La Chanson de la Croisade Faites nous part de vos contre les Albigeois projets La Chanson de la Croisade contre les Albigeois, poème en langue d’oc de près de 10 000 alexandrins assonancés ou rimés, est connue grâce au manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France (fonds français, ms. 25 425). Aucun titre ne précède le poème que son auteur appelle simplement la Canso. L’œuvre comprend deux parties bien distinctes : le premier poème (2 768 vers) est dû à Guilhem de Tudela (originaire de la Navarre), clerc, établi un temps à Montauban ; l’auteur de la seconde partie (6 810 vers) est demeuré anonyme, il était vraisemblablement originaire du diocèse de Toulouse. Dans un provençal mélangé de formes françaises, Guilhem de Tudela raconte, sur un ton froid et assez convenu, les événements politiques et militaires survenus en Languedoc entre 1207 et 1213. Favorable à la lutte des croisés contre l’hérésie, il s’émeut toutefois des excès qu’ils peuvent commettre. Le deuxième auteur s’exprime dans une langue beaucoup plus pure, celle de la région toulousaine ; son style est vif et il n’hésite pas à introduire des dialogues entre les personnages qu’il met en scène pour assurer une meilleure compréhension du récit. Très attaché à la cause des comtes de Toulouse, il commence son récit au printemps 1213 et le laisse inachevé, s’interrompant brutalement au début du siège de Toulouse en juin 1219. 1209 La formation des armées de la Croisade, racontée par Guilhem de Tudela Donc se crozan en Fransa e per tot lo regnat, Can sabo que seran dels pecatz perdonat. Anc mais tan gran ajust no vis, pos que fus nat, Co fan sobre . ls eretges e sobre . ls sabatatz ; Car los ducs de Bergonha s’en es la doncs crozat, E lo coms de Nivers e manta poestatz. So que las crotz costero d’orfres ni de cendatz, Que silh meiren el peilhs deves lo destre latz, E no . m mete en plah coment foro armatz Ni com foren garnitz ni co encavalgatz, Ni lor cavalz vestitz de fer, ni entresenhats : Qu’anc Dieus no fetz gramazi ni clergue tant letrat Que vos pogues retraire le ters ni la maitat, Ni ja saubes escriure los prestres ni . ls abatz Qu’a la ost de Bezers lai foro amassatz Deforas el sablo. Aussi se croisa-t-on en France et dans tout le royaume, Quand on sut que de ses péchés on serait pardonné. Jamais si grand rassemblement ne vis, depuis que je fus né, Que celui qu’on fit alors contre les hérétiques et les Vaudois Car c’est là que se sont croisés le duc de Bourgogne Et le comte de Nevers et tant d’autres puissants seigneurs. Ce que coûtèrent les croix d’orfroi et de cendal Qu’ils se mirent au côté droit de la poitrine, Je ne le dirai pas, ni comment ils furent armés, Ni comment ils furent équipés et montés, Et leurs chevaux vêtus de fer et de caparaçons armoriés ; Car Dieu n’a jamais créé savant ni clerc assez instruit Pour vous en rapporter ne serait-ce que le tiers ou la moitié, Ni énumérer les prêtres et les abbés Qui se trouvèrent là-bas à l’armée réunie sous les murs de Béziers, Dans la plaine. D’après l’édition d’Eugène Martin-Chabot (Paris, Les Belles-Lettres, 1960, 3 vol.) 1 Désignés ici sous leur surnom sabatatz, chaussés de sandales ou de sabots. Bandes de riches broderie. 3 Toile de soie dont étaient faites communément les bannières et les pennons. 2 Qui que vous soyez (collectivité, association, compagnie théâtrale, auteur ou éditeur, particulier, etc.), envoyeznous un bref descriptif des actions culturelles que vous souhaitez mettre en place, des publications que vous projetez de réaliser (contenu, objectifs, modalités de mise en œuvre). N’oubliez pas de mentionner les coordonnées (adresse, mail, téléphone) de la personne responsable du projet. Ce journal est le vôtre. Il donnera régulièrement des informations sur les manifestations culturelles programmées à l’occasion du huitième centenaire de la Croisade. N’hésitez pas à nous écrire, que ce soit pour nous adresser vos suggestions ou nous faire part de vos initiatives. Contacts : Archives départementales de l’Aude 41 avenue Claude Bernard 11855 Carcassonne cedex 9 archives@cg 11.fr La Canso Si meliora dies, ut vina, poemata reddit Edito D epuis plus de vingt ans que le Conseil général de l’Aude a lancé son ambitieux programme de développement local, les Audois se sont habitués à entendre parler du Pays Cathare. Même pour les touristes de passage, les silhouettes de nos châteaux sont désormais associées à cette période de notre histoire, au point qu’ils les appellent bien souvent « châteaux cathares ». Il est vrai que l’erreur est compréhensible si l’on tient compte de la dimension guerrière que prit l’histoire du catharisme lorsque le pape Innocent III appela à la croisade contre les hérétiques. ette croisade, dans l’Aude, nous avons choisi de la commémorer. Non pas qu’elle évoque des moments heureux, bien au contraire. Mais parce qu’elle fut décisive non seulement pour l’histoire mais également pour la culture de notre territoire et qu’aujourd’hui encore, son souvenir hante la mémoire collective et contribue à la notoriété de notre région. e pense que nombreux seront ceux et celles qui auront à cœur de marquer cet anniversaire par des initiatives que j’espère variées et de qualité tout au long de l’année 2009. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Alain Tarlier, président de la Commission Culture, d’être particulièrement attentif aux projets qui pourraient émerger dans le cadre de cette commémoration. ar ailleurs, j’ai confié à l’équipe des Archives Départementales la mission d’éditer cette lettre que nous avons appelée La Canso en référence au poème médiéval qui raconte cette épopée. La Canso aura comme objectif de rappeler les faits historiques de la croisade mais aussi de créer un lien solide entre tous les acteurs de la commémoration. C J P Simon de Montfort. Gravure XVIIIe s. (A. D. Aude, 2 Fi 2778) Marcel Rainaud Sénateur de l’Aude Président du Conseil général Commémorer la croisade contre les Albigeois. E n 2009, nous commémorerons un événement qui a profondément marqué l’histoire de notre région : ce sera en effet le huit centième anniversaire de la croisade contre les Albigeois. S’il en était besoin, l’abondance des travaux publiés sur le sujet témoignerait de la portée considérable de cette expédition guerrière : certes la croisade n’eut pas la réussite escomptée puisqu’elle ne parvint pas à anéantir l’hérésie cathare mais ses répercussions sociales, politiques et économiques furent profondes et durables : le monde médiéval méridional en fut bouleversé. ongtemps passée sous silence dans les manuels d’histoire, la croisade contre les Albigeois devient dans les années soixante un élément constitutif de la mémoire identitaire du Languedoc. Déjà, en 1907, les leaders du mouvement viticole se considèrent comme les descendants des populations méridionales victimes des « barons du Nord » ; Ernest Ferroul, le maire de Narbonne, participe le 12 septembre 1913 aux cérémonies organisées à l’occasion du septième centenaire de la bataille de Muret. Mais c’est avec l’émission télévisée réalisée par André Castelot, Alain Decaux et Stellio Lorenzi sur les cathares que débute vraiment la réappropriation par les habitants du Languedoc de l’histoire de la croisade. Diffusée à une heure L de grande écoute en mars 1966, dans le cadre de la série « La caméra explore le temps », l’émission remporte immédiatement un vif succès. Les téléspectateurs découvrent le destin tragique de ces « oubliés de l’histoire » ; ils se passionnent pour ces hommes, qui apparaissent comme des victimes sacrifiées aux intérêts du roi de France et de l’Eglise. La grande fresque publiée en feuilleton à partir de 1966 par Michel Roquebert dans le journal La Dépêche du Midi sous le titre « L’épopée cathare » contribue à populariser l’histoire du catharisme. Le grand public s’enflamme pour ce récit savant et érudit, expressif et vivant, que Michel Roquebert enrichit considérablement au long des années, transformant les soixante-dix articles primitifs en une œuvre en cinq volumes publiée entre 1970 et 1998. René Nelli, homme de lettres, philosophe et ethnographe, par sa forte personnalité et ses travaux fondamentaux sur les troubadours et la littérature courtoise, participe lui aussi à la construction de la mémoire occitane. Simon de Montfort au siège de Minerve, 1210. Gravure sur bois de Paul Castela, XXe s. (A. D. Aude, 1 Fi 268) e Conseil général de l’Aude souhaite donner le plus de retentissement possible aux initiatives qui seront menées dans le département à l’occasion de cet anniversaire. Aussi, lançons-nous un appel aux collectivités locales, aux associations, aux clubs, aux chorales, aux compagnies théâtrales, à tous les organisateurs de spectacles vivants et de manifestations culturelles : faites nous connaître vos projets. Nous relaierons l’information et, grâce à cette lettre à parution régulière, nous en assurerons la promotion dans le département et au-delà. our sa part, le Conseil général de l’Aude s’impliquera fortement dans la commémoration en organisant notamment, dans tout le département, plusieurs cycles de conférences qui permettront au grand public de prendre connaissance des derniers résultats de la recherche historique et d’engager des débats constructifs avec des historiens confirmés. uatre grands thèmes ont d’ores et déjà été retenus par le comité de pilotage scientifique de l’opération : - la croisade, ses origines et ses conséquences sur le plan religieux ; - la société méridionale et les bouleversements que provoqua la croisade dans son organisation et ses valeurs ; - la culture méridionale (les troubadours et leur œuvre, la langue d’oc, les relations avec le royaume d’Aragon, etc.) ; - les châteaux et forteresses seigneuriales : leur rôle et les répercussions de la croisade sur l’habitat (sites désertés, déplacement de l’habitat, etc.). P Pour en savoir plus - Paix de Dieu et guerre sainte en Languedoc au XIIIe siècle. Toulouse, Privat, 1969, 366 p. (Cahiers de Fanjeaux n° 4). - La Croisade albigeoise. Actes du colloque du Centre d’études cathares, Carcassonne, 4, 5 et 6 octobre 2002. Carcassonne, Centre d’études cathares/ René Nelli, 2004, 416 p. elusus ratione ruentis acervi, qui redit in fastos et virtutem aestimat annis miraturque nihil nisi quod Libitina sacravit. Q A découvrir Un ouvrage qui renouvelle la recherche sur la notion de guerre sainte et de croisade Edité par le Conseil général de l’Aude Centre administratif départemental 11855 Carcassonne cedex 9 Directeur de la publication : Alain Tarlier Rédaction : Archives départementales de l’Aude 41 avenue Claude Bernard 11855 Carcassonne cedex 9 Compogravure : Impression : Château de Lastours (cliché Comité départemental du Tourisme) C ontrairement à ce que nous croyons communément, le terme de croisade apparaît assez tardivement, en tout état de cause bien après la naissance du concept. Au XIIe siècle, le mot « croisade » n’existe ni en latin, ni en langue vernaculaire ; seul existe cruce signatus (croisé), terme apparu dès le concile de Clermont (1095). On parle généralement d’expédition, de guerre sainte, de guerre de Dieu. urant les trois premiers siècles de la chrétienté, l’Eglise condamne vigoureusement la violence armée et la guerre : un chrétien ne saurait en aucun cas se faire soldat sous peine d’excommunication définitive. Lorsque l’empire romain devenu chrétien à partir de 313 se voit menacé, les élites ecclésiastiques tentent de concilier les principes évangéliques et la nécessité d’assurer la défense des populations : dans certaines conditions, on peut être conduit à mener une guerre juste. Certains textes font même état de la présence de saints aux côtés des combattants, donnant ainsi à la guerre une nouvelle dimension, la sacralisant. Mais c’est véritablement avec l’appel lancé en 1095 par la pape Urbain II que naît vraiment le concept de croisade : c’est une guerre sainte pour délivrer les églises d’Orient de l’oppression des infidèles ; c’est aussi un pèlerinage à Jérusalem et, de ce fait, elle pro- D Daniel Baloup et Philippe Josserand éd., Regards croisés sur la guerre sainte. Guerre, religion et idéologie dans l’espace méditerranéen latin (XIe-XIIIe siècle). Actes du colloque international tenu à la Casa de Velázquez (Madrid) du 11 au 13 avril 2005. Toulouse, CNRS Université de Toulouse-Le Mirail, 2006, 435 p. (Collection « Méridiennes », série « Etudes médiévales ibériques »). Responsable de la rédaction : Sylvie Caucanas Photographies : A. Estieu, A. Fernandez (Archives départementales) Tirage : 3 000 exemplaires, publication gratuite L’idée de croisade Attaque de la Cité par les Croisés de Simon de Montfort. Gravure d’après un dessin de Paul Sibra, XXe s. (A. D. Aude, 2 Fi 2876) g g g g g g g g g g g g L cure des récompenses spirituelles à ceux qui s’y engagent (rémission des péchés, couronne des martyrs). ssez rapidement, la papauté élargit le champ d’application de la croisade à des zones géographiques et à des objectifs nouveaux. Le canon 27 du concile de Latran III (1179) assimile hérétiques et routiers qui ravagent le Languedoc ; il appelle les chrétiens à les combattre et leur promet, en récompense, la rémission de leurs péchés et la sauvegarde de leur personne et de leurs biens, comme l’obtiennent ceux qui se rendent à Jérusalem. L’assimilation avec la croisade en Terre sainte est évidente : les mêmes privilèges sont accordés à ceux qui luttent contre les infidèles en Orient et à ceux qui combattent les hérétiques en Languedoc. Dans la lignée du canon de Latran III, le pape Innocent III lance la croisade contre les Albigeois en 1208, après l’assassinat du légat du pape. Dans le même temps, il appelle à une nouvelle croisade en Orient. Si, d’un pont de vue temporel, les deux expéditions sont mises sur un même plan, il n’en est pas de même dans le domaine spirituel. Les privilèges concédés sont de nature différente : l’indulgence accordée à ceux qui combattent le catharisme est plus restreinte que celle que peuvent obtenir les croisés en Terre Sainte (rémission plénière des péchés). A e Conseil général de l’Aude souhaite donner le plus de retentissement possible aux initiatives qui seront menées dans le département à l’occasion de cet anniversaire. Aussi, lançons-nous un appel aux collectivités locales, aux associations, aux clubs, aux chorales, aux compagnies théâtrales, à tous les organisateurs de spectacles vivants et de manifestations culturelles : faites nous connaître vos projets. Nous relaierons l’information et, grâce à cette lettre à parution régulière, nous en assurerons la promotion dans le département et au-delà. our sa part, le Conseil général de l’Aude s’impliquera fortement dans la commémoration en organisant notamment, dans tout le département, plusieurs cycles de conférences qui permettront au grand public de prendre connaissance des derniers résultats de la recherche historique et d’engager des débats constructifs avec des historiens confirmés. uatre grands thèmes ont d’ores et déjà été retenus par le comité de pilotage scientifique de l’opération : - la croisade, ses origines et ses conséquences sur le plan religieux ; - la société méridionale et les bouleversements que provoqua la croisade dans son organisation et ses valeurs ; - la culture méridionale (les troubadours et leur œuvre, la langue d’oc, les relations avec le royaume d’Aragon, etc.) ; - les châteaux et forteresses seigneuriales : leur rôle et les répercussions de la croisade sur l’habitat (sites désertés, déplacement de l’habitat, etc.). P Pour en savoir plus - Paix de Dieu et guerre sainte en Languedoc au XIIIe siècle. Toulouse, Privat, 1969, 366 p. (Cahiers de Fanjeaux n° 4). - La Croisade albigeoise. Actes du colloque du Centre d’études cathares, Carcassonne, 4, 5 et 6 octobre 2002. Carcassonne, Centre d’études cathares/ René Nelli, 2004, 416 p. elusus ratione ruentis acervi, qui redit in fastos et virtutem aestimat annis miraturque nihil nisi quod Libitina sacravit. Q A découvrir Un ouvrage qui renouvelle la recherche sur la notion de guerre sainte et de croisade Edité par le Conseil général de l’Aude Centre administratif départemental 11855 Carcassonne cedex 9 Directeur de la publication : Alain Tarlier Rédaction : Archives départementales de l’Aude 41 avenue Claude Bernard 11855 Carcassonne cedex 9 Compogravure : Impression : Château de Lastours (cliché Comité départemental du Tourisme) C ontrairement à ce que nous croyons communément, le terme de croisade apparaît assez tardivement, en tout état de cause bien après la naissance du concept. Au XIIe siècle, le mot « croisade » n’existe ni en latin, ni en langue vernaculaire ; seul existe cruce signatus (croisé), terme apparu dès le concile de Clermont (1095). On parle généralement d’expédition, de guerre sainte, de guerre de Dieu. urant les trois premiers siècles de la chrétienté, l’Eglise condamne vigoureusement la violence armée et la guerre : un chrétien ne saurait en aucun cas se faire soldat sous peine d’excommunication définitive. Lorsque l’empire romain devenu chrétien à partir de 313 se voit menacé, les élites ecclésiastiques tentent de concilier les principes évangéliques et la nécessité d’assurer la défense des populations : dans certaines conditions, on peut être conduit à mener une guerre juste. Certains textes font même état de la présence de saints aux côtés des combattants, donnant ainsi à la guerre une nouvelle dimension, la sacralisant. Mais c’est véritablement avec l’appel lancé en 1095 par la pape Urbain II que naît vraiment le concept de croisade : c’est une guerre sainte pour délivrer les églises d’Orient de l’oppression des infidèles ; c’est aussi un pèlerinage à Jérusalem et, de ce fait, elle pro- D Daniel Baloup et Philippe Josserand éd., Regards croisés sur la guerre sainte. Guerre, religion et idéologie dans l’espace méditerranéen latin (XIe-XIIIe siècle). Actes du colloque international tenu à la Casa de Velázquez (Madrid) du 11 au 13 avril 2005. Toulouse, CNRS Université de Toulouse-Le Mirail, 2006, 435 p. (Collection « Méridiennes », série « Etudes médiévales ibériques »). Responsable de la rédaction : Sylvie Caucanas Photographies : A. Estieu, A. Fernandez (Archives départementales) Tirage : 3 000 exemplaires, publication gratuite L’idée de croisade Attaque de la Cité par les Croisés de Simon de Montfort. Gravure d’après un dessin de Paul Sibra, XXe s. (A. D. Aude, 2 Fi 2876) g g g g g g g g g g g g L cure des récompenses spirituelles à ceux qui s’y engagent (rémission des péchés, couronne des martyrs). ssez rapidement, la papauté élargit le champ d’application de la croisade à des zones géographiques et à des objectifs nouveaux. Le canon 27 du concile de Latran III (1179) assimile hérétiques et routiers qui ravagent le Languedoc ; il appelle les chrétiens à les combattre et leur promet, en récompense, la rémission de leurs péchés et la sauvegarde de leur personne et de leurs biens, comme l’obtiennent ceux qui se rendent à Jérusalem. L’assimilation avec la croisade en Terre sainte est évidente : les mêmes privilèges sont accordés à ceux qui luttent contre les infidèles en Orient et à ceux qui combattent les hérétiques en Languedoc. Dans la lignée du canon de Latran III, le pape Innocent III lance la croisade contre les Albigeois en 1208, après l’assassinat du légat du pape. Dans le même temps, il appelle à une nouvelle croisade en Orient. Si, d’un pont de vue temporel, les deux expéditions sont mises sur un même plan, il n’en est pas de même dans le domaine spirituel. Les privilèges concédés sont de nature différente : l’indulgence accordée à ceux qui combattent le catharisme est plus restreinte que celle que peuvent obtenir les croisés en Terre Sainte (rémission plénière des péchés). A La Chanson de la Croisade Faites nous part de vos contre les Albigeois projets La Chanson de la Croisade contre les Albigeois, poème en langue d’oc de près de 10 000 alexandrins assonancés ou rimés, est connue grâce au manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France (fonds français, ms. 25 425). Aucun titre ne précède le poème que son auteur appelle simplement la Canso. L’œuvre comprend deux parties bien distinctes : le premier poème (2 768 vers) est dû à Guilhem de Tudela (originaire de la Navarre), clerc, établi un temps à Montauban ; l’auteur de la seconde partie (6 810 vers) est demeuré anonyme, il était vraisemblablement originaire du diocèse de Toulouse. Dans un provençal mélangé de formes françaises, Guilhem de Tudela raconte, sur un ton froid et assez convenu, les événements politiques et militaires survenus en Languedoc entre 1207 et 1213. Favorable à la lutte des croisés contre l’hérésie, il s’émeut toutefois des excès qu’ils peuvent commettre. Le deuxième auteur s’exprime dans une langue beaucoup plus pure, celle de la région toulousaine ; son style est vif et il n’hésite pas à introduire des dialogues entre les personnages qu’il met en scène pour assurer une meilleure compréhension du récit. Très attaché à la cause des comtes de Toulouse, il commence son récit au printemps 1213 et le laisse inachevé, s’interrompant brutalement au début du siège de Toulouse en juin 1219. 1209 La formation des armées de la Croisade, racontée par Guilhem de Tudela Donc se crozan en Fransa e per tot lo regnat, Can sabo que seran dels pecatz perdonat. Anc mais tan gran ajust no vis, pos que fus nat, Co fan sobre . ls eretges e sobre . ls sabatatz ; Car los ducs de Bergonha s’en es la doncs crozat, E lo coms de Nivers e manta poestatz. So que las crotz costero d’orfres ni de cendatz, Que silh meiren el peilhs deves lo destre latz, E no . m mete en plah coment foro armatz Ni com foren garnitz ni co encavalgatz, Ni lor cavalz vestitz de fer, ni entresenhats : Qu’anc Dieus no fetz gramazi ni clergue tant letrat Que vos pogues retraire le ters ni la maitat, Ni ja saubes escriure los prestres ni . ls abatz Qu’a la ost de Bezers lai foro amassatz Deforas el sablo. Aussi se croisa-t-on en France et dans tout le royaume, Quand on sut que de ses péchés on serait pardonné. Jamais si grand rassemblement ne vis, depuis que je fus né, Que celui qu’on fit alors contre les hérétiques et les Vaudois Car c’est là que se sont croisés le duc de Bourgogne Et le comte de Nevers et tant d’autres puissants seigneurs. Ce que coûtèrent les croix d’orfroi et de cendal Qu’ils se mirent au côté droit de la poitrine, Je ne le dirai pas, ni comment ils furent armés, Ni comment ils furent équipés et montés, Et leurs chevaux vêtus de fer et de caparaçons armoriés ; Car Dieu n’a jamais créé savant ni clerc assez instruit Pour vous en rapporter ne serait-ce que le tiers ou la moitié, Ni énumérer les prêtres et les abbés Qui se trouvèrent là-bas à l’armée réunie sous les murs de Béziers, Dans la plaine. D’après l’édition d’Eugène Martin-Chabot (Paris, Les Belles-Lettres, 1960, 3 vol.) 1 Désignés ici sous leur surnom sabatatz, chaussés de sandales ou de sabots. Bandes de riches broderie. 3 Toile de soie dont étaient faites communément les bannières et les pennons. 2 Qui que vous soyez (collectivité, association, compagnie théâtrale, auteur ou éditeur, particulier, etc.), envoyeznous un bref descriptif des actions culturelles que vous souhaitez mettre en place, des publications que vous projetez de réaliser (contenu, objectifs, modalités de mise en œuvre). N’oubliez pas de mentionner les coordonnées (adresse, mail, téléphone) de la personne responsable du projet. Ce journal est le vôtre. Il donnera régulièrement des informations sur les manifestations culturelles programmées à l’occasion du huitième centenaire de la Croisade. N’hésitez pas à nous écrire, que ce soit pour nous adresser vos suggestions ou nous faire part de vos initiatives. Contacts : Archives départementales de l’Aude 41 avenue Claude Bernard 11855 Carcassonne cedex 9 archives@cg 11.fr La Canso Si meliora dies, ut vina, poemata reddit Edito D epuis plus de vingt ans que le Conseil général de l’Aude a lancé son ambitieux programme de développement local, les Audois se sont habitués à entendre parler du Pays Cathare. Même pour les touristes de passage, les silhouettes de nos châteaux sont désormais associées à cette période de notre histoire, au point qu’ils les appellent bien souvent « châteaux cathares ». Il est vrai que l’erreur est compréhensible si l’on tient compte de la dimension guerrière que prit l’histoire du catharisme lorsque le pape Innocent III appela à la croisade contre les hérétiques. ette croisade, dans l’Aude, nous avons choisi de la commémorer. Non pas qu’elle évoque des moments heureux, bien au contraire. Mais parce qu’elle fut décisive non seulement pour l’histoire mais également pour la culture de notre territoire et qu’aujourd’hui encore, son souvenir hante la mémoire collective et contribue à la notoriété de notre région. e pense que nombreux seront ceux et celles qui auront à cœur de marquer cet anniversaire par des initiatives que j’espère variées et de qualité tout au long de l’année 2009. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Alain Tarlier, président de la Commission Culture, d’être particulièrement attentif aux projets qui pourraient émerger dans le cadre de cette commémoration. ar ailleurs, j’ai confié à l’équipe des Archives Départementales la mission d’éditer cette lettre que nous avons appelée La Canso en référence au poème médiéval qui raconte cette épopée. La Canso aura comme objectif de rappeler les faits historiques de la croisade mais aussi de créer un lien solide entre tous les acteurs de la commémoration. C J P Simon de Montfort. Gravure XVIIIe s. (A. D. Aude, 2 Fi 2778) Marcel Rainaud Sénateur de l’Aude Président du Conseil général Commémorer la croisade contre les Albigeois. E n 2009, nous commémorerons un événement qui a profondément marqué l’histoire de notre région : ce sera en effet le huit centième anniversaire de la croisade contre les Albigeois. S’il en était besoin, l’abondance des travaux publiés sur le sujet témoignerait de la portée considérable de cette expédition guerrière : certes la croisade n’eut pas la réussite escomptée puisqu’elle ne parvint pas à anéantir l’hérésie cathare mais ses répercussions sociales, politiques et économiques furent profondes et durables : le monde médiéval méridional en fut bouleversé. ongtemps passée sous silence dans les manuels d’histoire, la croisade contre les Albigeois devient dans les années soixante un élément constitutif de la mémoire identitaire du Languedoc. Déjà, en 1907, les leaders du mouvement viticole se considèrent comme les descendants des populations méridionales victimes des « barons du Nord » ; Ernest Ferroul, le maire de Narbonne, participe le 12 septembre 1913 aux cérémonies organisées à l’occasion du septième centenaire de la bataille de Muret. Mais c’est avec l’émission télévisée réalisée par André Castelot, Alain Decaux et Stellio Lorenzi sur les cathares que débute vraiment la réappropriation par les habitants du Languedoc de l’histoire de la croisade. Diffusée à une heure L de grande écoute en mars 1966, dans le cadre de la série « La caméra explore le temps », l’émission remporte immédiatement un vif succès. Les téléspectateurs découvrent le destin tragique de ces « oubliés de l’histoire » ; ils se passionnent pour ces hommes, qui apparaissent comme des victimes sacrifiées aux intérêts du roi de France et de l’Eglise. La grande fresque publiée en feuilleton à partir de 1966 par Michel Roquebert dans le journal La Dépêche du Midi sous le titre « L’épopée cathare » contribue à populariser l’histoire du catharisme. Le grand public s’enflamme pour ce récit savant et érudit, expressif et vivant, que Michel Roquebert enrichit considérablement au long des années, transformant les soixante-dix articles primitifs en une œuvre en cinq volumes publiée entre 1970 et 1998. René Nelli, homme de lettres, philosophe et ethnographe, par sa forte personnalité et ses travaux fondamentaux sur les troubadours et la littérature courtoise, participe lui aussi à la construction de la mémoire occitane. Simon de Montfort au siège de Minerve, 1210. Gravure sur bois de Paul Castela, XXe s. (A. D. Aude, 1 Fi 268) La Croisade contre les Albigeois en quelques dates : 1179 1198, 21 avril 1207, avril 1208, 14 janvier 1208, 10 mars 1209, juin 1209, 18 juin 1209, 22 juillet 1209, 15 août 1209, septembre 1209-1211 1211-1212 1213, 15 janvier 1213, 27 janvier 1213, 12 septembre 1215, juin Troisième concile œcuménique du Latran qui, dans son canon 27, condamne le catharisme et invite à recourir à la force pour éradiquer l’hérésie. Lettre du pape Innocent III, récemment élu, invitant les prélats, princes et fidèles du pays touché par l’hérésie à prendre les armes contre les hérétiques. Appel lancé en vain comme le sont également les différents messages envoyés par le pape au roi de France en 1204, 1205 et novembre 1207. Excommunication prononcée par le légat du pape Pierre de Castelnau contre Raymond VI, comte de Toulouse, accusé de n’avoir pris aucune mesure contre l’hérésie cathare. Assassinat de Pierre de Castelnau, légat du pape, près de Saint-Gilles. Appel du pape engageant le roi de France et les prélats et barons du royaume à se saisir de Raymond VI, accusé d’avoir commandité le crime, et de sa terre. Armées de la croisade concentrées à Lyon (le roi de France Philippe Auguste n’autorise ses vassaux à se croiser qu’après de longs mois de négociations et refuse de s’engager personnellement, interdi sant à son fils d’y prendre part). Raymond VI fait sa soumission aux légats du pape à Saint-Gilles. Raymond-Roger Trencavel, vicomte de Carcassonne, de Béziers et d’Albi refuse de se soumettre. Prise et mise à sac de Béziers qui a refusé de livrer les hérétiques. Prise de Carcassonne. Raymond-Roger Trencavel, fait prisonnier, est destitué ; Simon de Montfort est investi des domaines des Trencavel. Mort en captivité de Raymond-Roger Trencavel. Conquête par les croisés des domaines des Trencavel (à l’automne 1209, occupation de Montréal et de Fanjeaux ; au printemps 1210, prise d’Alzonne, Bram, Montlaur, Capendu et du château d’Alaric ;d’août au 23 novembre 1210, siège de Termes). Les croisés s’attaquent aux domaines de Raymond VI, comte de Toulouse, qui, dès septembre 1209, a été à nouveau excommunié (en mai-juin 1211, prise de Montferrand et les Cassès ; en juin 1211, prise de la plupart des villes de l’Albigeois ; automne 1211, bataille de Castelnaudary). Après sa victoire sur les Almohades à Las Navas de Tolosa en juillet 1212, le roi d’Aragon Pierre II vient au secours de son vassal le comte de Toulouse. Innocent III ordonne l’arrêt de la croisade. Raymond VI comte de Toulouse, son fils et les consuls de la ville prêtent serment de fidélité au roi d’Aragon. Les croisés envoient une ambassade pour protester auprès du pape qui ordonne la reprise de la croisade. Bataille de Muret : victoire de Simon de Montfort. Pierre II trouve la mort au cours du combat. Foulque, évêque de Toulouse institue dans son diocèse comme prédicateurs Dominique de Guzu nan et ses premiers compagnons afin de lutter contre l’hérésie. 1215, 30 novembre 1216, avril 1217-1224 1218, juin 1220, 13 juillet 1222, août 1224 1225, novembre 1226, mai 1226, 16 juin 1226, 3 novembre 1229, 12 avril 1233 1240, août 1240, 8 septembre 1242, 28-29 mai 1242, juin 1243, janvier 1244, mars 1247, 7 avril 1249 1271 Le quatrième concile de Latran prononce la déchéance de Raymond VI au profit de Simon de Mont fort, à l’exclusion des terres provençales qui restent possession du jeune comte Raymond VII. Le roi de France reçoit l’hommage de Simon de Montfort pour le comté de Toulouse. Reconquête de leurs terres par Raymond VI, comte de Toulouse et son fils. Mort de Simon de Montfort durant le siège de Toulouse dont Raymond VI a repris possession en septembre 1217. Amaury de Montfort prend le titre de comte de Toulouse et devient chef des ar mées. Début du siège de Castelnaudary (aux mains du comte de Toulouse) par Amaury de Montfort et échec de celui-ci (le siège est levé fin février 1221). Mort de Raymond VI. En septembre, son fils lui succède sous le nom de Raymond VII. Amaury de Montfort, assiégé dans Carcassonne, capitule devant les armées de Raymond VII, du comte de Foix et de Raymond II Trencavel. Amaury de Montfort fait don au roi des domaines qu’il a perdus. le concile de Bourges refuse d’absoudre Raymond VII de complicité d’hérésie. L’armée de la croisade royale (avec à sa tête le roi de France Louis VIII) descend la vallée du Rhône. Carcassonne fait sa soumission au roi de France Louis VIII. Castelnaudary se soumet quelque temps après. Mort du roi de France Louis VIII. Traité de Meaux-Paris. Raymond VII perd une partie de ses domaines. Son enfant unique, Jeanne, doit épouser Alphonse de Poitiers, frère du roi de France. Raymond VII se voit contraint d’écarter de sa succession tout héritier mâle qu’il pourrait avoir ultérieurement. Raymond VII fait sa soumission au roi de France, Louis IX. Le pape Grégoire IX organise l’Inquisition. Raymond II Trencavel, qui s’était réfugié auprès du roi d’Aragon, tente de reconquérir sa vicom té. Début du siège de Carcassonne par Raymond II Trencavel qui se replie sur Montréal le 12 octobre à l’arrivée des renforts militaires royaux. En 1241, Raymond II Trencavel est vaincu et le roi de France a repris possession de ses terres. Meurtre à Avignonet de deux inquisiteurs et de leurs compagnons par des hommes d’armes venus de Montségur. Raymond VII entre en campagne contre le roi de France. Raymond II Trencavel se joint à lui. Raymond VII se soumet au roi de France. Prise et bûcher de Montségur. Raymond Trencavel renonce au profit du roi à ses droits sur la vicomté de Carcassonne. Mort de Raymond VII, comte de Toulouse. Mort de Jeanne de Toulouse et d’Alphonse de Poitiers sans descendance. Rattachement du comté de Toulouse au domaine royal.