nécessité de la
KR, ils se contentent d’un désencombrement superficiel
(qui leur permet de ne pas tousser de quelques minutes à
quelques heures) et négligent les sécrétions profondes.
Masquant leur encombrement profond, par bravade ou
par laxisme, certains refusent la KR, la considérant comme
une contrainte trop astreignante. Ceux qui sont en état
stable veulent vivre comme ceux de leur âge. Ils fuient leur
maladie ou nient leur encombrement. La KR les ramène
à leur maladie : les sécrétions extériorisées la matérialisant et leur donnant une mauvaise image d’euxmêmes. Les patients qui le peuvent doivent garder une
activité physique. Si elle ne remplace pas la KR, elle
la facilite, active la ventilation, entretient la musculature et
le goût de l’effort et leur donne une meilleure image
de leur corps. C’est dans ce cadre seul que l’auto-drainage
peut être une solution (le plus souvent limitée dans le
temps).
L’entraînement à l’exercice sur bicyclette ergométrique est vivement recommandé, avec possibilité de programme individualisé. Il en est de même pour ceux qui ont
arrêté l’activité et pour qui la réadaptation à l’exercice est
préconisée pour enrayer la spirale dyspnée, déconditionnement musculaire, aggravation de dyspnée [18].
Ceux qui ont des fonctions respiratoires très altérées
voient leur activité réduite à cause de l’insuffisance respiratoire qui s’installe avec la désaturation à l’effort puis au
repos. L’oxygénothérapie s’impose, alors, la plus grande
partie de la journée et plus encore pendant la KR. Lors
d’un épisode aigu, les choses se compliquent pour la KR.
Le patient, thorax globuleux, cyphosé, ceinture scapulaire
surélevée et enroulée, très dyspnéique et polypnéique, ne
ventilant qu’une faible quantité d’air dans son volume
inspiratoire, est en situation d’urgence avec des SB très
abondantes, très visqueuses, très adhérentes, difficiles à
expectorer et péniblement rejetées en amas très denses. La
KR trouve ici ses limites. La VNI est alors associée et
permet une ventilation avec un plus grand volume mobilisé à chaque cycle et un moindre travail des muscles
inspirateurs. Malgré les grandes difficultés du patient, le
drainage des SB peut être encore entrepris avec l’aide et la
surveillance attentive du kinésithérapeute et le confort du
patient s’en trouver amélioré.
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Kinésithérapie respiratoire chez l’enfant atteint de mucoviscidose
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Rôles du kinésithérapeute
respiratoire
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Références
Le kinésithérapeute respiratoire doit être motivé, disponible, rappeler au patient la nécessité de la KR. En effet,
si elle est régulièrement bien faite, elle est une bonne
garantie contre l’encombrement et ses conséquences. Il
doit savoir conseiller les bonnes pratiques en matière de
prise des aérosols : grande inspiration lente, pause, expiration passive (les fluidifiants et bronchodilatateurs se
prennent avant la KR, les antibiotiques après). Conseiller
l’organisation des séances au cours de la journée en
fonction des aérosols, des repas, du travail scolaire et des
autres activités. À ce sujet, il faut signaler que la séance
souvent préconisée au lever n’est sûrement pas la
meilleure, ni la plus facile, après l’hypoventilation et la
sous-hydratation nocturnes. Témoin actif de l’état clinique
du patient, il est le relais entre celui-ci et le médecin
traitant. Il est à l’écoute du patient. Pour la KR, il l’aide et
l’encourage à persévérer. Il le soutient dans sa lutte contre
la maladie, car pour une KR efficace et régulière il faut de
l’énergie, du courage et de la ténacité. Il le guide pour
reconnaître les signes d’encombrement, d’infection, de
fatigue, d’aggravation qui doivent l’amener à consulter.
Considéré comme un familier ou un intrus, ou parfois
comme confident, il doit cependant savoir garder quelques distances pour conserver un jugement sûr.
Les séances de kinésithérapie respiratoire sont bien sûr
individuelles. L’hygiène est un point fondamental de la
pratique quotidienne. Pour le praticien, le lavage des
mains et des avant-bras au savon liquide et à la solution
hydroalcoolique est impératif avant et après séance. À
l’hôpital, masque et surblouse sont nécessaires. Les patients porteurs de germes multirésistants ou les malades en
isolement doivent être vus après les autres patients ; le port
des gants est alors indispensable.
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Exigeant la coopération active du patient, la KR est un
acte particulier. Soin direct sur le corps du malade à qui on
demande de faire ce que le savoir-vivre et l’éducation
réprouvent, la KR peut être ressentie comme dégradante. Il
convient pour cet acte singulier, indispensable pour les
patients, de dépasser, il est vrai, les règles de convenance
tout en respectant la pudeur, la sensibilité, la dignité de
chacun.
16. Zuani P, Barthe J. Critères d’évaluation (cliniques et paracliniques) de la surveillance de la sécrétion bronchique dans la mucoviscidose. Pédiatr Puer 1991 ; 7 : 403-8.
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mt pédiatrie, vol. 8, n° 3, mai-juin 2005
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