Canso 1 - Conseil Général de l`Aude

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La Chanson de la Croisade Faites nous
part
de
vos
contre les Albigeois
projets
La Chanson de la Croisade contre les Albigeois, poème en langue d’oc de près de 10 000 alexandrins assonancés ou rimés, est connue grâce au manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale
de France (fonds français, ms. 25 425). Aucun titre ne précède le poème que son auteur appelle
simplement la Canso. L’œuvre comprend deux parties bien distinctes : le premier poème (2 768
vers) est dû à Guilhem de Tudela (originaire de la Navarre), clerc, établi un temps à Montauban
; l’auteur de la seconde partie (6 810 vers) est demeuré anonyme, il était vraisemblablement
originaire du diocèse de Toulouse. Dans un provençal mélangé de formes françaises, Guilhem
de Tudela raconte, sur un ton froid et assez convenu, les événements politiques et militaires
survenus en Languedoc entre 1207 et 1213. Favorable à la lutte des croisés contre l’hérésie, il
s’émeut toutefois des excès qu’ils peuvent commettre. Le deuxième auteur s’exprime dans une
langue beaucoup plus pure, celle de la région toulousaine ; son style est vif et il n’hésite pas à
introduire des dialogues entre les personnages qu’il met en scène pour assurer une meilleure
compréhension du récit. Très attaché à la cause des comtes de Toulouse, il commence son
récit au printemps 1213 et le laisse inachevé, s’interrompant brutalement au début du siège de
Toulouse en juin 1219.
1209 La formation des armées de la Croisade, racontée par Guilhem de Tudela
Donc se crozan en Fransa e per tot lo regnat,
Can sabo que seran dels pecatz perdonat.
Anc mais tan gran ajust no vis, pos que fus nat,
Co fan sobre . ls eretges e sobre . ls sabatatz ;
Car los ducs de Bergonha s’en es la doncs crozat,
E lo coms de Nivers e manta poestatz.
So que las crotz costero d’orfres ni de cendatz,
Que silh meiren el peilhs deves lo destre latz,
E no . m mete en plah coment foro armatz
Ni com foren garnitz ni co encavalgatz,
Ni lor cavalz vestitz de fer, ni entresenhats :
Qu’anc Dieus no fetz gramazi ni clergue tant letrat
Que vos pogues retraire le ters ni la maitat,
Ni ja saubes escriure los prestres ni . ls abatz
Qu’a la ost de Bezers lai foro amassatz
Deforas el sablo.
Aussi se croisa-t-on en France et dans tout le royaume,
Quand on sut que de ses péchés on serait pardonné.
Jamais si grand rassemblement ne vis, depuis que je fus né,
Que celui qu’on fit alors contre les hérétiques et les Vaudois
Car c’est là que se sont croisés le duc de Bourgogne
Et le comte de Nevers et tant d’autres puissants seigneurs.
Ce que coûtèrent les croix d’orfroi et de cendal
Qu’ils se mirent au côté droit de la poitrine,
Je ne le dirai pas, ni comment ils furent armés,
Ni comment ils furent équipés et montés,
Et leurs chevaux vêtus de fer et de caparaçons armoriés ;
Car Dieu n’a jamais créé savant ni clerc assez instruit
Pour vous en rapporter ne serait-ce que le tiers ou la moitié,
Ni énumérer les prêtres et les abbés
Qui se trouvèrent là-bas à l’armée réunie sous les murs de Béziers,
Dans la plaine.
D’après l’édition d’Eugène Martin-Chabot (Paris, Les Belles-Lettres, 1960, 3 vol.)
1
Désignés ici sous leur surnom sabatatz, chaussés de sandales ou de sabots.
Bandes de riches broderie.
3
Toile de soie dont étaient faites communément les bannières et les pennons.
2
Qui que vous soyez (collectivité,
association, compagnie théâtrale, auteur
ou éditeur, particulier, etc.), envoyeznous un bref descriptif des actions
culturelles que vous souhaitez mettre
en place, des publications que vous
projetez de réaliser (contenu, objectifs,
modalités de mise en œuvre). N’oubliez
pas de mentionner les coordonnées
(adresse, mail, téléphone) de la personne
responsable du projet.
Ce journal est le vôtre. Il donnera
régulièrement des informations sur les
manifestations culturelles programmées
à l’occasion du huitième centenaire de la
Croisade.
N’hésitez pas à nous écrire, que ce soit
pour nous adresser vos suggestions ou
nous faire part de vos initiatives.
Contacts : Archives
départementales de l’Aude
41 avenue Claude Bernard
11855 Carcassonne cedex 9
archives@cg 11.fr
La Canso
Si meliora dies, ut vina, poemata reddit
Edito
D
epuis plus de vingt ans que le Conseil
général de l’Aude a lancé son ambitieux
programme de développement local, les
Audois se sont habitués à entendre parler
du Pays Cathare. Même pour les touristes
de passage, les silhouettes de nos châteaux
sont désormais associées à cette période de
notre histoire, au point qu’ils les appellent
bien souvent « châteaux cathares ». Il est
vrai que l’erreur est compréhensible si l’on
tient compte de la dimension guerrière que
prit l’histoire du catharisme lorsque le pape
Innocent III appela à la croisade contre les
hérétiques.
ette croisade, dans l’Aude, nous avons
choisi de la commémorer. Non pas
qu’elle évoque des moments heureux, bien
au contraire. Mais parce qu’elle fut décisive
non seulement pour l’histoire mais également pour la culture de notre territoire et
qu’aujourd’hui encore, son souvenir hante
la mémoire collective et contribue à la notoriété de notre région.
e pense que nombreux seront ceux et
celles qui auront à cœur de marquer cet
anniversaire par des initiatives que j’espère
variées et de qualité tout au long de l’année
2009. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Alain Tarlier, président de la Commission Culture, d’être particulièrement
attentif aux projets qui pourraient émerger
dans le cadre de cette commémoration.
ar ailleurs, j’ai confié à l’équipe des Archives Départementales la mission d’éditer cette lettre que nous avons appelée La
Canso en référence au poème médiéval qui
raconte cette épopée. La Canso aura comme
objectif de rappeler les faits historiques de
la croisade mais aussi de créer un lien solide entre tous les acteurs de la commémoration.
C
J
P
Simon de Montfort.
Gravure XVIIIe s.
(A. D. Aude, 2 Fi 2778)
Marcel Rainaud
Sénateur de l’Aude
Président du Conseil général
Commémorer la croisade
contre les Albigeois.
E
n 2009, nous commémorerons un événement qui a profondément marqué l’histoire de notre région : ce sera en effet le huit
centième anniversaire de la croisade contre
les Albigeois. S’il en était besoin, l’abondance
des travaux publiés sur le sujet témoignerait
de la portée considérable de cette expédition guerrière : certes la croisade n’eut pas la
réussite escomptée puisqu’elle ne parvint pas
à anéantir l’hérésie cathare mais ses répercussions sociales, politiques et économiques
furent profondes et durables : le monde médiéval méridional en fut bouleversé.
ongtemps passée sous silence dans les
manuels d’histoire, la croisade contre les
Albigeois devient dans les années soixante un
élément constitutif de la mémoire identitaire
du Languedoc. Déjà, en 1907, les leaders du
mouvement viticole se considèrent comme
les descendants des populations méridionales victimes des « barons du Nord » ; Ernest
Ferroul, le maire de Narbonne, participe le 12
septembre 1913 aux cérémonies organisées à
l’occasion du septième centenaire
de la bataille de
Muret. Mais c’est
avec l’émission
télévisée réalisée par André
Castelot, Alain
Decaux et Stellio
Lorenzi sur les
cathares que débute vraiment la
réappropriation
par les habitants
du Languedoc
de l’histoire de
la croisade. Diffusée à une heure
L
de grande écoute en mars 1966, dans le cadre de la série « La caméra explore le temps
», l’émission remporte immédiatement un
vif succès. Les téléspectateurs découvrent le
destin tragique de ces « oubliés de l’histoire
» ; ils se passionnent pour ces hommes, qui
apparaissent comme des victimes sacrifiées
aux intérêts du roi de France et de l’Eglise. La
grande fresque publiée en feuilleton à partir
de 1966 par Michel Roquebert dans le journal
La Dépêche du Midi sous le titre « L’épopée
cathare » contribue à populariser l’histoire du
catharisme. Le grand public s’enflamme pour
ce récit savant et érudit, expressif et vivant,
que Michel Roquebert enrichit considérablement au long des années, transformant les
soixante-dix articles primitifs en une œuvre
en cinq volumes publiée entre 1970 et 1998.
René Nelli, homme de lettres, philosophe et
ethnographe, par sa forte personnalité et ses
travaux fondamentaux sur les troubadours et
la littérature courtoise, participe lui aussi à la
construction de la mémoire occitane.
Simon de Montfort au siège de Minerve, 1210. Gravure sur bois de Paul Castela, XXe s. (A. D. Aude, 1 Fi 268)
e Conseil général de l’Aude souhaite
donner le plus de retentissement possible aux initiatives qui seront menées dans le
département à l’occasion de cet anniversaire.
Aussi, lançons-nous un appel aux collectivités
locales, aux associations, aux clubs, aux chorales, aux compagnies théâtrales, à tous les
organisateurs de spectacles vivants et de manifestations culturelles : faites nous connaître
vos projets. Nous relaierons l’information et,
grâce à cette lettre à parution régulière, nous
en assurerons la promotion dans le département et au-delà.
our sa part, le Conseil général de l’Aude
s’impliquera fortement dans la commémoration en organisant notamment, dans
tout le département, plusieurs cycles de
conférences qui permettront au grand public
de prendre connaissance des derniers résultats de la recherche historique et d’engager
des débats constructifs avec des historiens
confirmés.
uatre grands thèmes ont d’ores et
déjà été retenus par le comité de
pilotage scientifique de l’opération :
- la croisade, ses origines et ses
conséquences sur le plan religieux ;
- la société méridionale et les bouleversements que provoqua la croisade
dans son organisation et ses valeurs ;
- la culture méridionale (les troubadours
et leur œuvre, la langue d’oc, les relations avec le royaume d’Aragon, etc.) ;
- les châteaux et forteresses seigneuriales :
leur rôle et les répercussions de la croisade
sur l’habitat (sites désertés, déplacement de
l’habitat, etc.).
P
Pour en
savoir plus
- Paix de Dieu et guerre sainte en
Languedoc au XIIIe siècle. Toulouse,
Privat, 1969, 366 p. (Cahiers de Fanjeaux
n° 4).
- La Croisade albigeoise. Actes du
colloque du Centre d’études cathares,
Carcassonne, 4, 5 et 6 octobre 2002.
Carcassonne, Centre d’études cathares/
René Nelli, 2004, 416 p.
elusus ratione ruentis acervi, qui redit
in fastos et virtutem aestimat annis
miraturque nihil nisi quod Libitina
sacravit.
Q
A découvrir
Un ouvrage qui renouvelle
la recherche sur la notion de
guerre sainte et de croisade
Edité par le Conseil général de l’Aude
Centre administratif départemental
11855 Carcassonne cedex 9
Directeur de la publication :
Alain Tarlier
Rédaction :
Archives départementales de l’Aude
41 avenue Claude Bernard
11855 Carcassonne cedex 9
Compogravure :
Impression :
Château de Lastours (cliché Comité départemental du Tourisme)
C
ontrairement à ce que nous croyons communément, le terme de croisade apparaît assez tardivement, en tout état de cause
bien après la naissance du concept. Au XIIe
siècle, le mot « croisade » n’existe ni en latin,
ni en langue vernaculaire ; seul existe cruce
signatus (croisé), terme apparu dès le concile
de Clermont (1095). On parle généralement
d’expédition, de guerre sainte, de guerre de
Dieu.
urant les trois premiers siècles de la chrétienté, l’Eglise condamne vigoureusement la violence armée et la guerre : un chrétien ne saurait en aucun cas se faire soldat sous
peine d’excommunication définitive. Lorsque
l’empire romain devenu chrétien à partir de
313 se voit menacé, les élites ecclésiastiques
tentent de concilier les principes évangéliques et la nécessité d’assurer la défense des
populations : dans certaines conditions, on
peut être conduit à mener une guerre juste.
Certains textes font même état de la présence
de saints aux côtés des combattants, donnant
ainsi à la guerre une nouvelle dimension, la sacralisant. Mais c’est véritablement avec l’appel
lancé en 1095 par la pape Urbain II que naît
vraiment le concept de croisade : c’est une
guerre sainte pour délivrer les églises d’Orient
de l’oppression des infidèles ; c’est aussi un
pèlerinage à Jérusalem et, de ce fait, elle pro-
D
Daniel Baloup et Philippe Josserand
éd., Regards croisés sur la guerre sainte.
Guerre, religion et idéologie dans
l’espace méditerranéen latin (XIe-XIIIe
siècle). Actes du colloque international
tenu à la Casa de Velázquez (Madrid) du
11 au 13 avril 2005. Toulouse, CNRS Université de Toulouse-Le Mirail, 2006,
435 p. (Collection « Méridiennes », série «
Etudes médiévales ibériques »).
Responsable de la rédaction :
Sylvie Caucanas
Photographies : A. Estieu, A. Fernandez
(Archives départementales)
Tirage : 3 000 exemplaires, publication
gratuite
L’idée de croisade
Attaque de la Cité par les Croisés de
Simon de Montfort. Gravure d’après un
dessin de Paul Sibra, XXe s.
(A. D. Aude, 2 Fi 2876)
g
g
g
g
g
g
g
g
g
g
g
g
L
cure des récompenses spirituelles à ceux qui
s’y engagent (rémission des péchés, couronne
des martyrs).
ssez rapidement, la papauté élargit le
champ d’application de la croisade à des
zones géographiques et à des objectifs nouveaux. Le canon 27 du concile de Latran III
(1179) assimile hérétiques et routiers qui ravagent le Languedoc ; il appelle les chrétiens à
les combattre et leur promet, en récompense,
la rémission de leurs péchés et la sauvegarde
de leur personne et de leurs biens, comme
l’obtiennent ceux qui se rendent à Jérusalem.
L’assimilation avec la croisade en Terre sainte
est évidente : les mêmes privilèges sont accordés à ceux qui luttent contre les infidèles en
Orient et à ceux qui combattent les hérétiques
en Languedoc. Dans la lignée du canon de Latran III, le pape Innocent III lance la croisade
contre les Albigeois en 1208, après l’assassinat
du légat du pape. Dans le même temps, il appelle à une nouvelle croisade en Orient. Si,
d’un pont de vue temporel, les deux expéditions sont mises sur un même plan, il n’en est
pas de même dans le domaine spirituel. Les
privilèges concédés sont de nature différente
: l’indulgence accordée à ceux qui combattent
le catharisme est plus restreinte que celle que
peuvent obtenir les croisés en Terre Sainte
(rémission plénière des péchés).
A
e Conseil général de l’Aude souhaite
donner le plus de retentissement possible aux initiatives qui seront menées dans le
département à l’occasion de cet anniversaire.
Aussi, lançons-nous un appel aux collectivités
locales, aux associations, aux clubs, aux chorales, aux compagnies théâtrales, à tous les
organisateurs de spectacles vivants et de manifestations culturelles : faites nous connaître
vos projets. Nous relaierons l’information et,
grâce à cette lettre à parution régulière, nous
en assurerons la promotion dans le département et au-delà.
our sa part, le Conseil général de l’Aude
s’impliquera fortement dans la commémoration en organisant notamment, dans
tout le département, plusieurs cycles de
conférences qui permettront au grand public
de prendre connaissance des derniers résultats de la recherche historique et d’engager
des débats constructifs avec des historiens
confirmés.
uatre grands thèmes ont d’ores et
déjà été retenus par le comité de
pilotage scientifique de l’opération :
- la croisade, ses origines et ses
conséquences sur le plan religieux ;
- la société méridionale et les bouleversements que provoqua la croisade
dans son organisation et ses valeurs ;
- la culture méridionale (les troubadours
et leur œuvre, la langue d’oc, les relations avec le royaume d’Aragon, etc.) ;
- les châteaux et forteresses seigneuriales :
leur rôle et les répercussions de la croisade
sur l’habitat (sites désertés, déplacement de
l’habitat, etc.).
P
Pour en
savoir plus
- Paix de Dieu et guerre sainte en
Languedoc au XIIIe siècle. Toulouse,
Privat, 1969, 366 p. (Cahiers de Fanjeaux
n° 4).
- La Croisade albigeoise. Actes du
colloque du Centre d’études cathares,
Carcassonne, 4, 5 et 6 octobre 2002.
Carcassonne, Centre d’études cathares/
René Nelli, 2004, 416 p.
elusus ratione ruentis acervi, qui redit
in fastos et virtutem aestimat annis
miraturque nihil nisi quod Libitina
sacravit.
Q
A découvrir
Un ouvrage qui renouvelle
la recherche sur la notion de
guerre sainte et de croisade
Edité par le Conseil général de l’Aude
Centre administratif départemental
11855 Carcassonne cedex 9
Directeur de la publication :
Alain Tarlier
Rédaction :
Archives départementales de l’Aude
41 avenue Claude Bernard
11855 Carcassonne cedex 9
Compogravure :
Impression :
Château de Lastours (cliché Comité départemental du Tourisme)
C
ontrairement à ce que nous croyons communément, le terme de croisade apparaît assez tardivement, en tout état de cause
bien après la naissance du concept. Au XIIe
siècle, le mot « croisade » n’existe ni en latin,
ni en langue vernaculaire ; seul existe cruce
signatus (croisé), terme apparu dès le concile
de Clermont (1095). On parle généralement
d’expédition, de guerre sainte, de guerre de
Dieu.
urant les trois premiers siècles de la chrétienté, l’Eglise condamne vigoureusement la violence armée et la guerre : un chrétien ne saurait en aucun cas se faire soldat sous
peine d’excommunication définitive. Lorsque
l’empire romain devenu chrétien à partir de
313 se voit menacé, les élites ecclésiastiques
tentent de concilier les principes évangéliques et la nécessité d’assurer la défense des
populations : dans certaines conditions, on
peut être conduit à mener une guerre juste.
Certains textes font même état de la présence
de saints aux côtés des combattants, donnant
ainsi à la guerre une nouvelle dimension, la sacralisant. Mais c’est véritablement avec l’appel
lancé en 1095 par la pape Urbain II que naît
vraiment le concept de croisade : c’est une
guerre sainte pour délivrer les églises d’Orient
de l’oppression des infidèles ; c’est aussi un
pèlerinage à Jérusalem et, de ce fait, elle pro-
D
Daniel Baloup et Philippe Josserand
éd., Regards croisés sur la guerre sainte.
Guerre, religion et idéologie dans
l’espace méditerranéen latin (XIe-XIIIe
siècle). Actes du colloque international
tenu à la Casa de Velázquez (Madrid) du
11 au 13 avril 2005. Toulouse, CNRS Université de Toulouse-Le Mirail, 2006,
435 p. (Collection « Méridiennes », série «
Etudes médiévales ibériques »).
Responsable de la rédaction :
Sylvie Caucanas
Photographies : A. Estieu, A. Fernandez
(Archives départementales)
Tirage : 3 000 exemplaires, publication
gratuite
L’idée de croisade
Attaque de la Cité par les Croisés de
Simon de Montfort. Gravure d’après un
dessin de Paul Sibra, XXe s.
(A. D. Aude, 2 Fi 2876)
g
g
g
g
g
g
g
g
g
g
g
g
L
cure des récompenses spirituelles à ceux qui
s’y engagent (rémission des péchés, couronne
des martyrs).
ssez rapidement, la papauté élargit le
champ d’application de la croisade à des
zones géographiques et à des objectifs nouveaux. Le canon 27 du concile de Latran III
(1179) assimile hérétiques et routiers qui ravagent le Languedoc ; il appelle les chrétiens à
les combattre et leur promet, en récompense,
la rémission de leurs péchés et la sauvegarde
de leur personne et de leurs biens, comme
l’obtiennent ceux qui se rendent à Jérusalem.
L’assimilation avec la croisade en Terre sainte
est évidente : les mêmes privilèges sont accordés à ceux qui luttent contre les infidèles en
Orient et à ceux qui combattent les hérétiques
en Languedoc. Dans la lignée du canon de Latran III, le pape Innocent III lance la croisade
contre les Albigeois en 1208, après l’assassinat
du légat du pape. Dans le même temps, il appelle à une nouvelle croisade en Orient. Si,
d’un pont de vue temporel, les deux expéditions sont mises sur un même plan, il n’en est
pas de même dans le domaine spirituel. Les
privilèges concédés sont de nature différente
: l’indulgence accordée à ceux qui combattent
le catharisme est plus restreinte que celle que
peuvent obtenir les croisés en Terre Sainte
(rémission plénière des péchés).
A
La Chanson de la Croisade Faites nous
part
de
vos
contre les Albigeois
projets
La Chanson de la Croisade contre les Albigeois, poème en langue d’oc de près de 10 000 alexandrins assonancés ou rimés, est connue grâce au manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale
de France (fonds français, ms. 25 425). Aucun titre ne précède le poème que son auteur appelle
simplement la Canso. L’œuvre comprend deux parties bien distinctes : le premier poème (2 768
vers) est dû à Guilhem de Tudela (originaire de la Navarre), clerc, établi un temps à Montauban
; l’auteur de la seconde partie (6 810 vers) est demeuré anonyme, il était vraisemblablement
originaire du diocèse de Toulouse. Dans un provençal mélangé de formes françaises, Guilhem
de Tudela raconte, sur un ton froid et assez convenu, les événements politiques et militaires
survenus en Languedoc entre 1207 et 1213. Favorable à la lutte des croisés contre l’hérésie, il
s’émeut toutefois des excès qu’ils peuvent commettre. Le deuxième auteur s’exprime dans une
langue beaucoup plus pure, celle de la région toulousaine ; son style est vif et il n’hésite pas à
introduire des dialogues entre les personnages qu’il met en scène pour assurer une meilleure
compréhension du récit. Très attaché à la cause des comtes de Toulouse, il commence son
récit au printemps 1213 et le laisse inachevé, s’interrompant brutalement au début du siège de
Toulouse en juin 1219.
1209 La formation des armées de la Croisade, racontée par Guilhem de Tudela
Donc se crozan en Fransa e per tot lo regnat,
Can sabo que seran dels pecatz perdonat.
Anc mais tan gran ajust no vis, pos que fus nat,
Co fan sobre . ls eretges e sobre . ls sabatatz ;
Car los ducs de Bergonha s’en es la doncs crozat,
E lo coms de Nivers e manta poestatz.
So que las crotz costero d’orfres ni de cendatz,
Que silh meiren el peilhs deves lo destre latz,
E no . m mete en plah coment foro armatz
Ni com foren garnitz ni co encavalgatz,
Ni lor cavalz vestitz de fer, ni entresenhats :
Qu’anc Dieus no fetz gramazi ni clergue tant letrat
Que vos pogues retraire le ters ni la maitat,
Ni ja saubes escriure los prestres ni . ls abatz
Qu’a la ost de Bezers lai foro amassatz
Deforas el sablo.
Aussi se croisa-t-on en France et dans tout le royaume,
Quand on sut que de ses péchés on serait pardonné.
Jamais si grand rassemblement ne vis, depuis que je fus né,
Que celui qu’on fit alors contre les hérétiques et les Vaudois
Car c’est là que se sont croisés le duc de Bourgogne
Et le comte de Nevers et tant d’autres puissants seigneurs.
Ce que coûtèrent les croix d’orfroi et de cendal
Qu’ils se mirent au côté droit de la poitrine,
Je ne le dirai pas, ni comment ils furent armés,
Ni comment ils furent équipés et montés,
Et leurs chevaux vêtus de fer et de caparaçons armoriés ;
Car Dieu n’a jamais créé savant ni clerc assez instruit
Pour vous en rapporter ne serait-ce que le tiers ou la moitié,
Ni énumérer les prêtres et les abbés
Qui se trouvèrent là-bas à l’armée réunie sous les murs de Béziers,
Dans la plaine.
D’après l’édition d’Eugène Martin-Chabot (Paris, Les Belles-Lettres, 1960, 3 vol.)
1
Désignés ici sous leur surnom sabatatz, chaussés de sandales ou de sabots.
Bandes de riches broderie.
3
Toile de soie dont étaient faites communément les bannières et les pennons.
2
Qui que vous soyez (collectivité,
association, compagnie théâtrale, auteur
ou éditeur, particulier, etc.), envoyeznous un bref descriptif des actions
culturelles que vous souhaitez mettre
en place, des publications que vous
projetez de réaliser (contenu, objectifs,
modalités de mise en œuvre). N’oubliez
pas de mentionner les coordonnées
(adresse, mail, téléphone) de la personne
responsable du projet.
Ce journal est le vôtre. Il donnera
régulièrement des informations sur les
manifestations culturelles programmées
à l’occasion du huitième centenaire de la
Croisade.
N’hésitez pas à nous écrire, que ce soit
pour nous adresser vos suggestions ou
nous faire part de vos initiatives.
Contacts : Archives
départementales de l’Aude
41 avenue Claude Bernard
11855 Carcassonne cedex 9
archives@cg 11.fr
La Canso
Si meliora dies, ut vina, poemata reddit
Edito
D
epuis plus de vingt ans que le Conseil
général de l’Aude a lancé son ambitieux
programme de développement local, les
Audois se sont habitués à entendre parler
du Pays Cathare. Même pour les touristes
de passage, les silhouettes de nos châteaux
sont désormais associées à cette période de
notre histoire, au point qu’ils les appellent
bien souvent « châteaux cathares ». Il est
vrai que l’erreur est compréhensible si l’on
tient compte de la dimension guerrière que
prit l’histoire du catharisme lorsque le pape
Innocent III appela à la croisade contre les
hérétiques.
ette croisade, dans l’Aude, nous avons
choisi de la commémorer. Non pas
qu’elle évoque des moments heureux, bien
au contraire. Mais parce qu’elle fut décisive
non seulement pour l’histoire mais également pour la culture de notre territoire et
qu’aujourd’hui encore, son souvenir hante
la mémoire collective et contribue à la notoriété de notre région.
e pense que nombreux seront ceux et
celles qui auront à cœur de marquer cet
anniversaire par des initiatives que j’espère
variées et de qualité tout au long de l’année
2009. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Alain Tarlier, président de la Commission Culture, d’être particulièrement
attentif aux projets qui pourraient émerger
dans le cadre de cette commémoration.
ar ailleurs, j’ai confié à l’équipe des Archives Départementales la mission d’éditer cette lettre que nous avons appelée La
Canso en référence au poème médiéval qui
raconte cette épopée. La Canso aura comme
objectif de rappeler les faits historiques de
la croisade mais aussi de créer un lien solide entre tous les acteurs de la commémoration.
C
J
P
Simon de Montfort.
Gravure XVIIIe s.
(A. D. Aude, 2 Fi 2778)
Marcel Rainaud
Sénateur de l’Aude
Président du Conseil général
Commémorer la croisade
contre les Albigeois.
E
n 2009, nous commémorerons un événement qui a profondément marqué l’histoire de notre région : ce sera en effet le huit
centième anniversaire de la croisade contre
les Albigeois. S’il en était besoin, l’abondance
des travaux publiés sur le sujet témoignerait
de la portée considérable de cette expédition guerrière : certes la croisade n’eut pas la
réussite escomptée puisqu’elle ne parvint pas
à anéantir l’hérésie cathare mais ses répercussions sociales, politiques et économiques
furent profondes et durables : le monde médiéval méridional en fut bouleversé.
ongtemps passée sous silence dans les
manuels d’histoire, la croisade contre les
Albigeois devient dans les années soixante un
élément constitutif de la mémoire identitaire
du Languedoc. Déjà, en 1907, les leaders du
mouvement viticole se considèrent comme
les descendants des populations méridionales victimes des « barons du Nord » ; Ernest
Ferroul, le maire de Narbonne, participe le 12
septembre 1913 aux cérémonies organisées à
l’occasion du septième centenaire
de la bataille de
Muret. Mais c’est
avec l’émission
télévisée réalisée par André
Castelot, Alain
Decaux et Stellio
Lorenzi sur les
cathares que débute vraiment la
réappropriation
par les habitants
du Languedoc
de l’histoire de
la croisade. Diffusée à une heure
L
de grande écoute en mars 1966, dans le cadre de la série « La caméra explore le temps
», l’émission remporte immédiatement un
vif succès. Les téléspectateurs découvrent le
destin tragique de ces « oubliés de l’histoire
» ; ils se passionnent pour ces hommes, qui
apparaissent comme des victimes sacrifiées
aux intérêts du roi de France et de l’Eglise. La
grande fresque publiée en feuilleton à partir
de 1966 par Michel Roquebert dans le journal
La Dépêche du Midi sous le titre « L’épopée
cathare » contribue à populariser l’histoire du
catharisme. Le grand public s’enflamme pour
ce récit savant et érudit, expressif et vivant,
que Michel Roquebert enrichit considérablement au long des années, transformant les
soixante-dix articles primitifs en une œuvre
en cinq volumes publiée entre 1970 et 1998.
René Nelli, homme de lettres, philosophe et
ethnographe, par sa forte personnalité et ses
travaux fondamentaux sur les troubadours et
la littérature courtoise, participe lui aussi à la
construction de la mémoire occitane.
Simon de Montfort au siège de Minerve, 1210. Gravure sur bois de Paul Castela, XXe s. (A. D. Aude, 1 Fi 268)
La Croisade contre les
Albigeois en quelques
dates :
1179
1198, 21 avril 1207, avril
1208, 14 janvier
1208, 10 mars
1209, juin
1209, 18 juin
1209, 22 juillet
1209, 15 août
1209, septembre
1209-1211
1211-1212
1213, 15 janvier
1213, 27 janvier
1213, 12 septembre
1215, juin
Troisième concile œcuménique du Latran qui, dans son canon 27, condamne le catharisme et invite
à recourir à la force pour éradiquer l’hérésie.
Lettre du pape Innocent III, récemment élu, invitant les prélats, princes et fidèles du pays touché par
l’hérésie à prendre les armes contre les hérétiques. Appel lancé en vain comme le sont également les
différents messages envoyés par le pape au roi de France en 1204, 1205 et novembre 1207.
Excommunication prononcée par le légat du pape Pierre de Castelnau contre Raymond VI, comte de
Toulouse, accusé de n’avoir pris aucune mesure contre l’hérésie cathare.
Assassinat de Pierre de Castelnau, légat du pape, près de Saint-Gilles.
Appel du pape engageant le roi de France et les prélats et barons du royaume à se saisir de Raymond
VI, accusé d’avoir commandité le crime, et de sa terre.
Armées de la croisade concentrées à Lyon (le roi de France Philippe Auguste n’autorise ses vassaux
à se croiser qu’après de longs mois de négociations et refuse de s’engager personnellement, interdi
sant à son fils d’y prendre part).
Raymond VI fait sa soumission aux légats du pape à Saint-Gilles. Raymond-Roger Trencavel, vicomte
de Carcassonne, de Béziers et d’Albi refuse de se soumettre.
Prise et mise à sac de Béziers qui a refusé de livrer les hérétiques.
Prise de Carcassonne. Raymond-Roger Trencavel, fait prisonnier, est destitué ; Simon de Montfort
est investi des domaines des Trencavel.
Mort en captivité de Raymond-Roger Trencavel.
Conquête par les croisés des domaines des Trencavel (à l’automne 1209, occupation de Montréal et
de Fanjeaux ; au printemps 1210, prise d’Alzonne, Bram, Montlaur, Capendu et du château d’Alaric
;d’août au 23 novembre 1210, siège de Termes).
Les croisés s’attaquent aux domaines de Raymond VI, comte de Toulouse, qui, dès septembre 1209, a
été à nouveau excommunié (en mai-juin 1211, prise de Montferrand et les Cassès ; en juin 1211, prise
de la plupart des villes de l’Albigeois ; automne 1211, bataille de Castelnaudary). Après sa victoire sur
les Almohades à Las Navas de Tolosa en juillet 1212, le roi d’Aragon Pierre II vient au secours de son
vassal le comte de Toulouse.
Innocent III ordonne l’arrêt de la croisade.
Raymond VI comte de Toulouse, son fils et les consuls de la ville prêtent serment de fidélité au roi
d’Aragon. Les croisés envoient une ambassade pour protester auprès du pape qui ordonne la reprise
de la croisade.
Bataille de Muret : victoire de Simon de Montfort. Pierre II trouve la mort au cours du combat.
Foulque, évêque de Toulouse institue dans son diocèse comme prédicateurs Dominique de Guzu
nan et ses premiers compagnons afin de lutter contre l’hérésie.
1215, 30 novembre
1216, avril
1217-1224
1218, juin
1220, 13 juillet 1222, août
1224
1225, novembre
1226, mai
1226, 16 juin
1226, 3 novembre
1229, 12 avril
1233
1240, août
1240, 8 septembre
1242, 28-29 mai
1242, juin
1243, janvier
1244, mars
1247, 7 avril
1249
1271
Le quatrième concile de Latran prononce la déchéance de Raymond VI au profit de Simon de Mont
fort, à l’exclusion des terres provençales qui restent possession du jeune comte Raymond VII.
Le roi de France reçoit l’hommage de Simon de Montfort pour le comté de Toulouse.
Reconquête de leurs terres par Raymond VI, comte de Toulouse et son fils.
Mort de Simon de Montfort durant le siège de Toulouse dont Raymond VI a repris possession en
septembre 1217. Amaury de Montfort prend le titre de comte de Toulouse et devient chef des ar
mées.
Début du siège de Castelnaudary (aux mains du comte de Toulouse) par Amaury de Montfort et
échec de celui-ci (le siège est levé fin février 1221).
Mort de Raymond VI. En septembre, son fils lui succède sous le nom de Raymond VII.
Amaury de Montfort, assiégé dans Carcassonne, capitule devant les armées de Raymond VII, du
comte de Foix et de Raymond II Trencavel. Amaury de Montfort fait don au roi des domaines qu’il a
perdus.
le concile de Bourges refuse d’absoudre Raymond VII de complicité d’hérésie.
L’armée de la croisade royale (avec à sa tête le roi de France Louis VIII) descend la vallée du
Rhône.
Carcassonne fait sa soumission au roi de France Louis VIII. Castelnaudary se soumet quelque temps
après.
Mort du roi de France Louis VIII.
Traité de Meaux-Paris. Raymond VII perd une partie de ses domaines. Son enfant unique, Jeanne,
doit épouser Alphonse de Poitiers, frère du roi de France. Raymond VII se voit contraint d’écarter de
sa succession tout héritier mâle qu’il pourrait avoir ultérieurement. Raymond VII fait sa soumission
au roi de France, Louis IX.
Le pape Grégoire IX organise l’Inquisition.
Raymond II Trencavel, qui s’était réfugié auprès du roi d’Aragon, tente de reconquérir sa vicom
té.
Début du siège de Carcassonne par Raymond II Trencavel qui se replie sur Montréal le 12 octobre à
l’arrivée des renforts militaires royaux. En 1241, Raymond II Trencavel est vaincu et le roi de France
a repris possession de ses terres.
Meurtre à Avignonet de deux inquisiteurs et de leurs compagnons par des hommes d’armes venus
de Montségur.
Raymond VII entre en campagne contre le roi de France. Raymond II Trencavel se joint à lui.
Raymond VII se soumet au roi de France.
Prise et bûcher de Montségur.
Raymond Trencavel renonce au profit du roi à ses droits sur la vicomté de Carcassonne.
Mort de Raymond VII, comte de Toulouse.
Mort de Jeanne de Toulouse et d’Alphonse de Poitiers sans descendance. Rattachement du comté de
Toulouse au domaine royal.
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