OBJECTIFS GÉNÉRAUX DE LA GESTION DU PATRIMOINE NATUREL G. BOUXIN ° La grande diversité des paysages et la richesse biologique de nombreux sites du bassin versant de la Molignée nécessitent une protection afin d’assurer leur pérennité. De nombreux sites ont déjà subi diverses transformations dues aux activités humaines depuis des centaines d’années. Certaines de ces activités ont d’ailleurs disparu (sidérurgie,…), d’autres, comme l’agriculture, ont fortement évolué en se pliant aux impératifs de la civilisation industrielle. Enfin, de nouvelles activités, comme le tourisme, ont pris un certain développement depuis la fin de la dernière guerre mondiale et devraient continuer à se développer. Même si elles sont susceptibles de créer des emplois, il faut veiller à ce qu’elles se développent de manière harmonieuse sans nuire à la qualité des paysages, des sites et sans entraîner les nuisances habituelles (bruit, trafic automobile dense, pollution de l’air et des eaux). La gestion de nombreux sites est d’ailleurs assurée par les administrations publiques; les modes de gestion ont évolué, ce que l’on peut constater notamment avec des bords de route fauchés tardivement (afin de favoriser la reproduction de la faune sauvage). Mais la gestion n’aura de sens que si elle se fait de manière intégrée, à l’échelle du bassin versant et non de manière dispersée comme c’est trop souvent le cas. Il importe donc de définir clairement les objectifs de conservation et de gestion, ainsi que les techniques associées. même création de sites font de plus en plus souvent appel au concept de génie écologique (FISCHESSER & DUPUIS-TATE, 1996). Cette conception d’intervention sur le terrain est fondée sur les données de l’écologie, sur l’étude des systèmes complexes où les interrelations sont innombrables et les événements plus souvent fortuits que programmés. Il importe aussi de tenir compte du caractère évolutif des écosystèmes, ce qui entraîne des réajustements constants. Dans de nombreux sites, la protection d’espèces ne peut se faire sans gestion. La protection d’espèces héliophiles des pelouses calcaires, par exemple, implique que l’on gère leurs espaces de vie, c’est-à-dire que l’on lutte chaque année contre l’envahissement de certaines aires par les buissons, stade précédant le retour vers des formations boisées et un appauvrissement de la flore. Il faut élaborer des plans de gestion appropriés, afin de lutter contre la banalisation de la végétation, mais ces plans se heurtent parfois à diverses contraintes. Par exemple, dans les régions agricoles, il semble aisé de rendre à la nature certains bords de route en y pratiquant un fauchage tardif et en excluant l’emploi de pesticides. Mais cela ne peut nuire à la sécurité routière en masquant certaines portions de route. _______ Conservation, réhabilitation, restauration ou ° Haute Ecole Albert Jacquard, rue des Dames Blanches 3b, 5000 Namur 1 Il faut tenir compte de la présence de fossés longeant les routes; en effet, le développement d’une végétation herbacée dans les fossés augmente leur rugosité et freine parfois l’écoulement des eaux qui peut alors s’écouler sur la chaussée. Ce risque est toutefois moindre que le débordement sur la voirie de boues venant des parcelles agricoles. Une notion fondamentale à prendre en compte pour gérer la nature est celle de biodiversité. Selon la Convention sur la diversité biologique (Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992), elle est définie comme la «variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, et des complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes» (LÉVÊQUE, 1997). Plus simplement, la biodiversité est constituée par l’ensemble des êtres vivants, de leur matériel génétique et des complexes écologiques dont ils font partie. La biodiversité va du gène à la biosphère. Une diversité qui nous intéresse en premier lieu est celle des paysages (ANONYME, 1996). Ceux-ci ont été modelés par l’empreinte de l’homme depuis très longtemps. Certains paysages ont même été entièrement créés par l’homme. Les paysages sont façonnés, dans toute leur qualité et leur diversité, par les activités humaines effectuées au cours des millénaires. Ils connaissent continuellement des transformations dues aux changements constants que la société apporte aux usages du sol. Les paysages sont par conséquent les dépositaires de la mémoire collective, en tant qu’élément complexe de l’environnement. La notion de biodiversité et le constat d’appauvrissement du nombre d’espèces ont conduit l’"Union mondiale pour la nature" à élaborer une classification des espèces en fonction de leur vulnérabilité : espèces disparues, espèces en danger ou en voie de disparition, espèces vulnérables, espèces rares et espèces au statut indéterminé. La réintroduction dans les milieux naturels d’espèces élevées en captivité, ainsi que la restauration et la réhabilitation d’habitats, jouent un rôle de plus en plus important dans la conservation de la biodiversité (L ÉVÊQUE , 1977). Toutefois, la réintroduction d’espèces animales s’avère parfois catastrophique; celle de plantes doit se faire avec la 2 plus grande prudence afin d’éviter toute forme de "pollution génétique" par des patrimoines génétiques étrangers. L’écologie de la restauration a pour objectif de réparer les dégâts causés par un mauvais usage des écosystèmes, en les reconstruisant afin qu’ils retrouvent un état aussi proche que possible de leur état originel. La réhabilitation vise simplement à réparer les fonctions d’écosystèmes endommagés, afin qu'ils assurent à nouveau leur rôle dans la biosphère. Il n’y a pas que les espèces qui sont menacées, mais aussi les populations, ou plutôt les métapopulations (FISCHESSER & DUPUIS-TATE, 1996). Sous la pression des activités humaines et notamment à cause de la construction des grands axes routiers, les paysages de nos régions sont devenus de véritables mosaïques, ce qui fragmente les habitats naturels. Cela provoque l’isolement et l’éclatement de populations dont l’aire, à l’origine continue, est scindée en taches d’habitats relictuels(*). En même temps, sont apparues une grande banalisation et une grande uniformisation de certains paysages. Cette constatation a donné naissance à la notion de réseau écologique et à celle de maillage écologique (MELIN, in ANONYME, 1997). Il s’avère possible, par des mesures appropriées de gestion écologique, de réaliser un réseau écologique cohérent et fonctionnel répondant aux objectifs du maintien de la biodiversité et de la conservation du patrimoine naturel. Le concept de réseau écologique est basé sur la combinaison de quatre grands objectifs correspondant à des zones différenciées d’utilisation de l’espace qui sont : - les zones de protection de la nature (réserves naturelles) servant de milieux de vie durables pour les espèces sauvages; - les zones associées assurant la liaison entre les grandes zones de protection qui devraient aussi être soustraites des zones d’activités intensives; - les couloirs de liaison ou biotopes-corridors permettant les liaisons entre les différentes zones de protection; - les zones d’utilisation extensive du sol (appelées aussi zones de développement) recherchant l’intégration des activités de production et de conservation. ____________ (*) Pour rappel, les astérisques suivant certains mots renvoient au glossaire en fin de fascicule. A un échelon local (entité communale), on parle de maillage écologique. Les éléments du maillage sont les petits éléments du paysage, les biotopes de faible superficie ou à structure locale, comme les haies, les bandes boisées, les bosquets, les cours d’eau, les talus, bords de routes, bords de terres cultivées, friches, etc. D’autre part, en citant Marie-Françoise GLATZ (ANONYME, 1997), « le droit d’aménagement du territoire devrait dépasser son rôle traditionnel de réglementation des constructions et évoluer vers la prise en compte des intérêts naturels dans tous les espaces utilisés par l’homme. L’objectif serait de reconstituer le maillage écologique qui a disparu de nos campagnes. Ce maillage écologique requiert la gestion de certaines parcelles de terre dans l’intérêt de la vie sauvage ». Si le rôle du Comité scientifique de la Conservation de la Nature et de la Protection des Eaux est de sensibiliser l’opinion publique et les décideurs politiques sur les raisons de protéger le patrimoine vivant du bassin versant de la Molignée, les véritables solutions ne sont pas entre ses mains. Elles se trouvent dans les rapports que notre société veut entretenir avec la nature, ainsi que dans les modes de développement et les modèles économiques qui lui sont associés. Les choix sociaux et économiques demeurent de la seule responsabilité du pouvoir politique. Pour que les mesures de conservation de la biodiversité soient efficaces, il est indispensable que les décisions soient acceptées et approuvées par la société. Le rôle des scientifiques ne peut plus se limiter à assurer la chronique nécrologique des espèces disparues mais il est bien de promouvoir conservation, gestion, restauration du patrimoine naturel, notamment par l’éducation des futurs citoyens. 3 RÉFÉRENCES ANONYME (1996). Biodiversité. Questions et réponses. Conseil de l’Europe. 32 pp. ANONYME (1997). Le réseau écologique. Actes du Colloque. Région wallonne. D.G.R.N.E. Conservation de la nature. Travaux n° 18. 226 pp. FISCHESSER B. et DUPUIS-TATE M.-F. (1996). Le guide illustré de l’écologie. Cemagref éditions. 319 pp. LÉVÊQUE Ch. (1997). La biodiversité. Presses Universitaires de France. Collection Que sais-je ?. Vol. 3166. 128 pp. 4