considérerions l’Être : on peut alors dire que là où il y a conscience, il y a existence, car
« l’expérience de l’existence, c’est l’expérience même de la participation »
. C’est
l’expérience de l’Être, en tant précisément qu’il peut devenir le mien. Exister, c’est saisir
l’intériorité de l’Être, à savoir l’acte toujours identique et toujours nouveau de la totalité. Il
faut alors se demander pourquoi, contrairement à la réalité, l’existence caractérise les êtres
finis doués de conscience. Parce que certains êtres particuliers sont doués de conscience, ils
sont des existants et non des réalités.
Pour comprendre l’aspect de la participation qu’est l’existence, il faut déjà voir que c’est
par la vie de la conscience que nous y accédons. Lavelle est un philosophe de l’intériorité qui
croit à « cette attention intérieure à soi où la conscience se replie sur elle-même afin de
trouver en elle indépendamment de tout autre point d’appui, des ressources capables de lui
suffire. »
. C’est donc par ce chemin, lui-même intérieur à l’Être que doit se découvrir
l’existence. Mais, la conception lavellienne de la conscience n’est pourtant pas classique, elle
n’est pas celle de Descartes.
Ce n’est pas l’adéquation de la pensée avec elle-même, à savoir celle d’avoir une « idée
claire et distincte » de ce que je suis. Au contraire, la conscience lavellienne est une
conscience dynamique dont rend compte le philosophe lui-même. La conscience est
« semblable à une petite flamme invisible et qui tremble. Nous pensons souvent que son rôle
est de nous éclairer, mais que notre être est ailleurs. Et pourtant, c’est cette clarté qui est nous-
mêmes »
et « produit à la fois l’être du moi et la lumière qui l’enveloppe »
. La conscience
n’est pas simplement l’œil de l’esprit, mais son acte ; à savoir l’être même du Moi et « le
propre de la conscience, c’est de rompre l’unité du monde et d’opposer un être qui dit moi, un
Tout dont il fait partie. »
Lorsque nous commençons à participer, c’est que notre conscience se donne l’être à elle-
même, que l’Être veut dire pour nous quelque chose : « le propre du Moi [conscience], c’est
de se donner l’Être. »
Faut-il alors comprendre que l’existence est celle de la conscience ? Lavelle distingue deux
choses : une existence « objective » attribuée au corps, soumise à la spontanéité et à la nature
et une existence « subjective » qui attire tout son intérêt :
« L’existence du moi qui n’est qu’une partie de ce tout, mais qui l’embrasse pourtant d’une
manière virtuelle. Ainsi il faut dire au sens strict que l’existence, loin d’ajouter quelque chose à
l’Être, est un pur pouvoir-être. »
Aussi dit-il de l’existence qu’elle est « l’être d’un pouvoir-être » : l’existence subjective est
celle qui ne cesse de s’arracher à la spontanéité du corps et de la nature, qui ne cesse de retirer
de la matière, pas son acte même, tout l’esprit. Le moi exerce « sur lui-même cette action
Tarcisio Meirelles Padilha, Existence et Participation in Actes du colloque international d’Agen, p. 236.
Frédéric Lefèvre et Louis Lavelle, op. cit. , p. 3 et 4.
Il est important de noter que si Lavelle reste très attaché à l’intellectualisme de Descartes, sa conception de la
conscience n’est pas similaire. Descartes atteint par le cogito l’immédiateté de la pensée – le sujet reste donc
enfermé en lui-même sans réussir à s’inscrire dans la totalité.
Contrairement à Descartes, Lavelle pense que nous n’atteignons pas l’idée de la pensée mais bien son acte qui en
même temps qu’il nous fonde, nous déborde infiniment : c’est la participation du moi à l’Être pur. L’acte réflexif
est ce qui pose l’universalité de l’Être dans son dynamisme à l’intérieur de laquelle la connaissance peut trouver
place. C’est pour cela que par l’acte de la conscience, nous touchons l’Être comme tel et non son idée, sa
représentation conceptuelle.
La conscience de soi, p. 1.
L’erreur de Narcisse, p. 22.
La conscience de soi, p. 2.
Les puissance du moi, p. 116.
Introduction à l’ontologie, p. 28.