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© Magnard, 2006
Séquence 5 77
TEXTE ÉCHO
Cet extrait de Pantagruel est à la fois un écho dans
le temps – puisque Rabelais a vécu et écrit au XVIe
siècle – et un écho dans le choix des moyens pour
provoquer le rire : comme dans l’extrait du Roman
de Renart, ce sont la ruse et la tromperie utilisées
par l’un des personnages qui réjouissent le lecteur.
Pour commencer
1. « Faire une farce » : tromper quelqu’un de façon
amusante, pour plaisanter. Nous avions caché le
cartable de notre sœur pour lui faire une farce, elle
n’était pas très contente !
« Jouer un bon tour » : faire quelque chose à quel-
qu’un en employant la ruse, la malice. En lui lais-
sant croire qu’ils avaient oublié son anniversaire, ils
lui ont joué un bon tour : la maison était pleine
d’amis lorsqu’il est rentré.
« Tendre un piège » : cacher quelque chose à quel-
qu’un pour l’amener à se dévoiler. En ne me disant
pas que Jeanne serait présente, il m’a tendu un
piège, m’obligeant à la revoir.
« Préparer une embuscade » : se cacher pour sur-
prendre l’ennemi. L’araignée dans sa toile prépare
une embuscade dans laquelle vont tomber de nom-
breuses mouches.
Des forces inégales
2. Les deux camps ennemis sont Pantagruel et ses
compagnons qui s’apprêtent à débarquer contre six
cent soixante chevaliers.
Sur le navire, on signale la présence, outre celle de
Pantagruel, de Panurge, d’Epistémon et de
Carpalim. C’est bien peu, comparé aux six cent
soixante chevaliers qui arrivent au grand galop.
3. Pantagruel est un géant, doté d’une force
impressionnante. Il a confiance dans ses possibili-
tés : « mais je vous les tuerai comme des bêtes,
fussent-ils dix fois autant. »(l. 5-6).
La ruse de Panurge
4. Panurge met en place un piège dans lequel vont
forcément tomber les cavaliers :
– D’abord, à l’aide de deux cordes fixées à un
treuil, il fait deux cercles, « l’un large, l’autre à l’in-
térieur de celui-ci. » (l. 12). Il remplit de paille et de
poudre à canon l’espace entre les deux cordes.
– Ensuite il laisse les chevaliers pénétrer sur le
navire, dans l’espace limité par les deux cordes.
– Puis, il donne l’ordre à Epistémon de tirer sur la
corde à l’aide du treuil : les cavaliers et leurs che-
vaux tombent.
– Enfin, Panurge met le feu à la traînée de poudre
grâce à la « grenade à feu » (l. 18) dont il s’était
muni, il enflamme la paille et « les fit tous brûler là
comme des âmes damnées. » (l. 36-37).
5. Panurge fait preuve d’inventivité lorsqu’il cons-
truit le piège à l’aide de tout ce qu’il trouve sur le
navire : corde, treuil, paille, poudre, grenade. Son
intelligence est rapide : il met le piège en place
sans hésitation. Il sait diriger ses compagnons :
« Enfants, attendez ici et offrez-vous à ces ennemis
franchement, obéissez-leur et faites semblant de
vous rendre : mais faites attention de ne pas entrer
à l’intérieur de ces cordes ; restez toujours
dehors. » (l. 13-15), « Alors il cria soudain à
Epistémon : “Tire ! Tire !” » (l. 30-31).
6. Dans les paroles de Panurge rapportées direc-
tement, on peut relever des phrases impératives :
« retirez-vous dans le navire » (l. 8), « Avancez vous
autres. » (l. 9), « Enfants, attendez ici et offrez-vous »
(l. 13), « obéissez-leur » (l. 14), « faites attention »
(l. 14-15), « restez » (l. 15), « Tire ! Tire ! » (l. 30-31).
Les verbes sont à l’impératif. Le personnage de
Panurge apparaît comme autoritaire, sachant et
ayant sans doute l’habitude de tenir le rôle du chef.
Des ennemis anéantis
7. Les chevaliers font preuve d’une grande naïveté,
d’un manque de discernement : ils se précipitent
sans analyser la situation : « En voyant cela les aut-
res approchèrent, pensant qu’on leur avait opposé
de la résistance à leur arrivée. » (l. 22-24).
8. Leur chute amuse le lecteur qui attendait de voir
comment le piège préparé par Panurge allait fonc-
tionner et qui s’attendait à le voir réussir. Lorsque
Panurge « les fit brûler là comme des âmes dam-
nées » (l. 36-37), la première réaction du lecteur
est de se réjouir de voir un seul homme vaincre un
si grand nombre de chevaliers. C’est un peu la vic-
toire de David contre Goliath, celle d’Ulysse sur le
Cyclope, celle du plus faible sur le plus fort… C’est
aussi la victoire de l’intelligence sur la sottise, de
la ruse sur la trop grande naïveté. Dans un deuxiè-
me temps, certains peuvent trouver que le sort des
chevaliers est bien cruel…
Pour conclure
9. a. Panurge est un homme intelligent qui, plutôt que
d’employer la force pour vaincre, lui préfère la ruse. Il
est présenté comme celui qui sait rassembler ses
compagnons pour les entraîner dans son projet.
b. Comme Renart, il se sort d’un mauvais pas en
employant la ruse. Comme lui (voir le texte précé-
dent de « La pêche aux anguilles », p. 138-139 du
manuel), il sait profiter de la naïveté de ses adver-
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