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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009
Lors du dernier congrès in-
ternational BIO 2009, le
magazine Scientifi c Ameri-
can, sous mandat de cette
association professionnelle, a
voi les résultats de son en-
quête identifi ant les leaders
mondiaux dans le secteur des
biotechnologies1. Les indica-
teurs analysés, regroupés en
cinq catégories, tentent de
représenter l’ensemble de la
chaîne de valeur de l’inno-
vation de la recherche aca-
démique à la création et au
développement d’entreprises:
investissements nationaux
dans la recherche et le déve-
loppement, climat des aff aires,
protection de la propriété in-
tellectuelle, ressources humai-
nes et intensité de l’activité
biotechnologique.
Une réfl exion relancée
Depuis un grand nombre d’années, les progrès scientifi -
ques et technologiques réalisés dans le domaine des scien-
ces du vivant et des biotechnologies se poursuivent à un
rythme eff réné. Les biotechnologies, porteuses d’une véri-
table révolution, sont au cœur des capacités d’innovation
et de l’économie de la connaissance ; nouvelle richesse des
nations mais également critères majeurs de concurrence.
Dans ce contexte, le rapport « A Global Biotechnology Sur-
vey [Worldview Scorecard] », présenté par Yali Friedman 2
et publié par Scientifi c American, a le mérite de frapper les
esprits et de relancer la réfl exion quant à la compétitivité
internationale dans le secteur des biotechnologies. En plus
d’identifi er les pays leaders, ce rapport a pour ambition de
défi nir un cadre méthodologique à l’évaluation des progrès
et du potentiel de chaque pays dans ce domaine. Egils Mil-
bergs, directeur de l’Agence de développement économi-
que de l’Etat de Washington et ancien président du Center
for Accelerating Innovation, a
rapidement salué cet eff ort :
« Cette approche sophistiquée
des benchmarks et des indi-
cateurs de performance pour-
rait conduire à une meilleure
connaissance de la science, de
la technologie et des politiques
d’innovation au niveau natio-
nal et régional. » En eff et, bien
que de nombreux classements
internationaux existent déjà
(comparant souvent l’Amé-
rique du Nord, l’Europe et
l’Asie), cette étude a le mérite
d’étudier le potentiel d’inno-
vation de trente-six pays et
la multiplicité des facteurs
à prendre en compte, qu’ils
soient favorables ou non à l’in-
novation biotechnologique.
Des critères sensibles
Ainsi, cinq catégories d’indi-
cateurs ont été identifi ées par
l’équipe du Scientifi c American puis évaluées en combi-
nant, curieusement, à la fois des données économiques et
les résultats d’enquêtes d’opinion (dont les sources restent
inconnues). Il s’agit de la protection et la valorisation de la
propriété intellectuelle, de l’intensité de l’activité biotech-
nologique au travers de multiples critères tels, par exemple,
le nombre de sociétés cotées per capita ou leurs contribu-
tions au Produit intérieur brut (PIB), du climat des aff ai-
res, tant au niveau des nancements que des politiques pu-
bliques, des ressources humaines et enfi n du pourcentage
des dépenses privées et publiques en R&D, par rapport
aux PIB des pays. Le classement nal des trente-six pays
inclus dans l’étude résulte simplement d’une moyenne non
pondérée de chacun des scores obtenus pour les cinq indi-
cateurs évalués. Sans surprise, les Etats-Unis arrivent lar-
gement en tête… suivis par Singapour, le Danemark et la
Suède, à égalité avec Israël. La France, quant à elle, apparaît
L’enquête sur les leaders de la biotech présentée à BIO 2009 montre, sans
surprise, que les Etats-Unis arrivent toujours en tête du classement. La France,
quant à elle, ne s’y illustre que dans le domaine de la propriété intellectuelle.
Dossier Biotech
Benchmark international
Les USA toujours n°1
LES DIX LEADERS MONDIAUX DES BIOTECHNOLOGIES SELON
LES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE PRÉSENTÉE À BIO 2009.
uniquement dans le Top 10 de la catégorie « Protection et
valorisation de la propriété intellectuelle ». Si l’approche
de cette étude semble, de prime abord, originale et suscite
initialement quelques enthousiasmes, voire quelques crain-
tes, les biais induits par une méthodologie peu scientifi que,
parfois opaque et, in fi ne, porteuse de nombreux postulats
non préalablement validés, l’ont rapidement décrédibilisée
auprès des participants du congrès BIO 2009 et plus lar-
gement auprès des acteurs du secteur des biotechnologies.
La question de l’innovation est un sujet diffi cile à traiter et
le choix des critères d’évaluation de la performance reste
particulièrement sensible.
La « success story » du RTP
Un article adjoint à la publication et retraçant la naissan-
ce des biotechnologies aux Etats-Unis aura toutefois fait
rêver de nombreuses délégations étrangères. Notamment
au travers de l’expérience de la Caroline du Nord qui, en
moins d’un demi-siècle, aura su remettre en cause les fon-
dements de son économie. Dès la fi n des années cinquante,
cet Etat – alors l’un des plus pauvres des Etats-Unis – a su
mobiliser, face à ses industries sur le déclin 3, une synergie
quasi-naturelle entre ses hommes politiques, ses entrepre-
neurs, ses chercheurs et ses industriels. Le 9 janvier 1959,
le « Research Triangle Park » (RTP) était fondé et deux mil-
lions de dollars étaient levés en soixante jours 4. Le triangle,
formé par les 2 000 acres du parc, possédait déjà, à chacune
de ses extrémités, une université réputée : la Duke Univer-
sity, la North Carolina State University et l’University of
North Carolina Chapel Hill. Le RTP était alors destiné à
valoriser cette pépinière de talents et ce potentiel créatif. Le
chemin fut long car ce n’est réellement qu’en 1965, avec
l’installation d’IBM et de l’Institut national des sciences
de la vie, que démarrèrent la réputation et l’attractivité
du cluster de Caroline du Nord. Le RTP fait aujourd’hui
partie des premiers pôles de compétitivité américains. Une
performance d’autant plus remarquable que la Caroline du
Nord ne possédait pas au départ de base historique dans
le domaine de la pharmacie à l’instar de Boston ou de
Philadelphie – ou une avance particulière dans le domaine
de la recherche en biotechnologie puisque les pionniers en
la matière travaillaient sur la côte Ouest. Au fi nal, une jolie
success story américaine que de nombreux pays aimeraient
connaître avec leurs pôles de compétitivité. Les Etats-Unis
ont, pour cela, acquis une expérience et un savoir-faire in-
déniables. Grâce à une volonté unique de soutien à l’inno-
vation, ils ont su créer un cadre favorable et un environne-
ment propice aux biotechnologies.
Julie Lyonnard
Ambassade de France à Washington
(1) Le rapport complet est disponible en ligne : www.saworld-
view.com
(2) Yali Friedman vit à Washington D.C. et est l’auteur de plu-
sieurs ouvrages dont Building biotechnologies. Il est également
fondateur de DrugPatentWatch et rédacteur en chef du Journal
of Commercial Biotechnology.
(3) Culture du tabac, du coton et fabrication de meubles.
(4) Somme importante à l’époque pour un projet « virtuel » mais
qui, aujourd’hui, apparaît très faible compte tenu du développe-
ment qu’aura connu ce projet.
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SEPTEMBRE 2009 - PHARMACEUTIQUES
Une véritable politique industrielle publique
Les Etats-Unis soutiennent leurs innovations dans le secteur de la santé,
à la fois par une volonté politique de soutien à l’innovation, la mise en
place d’un cadreglementaire cohérent, la promotion des transferts de
technologies, l’aide à la création d’entreprise mais également au travers
d’un nancement public des projets de recherche. La part fédérale des
penses de R&D dans les sciences de la vie est de l’ordre de 0,26 % du
PIB. Des programmes dont les montants sont donc généralement consi-
rables, d’autant plus si l’on y considère les apports des Etats fédés et
la politique fi scale fédérale.
Si de nombreux ministères et organismes fédéraux contribuent au nan-
cement de la R&D dans le domaine des sciences de la vie, les National
Institutes of Health (NIH) en sont les plus importants contributeurs. Ils
dient en eff et 85 % de leur budget annuel à des projets de recherche
extra-muros. Le reste est alloué pour le fi nancement de projets internes
conduits par les 6 000 chercheurs directement emplos par les NIH.
Au total, environ 40 000 projets sont ainsi nancés chaque année. Les
aides directes aux entreprises innovantes se font essentiellement au tra-
vers d’accords de coopération pour l’aide à la réalisation d’essais clini-
ques, de contrats de recherche et développement, établis au cas par cas
en fonction des besoins spéci ques des NIH, mais surtout au travers de
bourses (ou grants) accordées pour des projets s’étalant sur un à cinq
ans. Celles-ci représentent le premier poste de dépenses pour les NIH.
En eff et, plus de 50 % de leur budget prévisionnel 2009 y est alloué. Ce
montant est réparti entre plus de 325 000 chercheurs au sein de 3 000
universités, facultés de médecine, et autres institutions de recherche bio-
médicale, aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde.
Dans tous les Etats fédérés, les entreprises orientées sur les sciences de la
vie bénéfi cient d’initiatives de développement économique des techno-
logies. Il s’agit pour l’essentiel de crédits d’impôts recherche, de prêts,
d’aides à l’immobilier, de mise à disposition de ressources communes
ou encore de création d’incubateurs. De plus, certains Etats, pour com-
penser des défaillances du secteur privé, complètent effi cacement les
associations privées afi n de favoriser le développement du travail en
seau et produire le maximum de synergies entre les diff érents acteurs
du monde des biotechnologies. Les Etats fédérés américains cherchent,
par le biais de ces diff érentes mesures, à mettre en place des politiques
qui favorisent la formation ou le développement des bioclusters. Ces
pôles concentrent, au sein d’une même zone géographique, excellence
universitaire, entrepreneurs et capitaux. Aujourd’hui, se trouvent aux
Etats-Unis les plus importants bioclusters du monde : Boston, San
Francisco, San Diego, Research Triangle Park et la région de Washing-
ton DC.
Enfi n, la politique scale mise en place aux Etats-Unis est nettement
favorable aux entreprises innovantes ; le gouvernement américain a re-
nouvelé ses mesures concernant les crédits d’impôts destinés à ces socié-
tés pour l’année 2009. La scalité favorise d’autre part le « recyclage »
du capital dans des sociétés innovantes. Les plus-values sur le capital in-
vesti dans des sociétés innovantes ne sont pas taxées si celui-ci est réin-
vesti dans des sociétés. Ce mécanisme conduit à un recyclage du capital
et au développement de business-angels. Nombre d’investisseurs qui
font fortune nancent leur train de vie en ouvrant auprès d’une banque
une ligne de crédit garantie par la valeur de leurs investissements.
Le psident Barack Obama entend poursuivre les e orts de soutien à la
recherche biomédicale pour les années à venir et souhaite consacrer plus
de 3 % du PIB du pays pour la R&D, convaincu de l’impact positif de
cet investissement pour l’économie américaine … mais également pour
le système de santé du pays et a fortiori pour la qualité des soins reçus
par les Américains.
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