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FORMATION CONTINUE
LES TENDINOPATHIES…
PASSEZ À L’ACTION !
Les tendinopathies sont des problèmes cliniques fréquents en cabinet, à l’urgence
et au service de consultation sans rendez-vous. Des études récentes sur la physiopathologie
permettent de promouvoir certains traitements, particulièrement les exercices « excentriques ».
Testez vos connaissances en répondant au jeu-questionnaire ci-dessous.
Robert Charron et Mathieu Létourneau
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Le Dr Robert Charron, omnipraticien, exerce à la Clinique médicale de Métabetchouan au Lac-Saint-Jean
et est professeur d’enseignement clinique à l’UMF d’Alma affiliée à l’Université de Sherbrooke.
Le Dr Mathieu Létourneau est résident en médecine familiale au sein de cette même UMF.
VRAI FAUX
1. Le traitement des tendinopathies repose depuis peu sur des données
très probantes. ( (
2. Le recours aux AINS est motivé par l’hypothèse que la tendinite
est causée par l’inflammation. ( (
3. La cause la plus fréquente de tendinopathie est la surutilisation. ( (
4. Le repos temporaire reste le traitement de choix de la tendinopathie
aiguë. ( (
5. Les infiltrations de corticostéroïdes ont parfois un effet bénéfique. ( (
6. Selon les données probantes, certains exercices sont recommandés
malgré la surutilisation. ( (
7. Les exercices pour le traitement des tendinopathies sont trop com-
plexes pour être recommandés en consultation sans rendez-vous. ( (
8. À part les AINS, les corticostéroïdes et les exercices, il existe peu
de traitements. ( (
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1. LE TRAITEMENT DES TENDINOPATHIES
REPOSE DEPUIS PEU SUR DES DONNÉES TRÈS
PROBANTES. FAUX.
Il est intéressant de noter que même si les traitements sont
appliqués depuis des décennies, ils ne sont en général pas
appuyés par des études solides. Ce sont des méta-analyses
réunissant souvent des essais manquant d’homogénéité qui
dictent les conduites actuelles1. Nous n’avons pas trouvé de
consensus. Il y a beaucoup d’opinions d’experts.
Plusieurs petites études reposant sur les modèles physio-
pathologiques nous orientent vers l’utilisation des exercices
excentriques comme base de traitement. La figure1-7 résume
les différentes modalités thérapeutiques selon le stade de la
tendinopathie dans les méta-analyses révisées.
2. LE RECOURS AUX AINS EST MOTIVÉ
PAR L’HYPOTHÈSE QUE LA TENDINITE EST CAUSÉE
PAR L’INFLAMMATION. FAUX.
D’un point de vue histopathologique, la thèse selon laquelle la
tendinite est attribuable uniquement à un processus inflam-
matoire est révolue5. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle
le terme « tendinite » n’est plus approprié. On parle main-
tenant plutôt de tendinopathie, définie comme une perte
fonctionnelle subaiguë douloureuse avec ou sans inflam-
mation associée.
Depuis 2009, Cook et Purdam ont décrit un modèle patho-
logique de la tendinopathie en trois phases8. La première,
la phase réactive, est caractérisée par des cellules inflam-
matoires et des cytokines. Elle est de courte durée et est
versible. La deuxième, la phase de régénération, est asso-
ciée à une réabsorption des tissus lésés. Elle est réversible
en partie si elle est bien traitée. Le troisième, la phase dégé-
nérative, appelée tendinose, est l’installation d’un processus
de dégénérescence, qui va se solder par une désorganisation
du collagène. C’est à ce stade que peut survenir la rupture
du tendon.
Les anti-inflammatoires agissent sur la phase réactive seule-
ment. Les résultats montrent une efficacité à brève échéance
contre la douleur (de sept à dix jours environ) plutôt que sur
la guérison3. Dans la phase de tendinose, ils ne se sont pas
vélés utiles. Il est donc conseillé de s’en servir pour l’anal-
gésie. La forme topique entraîne une réduction d’au moins
50 % de la douleur3.
3. LA CAUSE LA PLUS FRÉQUENTE DE
TENDINOPATHIE EST LA SURUTILISATION. VRAI.
Quand on diagnostique une tendinopathie, il est important
de vérifier si elle est en phase aiguë ou chronique et d’en
repérer l’origine si possible7. Les traitements seront choisis
en fonction de leur efficacité en phase aiguë ou chronique.
TABLEAU I CAUSES FRÉQUENTES
DE TENDINOPATHIE9
Causes intrinsèques
h Âge
h Sexe
h Laxité ligamentaire
h Faiblesse musculaire
h Facteurs psychologiques
h Anomalie anatomique (genu valgum)
Causes extrinsèques
h Surutilisation (la plus fréquente)
h Équipement inadéquat (souliers, appareils, etc.)
h Erreurs d’entraînement
Intensité, volume, charge trop forte
Progression trop rapide
Périodes de repos inadéquates
FIGURE TYPES DE TRAITEMENT SELON LE MODÈLE PATHOLOGIQUE DE LA TENDINOPATHIE1-7
* POLICE : protection, charge optimale (optimal loading), glace (ice), compression, élévation. † AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens
Phase dégénérative (tendinose)Phase de régénérationPhase réactive
Douleur chroniqueDouleur aiguë
Injections
sclérosantes
Plasma riche
en plaquettes
CorticostéroïdesPOLICE*
Intervention chirurgicaleOndes pulséesAINS
Exercices excentriques
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Le Médecin du Québec, volume 51, numéro 8, août 2016
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Les principales causes sont décrites dans le tableau I9. Les
causes intrinsèques sont en général difficiles, voire impos-
sibles à éliminer. Par contre, les causes extrinsèques peuvent
être corrigées. Il est donc important de les réévaluer, en par-
ticulier la surutilisation.
4. LE REPOS TEMPORAIRE RESTE LE TRAITEMENT
DE CHOIX DE LA TENDINOPATHIE AIGUË. FAUX.
À la fin de 2011, l’équipe de Bleakley, en Angleterre, a recom-
mandé de remplacer le protocole GREC (Glace, Repos,
Élévation, Compression) par l’acronyme POLICE soit Pro-
tection, Charge optimale (Optimal Loading), Glace (Ice),
Compression et Élévation10. Protection et charge optimale
signifient qu’il faut équilibrer le repos et la charge mécanique
en période de réadaptation afin de favoriser une phase de
cicatrisation plus efficace. Par contre, il existe aussi des don-
nées probantes sur le protocole POLICE dans la phase aiguë
de la tendinopathie, soit pendant les premières semaines.
Ce protocole agit sur les éléments inflammatoires du début,
tout en combinant l’exercice contrôlé utilisant la réponse
cellulaire après charge mécanique (mécanotransduction)
que nous verrons à la question 6.
5. LES INFILTRATIONS DE CORTICOSTÉROÏDES
ONT PARFOIS UN EFFET BÉNÉFIQUE. VRAI.
Les corticostéroïdes sont prescrits depuis 1950, année de leur
découverte. Leur effet anti-inflammatoire était alors consi-
déré comme un élément de la guérison de la tendinopathie.
Les méta-analyses les plus récentes ne soutiennent toutefois
pas cette hypothèse4. Si, à court terme (six semaines), ils ont
un effet bénéfique sur le processus de guérison, à moyen
(de six semaines à six mois) et à long terme (plus de six
mois), ils sont nuisibles, accentuant l’apoptose et la mauvaise
fabrication du collagène. Ce n’est toutefois pas le cas dans la
ténosynovite et les arthropathies1. Leurs effets indésirables
sont l’atrophie et parfois la rupture du tendon ainsi que la
dépigmentation de la peau4.
6. SELON LES DONNÉES PROBANTES,
CERTAINS EXERCICES SONT RECOMMANDÉS
MALGRÉ LA SURUTILISATION. VRAI.
Selon les principes de physiopathologie décrits plus tôt, on
comprendra les bases théoriques des régimes reposant sur
les mouvements excentriques. Les exercices excentriques
sont constitués de mouvements où l’énergie sert à maîtri-
ser l’élongation d’un tendon, contrairement aux exercices
concentriques qui contractent le muscle et aux exercices
isométriques qui sont faits contre résistance et dans les quels
l’unité musculaire garde la même longueur. Par exemple, la
flexion du biceps pour lever un poids est un exercice concen-
trique alors que l’extension du bras après la flexion du biceps,
si elle est faite graduellement, est un exercice excentrique9.
Il faudra préciser au patient qu’il doit s’aider de son côté
sain pour reprendre la position de départ dans les exer-
cices ex centriques que nous décrirons. Pour empêcher la
surve nue de microtraumas, le patient évitera les exercices
isométriques ou concentriques9.
Les exercices excentriques visent à renverser les effets de la
phase dégénérative, ce qui est toutefois plus facile lorsqu’elle
en est encore à ses débuts. L’objectif est la création de liens
enchevêtrés entre les fibres de collagène désorganisées. Il
faut accroître la force de manière à réduire la quantité d’éner-
gie demandée à l’unité musculaire blessée, ce qui favorise
la réparation. Selon le mécanisme de mécanotransduction,
plus la force créée est élevée, plus les messagers cellulaires
produits sont nombreux, et plus la formation de liens enche-
vêtrés augmente9.
Les données probantes sur les exercices excentriques
datent des années 1980. À ce jour, c’est toujours le protocole
d’Alfredsson (tableau II9,11.12) pour le traitement de la tendi-
nopathie calcanéenne qui fait école11. Dans ce protocole, la
prescription d’exercice suit trois principes qui permettent d’at-
teindre cet objectif. Les étirements avant l’exercice réduisent
la résistance sur le tendon pendant le mouvement. Quand
on augmente la charge appliquée sur le tendon et la vitesse,
la force développée par le tendon s’accroît.
Le protocole d’Alfredsson a entraîné une diminution de la
douleur chez 90 % des patients qui en éprouvaient une dans
la partie moyenne du tendon. Seuls 30 % des patients souf-
frant d’une tendinopathie d’insertion constataient une
atténuation de la douleur11. Ce protocole a été le premier à
limiter les exercices concentriques et à favoriser les exer-
cices excentriques. Notons que toutes les études que nous
avons répertoriées, y compris celle d’Alfredsson, étaient des
essais à répartition aléatoire sans insu regroupant de dix à
vingt patients (quinze dans le cas du protocole d’Alfredsson).
TABLEAU II RÉSUMÉ DU PROTOCOLE
D’ALFREDSSON9,11,12
Protocole d’Alfredsson
Nombre de mouvements 3 séries de 15 répétitions
Fréquence 2 f.p.j.
Durée De 6 à 12 semaines
Objectif de la charge Douleur minimale (max. 5/10)
lors de la dernière série
Vitesse Lente (environ 5 secondes
par répétition)
Excentricité
(à rechercher)
Contrôle de l’élongation
d’un tendon
Concentricité (à éviter) Contraction de l’unité musculaire
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7. LES EXERCICES
POUR LE TRAITEMENT DES
TENDINOPATHIES SONT
TROP COMPLEXES POUR
ÊTRE RECOMMANDÉS
EN CONSULTATION SANS
RENDEZ-VOUS. FAUX.
Il suffit d’expliquer au patient un ou deux
mouvements simples qu’il pourra faci-
lement reproduire à la maison, puis de
le diriger vers un physiothérapeute qui
pourra compléter le programme et cor-
riger les exercices qui seraient mal faits.
Les programmes d’exercices faits à la
maison se sont révélés efficaces12. Nous
donnerons ici des exercices in diqués
dans le traitement de la tendi no pathie
calcanéenne (puisque c’est la plus étu-
diée) et de la coiffe des rotateurs, si
fré quente. À noter que des proto coles
similaires existent pour plusieurs au tres
tendino pathies courantes.
On prescrira un étirement excentrique
du tendon calcanéen, qui peut être fait
au sol ou sur une petite marche. Il faut
insister pour que le patient prenne
appui sur sa jambe saine pour faire la
portion concentrique, c’est-à-dire se
lever sur la pointe des pieds (photo 1).
Le patient ralentit ensuite sa descente
vers la position neutre (photos 2 et 3)
et recommence. Une fois le patient
ca pable de faire le mouvement sans
douleur, il augmentera la charge pro-
gressivement. D’abord, le médecin
suggérera une flexion du genou à 458.
L’étape suivante sera d’ajouter du poids
dans un sac à dos. Comme pour les
autres mouvements, l’objectif est de le
faire avec une douleur minime, moindre
que pendant l’activité causale11.
Pour la tendinopathie de la coiffe des
rotateurs, on utilisera l’exercice de la
« canette pleine » (en anglais full can,
c’est-à-dire avec le pouce vers le haut
comme si on tenait une canette pleine
de liquide). Pour atteindre la position de
départ, le patient place le bras en flexion
latérale à 608 de la ligne médiane et
fait une abduction à 908 (photo 4). La
portion active et excentrique se fait en
redescendant le bras jusqu’au corps
(photo 5). Pour mettre l’accent sur le
côté excentrique, le bras sain occa-
sionne l’abduction grâce à un système
de poulie13. Une autre solution est d’uti-
liser un élastique d’entraînement fixé,
par exemple, à une poutre. La position
de départ ne devrait pas provoquer de
douleur. Autrement, il faut conseiller le
patient pour corriger l’angle du bras afin
de le replacer dans l’angle de la sca-
pula14. Pour remplacer la poulie, on peut
mettre une cale sur la partie supérieure
d’une porte, qui servira de support à la
EXERCICE POUR LA TENDINOPATHIE CALCANÉENNE. ICI, LA JAMBE BLESSÉE EST LA GAUCHE.
Photo 1. Le patient atteint la position de départ en
se levant sur la pointe des pieds avec la jambe saine
(droite). Partie concentrique du mouvement.
Dr Robert Charron. Reproduction autorisée.
Photo 2. Position de départ. Le patient transfère en-
suite son poids sur la jambe gauche blessée.
Photo 3. Partie excentrique du mouvement. Le pa-
tient ralentit sa descente sur la jambe blessée. Une
charge dans un sac à dos peut être ajoutée lorsque
l’exercice est fait sans douleur.
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Le Médecin du Québec, volume 51, numéro 8, août 2016
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corde. Il est important de noter que les
exercices proposés visent le tendon du
supra-épineux, le plus souvent lésé.
C’est pourquoi ils pourront être utiles
en attendant un programme de physio-
thérapie complet. Ces exercices ont été
étudiés en addition à un programme de
physiothérapie traditionnel comprenant
les exercices mentionnés dans le para-
graphe suivant.
Dans la phase aiguë, la douleur peut
empêcher le patient de faire les exercices
excentriques. Au besoin, on com mencera
par des étirements visant à rétablir toute
l’amplitude des mouvements. L’exercice
du pendule, les étirements en rotation
interne et externe et en abduction/
adduction ainsi que l’étirement du bi ceps
et du triceps permettront d’atteindre cet
objectif, tout en réduisant l’inflamma-
tion initiale. Au suivi, on pourra vérifier
l’alignement de l’articulation scapulohu-
mérale. Dès que la douleur diminue, les
exercices excentriques seront intégrés.
Il faut noter qu’une amplitude articulaire
ou une excursion scapulothoracique
trop altérée limiteront l’efficacité des
exercices excentriques15, ce qui peut
être corrigé par un physiothérapeute
qui portera attention à toute la chaîne
biomécanique
8. À PART LES AINS,
LES CORTICOSTÉROÏDES
ET LES EXERCICES, IL EXISTE
PEU DE TRAITEMENTS. FAUX.
Actuellement, il existe huit traitements,
dont certains en milieu spécialisé.
Nous en avons déjà décrit quatre, dont
les exercices excentriques. Voici les
quatre autres :
1. LES INJECTIONS DE PLASMA
RICHE EN PLAQUETTES
Il s’agit de centrifuger du sang au tologue
complet et de retenir le surnageant
riche en plaquettes (de 2,5 à 10 fois la
concentration du sang), qui contient de
multiples facteurs de croissance. Ces
derniers activent la néovascula risation
qui active à son tour le processus de
guérison. Ce phénomène repose sur
l’hypothèse que la chronicité est en
partie due à une mauvaise vasculari-
sation. Le surnageant doit être injecté
sous échoguidage. Cette technique
est employée principalement par les
orthopédistes. Les effets indésirables
possibles sont l’allergie, l’infection et
la douleur (contrecarrée par l’ajout
de lidocaïne).
Les résultats sont quand même béné-
fiques : diminution de la douleur dans 86 %
des tendons infiltrés (les plus étudiés :
patellaires et calcanéens) et améliora-
tion de la qualité du tendon visible à
l’échographie5. Tous semblent s’en-
tendre sur le fait que cette technique ne
devrait être proposée qu’après l’échec
des autres traitements et avant l’inter-
vention chirurgicale.
2. LA THÉRAPIE PAR ONDES PULSÉES
La thérapie par ondes pulsées se sert
des ondes de choc utilisées en phy sio-
thé rapie. L’appareil émet des im pul sions
de 5 mPa à 120 mPa pendant 10 µsec,
suivies d’une phase négative de
220 mPa. Les ondes pulsées électro-
magnétiques font partie de la même
famille. Elles sont de basse fréquence
dans ce spectre, non ionisantes et non
thermiques. Les deux types d’ondes
provoquent une compression des tissus
qui entraîne une perturbation méca-
nique et la formation de radicaux libres.
Les traitements durent de 28 à 30 jours
selon les protocoles établis et n’ont pas
d’effets indésirables connus.
EXERCICE POUR LA TENDINOPATHIE DE LA COIFFE DES ROTATEURS.
Photo 4. Le patient amène le bras blessé (droit) en
le soulevant pour atteindre une abduction à 90o et
une exion externe à 60o.
Dr Robert Charron. Reproduction autorisée.
Photo 5. Partie excentrique du mouvement. Le pa-
tient ralentit la descente du bras blessé jusqu’à ce
qu’il l’ait ramené le long du corps.
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