LES
HYM~ES
Or'
je
vois COlllmencer maintenant à vous faire
Un sacrifice neuf qui vous pourra complaire,
Non par sang de taureaux, ou de vaches
encor,
240
Ou
de beufz qui auront le haut des cornes
d'or
Tuez
en hecatombe : ains
je
vous sacrifie
Des ores, à vous tous, mon esprit & ma vie,
Mes Muses & ma
plume,
&
si
jure les eaux 1
244
De
Pimple & de Pegase, & les Tertres jumeaux
De
Parnasse sacré, choses
non
perjurables
A ceux à qui les
Sœurs
se mOllstrent favorables,
Qu'ingrat
je ne seray par
le
temps apperçeu
248
Du bien & de
l'honneur
que de vous j'ay reçeu 2
Et sans me reposer,
par
les terres estranges J
Tousjours
de mieux-en-mieux j'envoiray les loüenges,
Non pas de l'oncle seul, mais de tous les nepveux,
25%
Atlxquelz bit!n
humblement
j'appens icy mes
vœuxo4.
[73]
Car, soit que Lachesis de
coupper
n'ait envie
Pour
vingt ou
pour
trente ans
la
trame de ma vie,
Ou
soit qu'elle & ses
Sœurs
d'une
cruelle main
256
Tranchent
bien tost le
fil
de mon mestier humain
5,
racheveray
tous jours
d'ourdir
en
mll
pensée
De l'oncle & des nepveux l'histoire commencée
6.
FIN.
1.
C.-à-d.:
et ainsi je jure par les eaux (latinisme).
2.
En quoi consista ce
bien?
C'est probablement la cure-baronnie
d'Evaillé, au Maine (cf. L. Froger, Ronsard ecclésiastique, p.
Il
et
Il).
Quant
à
l'honneur,
on peut penser que c'est
le
titre de
.•
poëte du
Roi.,
que
Ronsard obtint en 1554, ou bien la Aeur d'églalltine qui lui fut adjugée
cette même année par les mainteneurs des Jeux floraux
de
Toulouse et
fut suivie
c:n
1 S S 5 du don
d'une
Minerve en argent, peut-être
sur
la
recommandation du cardinal
Odet,
1l10r5
archevêque de Toulouse.
3.
C.-à·d.
: dans les pays étrangers.
4.
C..à-d.:
mes offrandes,
ou
mes tableaux votifs.
i.
Prendre le
mot.
mestier
)j
au seus technique de machine à fat-ri-
querles
tissus.
6. R01lsard oublia sa promesse pendant les gu.:rres de religion,
qUillld
DE
P.
DE RONSARD
HYMNE
DE
LA
PHILOSOPHIE.
[74]
A TRESILLUSTRE
ET
REVERENDISSIME
CARDINAL
DE
CHASTILLON
1•
VERS
COMMUNS
2.
Si quelquefois Cleio J m'a decouvert
Son cabinet, à peu de gens
ouvert,
Pour
y choisir un present d'excellence,
Present,
qui
fust la digne recompense
D'avoir servy la
troupe
de ses
Sœurs
Depuis huict ans,
par
cent mille labeurs 4 :
EDITIONS:
Les Hyml/es,
ISH.
-Œuvres
(Hymnes,
2·
livre), 1560 à
1,87
et
Cd.
suiv.
-Réédité à
pan
en 1582 par
J.
Febvrier, avec un
commentaire de Pantaléon
Thevenin.
Titre:
67-7J a;oule,"
Odet
tUl'a,JI Cardinal el suppriment Vers
com-
muns
1 78-87 A Odc:t de Colligny, Cardinal de Chastillon.
1-2.
78-87 Si Calliope autrefois de bon gré (84.87 son gré) M'a des-
couvert (84-87 rait
ouvrir)
son cabinet sacré
6.
;8-87
Depuis vingt ans
il
vit
les trois Chastillons dans le camp des huguenots. Non
seulement
il
ne leur adressa plus aucun
ven,
mais
il
supprima
tout
ou partie de
certaines pièces
qu'il
leur
avait adressées avant 1560. Il
eut
même
un
mot
horrible à l'égard de l'amiral Coligny, assassiné
:i
la Saint-Barthé-
lemy
(dans
l'Hym,.,
des
Estoilles).
1.
Il s'agit encore
d'Odet
de Coligny, cardinal de Chastillon, frère de
l'amiral
(V".
la pièce précédente et la dédic:lce des Hymrus).
2.
Ronsard qualifie ainsi les vers décasyllabiques, par opposition
lUX
vers alexandrins,
qu'il
appelle.
héroïques ».
J.
Pour
cette graphie, calquée
sur
le grec, v. l'ode A
la
Mllse Cltio",
au tome
l,
p. 219. Exceptionnellement
cc:
nom n'est pas francisé ici. -
Dans
la
variante, Calliope remplace Clio comme
la
première des Muses,
la Philosophie
étant
la Science par excellence, ou
plutôt
celle
De qui
tout
autre
emprunte
S:l lumiere
(nrs
20).
4. Cela nous reporte à l'année 1547, où Ronsard commença
en
effet
son trav.ail acharné
sur
les livres anciens sous la discipline de Dorat
et
publia sa première ode dans
le
re;ueil dei Œuvres
~oètiqlUs
de
J.
Pele-
lier(v.
le tome
1,
p. 3).