8LE MOI ET SON DESTIN
l’ouverture du moi au monde ; Lavelle dit qu’elle est « une
petite amme invisible et qui tremble1 » . C’est Calvin,
grand écrivain français en même temps que grand réfor-
mateur, qui introduit ce terme dans la langue française,
mais au sens strictement moral, comme discernement
spontané du bien et du mal. Différent de la conscience
en cela, seul le moi peut avoir un destin, autrement dit
une histoire. Par son approche du moi, et par le privilège
accordé au moi, Lavelle se présente comme un philosophe
de l’existence. Il est en même temps un disciple lointain
de saint Augustin. Il ne s’agit pas de s’enfermer dans
une « philosophie du sujet », mais de prendre l’Ego pour
point de départ de la réexion : en ce sens nous sommes
tous tributaires de Descartes, comme Hegel l’avait bien
vu, et comme Lavelle l’a souligné dans son ouvrage sur
La Philosophie française entre les deux guerres2 . Toute
la première partie du livre est consacrée aux « études
cartésiennes », qui sont une thématique récurrente dans la
pensée française. Sur ce point, des interprètes plus récents
se rallient au point de vue de Lavelle.
Le destin héroïque du moi est celui que lui avait prêté
Maurice Barrès dans Le Culte du Moi : c’est de se hisser
au-dessus de toute subjectivité individuelle, au-dessus
du moi haïssable avec son misérable petit tas de secrets ;
c’est d’accéder à l’Ego universel, au grand Moi de Fichte.
1. La Conscience de soi, I, 1 ; réédition, Bartillat, 1993, p. 1.
2. Réédition, Paris, L’Harmattan, 2008.
lemoietsondestin.indd 8 19/11/2014 14:58:47