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Document d’étude syndical (Séminaire CGTM du 19 mars 2008)
Thème : POUVOIR D’ACHAT, PRIX ET SALAIRES
Sujet : ELEMENTS SUR LA FORMATION DES PRIX
Introduction :
Le pouvoir d’achat des travailleurs dépend des variations comparées des
salaires et autres revenus (allocations et minima sociaux par exemple) d’une
part et du niveau général des prix à la consommation d’autre part.
Or la formation des prix dans une économie insulaire où, dans la plupart des
secteurs-clés, des monopoles ou des oligopoles (un petit nombre
d’entreprises), souvent à caractère familial, se partagent l’essentiel du marché
obéit à une logique de constitution fréquente de surprix et de sur- marges
qu’il conviendrait d’analyser et de combattre.
Incontestablement le niveau des prix élevé en Martinique et le rythme parfois
supérieur de l’inflation martiniquaise par rapport à l’inflation française sont
des facteurs de pression à la baisse du pouvoir d’achat dans la mesure où
beaucoup de revenus sont fixés en référence à des indicateurs de France. Il
s’agit là d’une contradiction majeure de la société martiniquaise.
I- Rôle du Produit Intérieur brut (PIB) dans le pouvoir d’achat
1- Le cadre général de la formation des prix
Avant d’examiner la question de la formation des prix dont dépend l’évolution
du pouvoir d’achat il convient d’avoir à l’esprit une donnée essentielle : sous des
formes nouvelles subsistent pour l’essentiel les éléments du « pacte colonial »
liant la Martinique à sa métropole, la France. Ci-après un résumé adapté d’un
schéma de l’économie martiniquaise emprunté à une étude de Jean Crusol il y a
30 ans (« Déséquilibres de la croissance excentrée en économie insulaire »).
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ECONOMIE METROPOLITAINE & EUROPÉENNE
Secteur financier Secteur administratif Entreprises privées et
Métropolitain métropolitain publiques métropolitaines
Commerce métropolitain
Compagnies métropolitaines
de transport maritimes et aérien
(CGM, AIR France, etc)
ECONOMIE MARTINIQUAISE
F=Sous-secteur A=Sous-secteur C= Sous-secteur
Financier + administratif + économique
(dont grand commerce et
services locaux)
F +A +C = Nouveau secteur vertical intégré (NSV)
D=Secteur domestique P= Secteur de
(artisanat, jardins créoles, plantation (banane,
économie informelle, etc) rhum, sucre, tourisme, etc)
CHÔMAGE EMIGRATION IMMIGRATION
& SOUS-EMPLOI MARTINIQUAISE METROPOLITAINE
Le nouveau secteur vertical intégré comprend le sous secteur financier intégré
aux institutions financières françaises (F), l’administration (A) obéissant aux
directives centrales et le grand commerce capitaliste (C) de plus en plus intégré
au grand commerce français (franchises, capitaux, etc). Le secteur touristique
figure dans le secteur de plantation. Le secteur domestique (D) est faible et
arriéré et marginalisé. Le secteur de plantation (P) dominé encore par
l’oligarchie béké ne tient qu’à coup d’aides publiques. La demande est stimulée
par les transferts financiers et sociaux de l’Etat et de l’Europe qui se
transforment en profits pour les capitalistes locaux et métropolitains et
européens et en impôts pour l’Etat. C’est la nouvelle forme d’exploitation de
type colonial. La terre martiniquaise est bradée aux spéculateurs français
alléchés par la défiscalisation.
L’économie de la Martinique est dans une situation de dépendance totale vis-à-
vis de l’économie française et européenne. La néo- colonie départementale
achète et consomme au principal ce que produit la métropole et aujourd’hui
l’Europe, y compris une bonne part de l’alimentation ; ces produits sont
transportés par les compagnies maritimes et aériennes de la métropole en
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situation d’entente cartellisée. Le peu de produits fabriqués etexportés par la
Martinique voit ses prix fixés par les autorités européennes et le marché français.
Ils ne subsistent que grâce à des aides européennes en voie de diminution
(banane). L’industrie locale pour le marché intérieur résiste mais recule dans le
Produit Intérieur Brut et est soumise au dumping permanent des concurrents de
France et d’Europe à travers les Centrales d’achat des grandes surfaces. Les
quelques velléités de développement endogène (secteur domestique) sont
refoulées par la dynamique de l’intégration capitaliste à l’Europe.
2- Le Produit Intérieur Brut (PIB) ou richesse martiniquaise
Le Produit Intérieur Brut ou PIB est un agrégat de la comptabilité nationale
fournissant une mesure de la production. Il est égal à la somme des valeurs
ajoutées augmentée de la TVA grevant les produits et les droits de douane nets
des subventions à l’importation.
La valeur ajoutée est la richesse créée par une entreprise, un secteur
institutionnel ou une branche au cours d’une période donnée. La valeur ajoutée
brute est égale à la valeur de la production moins la valeur des consommations
intermédiaires. La somme des valeurs ajoutées brutes correspond
approximativement au PIB. Cette richesse nouvellement créée est distribuée
sous forme de revenus (répartition primaire) : salaires, excédent brut
d’exploitation (profits), impôts.
En 2004 (derniers comptes définitifs connus), la structure de la valeur ajoutée
totale en Martinique et en France étaient les suivantes :
STRUCTURE DE LA VALEUR AJOUTÉE MARTINIQUE EN 2004
Secteurs Martinique France
En M€ En % En Mds € En %
Services
marchands 3 262,2 50,5 % 741,3 54,0 %
Services
administrés 2 107,9 32,6 % 283,7 20,7 %
Agriculture 173,6 2,7 % 38,1 2,8 %
Industrie 518,6 8,0 % 242,2 17,6 %
Construction 339,2 6,2 % 68,5 5,0 %
On observe la prédominance du secteur tertiaire en Martinique (83,1 % du PIB
contre 75,1 % en France) et surtout la part relativement élevée de
l’administration (32,6 % contre 20,7 % en France) dans le PIB. Cela tient en
réalité à la faiblesse des secteurs productifs (agriculture + industrie +
construction = 17,9 % du PIB contre 25,4 % en France) et au sous et mal-
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développement martiniquais résultant de la situation de type néo-coloniale
décrite supra.
Pour mesurer l’évolution, indiquons qu’en 1970 les secteurs productifs
(agriculture, industrie, construction) représentaient 36,9 % du PIB, les services
marchands 40,2 % et les services administrés 19,5 % ( 59,7 % au total pour le
tertiaire).
La progression du PIB représente ce que l’on appelle la croissance
économique ou de la richesse martiniquaise :
Selon l’INSEE, la croissance du PIB aurait été en Martinique de :
2004 : + 3,9 %
2005 : + 4,4 %
2006 : + 2,8 % (France : 2 %) ;
2007 : probablement plus faible qu’en 2006 selon l’IEDOM (France : + 1,9
%).
Le PIB en 2006 serait, selon le CEROM (Comptes économiques rapides
d’outre-mer) de 7 648 millions d’euros. Le PIB par habitant serait de 19 050 €.
A noter que le PIB/habitant augmente artificiellement du fait du
ralentissement démographique.
La croissance en France, dont la Martinique dépend largement par les
transferts publics, est faible depuis deux décennies. En 2OO8, en dépit d’une
prévision officielle de + 2 à + 2,5 %, elle serait selon les experts au maximum
de + 1,5 %. De plus, personne ne sait quel sera l’impact de la crise financière
venue des Etats-Unis (subprimes) et de la récession dans laquelle plonge la
première économie de la planète.
La consommation des ménages, qui représente 47,9 % du PIB en Martinique
(44,1 % en France), a évolué comme suit :
2004 : + 1,2 % ;
2005 : + 2,8 % ;
2006 : + 1,6 %
2007 : Chiffre de progression plus faible qu’en 2006, selon l’IEDOM.La
consommation et la construction se mettent en panne.
Les organismes officiels (IEDOM, AFD, INSEE) indiquent qu’en
2006 « cette faiblesse (de la consommation. NDR) s’explique par une
progression limitée des revenus : si les prestations sociales versées en 2006
augmentent de 3,5 %, les augmentations salariales ont dans l’ensemble été
modérées…Cette moindre revalorisation s’inscrit dans un contexte de hausse
des prix contenue, mais dont le niveau est suffisamment élevé pour atténuer
les gains de pouvoir d’achat ». Cette faiblesse de la consommation des ménages
martiniquais en 2006 et en 2007 succède à un coup d’arrêt brutal en 2005 pour
les mêmes raisons : faible progression des salaires et remontée de l’inflation.
La masse salariale représentait 4 348 millions d’euros en 2006 en Martinique
pour 107 641 emplois salariés. Elle avait progressé de + 2,3 % par rapport à
2005 alors que les prix à la consommation avaient augmenté de + 2,4 %. Donc
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le pouvoir d’achat global avait reculé de – 0,1 % en 2006. La masse salariale
représentait 56,9 % du PIB au lieu de 53,5 % du PIB en 1993. Cette progression
est due d’abord à une salarisation du travail au détriment de l’économie
domestique et informelle.
Ces données montrent que la stagnation du pouvoir d’achat,
voire son recul pour certaines catégories de salariés.
Par contre, la masse des profits bruts (excédent brut d’exploitation) était en
2006 de 2 331 millions d’euros en progression de + 5,5 % sur 2005, après + 7,8
% en 2005 sur 2004 et + 6,4 % en 2004 sur 2003.
Les profits bruts des entreprises non financières représentaient 30,5 % du PIB
en 2006 au lieu de 27,7 % du PIB en 1993 traduisant la concentration du capital
martiniquais. La différence s’explique par le recul des emplois non salariés et
des revenus des entrepreneurs individuels (sources : CEROM 2006 et
« L’économie martiniquaise au passage de 2000 : une trajectoire vertueuse ? »
par l’IEDOM, l’AFD et l’INSEE- Juin 2005).
Pour augmenter le pouvoir d’achat, il s’agit d’accroître les richesses (biens et
services) pour répondre aux besoins sociaux et économiques, pour réduire les
inégalités, à partir des emplois qualifiés et en préservant l’environnement.
Il faut aussi en modifier la répartition. En France par exemple, la part des
salaires dans le produit intérieur brut a baissé de 9,3 % en 23 ans (entre 1983 et
2006) au profit du capital. Au cours de la même période, en Europe cette part a
chuté de 8,6 % et dans les pays membres du G7 elle a reculé de 5,8 % (cf article
de François Ruffin « Partage des richesse, la question taboue) – Le Monde
Diplomatique Janvier 2008). En France « donc il y a en gros 120 à 170
milliards d’euros qui ont ripé du travail vers le capital », selon Jacky Fayolle,
ancien directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). A
titre de comparaison, le déficit de la Sécurité sociale en France est de 12
milliards d’euros et celui des retraites de 5 milliards d’euros.
Il faut à la fois plus de consommation pour répondre aux besoins et relancer
l’activité. Une relance de l’offre par l’emploi qualifié, stable, correctement
rémunéré.
Cependant la seule relance par la demande engendrerait un surcroît
d’importations et l’écrasement de la production locale et donc de l’emploi, ainsi
que l’accentuation de la dépendance économique du pays.
Aussi la question du pouvoir d’achat dans notre pays ne peut-
elle être dissociée non seulement de celles de l’emploi et des
salaires mais aussi de la stratégie de développement économique,
social, culturel et écologique à mettre en oeuvre.
3- La productivité
La productivité (quantité de richesses produites dans une heure de travail)
contribue aussi à la croissance du pouvoir d’achat et du niveau de vie. Son
augmentation résulte de l’interaction de multiples facteurs :
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