Lundi 4 septembre 1995 à 17 h lub Premiers nombres et nombres premiers ath Centre informatique pédagogique (CIP) Rue Théodore-de-Bèze 2 Case Postale 3144 1211 GENÈVE 3 Tél: (022) 318.05.30 Fax: (022) 318.05.35 Directeur: Raymond Morel Lettre nº 41 L’activité de compter a très probablement donné lieu aux nombres naturels Les nombres premiers sont des nombres naturels qui ne sont les multiples d’aucun autre nombre naturel, excepté 1 Si un nombre naturel n’est ni 1 ni premier, il est appelé nombre composé Savoir décomposer en facteurs premiers un nombre est une tâche qui intéresse non seulement les mathématiciens mais également tous les «pirates informatiques» Bernard Vuilleumier L’activité mentale qui consiste à compter a très probablement donné lieu aux nombres naturels qui permettent de dénoter les éléments d’un ensemble ainsi que l’ordre dans lequel ils sont arrangés. Ces nombres présentent à la fois un aspect cardinal – qui se réfère au nombre total d’objets d’une collection – et un aspect ordinal – premier, second, etc. Si nous saisissons par exemple une boîte de disquettes sur laquelle est imprimé «12», nous comprenons que cela signifie qu’il y a 12 disquettes dans la boîte. Si nous en extrayons une qui porte «12» sur l’étiquette, nous pensons qu’elle est la seule à porter ce numéro et qu’il s’agit de la douzième de la collection. La prise de conscience de cette distinction est fondamentale dans l’évolution de la pensée humaine à propos de l’énumération. Elle prépare à concevoir l’activité de compter comme une relation entre quantités plutôt qu’une simple liste de quantités. Les opérations arithmétiques élémentaires figurent parmi les relations utilisées. Elles permettent de définir d’autres ensembles de nombres – entiers relatifs pour la soustraction, rationnels pour la division, etc. Les nombres premiers sont des nombres naturels qui ne sont les multiples d’aucun autre nombre naturel, excepté 1. Si un nombre naturel n’est ni 1 ni premier, il est appelé nombre composé. Un théorème important de la théorie des nombres établit que tout nombre naturel supérieur à 1 peut être exprimé d’une manière unique à l’aide d’un produit de nombres premiers. Les nombres premiers sont donc, d’une certaine manière, les «atomes» avec lesquels il est possible de construire, par multiplication, tous les nombres entiers composés. Savoir décomposer en facteurs premiers un nombre, aussi grand soit-il, est une tâche qui intéresse non seulement les mathématiciens mais également tous les «pirates informatiques» qui cherchent à percer des codes secrets! En effet, depuis le début des années 80, les nombres premiers jouent un rôle fondamental en cryptographie (voir lettre du Club Math nº 25). Leur étude débouche, entre autres, sur les questions suivantes: • Combien y a-t-il de nombres premiers? • Comment décider si un nombre arbitraire donné est premier ou pas? • Existe-t-il des fonctions définissant les nombres premiers? • Comment les nombres premiers sont-ils distribués? • Y a-t-il différentes catégories de nombres premiers? • Quel est, à ce jour, le plus grand nombre premier connu? 1 11 21 31 41 51 2 12 22 32 42 52 3 13 23 33 43 53 4 14 24 34 44 54 5 15 25 35 45 55 6 16 26 36 46 56 7 17 27 37 47 57 8 18 28 38 48 58 9 19 29 39 49 59 10 20 30 40 50 60 Fig. 1: Dans un tableau de n nombres naturels, il est possible d’obtenir ceux qui sont premiers (en relief) sans avoir à effectuer de division. C’est la méthode du «crible d’Eratosthène» (ca 276 - 194 av. J.-C.), qui est l’un des plus anciens algorithmes connus : on biffe les multiples de 2 supérieurs à 2, puis ceux du plus petit nombre p restant différent de 1 et supérieur à p ; et ainsi de suite jusqu’à p2 > n. Au terme du processus, les nombres qui ne sont pas biffés sont, à l’exception de 1, des nombres premiers. Travaux pratiques Pour établir qu’il existe une infinité de nombres premiers Exercice 1 Démontrez que le nombre de nombres premiers est infini. Pour trouver les premiers nombres premiers Exercice 2 a) Décrivez un algorithme permettant d’extraire les nombres premiers d’une liste de nombres naturels sans qu’aucune division ne soit effectuée (procédé du crible d’Eratosthène). b) Ecrivez un programme mettant en œuvre ce procédé et appliquez-le à la liste des 100 premiers nombres naturels. c) Combien de nombres premiers les 100 premiers nombres naturels comportent-t-ils? d) Comparez le temps nécessaire à obtenir ces nombres premiers lorsque vous utilisez: • le procédé du crible d’Eratosthène; • le programme que vous avez écrit; • les possibilités offertes par les commandes prédéfinies de Mathematica. Pour compter les nombres premiers inférieurs ou égaux à un nombre naturel donné Exercice 3 Pour compter les nombres premiers inférieurs ou égaux à un nombre naturel n donné, il est possible d’utiliser des fonctions. Elles sont en général notées π(n). En voici une donnée par Willans, C. P. (On formulae for the nth prime. Math. Gaz. 48, 1964, 413-415): n (n) = -1 + ∑ F(j) j=1 où F(j) est définie par: F(j) = cos2 (j - 1)! + 1 j et où [x] signifie «plus grand entier inférieur ou égal à x». En voici une autre qui ne fait intervenir aucune fonction trigonométrique: n (n) = ∑ j=2 (j - 1)! + 1 (j - 1)! j j Calculez le nombre de nombres premiers inférieurs ou égaux à n et indiquez le temps d’exécution: a) en utilisant les formules ci-dessus; b) en utilisant la commande PrimePi[n] de Mathematica. Pour prendre la mesure du génie précoce de Gauss et illustrer le théorème des nombres premiers Exercice 4 Les fonctions π(x) qui comptent les nombres premiers permettent de remarquer que ces derniers sont d’autant plus rares qu’ils sont grands. Pour examiner leur distribution, on compare en général la fonction π(x) à d’autres fonctions. En 1792 – à l’âge de 15 ans (!) – Gauss émet l’hypothèse que la fonction π(x) et la fonction logarithme intégral Li(x) définie par: x dt log t Li(x) = 2 sont asymptotiquement égales. Comme Li(x) ~ x/log(x), la conjecture de Gauss peut aussi s’écrire π(x) ~ x/log(x). Mais il faut attendre 1896 pour que Jacques Adamard et Charles de La Vallée-Poussin, indépendamment l’un de l’autre, démontrent cette conjecture qui devient dès lors le théorème des nombres premiers. Illustrez ce théorème en représentant graphiquement x/log(x), π(x) et la fonction logarithme intégral Li(x) pour 2 < x < 104. Pour avoir l’occasion d’utiliser le théorème de Lucas-Lehmer Exercice 5 Vérifiez, par la méthode de votre choix, que 2859 433-1 est premier. Prochaine réunion: lundi 2 octobre 1995 à 17 h.