Synthèse philosophique des discours sur la décision

Synthèse philosophique des
discours sur la décision
médicale
Pierre Le Coz
[email protected]
Professeur de philosophie
Faculté de médecine de Marseille
Comité Consultatif National d’Ethique
synthèse philosophique des discours sur la
décision 22/07/05
1
Introduction
z
En quel sens la synthèse est-elle
« philosophique »?
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2
La philosophie est l’art de la
problématique
Une problématique est l’ensemble des
questions qui décomposent un
problème
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3
Les trois concepts organisateurs
des discours sur la décision
La synthèse
z La rationalisation
z La modélisation
z
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I. Inquiétude autour du
concept de synthèse
Vertu heuristique de l’inquiétude (Hans
Jonas)
z Qu’est-ce que pourrait être une
synthèse philosophique ?
z La problématique Ù L’ensemble des
questions soulevées par la tentative
panoramique de systématisation
z
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-L’impératif de synthèse est une
contrainte qui influe sur notre rapport
aux informations recueillies
-Bricolages cognitifs et raccourcis
intuitifs >> parasites subjectifs
incompressibles
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Départager l’essence et
l’accident
L’essence s’oppose à l’accident
z L’essence c’est ce qu’il y a d’essentiel
dans un phénomène
z Ce qu’il y a d’essentiel est ce sans quoi
la chose ne serait pas ce qu’elle est
z Le jour où on aperçoit un cygne noir, le
blanc bascule dans l’accidentel
z
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Dr. René Leriche (1879-1955):
« Dans la maladie, ce qu’il y a de
moins important au fond, c’est
l’homme »
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Les limites inhérentes au
travail de synthèse
la synthèse simplifie
z la simplification est toujours
déperdition d’informations
=> l’information est toujours en quelque
façon une déformation
>> On ne peut pas accomplir de
synthèse objective
(mais on ne peut pas ne pas faire de
synthèse… )
z
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II. La rationalisation
1403 : Nicolas de Baye (greffier du
Parlement de Paris) utilise le terme de
« décision » dans le sens décisif et
incisif en empruntant au verbe caedere
= couper.
>> Le juge est celui qui doit trancher,
‘‘couper court’’ aux tergiversations.
(Journal de Nicolas de Baye, greffier du Parlement de Paris, 14001417, éd. A. Tuetey, 2 vol., Paris, 1885 et 1888, t. 1)
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Qu’est-ce que rationaliser une
décision?
L’action conforme à la raison selon
Kant :
z Puis-je vouloir que mon principe
d’action soit universalisé ?
>> « il faut vivre pour soi » (principe
z
d’action non-universalisable)
≠ « il ne faut jamais traiter une personne
exclusivement comme un moyen »
(universalisable donc conforme à la raison)
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Rationaliser est-ce rendre les
intentions transparentes ?
z
Du point de vue de son efficience, la
pureté de l’intention n’est plus le critère
essentiel mais un critère accidentel de
la décision
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Contre-productivité de l’exigence
de transparence des intentions
Trop d’opacité nuit à l’optimisation de
l’action. Trop de transparence lui est
tout aussi néfaste
z La transparence ou même la pureté
d’une intention n’est nullement un gage
de réussite d’une stratégie
z
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z
le degré d’efficience d’un programme
d’action n’est pas proportionnel au
degré de transparence des intentions
qui l’inspirent
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C’est un objectif de nature éthique qui
seul peut permettre à un groupe de
faire corps et de dépasser ses
querelles intestines
z Rationaliser c’est définir précisément
l’objectif éthique commun et se donner
les moyens de réaliser cette visée
éthique
z
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15
L’objectif éthique de la médecine
selon Bacon (XVII°)
z
« Soulager l’humaine condition de ses
misères » (Francis Bacon)
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Avis 84 du Comité Consultatif National
d’Éthique (juillet 2004)
« Les ressources allouées au secteur de la santé
n’étant pas indéfiniment extensibles, l’amplification
actuelle des dépenses de soin requiert que les
praticiens réfléchissent davantage à la juste
répartition des biens et des services sanitaires ».
z
z
Parler des maladies en termes de coûts ne doit plus
être un tabou. Au vu du prix exorbitant des
molécules qui font irruption sur le marché, les
formules rituelles et convenues selon lesquelles ‘‘ la
santé n’a pas de prix’’, ‘‘le médecin n’est pas un
comptable’’ deviennent difficilement tenables. »
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« Les progrès dans la sophistication
des techniques diagnostiques,
pronostiques et préventives, vont ainsi
conduire à rendre toujours plus
sensible la dimension d’équité des
décisions, étant entendu que ce qui est
dispensé à l’un n’est pas attribué à
l’autre et pourtant toutes les personnes
doivent avoir un accès égal au système
de soins »
z
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La tâche de la philosophie
z«
on ne doit ni rire ni pleurer
mais comprendre » (Spinoza)
z
identifier les raisons d’une résistance à
la rationalisation de la décision de
manière à mieux pouvoir neutraliser
les foyers de résistance au changement
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Comprendre l’altérité pour
optimiser l’action réformatrice
Com-prendre c’est « prendre
ensemble »
(# s’opposer frontalement en imposant
du dehors un traitement de choc)
z
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20
Qu’est-ce qu’une décision
rationnelle?
Une décision est rationnelle quand il
existe une cohérence entre l’objectif
éthique qu’elle se propose et les
moyens qu’elle met en œuvre pour y
parvenir
z Une décision peut être rationnelle sans
être raisonnable
z
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Le concept de rationalité de
référence
z
« Une décision n’est absurde qu’en
fonction de la rationalité qui a servi à
prendre la décision » (Christian Morel)
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L’absurde selon Camus
« Si je vois un homme attaquer à l’arme
blanche un groupe de mitrailleuses, je jugerai
que son acte est absurde. Mais il n’est tel
qu’en vertu de la disproportion qui existe
entre son intention et la réalité qui l’attend, de
la contradiction que je puis saisir entre ses
forces réelles et le but qu’il se
propose…l’absurdité sera d’autant plus
grande que l’écart croîtra entre les termes de
ma comparaison » (Le Mythe de Sisyphe)
z
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Différence entre décision
absurde et décision médiocre
« Les décisions médiocres résultent
d’une action qui tourne autour de
l’objectif. Il n’y a pas de contradiction
manifeste ou de décalage considérable
entre l’action et le but poursuivi »
z
(Christian Morel, Les décisions absurdes, 2002, folioessais)
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Exemple de décision
médiocre
« Je m’explique : il s’agit d’une
infiltration des annexes par contiguïté
locorégionale, due à une expansion du
processus néoplasique aux organes
voisins avec de probables
adénopathies pelviennes profondes. »
z
(Cité par Ruszniewski M., Face à la maladie
grave, Dunod, p. 22).
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III la modélisation
z
Les modèles de compréhension des
attitudes de résistance à la
rationalisation de la décision
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Les philosophies du
soupçon
z
« Marx, Nietzsche et Freud, triade exemplaire
de philosophes du ‘‘soupçon’’, ont, chacun à
sa manière, légué à notre culture, l’idée
d’une aliénation du sujet social. Celui-ci
n’accomplit pas les actions qu’il croit avoir
voulues intentionnellement, mais se trouve
mû par un ensemble de mobiles
involontaires et supra-individuels »
(Wunenburger J.-J., art. « Le procès de la
responsabilité et les métamorphoses de la culpabilité », in
revue Droits, 1987, N°5, PUF, Paris, p. 88.)
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Modèle freudien
z le
cas du petit Hans
z la théorie du complexe
d’oedipe
>> LA CRAINTE ET LA CULPABILITE
>> les hommes restent de grands enfants
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selon ce modèle c’est seulement
l’identification à la contrainte des
coûts, l’intériorisation de l’Interdit du
gaspillage des ressources qui peut
permettre aux individus de surmonter
la médiocrité ou l’absurdité de leur
décision.
z
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Le paradoxe de la
communication
z Premier
axiome : on ne peut
pas communiquer.
z Deuxième axiome : on ne peut
pas ne pas communiquer.
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Le modèle nietzschéen
LA VOLONTE DE PUISSANCE EST UNE
FORCE INTERNE QUI POUSSE LES INVIDUS
A S’AFFIRMER EUX-MÊME POUR
AUGMENTER L’ENERGIE DU SENTIMENT
VITAL
z
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La volonté de puissance est une énergie
vitale indomptable: il s’agit d’une « force
incoercible » enracinée en l’homme
z Elle existe même chez les « protozoaires »
z Elle peut prendre des formes multiples (chez
les faibles qui se sentent exister dans la
domination des autres, et chez les forts qui
apprennent d’abord à se dominer euxmêmes)
z
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G Lipovetsky « l’ère du vide »
L’individualisme narcissique de la
société dite post-moderne
z La post-modernité a déculpabilisé le
désir de vivre pour soi
z
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Le modèle marxiste
Les concepts majeurs du modèle
marxiste de compréhension des
conduites
z Les classes
z Les intérêts
z L’infrastructure
z
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« L’homme, c’est le monde de
l’homme » (Marx)
z >> dis moi à quelle classe tu appartiens
je te dirai ce que tu penses, quels sont
tes goûts, etc.
z
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« le sens des actions des membres de la
société n’est accessible qu’au sociologue
professionnel. Lui seul, comme le
psychanalyste avec son client, est capable
d’élucider le secret des conduites
humaines. L’acteur ignore la source de
ses actions de tous les jours, il ne sait pas
qu’il va au musée ou qu’il fait de la photo
parce qu’il appartient aux classes
moyennes ». (Coulon A.,
L’ethnométhodologie, PUF, Paris, 1987, p.
48).
z
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Les trois modèles
Historique (assujettissement du
médecin à sa trajectoire personnelle),
z Naturel (assujettissement à sa nature
qui le pousse à affirmer son
individualité),
z Systémique (assujettissement à un
système social qui le pousse à
défendre les intérêts du groupe auquel
il appartient)
z
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Conclusion (1)
z«
Il n’est pas nécessaire d’espérer
pour entreprendre ni de réussir
pour persévérer ».
z L’aboulie : une maladie de la
volonté
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z
FAIRE ET EN FAISANT SE FAIRE
z La
z
vertu : la bonne disposition
contractée par les actes
c’est en faisant des analyses critiques
que l’on apprend à faire de l’analyse
critique
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Conclusion (2)
s’accommoder de la complexité des
phénomènes :
« Le simple est toujours du simplifié »
(Bachelard)
z
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z Kant
Critique de la raison pure
1781 :
z La sagesse n’est pas d’accepter
les limites de la connaissance
mais de comprendre que les
limites sont les conditions de la
connaissance
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Ce n’est pas parce qu’une
connaissance est relative qu’elle n’est
pas une connaissance.
z C’est parce qu’elle est relative qu’elle
est une connaissance.
z
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« la colombe légère s’imagine qu’elle
pourrait voler encore bien plus vite
sans la résistance de l’air » (Kant)
z Une connaissance qui prétend
embrasser la totalité du réel n’est pas
une connaissance mais un savoir
absolu c'est-à-dire une croyance
illusoire
z
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z il
y a des ayatollahs partout : il
en est même qui sommeillent
en nous-même
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