Droit des Sociétés – Que peut-on apporter à une société ? Une société est avant tout un instrument capitalistique qui permet à plusieurs investisseurs de mutualiser leurs capitaux afin de construire une entité qui pourra les exploiter en engageant des salariés, afin de produire de la valeur et générer un retour sur investissement. Ces capitaux apportés se nomment apports. Le caractère capitalistique de la société, comme moyen de mise en commun de capitaux, est central pour comprendre le régime juridique des apports en société. En effet, ce sont ces apports, et eux seuls, qui justifient de l’attribution d’actions, ou de parts sociales, et ces titres doivent correspondre à la valeur de ces apports. Ces apports forment le capital social de la société et sont donc le gage commun des créanciers. Autant dire que les apports sont d’une importance cruciale. I- Quels sont les types d’apport possibles ? A – Apport en numéraire L’apport en numéraire est le plus courant et le plus pratique ; il s’agit de l’apport en argent, et se traduit par un versement sur un compte ouvert au nom de la société. B – Apport en nature Apport d’un bien : L’apport en nature consiste à apporter des biens meubles ou immeubles, matériels ou immatériels à la société. Il y a trois modalités d’apport (1) apport en propriété, (2) apport en jouissance, (3) apport en nue-propriété. Évaluation de l’apport : L’apport fera l’objet d’une évaluation financière, et l’apporteur recevra en contrepartie un nombre de parts sociales ou d’actions équivalent à l’estimation de la valeur de son apport. L’apport peut faire l’objet d’une réévaluation. C – Apport en industrie Apporter son expertise : On parle d’apport en industrie quand quelqu’un apporte une expertise technique dans le création d’une entreprise qui va, en échange de parts sociales ou d’actions, offrir ses services à la société. Ces apports sont très pratiques pour de jeunes entrepreneurs qui manquent de liquidité mais qui connaissent des personnes ayant des compétences techniques susceptibles d’accepter de les aider moyennant une entrée au capital. Par exemple, un cuisinier peut devenir associé en échange de la mise en œuvre de son savoir-faire. La contrepartie de l’apport : En bref, lors d’un apport en industrie l’apporteur s’engage à faire quelque chose en échange de devenir associé. En conséquence, il devra reverser ses gains à la société, et sera rémunéré par des dividendes. La statuts de la sociétés devront préciser les modalités de l’apport. Un régime contraignant : L’apport en industrie est le moins apprécié des textes juridiques, car il est le plus difficile à quantifier, et il échappe par nature au capital social de l’entreprise, et ne peut donc pas être saisi par les créanciers. Une participation inaliénable : L’apport en industrie ne peut être vendu, ni transmis, il est nominatif, et il disparait avec le trépas de l’apporteur. Un apport accessoire : En outre, il n’est pas possible de créer une société uniquement sur la base d’apports en industrie, car la société doit avoir un capital social, et certaines formes sociales requièrent la constitution d’un capital social minimum. Les engagements de l’apporteur : Lors de l’apport en industrie, l’apporteur s’engage à : (1) mettre à disposition de la société son savoir faire, (2) rester dans l’entreprise pour la durée prévue contractuellement lors de l’apport; (3) n’exercer aucune activité concurrente (cette notion doit être définie le plus précisément possible dans les statuts) durant toute la durée de validité de l’apport; (4) reverser tous les gains de son activité à l’entreprise. II – Comment apporter en société L’apport en numéraire ne présente aucune difficulté, il suffit de déposer l’argent sur un compte bancaire ouvert au nom de la société (la banque remettra un certificat de dépôt). A – en nature Évaluation :Lorsqu’une SARL ou SAS est créée, les apports en nature doivent être évalués par un commissaire aux apports. Exception SARL : Les associés pourront néanmoins décider de procéder eux-mêmes à leur évaluation lorsque les deux conditions cumulatives suivantes sont remplies : apport en industrie a une valeur inférieure à 30 000 euros ; la valeur totale des apports en industrie ne dépasse pas la moitié du capital social. Limite : L’ensemble des biens faisant l’objet d’un apport en nature ne doit pas excéder pas la moitié du capital social. Responsabilité : Chaque apport effectué à la société doit faire l’objet d’une évaluation distincte. Si les associés surévaluent les apports en nature qu’ils réalisent, ou s’ils décident de retenir des valeurs différentes de celles ayant été attribuées par le commissaire aux apports, ils en seront solidairement responsables pendant 5 ans envers les tiers. L’intervention d’un commissaire aux apports et la reprise des valeurs figurant dans son apport permettra aux associés d’échapper aux risques liés à cette responsabilité. B – en industrie SARL : Les SARL permettent l’apport en industrie. Dans les statuts doivent être inscrits (L. 223-7 du code de commerce) : 1. 2. 3. 4. l’identité de l’apporteur ; l’objet de l’apport ; la durée pour laquelle l’industrie va rester dans l’entreprise ; le nombre de parts attribuées à l’apporteur. SAS : L. 227-1, alinéa 4 du Code de commerce permet les apports en industrie dans les SAS, il dispose que “La société par actions simplifiée peut émettre des actions inaliénables résultant d’apports en industrie tels que définis à l’article 1843-2 du code civil. Les statuts déterminent les modalités de souscription et de répartition de ces actions. Ils fixent également le délai au terme duquel, après leur émission, ces actions font l’objet d’une évaluation dans les conditions prévues à l’article L. 225-8.” Le caractère faiblement règlementé de la SAS rend nécessaire, pour éviter tout risque de conflit entre les associés, de prévoir minutieusement dans les statuts les règles relatives aux associés en industrie, par exemple en précisant leurs droits politiques. L’évaluation SARL : L’évaluation de l’apport en industrie est prévue dans les statuts de la société au moment de l’apport. Les statuts peuvent également prévoir des évaluations ultérieures (par exemple tous les deux ans). Cette évaluation est réalisée par les associés si les deux conditions suivantes sont remplies : apport en industrie a une valeur inférieure à 30 000 euros ; la valeur totale des apports en industrie ne dépasse pas la moitié du capital social. A défaut, les associés doivent faire appel à un commissaire aux apports qui va évaluer les apports en industrie. L’évaluation dans les SAS : L’article L 227-1 renvoie à l’article L. 225-8 du code de commerce qui prévoit la nomination d’un commissaire aux apports ; la nomination se fait à l’unanimité des associés fondateurs. III – La libération de l’apport La loi offre une facilité concernant la libération de l’apport : il ne doit pas être libéré (c’est à dire, verser sur un compte bancaire au nom de la société) en intégralité au moment de la création de la société, mais peut être libéré en plusieurs fois. Pour les SARL : les associés sont tenus de libérer au moins 20% de leurs apports en numéraire à la constitution. Pour les SAS : les associés sont tenus de libérer au moins la moitié de leurs apports en numéraire à la constitution.