DÉONTOLOGIE pratique
POUR LES INFIRMIÈRES AUTORISÉES CANADIENNES
Novembre 1999 Numéro ISSN 1481-000X
TÉMOIN,JE ME TAIS /
TÉMOIN,JE DÉNONCE :
LEDILEMME
ÉTHIQUE DE LA
DÉNONCIATION
LADIVULGATION DES PRÉJUDICES :
DEUX VERSIONS
Lorsque des infirmières* de la salle d’opération d’un hôpital pour enfants
de Winnipeg sont témoins de problèmes chirurgicaux troublants et de décès
dans le contexte du programme de soins cardiaques pédiatriques, elles sont
aux prises avec un dilemme moral. Après qu’elles ont prévenu les
superviseurs et les dirigeants de l’administration, la situation ne change pas
et les problèmes continuent. Les infirmières persistent à faire part de leurs
inquiétudes. Elles souhaitent souvent dire aux parents d’amener leur enfant
ailleurs. Elles songent à s’adresser aux médias, mais elles craignent d’être
congédiées. Elles songent à quitter leur emploi, mais elles craignent d’être
remplacées par des infirmières moins chevronnées, ce qui aggraverait la
situation pour les enfants. Lorsqu’on décide d’entreprendre un examen du
programme, 13 enfants sont morts et les infirmières en cause sont d’avis
que l’on aurait pu aider certains d’entre eux (Sibbald, 1997).
Infirmier qui a plusieurs années d’expérience, David commence à travailler
à l’unité 10, service de soins de longue durée, dans un hôpital de taille
moyenne. En quelques semaines à peine, il se rend compte qu’une des
infirmières de l’unité est dure avec les patients âgés. Il en parle à
l’intéressée, mais son comportement ne change pas. Après l’avoir vu
pousser durement un patient dans une chaise et l’humilier verbalement à
plusieurs reprises pendant un quart de travail, David le signale à l’infirmière
chef. Lorsque le comportement de l’intéressée persiste, David s’adresse de
nouveau à l’infirmière chef en affirmant qu’il songe à en parler à
l’administrateur de l’hôpital ou à formuler une plainte officielle auprès de
l’association des infirmières de la province. L’infirmière supposément
violente a beaucoup d’ancienneté au service et elle est populaire auprès du
personnel. Lorsque son superviseur lui parle de la plainte, l’identité du
plaignant devient claire. David est alors mis au ban par la plupart des
employés du service et critiqué et humilié devant les patients et les
membres de leur famille. Même si David discute plus à fond de la situation
avec son chef de service, celle-ci ne fait rien pour intervenir. Après huit
mois de service à l’unité 10, David décide que ses conditions de travail sont
intolérables, démissionne et accepte un emploi à un autre hôpital.
QUEST-CE QUE LA
«DÉNONCIATION»?
Les dénonciateurs sont des personnes qui dévoilent la négligence, les
abus ou les dangers, comme l’inconduite ou l’incompétence
professionnelles, qui existent dans leur milieu de travail. Il n’est jamais
facile de décider de dénoncer un collègue, un collaborateur ou un
employeur. Si la loi n’oblige pas à signaler une telle conduite, il faut
considérer qu’il s’agit d’une mesure que l’on prend lorsque toutes les
autres ont échoué.
Dans les établissements de santé, la sécurité des patients peut être
menacée par les traitements prescrits, les dangers environnementaux, les
lacunes dans la dotation en personnel ou la conduite illégale,
incompétente ou contraire à l’éthique de n’importe quel employé, d’un
membre de la famille du patient ou d’un bénévole. Les employés, et en
particulier les infirmières, peuvent être les premiers à reconnaître une
pratique contraire à la sécurité ou à repérer des dangers réels ou
éventuels. Il est toutefois souvent possible qu’une infirmière soit
déchirée entre les valeurs et les normes de la profession et celles de
l’organisation où elle travaille.
Dans les cas ci-dessus, les infirmières ont une décision à prendre :
doivent-elles divulguer de l’information acquise dans le cadre de leur
travail?
Dans le premier cas, les infirmières de Winnipeg songent à soumettre
leurs inquiétudes aux médias ou aux parents des nourrissons. Devraient-
elles attirer l’attention sur ce qu’elles considèrent comme de la
négligence interne et un danger en s’adressant à l’extérieur de
l’organisation? Le terme anglais «whistleblowing» (dénonciation)
signifiait à l’origine divulguer à l’extérieur de l’information sur
l’organisation et l’on compare cet acte au son strident d’un sifflet.
Rompre le silence vise à perturber le statu quo : à traverser le bruit de
fond, peut-être à perturber la fausse harmonie ou rompre le silence
imposé par le déroulement normal des activités (Bok, 1988, p. 332).
David, lui, voulait attirer l’attention sur le comportement préjudiciable
en le signalant à d’autres membres de son organisation. Aussi appelée
«dénonciation» dans les textes, une telle intervention diffère du concept
traditionnel, car l’employé, du moins au début, ne veut pas diffuser
l’information à l’extérieur de l’organisation. La divulgation à
l’extérieur et à l’intérieur présente des problèmes, des défis et des
risques semblables.
QUAND FAUT-IL ENVISAGER DE
DÉNONCER?
Les infirmières ont-elles le droit de dénoncer? Des auteurs affirment
qu’il y a dans certains cas un droit moral de dénoncer les préjudices.
Dans certains cas, il peut même y avoir une obligation morale de le faire
(Baker, 1988; Kelly, 1996; Anderson, 1990).
Pour avoir le droit moral de dénoncer, il faut satisfaire aux conditions
suivantes (Baker, 1988) :
i. La situation doit entraîner un préjudice grave pour les clients, les
employés ou d’autres membres du public.
* Le terme infirmière utilisé dans ce document désigne l’infirmière autorisée
ou, au Nouveau-Brunswick, l’infirmière immatriculée.
ii. Le dénonciateur doit avoir signalé le problème d’abord à ses
supérieurs. (En général, dans le cas des infirmières, cela peut
signifier leur superviseur immédiat ou l’infirmière chef.)
iii. Si les superviseurs ne font rien, le dénonciateur devrait ensuite avoir
signalé le problème aux échelons supérieurs de la hiérarchie sans
avoir reçu d’explication satisfaisante. (Là encore, dans le cas des
infirmières, il n’est peut être pas réaliste de s’attendre à ce qu’elles
dénoncent au-delà d’un certain niveau de confort et d’accessibilité
dans la hiérarchie.)
Avoir le droit de parler ne signifie pas nécessairement être tenu de le
faire. Baker (1988) laisse toutefois entendre qu’il peut y avoir une
obligation morale de dénoncer dans les conditions suivantes :
i. Le préjudice réel ou éventuel doit être très grave : plus le préjudice
est grave, plus l’obligation est lourde.
ii. Il faut avoir dénoncé la situation aux échelons supérieurs de la
hiérarchie de la façon décrite.
iii. L’employé doit avoir une bonne raison de croire que la dénonciation
augmentera considérablement la probabilité d’instaurer le
changement souhaité. Il faut habituellement avoir des preuves
documentaires.
La loi peut en outre obliger dans certains cas à dévoiler de l’information
à l’extérieur de l’organisation. Beaucoup de provinces/territoires ont,
par exemple, une loi qui oblige à déclarer la violence faite aux enfants
ou aux adultes vulnérables.
POURQUOI LA DÉNONCIATION
EST-ELLE CONSIDÉRÉE COMME
NÉGATIVE?
Même si les dénonciateurs ont rendu des services publics indispensables,
il y a encore des dangers qu’ils devraient connaître (Bok, 1988). Ces
dangers comprennent l’invasion de la vie privée, la perte de confiance, le
chaos et le soupçon mutuel qui peuvent avoir une incidence sur le
fonctionnement de l’organisation. Les personnes accusées à tort peuvent
y perdre leur travail, leur réputation et leur vie privée. Le pire, c’est le
concept d’un environnement où les initiés sont trop facilement disposés à
dénoncer leurs collègues. Le dénonciateur doit aussi tenir compte des
dangers pour sa personne. Il peut s’attendre à des représailles qui
peuvent varier du harcèlement jusqu’à la perte de l’emploi, en passant
par le fait d’être identifié comme «fauteur de troubles» (Anderson, 1990;
Naphtine, 1993).
Étouffer la dissension peut par ailleurs causer des problèmes. La
détresse et l’outrage moraux qui en découlent peuvent engendrer la
déception professionnelle et pousser des infirmières à quitter la
profession. Kelly (1996) signale des problèmes qui se posent
lorsqu’une personne croît ne pas être à la hauteur de ses propres
valeurs morales, ce qui laisse entendre que le silence habituel face à
des torts perçus entraînera une «dilution permanente des valeurs
déontologiques». La non-déclaration peut aussi avoir des
répercussions devant la loi.
Bok (1988) définit trois éléments qui expliquent les connotations
négatives que beaucoup de personnes attachent à la dénonciation :
dissidence, manquement à la loyauté et accusation.
DISSIDENCE
Comme toute dissidence, la dénonciation révèle une divergence de vues
avec une autorité, mais elle vise précisément à dévoiler un préjudice. Le
dénonciateur veut prévenir la population d’un risque et en désigner le
responsable. Le conflit qui surgit entre le respect du statu quo et
l’obligation de défendre ses croyances est inhérent à toute dissidence.
MANQUEMENT À LA LOYAUTÉ
La question de la loyauté occupe une place importante dans toute
discussion sur la dénonciation. Les infirmières ont pris un engagement
professionnel envers la santé et le mieux-être des clients, mais elles sont
souvent aux prises avec des conflits portant sur ce qu’elles considèrent
comme des loyautés divisées. Elles doivent parfois choisir entre la
loyauté envers leurs clients, envers leurs employeurs et envers d’autres
professionnels de la santé. Comme citoyennes, les infirmières sont liées
par les normes morales et légales d’autres membres de la société et
comme personnes, elles ont le droit de choisir de vivre en fonction de
leurs propres valeurs tant que celles-ci ne compromettent pas le soin de
leurs clients.
En acceptant un emploi, les infirmières assument certaines obligations
envers leurs employeurs et leurs collègues. Le manquement à ces
obligations est considéré comme un manque de loyauté. Des décisions
arbitrales récentes en matière syndicale soulignent l’importance de la
loyauté et rendent très ambiguës les obligations des infirmières :
…des arbitres ont déclaré que des fonctionnaires et, en fait, tous les
employés manquent à leur obligation de loyauté s’ils formulent des
critiques publiques qui nuisent aux intérêts commerciaux légitimes de
leur employeur (Brown et Beatty, 7:3330, 1994).
ACCUSATION
L’élément accusation suscite les réactions les plus vives de l’intérieur de
l’organisation. L’accusation consiste à identifier les personnes fautives,
qu’il s’agisse de collègues ou de supérieurs. Les personnes ainsi
accusées pourraient intenter des poursuites afin d’essayer de couvrir des
lacunes, de jeter le discrédit sur le dénonciateur ou de prendre des
mesures de représailles à son égard.
COMMENT LE CODE DE
DÉONTOLOGIE PEUT-IL AIDER?
Le Code de déontologie des infirmières autorisées (AIIC, 1997) aide
toutes les infirmières à prendre des décisions conformes à l’éthique,
qu’elles œuvrent dans les milieux de la pratique clinique, de l’éducation,
de l’administration ou de la recherche. Cinq valeurs du code sont
particulièrement pertinentes lorsqu’il s’agit pour une infirmière de
décider si elle doit ou non dénoncer :
Santé et mieux-être (en particulier les énoncés 1 et 3)
Dignité (énoncés 1, 5 et 7)
Confidentialité (énoncés 3 et 5)
Responsabilité (énoncés 3, 4, 6, 8 et 9)
Milieux de travail propices à des soins sécuritaires,
compétents et conformes à l’éthique (énoncé 4)
Une autre ressource, Déontologie quotidienne : Le Code mis en pratique
(AIIC, 1998) est un guide pratique qui aide à appliquer les valeurs du
code. Cette publication décrit trois façons de prendre des décisions
conformes à la morale. Utilisons deux de ces méthodes pour analyser
nos deux cas :
LECAS DES INFIRMIÈRES DE
WINNIPEG
Le modèle 1 (AIIC, 1998, p. 50) énumère huit étapes dont il faut tenir
compte dans le processus complexe de prise de décisions conformes à
l’éthique :
1. Reconnaître la dimension morale
Les infirmières de Winnipeg reconnaissent qu’elles ont un problème
d’ordre éthique. Même si elles veulent continuer à travailler et faire tout
leur possible pour leurs petits patients, elles se rendent compte aussi que
le silence ne protégera pas le mieux-être de ces derniers.
2. Qui sont les intéressés? Quels sont leurs liens?
Il peut y avoir beaucoup de relations en jeu dans la décision des
infirmières : relations avec des collègues, (y compris les chirurgiens, les
spécialistes en pédiatrie, les anesthésistes, d’autres infirmières), d’autres
membres du personnel de l’hôpital, les parents et les enfants, la
collectivité desservie par l’hôpital.
3. Quelles sont les valeurs en cause?
Les infirmières pourraient se servir du Code de déontologie des
infirmières autorisées pour définir les valeurs mises en danger. Le code
pourrait les aider à préciser pourquoi elles ressentent une détresse morale.
4. Pondérer les avantages et les inconvénients.
Si les infirmières s’adressent au public, elles peuvent perdre leur emploi.
Si elles demeurent muettes, elles peuvent ressentir à une culpabilité et un
stress insupportables. D’autres enfants pourraient mourir, mais la
divulgation peut entraîner la fermeture du programme, ce qui ferait
perdre des ressources à la province.
5. Rechercher des cas semblables.
De nombreux cas de dénonciation ont causé des préjudices aux
établissements et aux dénonciateurs (Hardingham, 1994). Il y a eu des
changements dans certains cas, mais aucun résultat efficace dans
d’autres. Les infirmières devraient se demander : comment la
dénonciation aidera-t-elle en l’occurrence? Les infirmières sont-elles
prêtes à faire face aux problèmes qu’on connus d’autres dénonciateurs?
6. Discuter avec des proches.
Des discussions avec des collègues, des infirmières cadres et des
associations professionnelles pourraient aider à prendre une décision.
Cette étape cruciale à franchir avant d’envisager la dénonciation pourrait
aider les infirmières en cause à mobiliser davantage d’appuis.
Dans nombre de situations, la façon la plus efficace de modifier un
système qui cause ou peut causer des préjudices consiste à mobiliser le
plus grand nombre de personnes possible. Comme elles ont besoin de
leadership efficace, les infirmières de Winnipeg font appel à la Manitoba
Association of Registered Nurses qui les appuie et les aide.
7. Cette décision est-elle conforme aux règles
imposées par la loi et à celles de l’organisation?
Même si les infirmières réalisent qu’elles enfreindraient les politiques de
l’organisation en dévoilant leurs préoccupations au public ou à des
parents, elles ont aussi une responsabilité professionnelle. Elles doivent
prêter attention aux facteurs institutionnels, sociaux et politiques qui
influent sur la santé et sur les soins de santé (AIIC, 1997, p. 8).
8. Suis-je à l’aise avec cette décision?
Même si les infirmières de Winnipeg veulent faire davantage, elles ne se
sentent pas à l’aise de dénoncer la situation, car elles croient qu’une telle
divulgation pourrait causer d’autres préjudices. Elles continuent
d’exercer des pressions à l’intérieur de l’établissement pour qu’on donne
suite à leurs préoccupations. Comme rien ne bouge, les infirmières se
retrouvent toutefois dans une situation très stressante. Elles se sentent de
plus en plus mal à l’aise et décident de s’adresser à l’extérieur.
LECASDEDAVID
Pour prendre des décisions conformes à l’éthique, David pourrait
envisager de recourir à la méthode du cercle tirée de Déontologie
quotidienne (AIIC, 1998, p. 58) pour décider comment faire face aux
problèmes de sa collègue violente. Il s’agit d’une méthode à trois volets
dont la nature circulaire intègre l’analyse et la prise en considération de
nouveaux renseignements à mesure qu’ils se présentent :
1. Information et identification :
David devrait réunir de l’information sur la situation et définir
exactement son dilemme. David croit qu’il y a de la violence dans son
service, d’autres personnes semblent d’accord avec lui mais ont peur de
parler, et les membres du personnel qui ont beaucoup d’ancienneté ont
un sentiment de loyauté les uns envers les autres. Le dilemme d’ordre
éthique est le suivant : si David divulgue la violence, il sera harcelé
davantage et aura de la difficulté à continuer à travailler dans son
service. S’il ne dit rien, il laissera la violence continuer et l’approuvera
indirectement par son silence.
Si David travaille dans une province où la loi oblige à dénoncer la
violence, son silence sera aussi contraire à la loi.
2. Éclaircissement et évaluation :
Au cours de cette étape, David chercherait à éclaircir son dilemme en
consultant de nombreuses sources d’information et en étudiant peut-être
des principes de déontologie. Déontologie quotidienne (AIIC, 1998)
décrit les principes de déontologie que constitue la bienfaisance
(promouvoir le bien), la non-malfaisance (éviter le mal) et la justice
(équité). La collègue de David ne sait peut-être pas que d’autres jugent
ses actes préjudiciables ou violents et en le lui signalant, on pourrait
peut-être mettre fin au problème. Promouvoir le bien peut obliger à
prendre des mesures pour prévenir toute autre violence. La justice
pourrait consister à assurer un environnement sûr pour tous les patients.
D’autres documents pourraient être utiles, comme le Code de
déontologie des infirmières autorisées, la loi provinciale qui définit les
responsabilités légales de David et les normes d’exercice de la
profession. Des collègues, des associations d’infirmières
professionnelles, des organismes de réglementation ou d’autres
intervenants pourraient avoir des suggestions et offrir leur appui.
3. Action et revue de la situation :
David doit évaluer les résultats de ses actes et changer d’idée, le cas
échéant. Vu qu’on n’a pas donné suite à ses préoccupations après qu’il
s’est adressé à son superviseur, David doit réévaluer la situation.
Comme professionnel, David doit «garantir la qualité des soins
prodigués par les gens de la profession» et «prendre des mesures de
préventions ainsi que des mesures correctives pour protéger les clients
contre des soins qui ne sont pas sécuritaires, compétents ou conformes à
l’éthique» (AIIC, 1997, p. 19), ce qui l’oblige à donner suite aux
incidents qui compromettent les soins des clients et leur sécurité.
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Dans une organisation de soins de santé, un environnement hostile où
règnent le soupçon et le manque de communication risque de mettre en
danger les soins compétents et conformes à l’éthique. Les infirmières
chefs et les administrateurs sont tenus par l’éthique d’établir un climat de
respect mutuel et de solution de problèmes plutôt que de blâme. Il est
plus facile de définir les problèmes et de les régler dans un climat sans
crainte ni accusations qui encourage la dénonciation responsable de
problèmes et de préjudice éventuels.
Le Code de déontologie des infirmières autorisées (1997, p. 26) suggère
des mesures que la supérieure de David aurait pu trouver utiles :
obtenir tous les détails voulus sur la situation et peser les
risques. L’infirmière chef aurait pu s’entretenir en privé avec
d’autres membres du personnel et le patient pour déterminer s’il
y a eu violence.
•vérifier les politiques, directives et procédures en vigueur avant
de signaler un incident ou un cas supposé d’incompétence ou de
manquement à l’éthique. Si la province ou le territoire oblige à
dénoncer la violence, David et sa supérieure sont tous deux
tenus par la loi de le faire.
•chercher à recueillir des renseignements pertinents directement
auprès de la collègue dont le comportement ou le mode
d’exercer est mis en cause. Il se peut que l’infirmière n’ait pas
réalisé que d’autres personnes la trouvent violente.
consulter des collègues, d’autres membres de l’équipe, des
associations professionnelles d’infirmières, des organismes de
réglementation ou d’autres intervenants, qui peuvent formuler
des suggestions et aider. L’infirmière chef aurait pu essayer de
régler le problème aussi directement que possible en faisant
preuve d’ouverture au sujet de ses préoccupations.
faire part aux parties compétentes des préoccupations
auxquelles il n’a pas été donné suite et, lorsque c’est possible,
informer la collègue en question des raisons de l’intervention,
indiquer que l’infirmière chef aurait dû repérer les incidents qui
ont mis en danger le soin et la sécurité du client, les signaler et
y donner suite.
Le Code de déontologie des infirmières autorisées précise que «les
infirmières apportent leur soutien à leurs collègues qui agissent de
bonne foi pour mettre les clients à l’abri d’une incompétence, d’un
comportement non respectueux de l’éthique ou d’un manque de
sécurité…» (AIIC, 1997, 21). Ainsi, les collègues et le chef de David
étaient tenus par l’éthique de l’appuyer dans son objectif qui était
d’améliorer le soin des patients.
Anderson (1990) signale qu’il faut rendre positives les perceptions
négatives qui entachent la dénonciation des préjudices : «Nous devons
savoir que les dénonciateurs dans le domaine infirmier ne sont pas des
ennemis du peuple. Ils sont les défenseurs de nos patients… et les
gardiens de l’excellence professionnelle.» Elle suggère des stratégies
afin d’habiliter et de protéger les infirmières d’aujourd’hui et de demain
et les autres travailleurs de la santé qui peuvent être confrontés à
l’obligation de dénoncer. Ces stratégies comprennent les suivantes :
Exercer auprès des associations professionnelles du secteur des soins
de santé des pressions pour qu’elles mettent en œuvre des lignes
directrices sur la solution des problèmes posés par l’exercice de la
profession.
Établir des réseaux locaux et régionaux de mentors constitués
d’anciens dénonciateurs du secteur infirmier afin de fournir appui,
contacts et conseils aux dénonciateurs de fautes de conduite.
Inclure tous les aspects de la défense des clients, y compris les
dénonciations, dans les programmes de formation infirmière.
Exercer des pressions pour qu’on adopte une loi qui garantit le droit
de dénoncer lorsque c’est dans l’intérêt du public et protège les
dénonciateurs qui agissent conformément aux normes et à l’éthique
de la profession.
Censurer en les dénonçant publiquement les organismes de soins de
santé qui n’appuient pas la conduite professionnelle des infirmières
ou qui laissent les infirmières se livrer à la violence, et établir un
processus visant à sensibiliser les infirmières aux environnements de
travail qui les appuient.
Chercher à inclure des mesures afin de garantir la prestation de soins
sûrs, compétents et conformes à l’éthique dans les conventions
collectives.
Les infirmières voudront peut-être aussi consulter les normes de pratique
infirmière de leur association professionnelle ou organisme de
réglementation pour y trouver des conseils sur la dénonciation.
CONCLUSION :
Il faudrait envisager la dénonciation seulement après avoir essayé tous les
autres moyens de régler le problème. Les dénonciateurs éventuels
devraient épuiser toutes les ressources internes, documenter leurs actes et
avoir une idée claire d’un préjudice grave avant de recourir à la
dénonciation. Ils devraient chercher à obtenir l’appui de collègues et s’en
servir pour clarifier leur intention et la façon de procéder avant d’agir.
Déontologie pratique est publié par la Division des politiques, de la
réglementation et de la recherche de l’Association des infirmières et
infirmiers du Canada (AIIC).
Tous les membres de l’AIIC peuvent obtenir un exemplaire gratuit
de cette publication. Pour renseignements ou pour obtenir d’autres
exemplaires, prière de communiquer avec les Publications de
l’AIIC.
Association des infirmières et infirmiers du Canada
50 Driveway, Ottawa (Ontario)
Canada K2P 1E2
Téléc.: (613) 237-3520
Téléphone : 1-800-450-5206 ou (613) 237-2133
Site web : www.cna-nurses.ca
ISSN 1481-000X
Même si la dénonciation peut avoir des conséquences négatives à la fois
pour l’établissement employeur et pour le dénonciateur, les infirmières
dont la responsabilité d’agir «de façon compatible avec leurs
responsabilités professionnelles et avec les normes de pratique» (AIIC
1997, p. 19). Henry David Thoreau a exprimé très clairement notre
obligation en 1849 :
La seule obligation que j’ai le droit d’assumer, c’est celle de faire
n’importe quand ce que je considère comme le bien. Une corporation n’a
pas de conscience, c’est vrai, mais une corporation constituée d’hommes
[et de femmes] qui en ont une est une corporation qui a une conscience.
(Thoreau, 1970, p. 245).
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Naphtine, R. (1993). Big heroes or little heroes? Australian
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