RISQUE VOLCANIQUE : UN RISQUE MAJEUR TANT DESIRE
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Du pays brûlé au Graal (volcan « désiré ») ou comment un espace « craint »
est devenu un espace « vécu » (légende) et « désiré » (visiteur) ?
M. Roger RAMCHETTY (Président du CCEE de La Réunion)
A l’aide d’une série d’illustrations et d’anecdotes personnelles, M. Ramchetty, par son ressenti et ses
observations nous fait part de la formidable fascination qu’exerce le volcan sur les populations tant au
niveau local qu’international travers le tourisme). Cette fascination s’exerçant le plus souvent au mépris
du réel danger que représente le volcan.
Tout touriste qui vient à la Réunion vous demande : est-ce que vous avez prévu une éruption volcanique ?
Est-ce que le volcan va se réveiller ? Moi-même je peux le dire en toute sincérité, cela fait quand même…
j’ai assister à environ une vingtaine ou trentaine d’éruptions parce qu’on y allait comme cela. Cette
photo que vous voyez là c'est un soir où on apprend que le volcan coule et on y va, tout simplement guidé
par M Jean-Yves Langlois qui est un ancien membre du CCEE. Il y a même un cratère qui porte le nom
de Langlois dans cet enclos. Donc nous y allons, nous arrivons sans problème avec lui et nous revenons
avec un peu de difficulté, mais tout le monde y allait comme cela, il n’y avait pas de problème de ce cô-
là. à la fin des années 2000, le fils d’un collègue enseignant, a l’autorisation cette fois-ci officielle
d’aller voir et de faire un film sur les volcans en bordure de route, dans l’enclos là où la lave passe sur la
Route Nationale. Il y va tout seul le soir. Sans hésitation, le service d’ordre le laisse passer et on va le
retrouver mort le lendemain pour les mêmes causes c'est-à-dire qu’il passe sur soi-disant de la lave
refroidie, sauf que l’on ne connait pas l’épaisseur de la croûte, il y tombe et comme il est seul, personne
ne peut l’aider et on le retrouve mort le lendemain. Ce sont des morts par imprudence, mais ce n’est pas
par effet direct : le volcan tue, mais on ne sait pas si c’est le volcan qui tue (on pourrait le dire cela) ou si
c'est plutôt l’imprudence qui tue dans ces circonstances.
Malgré cela, tout touriste qui vient à La Réunion vous demande : est-ce que vous avez prévu une éruption
volcanique ? Est-ce que le volcan va se réveiller ? Ces accidents n’altèrent pas l’envie de voir ce
phénomène. La fascination prime sur tout car les dangers potentiels du volcan ne sont pas forcément en
lien avec ce type d’accident.
La légende ou l’imaginaire !
De cette fascination naît la légende et on arrive ici à ce qui touche l’inconscient. Un mot sur Grand-mère
Kal. Kal, c’est un moment dans le déroulement du temps indien. C'est celui on quitte le jour présent,
mais on n'est pas encore dans le jour d’après. C’est cet instant aux alentours de minuit qui existe dans le
déroulement du temps dans la philosophie indienne.
On évoque plusieurs hypothèses pour la représentation de Grand-mère Kal : on pense d’abord que c'est
la Madame Desbassyns, une dame qui était esclavagiste. On parle d’elle comme étant une bienfaisante,
la seconde providence, mais aussi également comme étant la grande diablesse. On nous dit aussi que
Grand-mère Kal c'est une représentation d’une esclave qui avait envie d’enfant et qui venait la nuit
chercher des bébés éventuellement. Mais quelle que soit la version, Grand-mère Kal habite toujours les
entrailles du volcan que ce soit Madame Desbassyns ou quelqu’un d’autre. Grand-mère Kal se repose
bien là, se ressource et part de pour ses tentatives de conquête. Grand-mère Kal, c'est très fort
dans nos légendes puisque c'est un peu la mère ou la grand-mère de tous les «personnages-légendes»
qui existent chez nous.
Cette même Grand-mère Kal nous a servi pour lutter contre l’invasion d’Halloween. Quand cette dernière
arrive chez nous, pas mal d’institutions, de collectivités mettent en avant Grand-mère Kal, en organisation
des actions autour d’elle, pour lutter contre cette influence d’Halloween.
Qui dit risque majeur ?
Entre les visites tant désirées par les uns et cette part de légende, le volcan ne représente pas du tout un
danger pour nous. On voit souvent des photos qui montrent de larges coulées de lave, des geysers qui
montent très haut…on peut affirmer en regardant cela que le phénomène n’est pas totalement inoffensif.
Il y a des risques très forts.
Mais quand on interroge les gens à propos des risques naturels, le volcan ne vient seulement qu’au 5ème
rang. Les Réunionnais pensent que c'est un risque majeur à seulement 23% alors que le cyclone l’est à
74%, les séismes et tremblements de terre à 53%, les inondations à 32% , les houles, vagues et tsunamis
à 24% les glissements de terrains à 22% et les feux de forêt à 21%.
De plus, quand on interroge les gens en tenant compte de leur lieu d’habitation plus ou moins loin du
volcan, le taux tombe à 17% ; en fait leur opinion varie entre 17% et 27%. Donc, si l’on se fie à ces
chiffres, le volcan n’est pas un danger pour les Réunionnais. Pire, ce n'est pas un risque majeur.
Et pourtant ?
Il y a une réelle difficulté pour maîtriser l’envie des visiteurs d’aller voir de près la coulée. Le mauvais
temps ne permet pas toujours d’avoir une vue claire et nette car la très forte humidité provoque une
grosse masse nuageuse qui empêche souvent les survols en hélicoptère pour repérer le tracé exact de
la coulée. La lave c'est comme l’eau, elle va dans les« talwegs » les points les plus bas et elle descend.
Elle suit donc, le plus souvent, le lit des ravins qui se trouvent dans l’enclos. Quand c’est « bouché » à
un endroit, elle dévie sa coulée.
Il y a 4 types d’usagers au moins qui sont présents à chaque coulée importante avec des attentes
différentes: le sident à protéger (évacuations en 1986, 2007) ; le visiteur avide de spectacle et
inconscient du danger (30 000 visiteurs en soirée pour la coulée de 2007) et peu enclin à des fermetures
d'accès au site, les média avides d'images auxquels s’ajoutent les personnels administratifs, curité,
scientifiques (80 personnes en 2007 dont 60 gendarmes).
Heureusement qu’un jour un hélicoptère a pu faire son travail par temps presque clair car une déviation
de coulée pouvait encercler plusieurs dizaines de curieux qui regardaient passer la lave sur la route
nationale, bien évidement avec l’autorisation de l’administration. L’évacuation a pu se faire sans gros
problème. Cette situation est attestée par une photo parue dans les médias.
Coulée de lave à La Réunion
Les dangers des coulées hors enclos !
Quoique assez rare, l’éruption et la coulée hors enclos représentent les plus graves dangers à l’heure
actuelle. On est alors en zone habitée. Trois coulées remarquables :
1977 : Le village Piton Sainte Rose est menacé. Des maisons sont détruites. L’église est en grande partie
épargnée.
1986 : C’est le village du Tremblet (commune de Saint Philippe) qui est menacé. Le maire de l’époque,
Wilfrid BERTILE, géographe de profession, a eu à gérer cette partie de l’éruption, cette crise. Il nous a dit
que ce qui était remarquable, alors qu’il y avait des maisons détruites, c’est la solidarité forte,
institutionnelle mais aussi humaine. On a pu reconstruire des maisons pour ces gens-là ailleurs. Autre
fait remarquable, c'est un restaurateur de la zone interdite qui disait : « mais oui, moi je suis là-bas ; si
vous empêchez les gens de venir chez moi je vais faire faillite. » Donc on a autorisé sa clientèle à venir
manger. Forcément, cette dernière a été multipliée par dix. Les gens allaient manger souvent chez lui
parce que c’était l’occasion de voir de près le volcan car ils avaient l’autorisation officielle de passer à
travers le barrage.
2007 : C’est la coulée du siècle sans doute avec la masse de magma déversée (la route reconstruite
passe plus de 60m au-dessus de l’ancienne soit l’équivalent d’un immeuble d’environ 30 étages), les
pluies acides qui sont tombées sur les forêts et habitations avoisinantes sans oublier les nuages de
particules qui ont presque le tour de l’île (remontée dans la rivière des Galets Mafate ; les gens de
l’ouest ont manifesté quelques craintes en voyant ces nuages passer au-dessus des plages mais ce
circuit est bien connu par les spécialistes en aérologie)
Une évacuation a été organisée à cause d’une rumeur non justifiée, à savoir qu’il y avait une bouche
éruptive hors enclos alors que c’était simplement un feu de forêt. L’aide d’un hélicoptère a permis d’arrêter
cette action très traumatisante pour les résidents.
On peut tirer la conclusion suivante : « ce volcan nous apporte quand même quelques bienfaits : d’abord
l’idée que ceux qui habitaient-là ont toujours envie de revenir, cela est clair même si la maison était
détruite. On a vu des gens revenir construire à nouveau pas très loin de l’endroit initial et deuxièmement
les plantations poussent bien sur ces terres fertiles. Ensuite La Réunion a été encore redessinée en 2007;
elle s’est agrandie dans la mer et on a vu à cette occasion remonter des profondeurs marines, à peu
près une dizaine d’espèces inconnues de poissons sur la planète. C'est quelque chose qui me semble
assez important sur le plan scientifique.
Mon intervention n’est certes pas très scientifique, mais je voulais vous donner une idée de ce que le
volcan peut apporter aussi de bien, de remarquable et insister sur le fait qu’il ne sera jamais pour nous
un risque majeur réel et qu’il sera toujours désiré.
Le Piton de la Fournaise
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