Benchmark international : Les USA toujours n°1

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Dossier Biotech
Benchmark international
Les USA toujours n°1
L’enquête sur les leaders de la biotech présentée à BIO 2009 montre, sans
surprise, que les Etats-Unis arrivent toujours en tête du classement. La France,
quant à elle, ne s’y illustre que dans le domaine de la propriété intellectuelle.
L
ors du dernier congrès international BIO 2009, le
magazine Scientific American, sous mandat de cette
association professionnelle, a
dévoilé les résultats de son enquête identifiant les leaders
mondiaux dans le secteur des
biotechnologies1. Les indicateurs analysés, regroupés en
cinq catégories, tentent de
représenter l’ensemble de la
chaîne de valeur de l’innovation – de la recherche académique à la création et au
développement d’entreprises:
investissements nationaux
dans la recherche et le développement, climat des affaires,
protection de la propriété intellectuelle, ressources humaines et intensité de l’activité
biotechnologique.
Une réflexion relancée
for Accelerating Innovation, a
rapidement salué cet effort :
« Cette approche sophistiquée
des benchmarks et des indicateurs de performance pourrait conduire à une meilleure
connaissance de la science, de
la technologie et des politiques
d’innovation au niveau national et régional. » En effet, bien
que de nombreux classements
internationaux existent déjà
(comparant souvent l’Amérique du Nord, l’Europe et
l’Asie), cette étude a le mérite
d’étudier le potentiel d’innovation de trente-six pays et
la multiplicité des facteurs
à prendre en compte, qu’ils
soient favorables ou non à l’innovation biotechnologique.
LES DIX LEADERS MONDIAUX DES BIOTECHNOLOGIES SELON
LES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE PRÉSENTÉE À BIO 2009.
Depuis un grand nombre d’années, les progrès scientifiques et technologiques réalisés dans le domaine des sciences du vivant et des biotechnologies se poursuivent à un
rythme effréné. Les biotechnologies, porteuses d’une véritable révolution, sont au cœur des capacités d’innovation
et de l’économie de la connaissance ; nouvelle richesse des
nations mais également critères majeurs de concurrence.
Dans ce contexte, le rapport « A Global Biotechnology Survey [Worldview Scorecard] », présenté par Yali Friedman 2
et publié par Scientific American, a le mérite de frapper les
esprits et de relancer la réflexion quant à la compétitivité
internationale dans le secteur des biotechnologies. En plus
d’identifier les pays leaders, ce rapport a pour ambition de
définir un cadre méthodologique à l’évaluation des progrès
et du potentiel de chaque pays dans ce domaine. Egils Milbergs, directeur de l’Agence de développement économique de l’Etat de Washington et ancien président du Center
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PHARMACEUTIQUES - SEPTEMBRE 2009
Des critères sensibles
Ainsi, cinq catégories d’indicateurs ont été identifiées par
l’équipe du Scientific American puis évaluées en combinant, curieusement, à la fois des données économiques et
les résultats d’enquêtes d’opinion (dont les sources restent
inconnues). Il s’agit de la protection et la valorisation de la
propriété intellectuelle, de l’intensité de l’activité biotechnologique au travers de multiples critères tels, par exemple,
le nombre de sociétés cotées per capita ou leurs contributions au Produit intérieur brut (PIB), du climat des affaires, tant au niveau des financements que des politiques publiques, des ressources humaines et enfin du pourcentage
des dépenses privées et publiques en R&D, par rapport
aux PIB des pays. Le classement final des trente-six pays
inclus dans l’étude résulte simplement d’une moyenne non
pondérée de chacun des scores obtenus pour les cinq indicateurs évalués. Sans surprise, les Etats-Unis arrivent largement en tête… suivis par Singapour, le Danemark et la
Suède, à égalité avec Israël. La France, quant à elle, apparaît
uniquement dans le Top 10 de la catégorie « Protection et
valorisation de la propriété intellectuelle ». Si l’approche
de cette étude semble, de prime abord, originale et suscite
initialement quelques enthousiasmes, voire quelques craintes, les biais induits par une méthodologie peu scientifique,
parfois opaque et, in fine, porteuse de nombreux postulats
non préalablement validés, l’ont rapidement décrédibilisée
auprès des participants du congrès BIO 2009 et plus largement auprès des acteurs du secteur des biotechnologies.
La question de l’innovation est un sujet difficile à traiter et
le choix des critères d’évaluation de la performance reste
particulièrement sensible.
La « success story » du RTP
Un article adjoint à la publication et retraçant la naissance des biotechnologies aux Etats-Unis aura toutefois fait
rêver de nombreuses délégations étrangères. Notamment
au travers de l’expérience de la Caroline du Nord qui, en
moins d’un demi-siècle, aura su remettre en cause les fondements de son économie. Dès la fin des années cinquante,
cet Etat – alors l’un des plus pauvres des Etats-Unis – a su
mobiliser, face à ses industries sur le déclin 3, une synergie
quasi-naturelle entre ses hommes politiques, ses entrepreneurs, ses chercheurs et ses industriels. Le 9 janvier 1959,
le « Research Triangle Park » (RTP) était fondé et deux millions de dollars étaient levés en soixante jours 4. Le triangle,
formé par les 2 000 acres du parc, possédait déjà, à chacune
de ses extrémités, une université réputée : la Duke University, la North Carolina State University et l’University of
North Carolina Chapel Hill. Le RTP était alors destiné à
valoriser cette pépinière de talents et ce potentiel créatif. Le
chemin fut long car ce n’est réellement qu’en 1965, avec
l’installation d’IBM et de l’Institut national des sciences
de la vie, que démarrèrent la réputation et l’attractivité
du cluster de Caroline du Nord. Le RTP fait aujourd’hui
partie des premiers pôles de compétitivité américains. Une
performance d’autant plus remarquable que la Caroline du
Nord ne possédait pas au départ de base historique dans
le domaine de la pharmacie – à l’instar de Boston ou de
Philadelphie – ou une avance particulière dans le domaine
de la recherche en biotechnologie puisque les pionniers en
la matière travaillaient sur la côte Ouest. Au final, une jolie
success story américaine que de nombreux pays aimeraient
connaître avec leurs pôles de compétitivité. Les Etats-Unis
ont, pour cela, acquis une expérience et un savoir-faire indéniables. Grâce à une volonté unique de soutien à l’innovation, ils ont su créer un cadre favorable et un environnement propice aux biotechnologies. ■
Julie Lyonnard
Ambassade de France à Washington
(1) Le rapport complet est disponible en ligne : www.saworldview.com
(2) Yali Friedman vit à Washington D.C. et est l’auteur de plusieurs ouvrages dont Building biotechnologies. Il est également
fondateur de DrugPatentWatch et rédacteur en chef du Journal
of Commercial Biotechnology.
(3) Culture du tabac, du coton et fabrication de meubles.
(4) Somme importante à l’époque pour un projet « virtuel » mais
qui, aujourd’hui, apparaît très faible compte tenu du développement qu’aura connu ce projet.
Une véritable politique industrielle publique
Les Etats-Unis soutiennent leurs innovations dans le secteur de la santé,
à la fois par une volonté politique de soutien à l’innovation, la mise en
place d’un cadre réglementaire cohérent, la promotion des transferts de
technologies, l’aide à la création d’entreprise mais également au travers
d’un financement public des projets de recherche. La part fédérale des
dépenses de R&D dans les sciences de la vie est de l’ordre de 0,26 % du
PIB. Des programmes dont les montants sont donc généralement considérables, d’autant plus si l’on y considère les apports des Etats fédérés et
la politique fiscale fédérale.
Si de nombreux ministères et organismes fédéraux contribuent au financement de la R&D dans le domaine des sciences de la vie, les National
Institutes of Health (NIH) en sont les plus importants contributeurs. Ils
dédient en effet 85 % de leur budget annuel à des projets de recherche
extra-muros. Le reste est alloué pour le financement de projets internes
conduits par les 6 000 chercheurs directement employés par les NIH.
Au total, environ 40 000 projets sont ainsi financés chaque année. Les
aides directes aux entreprises innovantes se font essentiellement au travers d’accords de coopération pour l’aide à la réalisation d’essais cliniques, de contrats de recherche et développement, établis au cas par cas
en fonction des besoins spécifiques des NIH, mais surtout au travers de
bourses (ou grants) accordées pour des projets s’étalant sur un à cinq
ans. Celles-ci représentent le premier poste de dépenses pour les NIH.
En effet, plus de 50 % de leur budget prévisionnel 2009 y est alloué. Ce
montant est réparti entre plus de 325 000 chercheurs au sein de 3 000
universités, facultés de médecine, et autres institutions de recherche biomédicale, aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde.
Dans tous les Etats fédérés, les entreprises orientées sur les sciences de la
vie bénéficient d’initiatives de développement économique des technologies. Il s’agit pour l’essentiel de crédits d’impôts recherche, de prêts,
d’aides à l’immobilier, de mise à disposition de ressources communes
ou encore de création d’incubateurs. De plus, certains Etats, pour compenser des défaillances du secteur privé, complètent efficacement les
associations privées afin de favoriser le développement du travail en
réseau et produire le maximum de synergies entre les différents acteurs
du monde des biotechnologies. Les Etats fédérés américains cherchent,
par le biais de ces différentes mesures, à mettre en place des politiques
qui favorisent la formation ou le développement des bioclusters. Ces
pôles concentrent, au sein d’une même zone géographique, excellence
universitaire, entrepreneurs et capitaux. Aujourd’hui, se trouvent aux
Etats-Unis les plus importants bioclusters du monde : Boston, San
Francisco, San Diego, Research Triangle Park et la région de Washington DC.
Enfin, la politique fiscale mise en place aux Etats-Unis est nettement
favorable aux entreprises innovantes ; le gouvernement américain a renouvelé ses mesures concernant les crédits d’impôts destinés à ces sociétés pour l’année 2009. La fiscalité favorise d’autre part le « recyclage »
du capital dans des sociétés innovantes. Les plus-values sur le capital investi dans des sociétés innovantes ne sont pas taxées si celui-ci est réinvesti dans des sociétés. Ce mécanisme conduit à un recyclage du capital
et au développement de business-angels. Nombre d’investisseurs qui
font fortune financent leur train de vie en ouvrant auprès d’une banque
une ligne de crédit garantie par la valeur de leurs investissements.
Le président Barack Obama entend poursuivre les efforts de soutien à la
recherche biomédicale pour les années à venir et souhaite consacrer plus
de 3 % du PIB du pays pour la R&D, convaincu de l’impact positif de
cet investissement pour l’économie américaine … mais également pour
le système de santé du pays et a fortiori pour la qualité des soins reçus
par les Américains.
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SEPTEMBRE 2009 - PHARMACEUTIQUES
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