HYMNE DE LA PHILOSOPHIE. [74]

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LES
HYM~ES
Or' je vois COlllmencer maintenant à vous faire
Un sacrifice neuf qui vous pourra complaire,
Non par sang de taureaux, ou de vaches encor,
240 Ou de beufz qui auront le haut des cornes d'or
Tuez en hecatombe : ains je vous sacrifie
Des ores, à vous tous, mon esprit & ma vie,
Mes Muses & ma plume, & si jure les eaux 1
244 De Pimple & de Pegase, & les Tertres jumeaux
De Parnasse sacré, choses non perjurables
A ceux à qui les Sœurs se mOllstrent favorables,
Qu'ingrat je ne seray par le temps apperçeu
248 Du bien & de l'honneur que de vous j'ay reçeu 2
Et sans me reposer, par les terres estranges J
Tousjours de mieux-en-mieux j'envoiray les loüenges,
Non pas de l'oncle seul, mais de tous les nepveux,
25% Atlxquelz bit!n humblement j'appens icy mes vœuxo4. [73]
Car, soit que Lachesis de coupper n'ait envie
Pour vingt ou pour trente ans la trame de ma vie,
Ou soit qu'elle & ses Sœurs d'une cruelle main
256 Tranchent bien tost le fil de mon mestier humain 5,
racheveray tous jours d'ourdir en mll pensée
De l'oncle & des nepveux l'histoire commencée 6.
FIN.
C.-à-d.: et ainsi je jure par les eaux (latinisme).
En quoi consista ce bien? C'est probablement la cure-baronnie
d'Evaillé, au Maine (cf. L. Froger, Ronsard ecclésiastique, p. Il et Il).
Quant à l'honneur, on peut penser que c'est le titre de .• poëte du Roi., que
Ronsard obtint en 1554, ou bien la Aeur d'églalltine qui lui fut adjugée
cette même année par les mainteneurs des Jeux floraux de Toulouse et
fut suivie c:n 1 SS5 du don d'une Minerve en argent, peut-être sur la
recommandation du cardinal Odet, 1l10r5 archevêque de Toulouse.
3. C.-à·d. : dans les pays étrangers.
4. C..à-d.: mes offrandes, ou mes tableaux votifs.
i. Prendre le mot. mestier au seus technique de machine à fat-riquerles tissus.
6. R01lsard oublia sa promesse pendant les gu.:rres de religion, qUillld
1.
2.
)j
DE P. DE RONSARD
HYMNE DE LA PHILOSOPHIE.
[74]
A TRESILLUSTRE ET REVERENDISSIME
CARDINAL DE CHASTILLON 1 •
VERS COMMUNS
2.
Si quelquefois Cleio J m'a decouvert
Son cabinet, à peu de gens ouvert,
Pour y choisir un present d'excellence,
Present, qui fust la digne recompense
D'avoir servy la troupe de ses Sœurs
Depuis huict ans, par cent mille labeurs 4
:
EDITIONS: Les Hyml/es, ISH. - Œuvres (Hymnes, 2· livre), 1560 à
1,87 et Cd. suiv. - Réédité à pan en 1582 par J. Febvrier, avec un
commentaire de Pantaléon Thevenin.
Titre: 67-7J a;oule," Odet tUl'a,JI Cardinal el suppriment Vers communs 1 78-87 A Odc:t de Colligny, Cardinal de Chastillon.
1-2. 78-87 Si Calliope autrefois de bon gré (84.87 son gré) M'a descouvert (84-87 rait ouvrir) son cabinet sacré
6. ;8-87 Depuis vingt ans
il vit les trois Chastillons dans le camp des huguenots. Non seulement
il ne leur adressa plus aucun ven, mais il supprima tout ou partie de
certaines pièces qu'il leur avait adressées avant 1560. Il eut même un
mot horrible à l'égard de l'amiral Coligny, assassiné :i la Saint-Barthélemy (dans l'Hym,., des Estoilles).
1. Il s'agit encore d'Odet de Coligny, cardinal de Chastillon, frère de
l'amiral (V". la pièce précédente et la dédic:lce des Hymrus).
2. Ronsard qualifie ainsi les vers décasyllabiques, par opposition lUX
vers alexandrins, qu'il appelle. héroïques ».
J. Pour cette graphie, calquée sur le grec, v. l'ode A la Mllse Cltio",
au tome l, p. 219. Exceptionnellement cc: nom n'est pas francisé ici. Dans la variante, Calliope remplace Clio comme la première des Muses,
la Philosophie étant la Science par excellence, ou plutôt celle
De qui tout autre emprunte S:l lumiere (nrs 20).
4. Cela nous reporte à l'année 1547, où Ronsard commença en effet
son trav.ail acharné sur les livres anciens sous la discipline de Dorat et
publia sa première ode dans le re;ueil dei Œuvres ~oètiqlUs de J. Pelelier(v. le tome 1, p. 3).
86
C'est maintenant que je doy de mon coffre
Le retirer, pour en faire un bel offre
A la grandeur d'ODET, à qui ne faut
Rien presenter, si le present n'est haut,
De bonne estoffe, & de valcu r semblable
A la valc:ur de sa V c:rtu loüable :
Aussi ne veux-je offrir à sa grandeur
Un don qui sc,it de petite valeur :
Mais un present admirable à l'Envie 1,
Orné du loz de la PHILOSOPHIE,
Laquelle doit -entre les bons espritz
[75]
Sur tous les ars avoir le premier prix,
D'autant que c'est la science premiere
De qui toute autre emprunte sa lumiere 1.
Elle. voyant qu'à l'homme e~toit nyé
D'aller au Ciel, disposte, a delié
Loing, hors du corps, nostre Ame emprisonnée,
Et par esprit aux astres l'a menée,
Car en dressant de nostre Ame les yeux,
Haute, s'attache aux merveilles des Cieux,
8
Il
16
30
34
R. 71'78 un' belle offre 1 84-87 le"te primitif
9. 78- 87 A mOIl OJet, Prelat a qui ne faut
Il. 7,V-87 A la vertu qui le renJ admirable'
13'14. 67-87 il tel seigneur Un don qui soit (78-87 orné) de mediocre
bonneur
16. 78 Comme present de la Philosophie 1 84-87 L'hymne sacré de
.
la Philosophie
34. H-7J par erreur la menée (i/l. wiv. corr.)
C.-À-d. : dont le~ Envieux memes reconnaissent l'excellence.
Ronsard entend par CI les arts. a la fois les lettres et les sciences,
comme les Latins par les mots artes honae, inlenuae, liheralts. Au
XVI' siécle 11 philoiophie était considérée comme la synthèse des connaissances. Aussi va· t-il passer en revue. parl1li ses domaines, la métaphysique et la démonologie (par où e\le touche il la théologie), la cosmologie, la phy~ique, l'océanographie, la géo~raphie, la législation, la
morale j il Y rattachera m~me la médecine, la poesie, l'astrologie, la magie.
1.
l.
DE P. DE ,RONSARD
LES HYMNES
l8
Jl
J6
Vaguant par tout, & sans estre lassée
Tout l'Univers discourt 1 en sa pensée,
Et seulle peut des astres s'alier
Osant de DIEU la nature espier 1.
Elle congnoist des Anges les essences,
Leur hierarchie J, & toutes les puissances
Des grands Daimons, & des Herôs, plus bas
Que les Daimons, le siege & les estats.,
Et comme DIEu, par eux nous admonneste,
Et comme promptz ilz portent la requeste
19-30. 78-87 Et seule osant des Astres s'allier, Veut du grand Dieu
la nature espier
p. 67-87 La Hierarchie
3 J. 78 Et des Daimons
J J-16. 84-87 )UpprllMt/t ces quatre t'trs tl raccordent ainsi l, 1'c:rs J:l au
'IIers 17 : toutes les puissances Oe ces Démons qui habitent le lieu
r. C.-a-d. p"rcourt en différents sens (latin discurril). Cf. ci-après
l'hymne des VaimOfls, vers l5.
3 . . . [out cecy est imité, vl>ire tuduit du livre du MOllde, chap. l, de
quelque auteur que soit ce livre. (note de Ricbdet). C'est le traité du
pseudo-Aristote, paraphrasé p~r Apulée. Void la traduction du p"s~;Jge
correspondant d'Apulée (prologue, lignes 9 et suiv.): • Le:s hommes
réduits à leur corps (corport) ne pouvaÏ<:nt pas parcourir le monde et ses
mystères, et c'est seulement de leur terrestre séjour qu'ils apercevaient
les région! supérieures. M.. is ayant trouvé dans la philosophie un guide
et s'étant Imprégnés de ses découvertes, ils oserent voyager en esprit
("ni,"o) à travers les espaces célestes, par ces routes qu'une exploration
pé?étrante et la rètlexiol~ se~le leur avaient révélées •. V encore Ovide:,
Met., XV, vers 63 et SUIV., a propos de Pyth .. gore, et Boèce, COI/Sol. i"
Phi/os.
J. Elle varie suivant les religions et b théosophie:. Le christi.lllisme
admet trois hiérarchies : l'Assistante, la Dirigeante et la Réalisante,
dont chacune comprend trois chœurs: la première les Séraphins, les
Chérubins et les Trônes j la seconde les Dominations, les Principautés
et les Puissances: la troisième les Vertus, les Archanges et les Anges
(d'après saint Denis l'Aréopagite, Hiirarcbie céleste, chap. l).
4. Les • héros. sont ici les âmes désincarnées des morts, assimilées
aux demi-dieux parce qu'ellcs tiennent il la (ois de la nature humaine
et de la nature divine, tandis que les. daimons • sont des divinités qui
participent moins a la nature humaine (d'où leur rang supérieur). Même
sens dans Habelais, IV, cbap. 26 et suiv., et ci-aprés, Hymne dt la Mort,
vers Joo. Cf. les Vers dorts de Pythagore, début, et le commentaire
d'Hiéroclh (édition Mario Meunier).
88
De l'homme au Ciel, eux habitans le lieu
De l'air, qui est des hommes & de DIEU
Egual-distant l, & comme tous les songes
Se font par eux vrais, ou plains de mensonges,
Car elle sçait les bons & les mauvais "
Leurs qua litez, leur forme, & leurs effectz,
Et leur mystere, & ce qu'on leur doit faire
Pour les facher, Çlu bien pour leur complaire
Et pourquoy c'est qu'ilz sont tant de3ireux
De la matiere, & couhards, & poureux,
Craignant le coup d'une tranchante espée l,
Et par quel art leur nature est trompée
Des enchanteurs, qui les tiennent serrez.
Estroitement dans des anneaux ferrez 4,
40
H
48
DE P. DE RONSARD
LES HYMNES
SJ
[76]
41. 78-84 Seule elle sçait
46. 78-84 & couards & peureux
41-48. 87 supprime ClS buit t'ers
49. 87 Comme une voix les peut rendre enserrez
1. Cf. le sonnet de 1 S53: Ailés démons qui tenez de la terre Et du
haut ciel justement le milieu (tome IV, p. H), et ci-après l'hymne des
Daimons.
2. C'est Xénocrate, disciple de Platon, qui le [remier répartit les
démons en deull classes, les bons et les mauvais; c . l'bynllle des Dai201 à 2 JO.
J. V. ci·aprés l'hymne des Da;/n"ns, Hl'et suiv.
4. Sur les anneauli m:lgiques des. enchanteurs " v. le commentaire
de Thevenin dans l'édition séparée d~ IS8:z; cf. l'hymne des Daimons,
40~ et sui"., Richelet rappelle il ce sujet l'anneau de Gygès (Lucien),
celui d'Angélique (Arioste) et celui de Charlemagne • qui le rendit
amoureux du lac d'Aix-la·Chapelle, où il fut jeté par l'archevêque Turpin " et il ajoute: • Encor Lucien observe au Navigage que ces anneaux,
oi oC&X'tVÀ{OI, avoient des vertus différentes, selon le pouvoir limité du
Daimon enfermé dedans, les uns de rendre invulnérables, les autres
capables de voler en l'air, les autres de se rendre invisibles, les autres
d'estre aimez de tous, et autres semblables effects, dont neantmoins il se
mocque. Et toutefois sons la superstition des anciens ces :mneaux se
vendoient, et prenoit-on garde il les forgerAOus l'ascendant heureux de
quelque bon astre. et un meilleur aspect de 1. lune; y meslalls quelques
herbes favorisées de leurs constellations et les forgeans aussi d'un metal
"'""S,
S6
60
64
68
Ensorcelez, ou par une figure,
Ou par le bruit d'un magique murmure,
D'espritz divins se rendans serviteurs
(Tant ilz sont sotz) des humains enchanteurs 1
Non seulement elle entend les pratiques
Et les vertus des sept feux erratiques 2,
Mais d'un clin d'œil, habile, elle comprend
Tout à la fois le Ciel, tant soit-il grand:
Et comme on voit la sorciere importune
Tirer du Ciel par ses charmes la Lune,
Elle, sans plus, la Lune ou le Soleil
N'atire à bas par son art nompareil,
Mais tout le Ciel fait devaller en terre,
Et sa grandeur en une sphere enserre
[77]
(Miracle grand) qui tant d'astres contrains,
Comme un joüet, nous met cntre les mains J.
Donc, à bon droit cette PHILOSOPHIE
D'un Jupiter les menaces de6e,
Qui, plein d'orgueil, se vante que les Dieux
Ne le sçauroient à bas tirer des Cieux,
de mes.me. Ainsi nostre Autheur, auquel il n'eschappe ri~n de sçavant,
n'oublie pas ces anneaux sorciers qui se portoient, et que Pline appelle
ditilis Deos testllre .•
1. D'esprits divins" qu'ils estoient avant leur cheute, ou bien eu
esgard a leur nature premiere " ils se rendent nos serviteurs " comme
estant subjects aux passions ainsi que nous. (note de Ricbelet, qui renvoie il saint Augustin, Cité de Die", livre XII).
2. Les planètes, ainsi appelées d'un mot grec qui sj~nifie astres erranls
et que les latins ont traduit par erra"Ua sidtra; ceue denomination n'impliq ue pas que l(ur cours soit irrégulier ou capricieux, mais les oppose
simplement aux étoiles dites fixes. - Ronsard entend par" pratiques et
vertus. des planètes leurs évolutions et leurs influenc~s propres.
J. Les philosophe, se servaient d'une sphère cèleste pour enseigner
l'astronomie (v. Lucien, qui s'en moque. [(arorn;"ippt, 6). - Le
• miracle grand. consiste a voir tout le ciel, il comprendre toute la
science sidérale à l'aide de cc petit globe; cf. Claudien, Epitr. XVIII, [,a
sphaeram Ar·chil/ua;s.
90
Tirassent ilz d'une main conjuree: 1
Le bout pendant de la cheine ferrée,
Et que luy seul, quand bon luy semblera,
Tous de sa cheîne au Ciel les tirera 3.
Mais les effors d'une telle science
Tire les Dieux, & la mesme puissance J
De Jupiter, & comme tous charmez
Dedans du bois les detient enfermez 4,
Elle premiere a trouvé l'ouverture
Par long travail des secretz de Nature,
A sçeu de quoy les tonnerres se font,
Pourquoy la Lune a maintenant le front
Mousse s, ou cornu, & pourquoy toute ronde
Ou demi-ronde elle apparoist au Monde,
A sçeu pourquoy le Soleil perd couleur "
71
76
80
84
ni
D~
LES- HYMNES
1. Ce mythe d'une chaine de fer, 3 laquelle Jupiter tient le monde
suspendu, se trouve dans Homère, Il. VIII, 18.et suiv. (Ronsard a
résumé id le discours de Jupiter aux autres dieux). - Cette chaine, dit
Richelet, • n'est ricn autre chose que l'ordre, la raison et la suitte des
Cluses et chas.:s cn!':.:s, qui dépend de la puissance ct volonté de Dieu»;
et il renvoie à Aristote, interprète de cette fiction d'Homere, Du mout'el/Ullt des animaux, chap. 4 et à saint Augustil'l, Cité d, Ditu, livre V.
}. C.-à-d. : 1.& puissance même, ou m~me la puissance.
4. C.-à-d. : la philosophie, comme si les dieux etaient tous charmes
par clle, les tient enfermes dans la sphère en bois mentionnée ci-dessus
(au vers 64). - A noter les verbes tire et altient au singulier, bien que
leur sujet soit au pluriel; c'est une varié te de syllepse (voir la
variante).
Quant au mot cbarm~, il fait allusion. aux charmes des sorciers, qui
pres.:rivent et limitent aux Daimous certain espace de lieu qu'ils n'osent
outrepasser. (Richelet).
S. La lune est mousse, c'est-à-dire émoussee, entre le premier quartier et la pleine lune et entre la pleine lune et le dernier quartier, alors
qu'elle est entre ronJe et demi·ronde.
6. Au moment de son éclipse. En réalité le solèil ne perd pas sa
couleur; c'est sa lumière seulement qui est obscurcie, étant interceptée
par la lune.
RONSA~D
91
Que c'est qu'i! est, ou lumiere ou chaleur,
A sçeu comment tout le firmament dance,
Et comme DIEU le guide à la cadance,
A sçeu les corps de ce grand Univers,
[78]
Qui vont dançant de droit, ou de travers,
Ceux qui vont tost au son de l'harmonie,
Ceux qui vont tard apres leur compagnie 1,
Comme Saturne aggravé de trop d'ans
Qui suit le bal à pas mornes & lens 3.
Elle congnoist comme se faict la gresle,
Comme se faic~ la neige, & la niele,
Les tourbillons, &, curieuse, sçait
Comme sous nous le tremblement se faiet J.
Bref, elle sçait les ventz, & les orages,
Et d'où s~ font en l'air ces longs images
Qui nous troubloient d'époventementz vains .. ,
Et la premiere asseura les humains s,
88
100
76-78. 71-87 corrigml Tire m Tirent mais zanù,,' le si"zuli" detient
sous-nllnuilJ"t le suj,t elle
x. Par conspiration eutre eux.
P. DE
97. 7 1 -7] Ses tourbillons (éd. suit,. co,.r.)
101. ~r~-87 Troublaus nos cœurs d'espouvantemens "ains
r. Sur l'harmonie des sphères, v. Platon, Rép., X (songe d'Er de
Pamphylie); Cicéron, Rip., VI, Il-l} (épisode du songe de Scipion);
Pline, Hist. nat., Il, J ; Apulée, traite du Mona,. Ronsard en parle sou·
vent (v. par e~. l'Ode at la Paix;au tome III, p. 6, et ci-après l'Hym"t
du Ciel, vers 4') et suiv.).
1. La planète Saturne etait alors la plus lointaine qui eût été découverte. - Ronsard assimile par fiction cette planète au dieu père de Jupiter. Or, si le dieu Saturne est le plus vieux des dieux, la planète du
même nom n'est pas de plus ancienne creation que les autres, et n'a pas
un mouvement moins rapide; elle est seulement plus éloignée que les
autres et met par suite plus de temps à parfaire sa révolution autour du
soleil. Cf. Sénèque. Quaest. ""t., VII, ch. 1 9 , .
."
}. Cf. Virgile, Géorz., Il, 4ï9 : Unde tremor terns ... <lJlant a la ",tle,
c'est un synonyme de brouillarJ (lat. nebula): cf X, p. 104 n.
4. C'est ce que Sénèque appelle fJQstorum i/nQzi"es il";,,,n (QUlJest.
l, l, fin), à savoir les comètes, h:s étoiles filautes et autre$
météores.
S. C.-à-d. : leur donna de l'assurance, les rassura contre leurs vaines
terreurs. C'est ce que fit Lucrèce en maints endroits de son poème.
""t.,
LES HYMNES
Les guarissant du mal de l'Ignorance,
Et de vertu leur donnant congnoissance,
Pour les apprendre à congnoistre lt. bien,
Fuïr le vice, & ne douter de rien '.
Puis, tout ainsi que s'elle avoit les relies
Du filz de Maie à l'entour des esselles 3,
Vole aux Enfers, & recongnoist là bas
Ce qui est vray, & ce qui ne l'est pas,
Elle congnoist Eaque, & Rhadamante,
Leur sort, leur cruche " & leur loy violente,
Elle congnoist la Roüe, & les Vautours,
Et du Rocher les tours & les retours .,
Elle congnoist le grand Chien à trois testes,
Et les Fureurs s, & les horribles Bestes
,08
lU
u6
DE P. DE RONSARD
120
[79]
104· 78-84 Et des vertus 1 87 Des bauts secrets leur d"unant cognois.
sance
106. 87 Les asseurer & ne douter de rien
lU. 67,84 Le Sort. la Cruche, lie la(84 leur) Loy violente 1 BI. Leur
sort, leur urne (texte IÙ fantaisie)
III -12 S. 87 supprime ces qui,,:{e vers, les rempkue par CI distique: Pour
ddivrer de frayeur et de crainte, Nos cœurs gennez d'une frivole feinte,
et rtl('CQrtl, ai"si nt," le tiers u6 : Puis de la bas revolant lCy haut Pleine
d'ardeur, saDsqui l'art rien ne vaut
Cf. Aristote, Météorts, livre l, et Ciceron, Tuseul., livres Il et V. _
Cette revue des question< qui sont du domaine de la philosophie a
semblé à Richelet imitée de Claudien, Pa"il''''' IÙ Mallius, 100 a l U :
'" dementa doces, semperque fluentis
Materiae causas, quae vis alllmaverit astra,
Impuleritque choros, quo vivat machina motu
Sidera cur septem retro nitantur in ortus
Obluctata polo, etc.
2, Mercure, fils de Maia et de Jupiter. Cette périphrase vient d'Horace,
Car",., 1,2, 4i,
J, C.-i·d. : leur tirage des noms au sort, et l'urne qui sert pour ce
tirage. Encore un souvenir d'Horace, Car",., Il, 3, fin, et III, l, '5- 16 •
Cf. le tome Il de la présente édition, p. u8 et '97,
4· Allusion aux supplices d'Ixion, de Tityos et de Sisyrhe.
S, Le chien ,Cerbère et les Furies.
1.
1211
IJ2
q6
93
Qui font leur giste au portal de Pluton:
Elle congnoist Cocyte, & Phlegeton,
Styx, & Charon, &. des Ames prisées
Les beaux sejours aux plaines Elysées,
Et les plaisirs, & les tourmentz souffers
Que gravement les Juges des Enfers
Dedans leur chaire ordonnent sans envie
A ceux, jadis qui furent bons de vie,
Ou entachez de vicieux dcfaut J.
Puis, de là bas revolant icy haut,
Vient mesurer les grands mers fluctueuses,
Baille des noms aux troupes monstrueuses
Du vieil Prothée 2, & par mille façons
Le naturel recongnoist des poi,ssons,
Des beaux Dauphins, des Thyns J & des Murenes,
Et de tous ceux qui par les eaux Tyrrenes,
Et par l'Egée en grands escadrons vont,
Des Hotz salés sondant le plus profond.
Elle congnoist les Tritons & Neptune,
Et pourquoy c'est que l'inconstante Lune
Regist la mer: elle sçait les saisons
[80]
131. 84 Des Thons, Dauphins, Haleines & Murenes
1 J J, 84 en ~randes troupes vont
.
13 S· 78 les fritons de Neptune 1 84 & Tnton ~ ~eptune
J ll- 1 tB. 87 supprime çes h'lit 'LUS et raccorde alI/SI avec le tiers 1 J~ :
Elle cognoist ces baleines qui ventent, Et pourquoy c'est que la mer Ils
tourmentent
1. Cf. Virgile, En., VI, l7J à no, 417 et s~iv. (description de
l'entree des Enfers, du Tartare et des Champs Elyseens).
2. Protée, dieu marin, ch'lfgé de garder les troupeaux monstrueUI de
Neptune et d'Amphitrite. Il avait le don de proph~liser et de changer
de forme à volonte quand on l'interrogeait sur l'avenir. Cf. Homère, Od.
'IV, l84 et suiv.; Virgile. Georg., IV, l87 et suiv,
J. C.-à·d. des Ihons, comme l'indique la variante. La forme cc thyns.
vient du grec 6vV\lo;; on la trouve encore ci-après, dans l'hymne des
Dnimons, vers 274.
De son train double " & par quelles raisons
De l'Univers les grans Espritz qui ventent
Jusques au fond sans cesse la tormentent,
Et pourquoy c'est que le siecle ancien
Nomma jadis le vielliard Ocean
Pere de tout J, & non-seulement pere,
Mais nourricier, & donnant comme mere
A ses enfans la mamelle, à cell' fin
Que sans humeur J ce grand Tout ne prist fih
Car il nourrist ses troupes ondoyantes,
Et les oyseaux, qui de plumes pendantes
Battent le Ciel, les hommes, & les roys,
Et toute beste habitant dans les bois.
Et d'avantage, à fin qu'il n'y ait chose
Qu'elle ne sache en tout ce Monde enclose,
La terre arpente ., & du rivage ardent,
De l'Orient jusques à l'Occident,
Et de la part de l'Ourse Boreale
Sçait la longueur, la largeur, l'intervalle)
140
IH
148
ISl
1,6
138.140 84 & pour quelles raisons Des vens enflez les haleines qui
ventent De fond en comble en hurlant les tourmentent 1 87 t'O;r wri.mle
précidente
141-14J· 8/ Nomma le pere & vieillard Ocean Germe de tout 187
Nomma \'Ieillan.l le bon pere Ocean Germe de tout
14,-146. 84-87 A ses enfans ses mamelles, i fin Que sans humeur ce
Tout ne prenne fin 1 1J97 el US éd. suill., y rompris celle de Blallrbe_i",
onl remplacé lori humeur par hOllneur
147. 84- 87 les troupes
149. 87 les pauvres & les Rois
a
C.-i-d.: les époques des grandes marées.
Pour Homère. l'Oc~an est le p~re des sources et de toutes les eaux
d.e la t~r~e (Il., XXI, 19,), et pour le phil?sophe Thalès, l'eau est le prinCIpe geneuteur de toutes choses. Cf. Aristote, Mtlapb., livre 1.
J. C.-i-d. : priv~ d'eau (sens du latin bumor); cf, ci-après l'H,.mlle tùs
Astre.<, 11b et suiv.
.
4. C,-à-d .. : elle mesure la terre par arpents.
,. Ronsa~d désigne ain~i l~s divisions du globe terrestre en lungitudes et latitudes, et parucuhèrement p:lr " intervalle» il entend la
1.
1.
DE P. DE RONSA RD
LES HYMNES
94
160
164
168
172
95
Il n'y a bois, mont, Beuve, ne cité
Qu'en un papier elle n'ait limité 1,
Et, sans que l'homme avecques danger erre
Vingt ou trente ans, ne luy monstre la terre J
D'un seul regard: ceux qui touchent noz bords, [81]
Et ceux qui froidz sont écartez du corps
De nostre monde J, & les gens qui defrichent
L'Isle, où les bledz deux fois l'an se herissent
D'espics crestés, & ceux que le Soleil
Void, se couchant, & void à son reveil .. ,
Puis elle vint revisiter les Villes,
Et leur donna des polices civiles,
Pour les regir par Justice, & par Loix
Car pour neant on eust quitté les bois,
Et les desers, où le peuple sauvage
Vivoit jadis, si l'on eust d'avantage
Qu'entre les bois trouvé dans les citez
1,9' 84-87 en cent navires erre
16,. 78-84 Et l'Amerique, & ceux que le Soleil
163-166_ 87 lit la gent blanche & noire Et tout cela que la fableuse
histoire De l'Ame ri que escrit de nostre tems, De l'Espagnol les tresors
plus conten!
169- 84-87 par statuts & par lois
Ip. 78-87 Vivoit de glan l "/4-87 uns trouver davantage
17J-I77. 84-87 trans/orln",1 ainsi ct passai' f'arl'illSerlion de qualre f'ers :
Qu'cntre .Ies bois au milieu des cit~z Moins de iu~tice &. plus d'iniquitez : Et SI la Loy peda!ogue du vIce N'eust fait regner Themis & sa
(87 la) justice, Que Jupiter au pouvoir indonté Pres de son t1uone
=
distance qui sépare le Sud du Nord, l'Est de l'Ouest (rivage ardent
le
Sud; Ourse boréale
le Nord).
l, C.-i-d. : en une carte de géographie.
1. ~mprendre : « Il n'y a bois, mont, fleuve ni cité ... que la terre
ne lUI montre»; autrement la négation ne s'expliquerait pas.
J. Les Lapons et les Esquimaux.
4, Les habitants de l'Amérique, ainsi que J'indique la variante. Quant à l'ile qui produit du blé deux fois J'an, ce doit être la Sicile
frala dom us Cererj (Ovide, Fastes, Ill, 411).
'
=
DE P. DE RO!l!SARD
LES HYMNES
17 6
ISo
184
Plus de pechez par faute d'equitez,
Et de statuz à faire la Justice
Pour vivre en paix'- loing de meurdre, & de vice '.
Que diray plus :I? le poëte luy doit "
Le medecin 4, & cetuy-là qui voit
De son timon les estoilles glissantes s,
Et le charmeur ses figures puissantes 6 :
Car toute, en tout elle a voulu trouver
Tout art, à fin de le faire éprouver,
Pour ne souffrir qu'un trop engourdy somme,
Sans faire rien, rouillast le cœur de l'homme.
Apres avoir d'un jugement divers
[82]
En tous endroitz pratiqué l'Univers~
188
19 2
196
200
assied à son coste. Que diray plus? /) tressainte & tresgrande Fille du
Ciel, dont la vertu commande A tous mestiers, le Poëte te doit
17S. 78 polissant la Justice
178. 67-87 & le Nocher qui voit
11h. 78-87 Bref tout~ en tout 1 84-87 tu as voulu trouver
.
18S. 71-78 l'ar. er.re~r du .iugement (c~ vers et. les cent trmte-sept qUI
suivent sont supprl/llts a partIr de 84 ; t'Olr CI-aprts)
1. « C'est·à-dire qu'en vain les hommes se fussent unis en sociétes
civiles s'ils aJ{oient à estre aussi injustes que dans les bois, et s'ils n'estoient reglez par loix qui leur montrassent ce qui estoit juste ou ce qui
ne l'estoit pas » (Richelet).
. . .
, .
2. « Tout ce qui suit est comme une ImItation ab):>regee de 1oraIson
d'Aristide à Minerve. (Richelet). Il s'agit de l'Hymne à Albéna, composé
par le rheteur grec JElius Aristide.
.
J. Non seulement parce que les premiers polltes furent ~cs phllosor~e~,
mais surtout parce que les poètes voilent sous It:urs fictlons les ventes
d'ordre moral.
4. La meJecine suppose en effet la connaissance de toutes les Scienc~s
naturelles et se rattache par là à la philosophie j en outre le medeclll
doit ëtre un excellent psychologue.
.
S. Le marin·timoOler, parce qu'il doit conna~tre l'astronoml~, le
rëgime des mers et des vents. - Les. estoilles glissantes • tradUIsent
labentia signa de Lucrèce: cf. l'Ode dt la PaIX, vers 60 (~ome III, p. 6).
6. Le ma<7icien ou sc/rcier (qu'il appelle plus haut. 1 enchanteur JI),
parce que":. la Magie appartient encore il l~ p.hi/osophie, .en t:lnt
qu'elle est naturelle et sçait les abus et les operatlons des Dalmolls •
(Richelet).
204
208
97
Et clairement aux hommes fait entendre
Ce qu'Hz pou voient, sans estre Dieux, comprendre,
Pour mieux se faire, avec peine, chercher,
S'alla loger sur le haut d'un Rocher 1.
Dans une plaine, est une haute Roche.
D'où, nul vivant, sans grand travail, n'aproche :
Car le sentier en est facheux, & droit,
Dur, rabboteux, espineux, & estroit,
Tout à-l'entour s'y asproye l'hortye J,
Et le chardon, & la ronce sortye
D'entre les rocz, & les halliers mordans,
Qui font seigner les mains des abordans.
Au bas du Roc est un creux precipice
Qui faict horreur à l'homme plain de vice
Qui veut monter avant qu'estre purgé
De son peché, dont il estoit chargé.
Tout au plus haut, cette Roche deserte
Est d'amaranthe, & de roses couverte,
D'œilletz, de Iyz, & tous jours les ruisseaux
Herbes & fleurs animent de leurs eaux.
Jamais l'orage & la fiere tempeste,
En s'eclattant, ne luy noircist la teste,
lOS· H par ,rrnlr ruiseaux (hl. suiv. co,.,..)
1. Tout le d~veloppement qui suit sur b. demeure de la Philosophie,
devenue ~oudalD la ~ertu, ~orre.spond à l'enseignement tradirionnel de
la scolast\o.l~e. RabelaIS avait priS le contrepied de cct enseignement en
son q.UQr~ /1L:r~, chap. Si. De son cote Montaigne a écrit dans son essai
sur 1 but/futlDn des eltfallts : • Elle (h philosophie) a pour son but la
vcrtu., qUI n'est pas,. comme. dit l'eschole, pJ.Ultée il la tête d'un mont
coupe, rabotteux et lD:\cceSSlble_ .. '. Honsard, muri par l'expérience,
eensa sa~s doute plus tard comme eux, et c'est la raison probable qui lui
üt suppTlmer en IS~. toule la fin de l'hymne jusqu'au vers Jll. Mais
en 1 S6J il admettait encore « le ~oc de la Vertu. (hymne de l'H)'wr,
prologue). Cf. H. Franchet, le Poet, Il SOit (Ut"', d'après Rtntsard (thèse
de Paris, J9l J), p. JOJ et suiv.
2. C.-à-d. : l'ortie s'y héris~e. s'y co~vre d'Qspéritrs.
Ronsard - Tome VIII-
98
lU
316
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n4
238
2J2
LES HYMNES
Mais le Soleil gracieux en tout temps
y faict germer les boutons du Printemps.
Là, sur le' Roc cette PHILOSOPHIE
Pour tout jamais son palais edifie
A murs J'crain, loing des ennuiz mondains,
Et des souciz, dont les hommes sont plains,
Qui, comme porcz, vivent dedans la fange,
Peu curieux d'immortelle looenge.
Là, font la garde au tour de sa maison
Ainsi qu'archers, Jugement, & Raison,
Et la Suëur, qu i se tient à la porte,
Et dans ses mains une couronne porte
De verd Laurier, pour le digne loyer
De qui se veut aux Vertuz emploïer 1.
Là, sans repos, la Verité travaille.
Et, bien-armée à toute heure bataille
Contre Ignorance, & contre Vanité,
Contre Paresse, & contre Volupté
Pour leur defendre obstinément l'approche
Et le moyen de monter sur la Roche s.
Au bas du Roc, un long peuple se suit
Comme les Botz enroüez d'un granJ bruit,.
Qui de la main font signe, & Je la teste
Vouloir monter disposteme'lt au feste
Du roc facheux, & bien semble à les voir
Que de monter ilz feront leur ·devoir.
DE P. DE RONSAKD
[83]
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99
Les uns ne sont qu'acheminez à-peine,
Les autres sont au meillieu Je la plaine,
Les uns desja sont au pied du rocher,
Les autres sont ja voisins J'approcher
Du haut sommet: mais quand leur main est preste
De la toucher, une horrible tempeste
D'Ambu:ions, d'Envie, & de Plaisirs,
De Voluptel, & de mondains Desirs,
Les font broncher 1, d'une longue traverse
Cul par sus teste à bas, à la renverse
Dans un torrent: car, certes, il ne faut
» Penser gravir legerement en haut
» Où la Vertu en son Temple repose,
:0 Sans decharger son cœur de toute chose
» Qui soit mondaine: ainsi que tu as faict,
» Divin PRELAT, qui t'es rendu parfaict
Pour cstre mys au plus haut de son Temple,
D'où, maintenant, asseuré tu contemple'
D'un œil constant les longues passions
Du mauvais peuple, & les conditions
De son estat : car bien qu'il soit en vie,
Il souffre autant icy de tyrannie
Que font là bas de peine & de tourment
[85]
Les Mortz punis du cruel Rhadamant'
[84]
1. C'est i ce passage de l'hymne de Ronsard que du Bellay a faitallusion au sonnet J de ses Reg,.t/s, tercet final. - Il vient d'Hésiode, T,.avaux
et Jou,." 289 etsuiv. Honsard avait déjà dit daus .te Boug. de 1 H4, en
s'inspirant des mêmes vers :
Les Dieu1 ont la Sueur devant la Vertu mise.
J'ai oublié d'indiquer cette source au tome VI, p. 120.
2. Ces personnifications d'abstractions IOnt un héritage du moyen
Age, en même temps que de l'antiquité Iréco·latine. V. mon RotIS",..
poète ly"ique, p. 409 et suiv.
2 J6. 60-78 mylieu (et milieu)
344. 67-78 A chef baissé à bas
246-2)0. 60-78 slIppri/lInIl les guillem,'s
251· 60-7) 'llp/,rilllent l'apost,.ophe li la ,.i",e 1 78 le ",p"ma
2)J-2,6. 78 les sottes passions Du mauvais peuple, & ses affections,
Ses mœurs, ses faits: car bien qu'il soit en vies, Il souffre autant en
vivant de furi~s
1)8. 60'78 supp,.iment l'apost,.ophe li ,. ,.inu
1. Noter le verbe au pluriel, se rapportant ault compléD1ent~ déterminatifs d'un sujet au singulier. Syllepse fréquente che7. Ronsard.
100
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27 2
280
LES HYMNES
Qu'csse Ic Ro~ promcné dc Sisyphe,
Et les pommons cmpietez de la griffe
Du grand Va~tour? & qu'esse le Rocher
Qui fait semblant de vouloir trebucl;er
Sur Phlegias? & la Roüe meurdricrc ?
Et de Tantal' la soif cn la riviere?
D Si non le soing qui jamais ne s'enfuit
JI De nostre cœur, & qui de jour & nuict
JI Comme un Vautour l'egratigne & le blesse
» Pour amasser une brefve richesse?
» Ou pour avoir par extreme labeur
» Entre les Roys je ne sçay quel honneur,
» Ou pour l'orgueil de se faire apparoistre
» Entrc le pcuple, & d'estre nommé Maistre 1 ?
Mais toy, qui as hors de ton cœur bien loing
Tousjours chassé ce miserable soing 2,
Tu as gaigné le haut de la Montaigne,
D'où ta ·pitié maintenant nous enseigne,
Ainsi que toy, d'ensuyvre la Vertu,
Non par le trac du grand chemin batu
Du peuple sot, ains par l'estroite voye
Qui l'homm~ sage à la Vertu convoye.
Mais sçauroit-on en ce monde trouver
[86]
Homme qui fust plus digne d'e1ever
Sa face au Temple où la Vertu demt:Ul'e,
Que toy, PRELAT, qui combas à toute heure
Dë P. DE
1. Depuis le vers 2P, ce passage s'inspire directeolent de Lucrèce,
Il,7 et suiv.; III, 966 et suiv.
2. RODsarJ s'adresse au cardinal de Chlltillon, auquel cet hymne est
dédi •.
101
Contre le Vice, &, sage, ne veux,pas
Estre trompé de ses flatteurs apas ?
Toy, mon PRELAT, qui as l'intelligence
De la Vertu, par longue cxperience,
Voire qui dois, à bon droit, recevoir
Sur tous sçavans le prix, pour tOll sçavoir,
Qui te congnois, & qui, roy, te commandes,
Qui as le cœur digne des choses grandes,
Prompt à sçavoir la nature eplucher,
Et jusque au Ciel la Verité chercher :
Qui es accort 1, toutefois debonnaire,
Ayant pitié de la triste misere
D'un affligé: car si quelcun accourt
A ton secours, au prochaz de la Court ~,
Tu le reçois d'une main favorable.
Et luy defens de n'estre miserable J,
Et sans tromper (ainsi qu'un Courtizan)
A tes tallons tu ne le pends un an :
Mais tout soudain, quand l'heure est oportune,
Tu fais sçavoir aux Princes sa Fortune" :
C'est pour cela que tu es en tout lieu
[87]
Aymé du Roy, de son peuple, & de DIEU,
Et que Vertu, qui tes bonnes meurs prise,
Dedans son Temple a ton image assise,
Pour voir d'en haut, en toute seureté,
}OO
J02.
260. 7'-78 Et les poumons
26c}. 60-78 par un mauvais bon heur (et bon-heur)
265-272. 67'78 SIIppri",,"1 les fui/kmets
RONSARD
H -7J par erreur tu ne les pends (éd. miv.
=
COrl".)
[. Accon
avisé, rusé. Cf. ci-après l'hymne des Dai,,",lIs, vers 16.
C.-a-d. ; pour te demander secours, dans l:a chasse aux faveurs de
la Cour; tournure déja vue ci·dessus, p. 20, "crs ~09.
~. C.-i-d. ; Et l'empèche de tomber dan~ la misère. L'emploi de la
négation ~près tbfm:i,.e est une tournure g~ec~-la~\IIe. .
,
4. C.-à-d. ; son triste sort. Ronsard avait ainSI sentt la protectIon du
cardinal de Chastillon dès '5~4 (v. le tome VII, p. 91, note r). A rap·
procher l'ode Mais d'tl/I "ltnt ct/a, mOIl Ode~, qui est de peu postérieure à
l'Hy",ne de/a Pbilo;opbie (ibid., p. ~oJ et SUIV.).
2.
102
Le mechant peuple, aux vices arresté,
Qui, tout aveugle, & d'yeux, & de courage
Se va noyant dans le mondain naufrage:
Ainsi que fait c~ttuy-Ià qui du port
Voit enfondrer en mer, bien loing du bord,
Quelque navire, il se resjouist d'aise,
Non, pour autant que la vague mauvaise
La fait perir, mais pour autant qu'il est
Loing du danger, qui de la nef est prest 1
Ainsi voyant de la Roche plus haute
Le peuple en bas, aveuglé de sa faute
Tu t'esjoüis, d'autant que tu n'es pas
Le compaignon de ces vices à-bas.
'12
p6
)l0
Je te salue 6 grand PHILOSOPHIE :
Quiconque soit cettuy-Ià qui se fie
En tes propos, d'un courage constant,
Vivra tousiours
bien-heureux & content,
1
Sans craindre rien, comme celuy qui pense
Que de nul mal la Vertu ne s'offence :1.
32<4
)l8
PRIERE A LA FORTUNE.
Comparaison empruntée a Lucréce, II, début.
C.-a-d. : n'est lesée, ni même touchée par aucun malheur; Cf. le
ponuit .lu sage stoïcien dans Horace, Ca,.".., Ill, J, d':but. Au reste la
variante de ce vers résume la Dl0rale stoïcienne.
J.
2.
L88]
A TRESILLUSTRE ET REVERENDISSIME
CARDINAL DE CHASTlLLON
1.
VERS COMMUNS 2.
J'ay pour jamais, par serment, faict un vœu
De ne sacrer tout cela que j'ay leu,
Ny tout cela qu'encore je doy lire,
Sinon à vous, MONSEIGNEUR, car ma Lyre
Comme devant ne veut plus resonner,
Si vostre nom je ne luy fais sonner.
J'ay beau pinçer cent fois le jour sa corde
Au nom d'un autre, elle jamais n'accorde
A mes chansons, & semble en la pinçant
Qu'en mt: grondant elle m'aille tençant :
Mais aussi tost que vostre nom j'entonne,
Sans la forcer d'elle mesme le sonne,
Car elle sçait combien je suis tenu
A vous, PRELAT, qui d'un simple incongnu
M'avez aymé, outre mon esperance :
C'est pour cela qu'au theatre de France
De mieux-en-mieux tous jours je publîray
Des CHASTILLONS l'honneur que j'escriray
4
8
FIN.
J q-Jll. 78 rernpllJ&' us di.n'ers /Nlr ces IÜ.MX ; Tout enyvré de l'humaine poison, Comme perdus de sens & de raison
J8S-pl. 84-87 SIIppritnmt CfS cmt I,."d,-buit t'trS Il "s ,.etnp/aeml par
un si".ple dislilJlII ; 84 Mais l'elevant par esprit jusqu'aux ~ieux, L~
fais repaistre a la table des Dieux 1 87 Qui pu tuy seul (SIC) attache
dans les Cieux, Boit du Nectar à la table des Dieux
314. 67-78 le s;lge qui se fie
•
P J-Jl4. 8.J-87 Ton nom soit saint: sainte Philosophie, L'homme
prudent qui resolu se fie
318. 87 QU! la vertu seule est 5.l re.:ompens! 1 78-87 l_illtmels
10 3
DE P. DE RONSARD
LES HYMNES
[89]
ÉDITIONS: Les HYIn,,'s, ISi;. ŒlI1ITes(Hymnes, l·livre),ISboi
ISl}. Supprimé en 'S78. - Réimprimé dans le Reculil des Pirm
,.tt,.attebùs de 160cJ à 16)0, à la fiD des Hymnes retranchés.
Titre. 67'7J suppr. vers commUDS
V. ci-dessus, d.!dicace des Hymnn, J"tpnple des Chaslillolls et H."""e
début et fin.
:z. V. ci-dessus, Hymne de la Pbi/oso/bit, note 1.
1.
IÜ la Phi/osopbie,
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