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Note de synthèse
En Turquie, le 15 juillet 2016, une tentative de coup d’État a visé le président de la
République Recep Tayyip Erdogan, élu au suffrage universel direct en août 2014. Depuis ce
putsch militaire manqué qui a fait 290 morts, le régime turc a intensifié les purges
commencées en décembre 2013, en accusant le Parti des travailleurs kurdes (PKK) et le
mouvement islamiste du prédicateur Fethullah Gülen d'avoir fomenté cette tentative de coup
d'État. Si la presse française et internationale a mis en avant la dérive autoritaire du régime
d’Erdogan, elle a aussi souligné les réactions de la communauté internationale quant à
l’avenir du pays, et notamment celles de l’Union Européenne.
Dans le contexte d’état d’urgence, imposé le 20 juillet par Erdogan après le coup
d’État manqué, et prolongé de trois mois à partir du 19 Octobre (Le Monde.fr, 4/10/2016), la
presse a souligné les atteintes aux libertés fondamentales, le régime turc écartant
autoritairement toute forme d’opposition. Celle des médias tout d’abord : selon le journaliste
Nicolas Cheviron de Médiapart (1er novembre 2016), « depuis cette date, près de 140 agences
de presses, journaux, magazines, radios et télévisions ont été fermés pour leur proximité
supposée avec Gülen ou le PKK, dont une quinzaine de titres proches du mouvement kurde
mis sous scellés » (…) Quelques 130 journalistes étaient déjà derrière les barreaux avant les
interpellations du 31 octobre ». De son côté le journaliste Célia Macé sur le site Libération.fr
(4/11/2016) note que ce 31 Octobre « le pouvoir a franchi une nouvelle étape (…), en arrêtant
le rédacteur en chef et une dizaine de journalistes du quotidien Cumhuriyet (« La
République », en turc) dans le cadre d’une enquête du parquet pour « activités terroristes » en
lien avec la confrérie güléniste et avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan » . Elle rapporte
les propos d’Elif Akgül, spécialiste de la liberté de la presse pour le site turc Bianet : créé en
1924 « c’est le plus vieux journal de Turquie (…). Le pouvoir ne vise pas simplement un
journal, mais les valeurs fondatrices de la République de Turquie ». Dans un article du
quotidien allemand Der Tagesspiegel, daté du 7 novembre et publié dans le Courrier
international du 17 au 23 novembre, l'ancien rédacteur en chef de ce journal, Can Dündar,
exilé en Allemagne, estime qu' « il s'agit des manœuvres d'un autocrate pour assujettir le
pays » par « un régime de Gestapo », qui serait « devenu(e) la plus grande prison de
journalistes au monde ». Le président du directoire de Cumhuriyet, l'avocat Akin Atalay a été
arrêté à l'aéroport d'Istanbul et placé en garde à vue pour le même motif, selon le site de
L’Obs.fr (11/11/2016).
Cette dérive autoritaire se marque aussi par la répression de toute opposition politique.
La journaliste Marie Jégo du Monde note que « les partis d'opposition politique et les
défenseurs des droits de l'homme reprochent au gouvernement de profiter de l'état d'urgence,
prolongé jusqu’en janvier 2017, pour museler toute forme d'opposition politique sous couvert
de lutte contre le terrorisme » (02/11/2016). De fait, les deux coprésidents Selahattin Demirtas
et Figen Yüksekdag et neuf autres députés élus du Parti de la Démocratie des Peuples (HDP,
prokurde) ont été interpellés et écroués le 4 novembre, accusés de soutenir le PKK, interdit
en Turquie. Le journaliste Vadim Kamenka du site L’Humanité.fr (10/11/2016) estime que le
président turc s'est lancé dans « la transformation de l'État turc en État AKP, en neutralisant
tous les contrepouvoirs ».
La fonction publique est aussi touchée par cette répression. Selon le site du quotidien
libanais L’Orient-Le Jour.fr (30/10/2016), « depuis la mi-juillet, (…) le pouvoir turc a fait
arrêter plus de 37.000 personnes et a déjà limogé ou suspendu quelques 100.000
fonctionnaires, juges, procureurs et policiers ». Le décret du 29 octobre a mis à pied « 10 131
personnes (dont 2 534 au ministère de la justice, 3 486 à l’éducation, 2 774 à la santé et 101
dans l’armée) » (…) les droits des avocats ont été limités et les recteurs d’université seront