Cheveux longs, silhouette frêle, dégaine adolescente, politesse timide, effacée – mais l’échine
droite, ô combien ! Voilà l’homme qui a mobilisé et fait trembler la demi-douzaine de services de
sécurité que compte l’Autorité palestinienne. L’homme qu’un tribunal militaire palestinien a
condamné, in abstentia, à sept ans et demi de prison, après des mois d’une enquête qui a dû
mobiliser pas moins d’une trentaine d’agents.
Il s’appelle Waleed al-Husseini, il a 25 ans. Il a obtenu l’asile politique en France. Son crime ? Il a
critiqué l’islam, il s’est déclaré athée, tout haut. « Affront à l’encontre du sentiment religieux », a
dit le tribunal militaire. On imaginait l’Autorité palestinienne préoccupée par des sujets d’une
autre importance. On l’imaginait attachée à dépenser autrement qu’à des procès en sorcellerie les
subsides de l’Union européenne. A tort.
L’histoire que le jeune homme raconte dans ce livre est très symbolique de ce qui se passe dans le
monde arabo-musulman en ce début de XXIe siècle. Et, en ce sinistre mois de janvier, elle prend un
écho particulier, au lendemain des attentats de Paris.
Waleed est né dans une bonne famille de la petite bourgeoisie de Cisjordanie, milieu conservateur,
musulman par tradition ; des parents protecteurs, aimants et tolérants. Etudes secondaires solides,
puis l’université, un poste de professeur de technologie avant de travailler dans une banque :
Waleed est un jeune homme sérieux.
Depuis l’adolescence, il blogue, avec passion, sur un sujet : la religion. Waleed lit et s’interroge sur
l’islam, la charia, la place des femmes, la laïcité, la vie du Prophète, la violence dans le Coran.
Sincère et courageux comme on peut l’être à ces âges, il en tire une conclusion : il sera athée. S’il
avait gardé ses convictions pour lui, il ne lui serait rien arrivé. Il les a bloguées, il va payer.
L’Autorité palestinienne ne peut tolérer la moindre critique de l’islam, religion d’État dans la
Constitution palestinienne. Elle le peut d’autant moins qu’elle est en rivalité avec les islamistes du
Hamas. Waleed est arrêté le 2 novembre 2010, détenu près d’un an, longtemps au secret,
maltraité, interrogé jour et nuit, sans avocat, victime d’un arbitraire policier sans limite.
Les « services » veulent le forcer à renoncer publiquement à son athéisme. Il refuse, seul, petit
jeune homme têtu, courageux, dissident conséquent. Libéré avant la fin de son procès, il part pour
Paris.
Au cœur de cette histoire, il y a une tragédie. La manière dont les gouvernants arabes musellent
tout esprit critique est le reflet d’une impasse politique majeure. Elle n’est pas pour rien dans les
drames que traverse aujourd’hui le Moyen-Orient.
Waleed Al-Husseini, « Blasphémateur ! Les prisons d’Allah », Grasset, 238 p., 18 euros
Alain Frachon
Journaliste au Monde
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