Extrait de la publication Extrait de la publication Extrait de la publication à Jeanne Delhomme à Maxime Chastaing à Charles Lapicque leur ami G. Extrait de la publication M. Extrait de la publication INTRODUCTION On chercherait vainement dans le présent volume quoi que ce soit qui ressemble à l'exposition systématique d'une métaphysique à partir d'un centre où la pensée s'établirait à la faveur d'un atterrissage instantané, et d'où, par une série de démarches rationnellement enchaînées, elle entre- prendrait de rejoindre les données de l'expérience commune, celle-ci tendant dès lors à apparaître comme reconstituée plus ou moins fictivement par le progrès d'une dialectique créatrice. Ceci ne veut d'ailleurs pas dire que je ne garde pas au fond de moi-même la nostalgie d'une systématisation semblable, et que la rigueur avec laquelle un Louis Lavelle parvient à nouer les fils de sa doctrine ne force pas mon admiration. Mais en même temps je ne puis dissimuler que cette admiration ne va pas sans quelque méfiance, et que la nostalgie persistante que je constate parfois en moi ne parvient pas à se justi fier complètement devant une ré flexion qui n'a pas de peine à en discerner les origines tant soit peu suspectes. Comment en effet ne reconnaîtrais-je pas dans le besoin de systématisation d'une part le souci de perfectionner le réseau de communi- Extrait de la publication f* 'isophie concret cations qui lie nos idées les unes aux autres et de les trans- former en un domaine d'un seul tenant sur lequel notre maîtrise s'exerce avec une facilité croissante, d'autre part le désir de rendre notre pensée de plus en plus transmissible, de la voir s'incarner en un tout que nous puissions regar- der comme nôtre à la façon d'un objet ou d'une propriété. Il est clair par ailleurs qu'en procédant par définitions et par théorèmes, on espère réduire définitivement le complexe d'infériorité qui ronge tant de philosophes depuis un demi-siècle en présence du progrès des sciences particulières, auquel on les accuse trop souvent de ne pouvoir opposer soit qu'un piétinement parmi des truismes ou des paradoxes d'une égale infécondité, soit des raids sans lendemain parmi les brumes de l'incontrôlable. Mais lorsqu'on s'abandonne à la tentation du systématique, ne s'expose-t-on pas le plus souvent à oublier qu'une philosophie digne de ce nom n'est pas possible sans un approfondissement de notre condition d'êtres existants et pensants, et que nous sommes tenus de nous demander si cette condition précisément autorise l'acte par lequel le métaphysicien m prétend se transporter au cœur de l'être ou retrouver l'acte primitif dont dépendent à la fois mon être propre et l'être du monde » (Lavelle De l'Acte, art. I)? Quant à moi, je demeure convaincu que le transcendant ne peut en aucune manière être assimilé à un point de vue où nous pourrions nous placer en imagination. Or, les mots « se transporter » et et retrouver » n'ont pas de sens s'ils ne se réfèrent à une opération de ce type, quelque intelligible que soit le plan sur lequel elle s'effectue. Aucune démarche ne me semble métaphysiquement plus Extrait de la publication Introduction importante que celle par laquelle je reconnais que je ne puis sans contradiction penser l'absolu comme un observatoire central d'où l'univers serait contemplé dans sa totalité, au lieu d'être appréhendé d'une façon partielle et latérale, comme il l'est par chacun de nous. Car je ne puis concevoir l'existence d'un semblable observatoire sans m'y installer en quelque sorte idéalement; c'est donc de cette notion elle-même que je suis tenu de dénoncer le caractère contradictoire. Il semble pourtant qu'on se trouve ici en présence d'une véritable aporie comment en effet pourrai-je parler demon point de vue » sans l'opposer à ce « point de vue absolu » que je viens de déclarer inconcevable ?Peut-être faut-il simplement répondre que l'idée d'une ordonnance véritable du monde, telle qu'elle se découvrirait à un observateur occupant une situation privilégiée ou béné ficiant ffîun ensemble optimum de conditions optiques, est impliquée dans le fait de reconnaître que ce monde m'est donné initialement selon une perspective qui est la mienne et rien que la mienne-sans qu'il faille conclure de là en aucune manière que cette idée exprime ou incarne V espèce de promotion dans l'être que semblent poser par voie de décret les grandes doctrines intellectualistes. Peut-être et c'est bien là un des motifs principaux qu'on retrouvera dans les méditations qui suivent n'est-ce pas du tout par cette voie d'une pensée dépersonnalisée qu'il nous est donné, je ne dis même pas d'accéder à une sphère digne d'être appelée métaphysique, mais même a" en former en nous la pensée. Et ce n'est pas à mes yeux un mince mérite que celui d'un Karl Jaspers, reconnaissant après Kierkegaard et aussi sans doute Ilei- Extrait de la publication Essai de philosophie concrète degger, que l'existence (et a fortiori la transcendance) ne se laisse reconnaître ou évoquer que par-delà le domaine d'une pénsée en général procédant par repères sur les communaux du monde objectif. Sans doute ne saurais-je mieux faire qu'en reproduisant ici, non sans le paraphraser ici ou là, le texte inédit d'une communication que je fis à l' Union pour la Vérité peu après la publication du Journal Métaphysique, c'est-à-dire à un moment où la philosophie existentielle m'était encore inconnue. Je m'adressais à des esprits pour la plupart rationalistes, et me jugeais par conséquent tenu de préciser ma position par rapport à celle de M. Léon Brunschvicg, qui avait publié quelque temps auparavant son gros ouvrage sur Le Progrès de la Conscience. « Croire ou vérifier, l'alternative est inéluctable. On joue sur la forme extérieure des mots quand on lait de l'incroyance un état négatif. L'incroyance est chez le philosophe une vertu positive, comme l'intrépidité chez le soldat » ( Le Progrès de la Conscience, p. 785). Cette formule a le très grand mérite de ne laisser place à aucune équivoque. Croire ou vérifier. En d'autres termes, par une sorte d'intolérance radicale, entièrement consciente d'ailleurs, on prétend dénier au pro fit de la monade, conçue comme subjectivité infinie de la réflexion, tout droit de cité autre qu'empirique ou social au mode d'affirmation qui s'exprime par le je crois. « Je ne pense pas me tromper en disant que l'espèce de réaction vitale que provoqua jadis en moi cette prétention a été à V origine de tout le développement de ma pensée. Réaction globale refus rejet, dont il n'est pas facile de Extrait de la publication Introduction préciser la nature. 'Peut-être pourrait-on la comparer à celle qui se produit lorsque nous cherchons à nous rappeler un nom oublié, et qu'on nous en suggère un dont nous savons avec certitude que « ce n'est pas ça ». « C'est à partir de ce relus initial que l'idéalisme tout entier m'est apparu petit à petit comme une doctrine qui ne « colle » pas, qui n'a pas au surplus la prétention de « coller », bien plus, qui a la prétention de ne pas « coller», mais au contraire de transcender les questions vitales, c'est-à-dire selon moi de les éluder, quitte à colorer de très simples négations négation de Dieu négation de la Providence, négation de l'immortalité, en les camou flant à l'aide de vocables solennels ordre moral, spiritualité, éternité. « Cette résistance incoercible correspond à l'assurance si j'ose dire massive que certaines des plus hautes expériences humaines impliquent soit l'appréhension, soit tout au moins la position de quelque chose qui va au-delà de toute vérification possible pour fixer les idées, j'évo- querai simplement l'amour ou Vadoration, dont l'objet est par' définition impossible à détailler, et ne se laisse pas atteindre par ces démarches de proche en proche en lesquelles se distribue au contraire tout processus de vérification. « Mais il y a autre chose lorsque je déclare qu'une affirmation est vérifiable, je pose par là même un certain ensemble de conditions universelles en droit, c'est-à-dire reconnues comme normales, comme trouvant place chez tout sujet susceptible d'énoncer des jugements valables. J'aboutis par là à l'idée d'un sujet dépersonnalisé, ce Extrait de la publication Essai de philosophie concrète qui revient à dire que A doit pouvoir se substituer à B, du moment où il présente ce même équipement qui commande toute expérience valable. Nous sommes ici dans un domaine où la vulgarisation est possible en droit, et il est important de noter en passant la liaison qui existe entre ce caractère intrinsèquement aulgarisable de la pensée objective et la notion de démocratie, qui semble bien en fait s'être affermie dans les esprits à mesure que la science positive les subjuguait davantage. « Mais si l'attention se concentre sur l'idée de conditions normales à" 'expérience, celle-ci apparaîtra comme la cristallisation d'un postulat. S'il est bien clair que partout où il y a expérience objective, il est légitime de poser des conditions normales d'appréhension de l'objet on n'aperçoit pas de quel droit pourrait être niée l'existence, en deçà ou au-delà de ce niveau d'expérience objective, de plans où ce postulat cesse d'être applicable. Dans fordre de l'appréciation ou de la création esthétique, cette notion perd toute signification telle œuvre musicale par exemple apparaît à mon voisin comme un pur chaos sonore, j'y discerne au contraire un ordre qui lui échappe faudrat-il dire que l'un de nous est dans des conditions normales d'expérience, l'autre nonCe serait là de toute évidence une façon impropre de s'exprimer. Mieux vaudrait dire par exemple que je suis accordé en quelque manière à cette œuvre et que mon voisin ne l'est pas. Mais voilà qui suffit à montrer qu'il est des domaines où un ordre, c'est-à-dire une intelligibilité, se laisse reconnaître à la faveur de conditions en quelque sorte inspécifiables parce qu'elles sont inhérentes au sujet lui-même en tant qu'il est une Introduction expérience vivante, qui par essence ne peut se réfléchir elle-même intégralement. « Il y a bien des raisons de penser que c'est à partir de considérations de ce genre qu'on peut espérer projeter quelque lumière sur le problème du miracle. On ne voit pas qu'il soit impossible de concevoir certains êtres qui réalisent un ensemble de conditions spirituelles susceptibles de modifier leur façon d'appréhender le réel; et sans doute même faut-il aller plus loin, puisque entre le mode d'appréhension et la chose appréhendée, la connexion est aussiétroite que possible. On peut être amené à admettre qu'autour de ces êtres des événements se produisent qui, du point de vue de l'expérience commune, présentent un degré d'improbabilité maximum. Il va de soi d'ailleurs que, du point de vue religieux, ces événements ne sont aucunement séparables du sens qu'ils présentent pour ceux à qui ils arrivent, et rien ne serait plus faux que de regarder ce sens comme étant attaché a posteriori arbitrairement par l'esprit à une matière historique en soi indifférente. « De ce point de vue, on ne peut plus se contenter de dire avec l'empirisme traditionnel que l'expérience décide ici comme ailleurs, car il s'agit de savoir quelle est l'expérience qui doit décider, et comment cette expérience doit être, si l'on peut dire, intérieurement qualifiée. Il n'y a naturellement pas à dissimuler ce que cette attitude peut avoir de périlleux. Il faut bien ici comme ailleurs des axes de référence, mais ces axes ne sont pas ceux d'une pensée en général ou d'une raison immanente à l'expérience commune; il faudra, si l'on peut dire, être à l'intérieur du monde privilégié où ces événements se produisent Essai de philosophie concrète pour pouvoir les discerner, les apprécier, les consacrer. C'est ainsi que le miracle ne pourra être reconnu et authen- tifié que par V Église, et cela pour autant qu'il pourra être rapporté à l'Incarnation, dont il est le témoignage lointai'i et proche, et pour ainsi dire une parcelle irradiée. « Évoquer ici le rôle de V Église, c'est se référer à une communauté réelle, et pour ainsi direà un universel existant, qui, à coup sûr, ne se laisse en aucune façon assimiler à la monade dont on nous parlait tout à l'heure. M. Brunchvicg voit dans le fait que je peux m'entendre avec mon voisin, par exemple sur des calculs, sur des comptes, la racine et même la garantie d'une communion spirituelle authentique. Mais il est à craindre que la ré flexion ne s'accorde ici avec l'expérience pour déceler le caractère chimérique de cette espérance. En réalité, il n'y a pas de communauté véritable dans un cas de ce genre, et cela pour cette simple raison qu'on n'est là en présence d'aucune pluralité véritable, d'aucune distinction reconnue comme telle. Nous n'avons à faire qu'd une modalité extériorisée de raccord de la pensée avec elle-même, telle que je le constate lorsque je fais la preuve d'une opération arithmétique et que j'en reconnais la justesse. Une communauté n'est possible qu'à partir du moment où des êtres se reconnaissent mutuellement comme différents, comme existant ensemble dans leur différence même. « Peut-être faudrait-il faire appel ici à des expériences très humbles, très immédiates, que la philosophie a en général le grand tort, soit de dédaigner parce qu'elles lui paraissent triviales, soit d'intellectualiser indûment, de façon à leur appliquer ses normes traditionnelles. On Extrait de la publication Introduction pourraitdire, en se plaçant bien entendu en deçà de la religion proprement dite, que cet universel est la conscience de participer ensemble à une certaine aventure unique, à un certain mystère central et indivisible de ~MttrMe /tMM<nfM. Ce </Mt Me rapproche ~'M~ être, ce qui me relie effectivement à lui, ce n'est pas du tout de savoir qu'il pourra vérifier et approuver une addition ou une division que j'aurai faite pour mon compte, c'est bien plutôt de songer qu'il a traversé comme moi certaines épreuves, qu'il est soumis aux mêmes vicissitudes, qu'il a eu une enfance, qu'il a été aimé, que d'autres êtres se sont penchés sur lui et ont espéré en lui c'est aussi de penser qu'il est appelé à souffrir, à décliner, à mourir. Cette communautélà est bien liée si Von veut à l'expérience de la faiblesse, mais cette faiblesse change de nature lorsqu'elle se pense comme destin. Il me paraît de toute évidence que c'est uniquement de la destinée humaine.Ce quime rapproche d'un être, ce ainsi qu'il est possible de donner un contenu au mot fraternité, que le rationalisme a tout faussé en introduisant dans les rapports humains un élément d'abstraction qui dépersonnalise les êtres, et que la philosophie démocratique ou laïque. qui en est l'expression dégradée représente une déformation, une perversion absolue de la pensée évangélique à laquelle l'esprit d'abstraction est radicalement étranger. On notera que, de ce point de vue, l'idée de paternité divine, que M. Brunschvicg juge être empreinte d'un anthropomorphisme infantile, prend au contraire une valeur éminente; puisque c'est par rapport à elle que devient pensable une communauté humaine authentique, effective, communauté dans l'existant, qui au contraire, au sein d'une philosophie rationaliste quelle qu'elle soit, se décharne 18 Essai de philosophie concrète jusqu'à devenir un simple squelette logique, une ligne de possibilités.» Sans doute, dans cette communication à l'Union pour la Vérité, ne marquais-je pas assez nettement que cette communauté, cet universel vivant ne transcende pas encore l'ordre proprement naturel. Il faudrait montrer avec précision comment dans la nature humaine elle-même, elle constitue la zone dans laquelle une vie authentiquement religieuse, une vie de grâce peut s'insérer, à la faveur bien entendu d'initiatives dont le principe réside hors de nos possibilités à nous, de nos volontés à nous. Mais au contraire, s'ilest fait systématiquement abstraction de ces soubassements concrets, comme c'est le cas pour toute philosophie qui entend se constituer autour de la pensée en général, c'est-à-dire d'un esprit dépersonnalisé du même coup la réalité religieuse elle-même devient inintelligible, et il ne reste d'autre ressource que de la soumettre à une analyse systématiquement dépréciatrice, orientée tantôt dans le sens d'une psychopathologie freudienne ou non, tantôt d'une sociologie qui semble condamnée à confondre systématiquement Vinfra- et le supra-individuel et qui trouve aujourd'hui ses applications les moins discutables là précisément où la conscience religieuse est réduite au silence et méthodiquement étouffée. Mais, ne manquera-t-on pas d'objecter, c'est bien encore au nom d'une religion que cette « conscience religieuse » est traquée ne se borne-t-on pas à éluder la difficulté en déclarant que l'une est authentique et que l'autre est de mauvais aloi? Sans même recourir à la distinction bergsonienne du clos et de l'ouvert, qui, dans la situation pré- Extrait de la publication Introduction sente du monde, prend cependant sa signification plénière, il faudra répondre que nous ne pouvons en effet renoncer, je ne dis pas seulement à établir une semblable opposition, mais encore à affirmer qu'elle est fondée dans l'être même sans convertir du même coup l'existence humaine en un songe inconsistant et tout pareil aux images qu'engendre le délire, sans justifier par conséquent toutes les désertions et tous les reniements. La seule contrepartie positive certaine à l'horreur sans nom des temps où nous vivons consiste peut-être en ce simple fait que le martyre a récupéré aux yeux de tous les esprits de bonne foi, de tous les hommes de bonne volonté, sa valeur traditionnelle de témoignage, ou plus précisément encore, d'attestation créatrice. En dernière analyse, le paradoxe qui s'exprime- dans le rapprochement de ces deux mots constitue peut-être le thème central du présent ouvrage. On l'exprimerait avec une exactitude au moins approximative en disant que c'est se méprendre du tout au tout sur l'essence de la création que de vouloir la comprendre comme un faire, ou encore comme une activité productrice qui tirerait son origine du moi lui-même. Au départ de toute création, visible ou non, on découvre la même présence, et, ajouterai-je, la même sommation de l'être à l'âme qu'il investit, mais aussi l'acte, identique en ses spécifications infinies, par lequel l'âme rend témoignage à cette même présence qu'il lui est au reste donné de pouvoir récuser, c'est-à-dire annuler, dans la mesure même où elle est âme, c'est-à dire liberté. Au seuil des catacombesl qui vont peut-être à bref délai 1. Cette Introduction fut écrite au début de 1939, pendant la « drôle de guerre », ou même peut-être à la fin de 1939. Extrait de la publication Essai de philosophie concrète se refermer sur nous, chacun ne devra-t-il pas tenter de se rappeler pour son compte que ce sont au fond les mêmes puissances de fidélité créatrice qui, en des temps plus heureux, se concentrèrent en architecture, en musique ou en poèmes, et qui demain armeront les volontés farouches de ceux qui se refusent à laisser consommer en eux et autour d'eux le reniement de l'homme par Vhomme, c'est- à-dire, plus profondément, du plus qu'humain par le moins qu'humain. Extrait de la publication A L'Etre incarné repère central de la réflexion métaphysique Je me promenais il y a quelques semaines au Luxembourg, j'évoquais les thèmes de pensée qui me sont familiers, et il me semblait que je déambulais mentalement dans un de ces squares mal tenus, où tout est foulé, piétiné, où il ne reste pas un coin pour la découverte ou pour le rêve. Impression affreuse et qui d'ailleurs m'est familière, je l'avoue. Le mot anglais stale ce mot presque intraduisible et qui s'applique en particulier au pain rassis, mais aussi à tout ce qui est ressassé et comme ranci par la durée se présenta alors à mon esprit. Du coup, par la vertu de ce mot, cette expérience à laquelle je venais d'être livré prenait corps, devenait objet de réflexion, et aussitôt, comme magiquement, je m'en libérais je retrouvais un motif qui m'a souvent retenu, mais que je n'ai jamais pu exploiter à fond et qui garde par là-même pour moi une fraîcheur particulière. Ce sentiment de staleness ne se produit que dans les zones stagnantes de l'esprit. Le stagnant coïncide avec le ressassé et ici comme dans le monde sensible, il semble bien que la stagnation engendre un commencement Extrait de la publication Extrait de la publication