Le Praticien en anesthésie réanimation (2015) 19, 298—303 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MISE AU POINT Comment ventiler le patient obèse en préet postopératoire ? How to ventilate the obese patient before and after surgery? Audrey De Jong a, Marion Monnin a, Pierre Trinh Duc a, Martin Mahul a, Emmanuel Futier b, Samir Jaber a,∗ a Département anesthésie et réanimation B (DAR B), hôpital St.-Éloi, CHU de Montpellier, 80, avenue Augustin-Fliche, 34295 Montpellier cedex, France b Département anesthésie et réanimation, hôpital Estaing, CHU de Clermont-Ferrand, 63100 Clermont-Ferrand, France Audrey De Jong Disponible sur Internet le 12 novembre 2015 MOTS CLÉS Obésité ; Obèse ; Ventilation ; Périopératoire ; Préopératoire ; Postopératoire ; Atélectasie ; Ventilation non invasive ∗ Résumé L’augmentation de la prévalence de l’obésité amène à prendre en charge des patients obèses de façon quotidienne pour tous types d’actes chirurgicaux, qui nécessitent une prise en charge périopératoire spécifique. Le patient obèse présente des particularités respiratoires, avec notamment une augmentation du travail respiratoire au repos et une capacité résiduelle fonctionnelle diminuée favorisant la formation d’atélectasies. Le syndrome d’apnées du sommeil est très fréquent chez le patient obèse, nécessitant dans certaines indications une ventilation nocturne préopératoire en pression positive continue. Dans cette population, la ventilation protectrice positive périopératoire doit être appliquée, peut-être plus encore que dans la population générale. Une longue préoxygénation en pression positive et en position semiassise suivie de manœuvres de recrutement après l’intubation permet de diminuer le risque d’hypoxémie et de formation peropératoire d’atélectasies. Le recours préventif à la ventilation non invasive ou pression positive continue postopératoire doit être le plus fréquent possible après extubation, a fortiori si le patient présente un syndrome d’apnées du sommeil. En cas de syndrome détresse respiratoire aiguë, le décubitus ventral est chez le patient obèse, une thérapeutique sûre et efficace. L’optimisation de la ventilation peut ainsi permettre de diminuer les complications respiratoires postopératoires. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Jaber). http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.10.003 1279-7960/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Comment ventiler le patient obèse en pré- et postopératoire ? KEYWORDS Obesity; Obese; Ventilation; Perioperative; Preoperative; Postoperative; Atelectasis; Non invasive ventilation 299 Summary Because of the increasing prevalence of obesity surgical procedures specific or not, are more commonly performed in obese patients. The obese patient has respiratory specificities, with a decreased residual functional capacity leading to an increased risk of atelectasis, and an increased work of breathing at rest. Obesity is also commonly associated with an obstructive sleep apnea syndrome requiring continuous pressure positive ventilation by night. Perioperative positive pressure ventilation (‘‘POP’’ ventilation) should be applied in all obese patients. A long period of preoxygenation with positive pressure, in a semi-upright position, followed by recruitment maneuvers after the intubation, allows decreasing the occurrence of hypoxemia and atelectasis development in the perioperative period. Postoperatively, preventive non-invasive ventilation should be used extensively after extubation, especially if the patient has an obstructive apnea syndrome. Eventually, if an acute respiratory distress syndrome occurs, prone position is a safe and effective therapy. Optimization of the pre and postoperative ventilation settings in the obese patient could allow decreasing the postoperative pulmonary complications rate. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction L’obésité, définie par un index de masse corporelle (IMC) ≥ 30 kg/m2 , est un problème de santé publique en Europe. Les données les plus récentes, issues des études épidémiologiques nationales laissent à penser que la prévalence de l’obésité dans les pays européens se situe actuellement entre 10 et 20 % chez l’homme et entre 10 et 25 % chez la femme. Des patients obèses sont donc pris en charge quotidiennement pour tous types d’actes chirurgicaux. La pratique de plus en plus fréquente de la chirurgie bariatrique a mis en lumière la prise en charge périopératoire du patient obèse « morbide » (IMC ≥ 40 kg/m2 ) et « superobèse » (IMC ≥ 50 kg/m2 ). Les chirurgies plastique, visant à corriger le préjudice fonctionnel et esthétique du à la surcharge graisseuse ou après la perte de poids, et carcinologique, qui tient une place importante étant donné l’incidence élevée de certains cancers chez l’obèse, se sont également développées. Les patients obèses peuvent, au même titre que le reste de la population, subir tout autre type de chirurgie allant de la chirurgie pédiatrique au pontage aorto-coronaire sous circulation extracorporelle sans oublier les interventions en urgence, sources de surmorbidité et surmortalité périopératoire. Les patients obèses sont exposés à un risque accru de complications respiratoires, parmi lesquelles le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) [1]. L’augmentation de la pression intraabdominale chez l’obèse est responsable de modifications de la mécanique respiratoire et d’une réduction prononcée des volumes pulmonaires, particulièrement de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF), qui prédispose ces patients à la formation d’atélectasies. De plus, ils présentent souvent des comorbidités à type de broncho-pneumopathie chronique obstructive, syndrome d’apnées du sommeil (SAS) ou syndrome d’hypoventilation alvéolaire (syndrome obésité hypoventilation). La ventilation pré- et postopératoire chez ces patients représente un réel défi pour l’équipe médico-chirurgicale et particulièrement l’anesthésiste-réanimateur, en tant que « médecin du périopératoire ». Les objectifs de cet article sont de proposer les modalités d’une optimisation de la ventilation préopératoire et postopératoire du patient obèse afin de diminuer les complications respiratoires postopératoires. Particularités physiopathologiques du patient obèse La formation d’atélectasie en périopératoire est une des causes majeures d’hypoxémie peropératoire et postopératoire. Elle contribue à l’augmentation du shunt intrapulmonaire (Tableau 1). Les atélectasies sont non seulement plus fréquentes chez le patient obèse pendant la période opératoire, mais elles persistent en postopératoire alors qu’elles disparaissent complètement chez les sujets non obèses. Ce phénomène est probablement multifactoriel : la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) du patient obèse est réduite et cette réduction est aggravée par le décubitus dorsal et l’anesthésie générale suivie de la ventilation mécanique. Même en dehors de toute anesthésie, l’oxygénation diminue avec l’augmentation de la masse corporelle. La consommation d’oxygène et le travail respiratoire sont en effet augmentés chez les patients obèses. Au repos, les patients obèses présentent une consommation d’oxygène 1,5 fois plus élevée que les patients non obèses. Si on considère que les muscles respiratoires contribuent pour moins de 3 % à la consommation d’oxygène de l’organisme, cette contribution serait supérieure à 15 % chez des sujets présentant une obésité morbide (IMC ≥ 40 kg/m2 ). En effet, les muscles respiratoires doivent effectuer un travail pour générer un débit inspiratoire à chaque cycle respiratoire, travail influencé par les variations de ventilation mais aussi 300 Tableau 1 Particularités physiopathologiques respiratoires du patient obèse. Volume pulmonaire Atélectasie dans les aires pulmonaires dépendantes de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) pression intra-abdominale Déplacement céphalique du diaphragme compliance pulmonaire et thoracique Voies aériennes des résistances du travail respiratoire Contrôle ventilatoire de la réponse ventilatoire à l’hypercapnie et à l’hypoxie en cas de syndrome obésité-hypoventilation Circulation pulmonaire Hypertension artérielle pulmonaire post-capillaire si dysfonction cardiaque associée, pré-capillaire si prise de toxiques (anorexigènes) Échanges gazeux sanguins de la consommation en oxygène Comorbidités Syndromes d’apnées du sommeil Syndrome obésité hypoventilation par les propriétés élastiques et résistives du système respiratoire, qui sont modifiées chez le patient obèse. Ainsi, l’étude de Pelosi et al. [2] comparant en période postopératoire 10 sujets obèses et 10 sujets non obèses, sédatés et curarisés, a montré que les obèses avaient une compliance pulmonaire et thoracique diminuée, des résistances des voies aériennes augmentées, une CRF diminuée, un travail respiratoire augmenté et une oxygénation diminuée, par rapport aux patients non obèses. Il est particulièrement important chez le patient obèse de différencier la pression transpulmonaire (différence entre la pression alvéolaire et la pression pleurale) de la pression transthoracique (différence entre la pression pleurale et la pression atmosphérique). En effet, c’est la pression transpulmonaire qui détermine les lésions des voies aériennes induites par la ventilation. Des pressions de ventilation élevées peuvent donc être le reflet d’une pression transthoracique élevée (due à la compression de la cage thoracique par l’abdomen), alors que la pression transpulmonaire est normale. Enfin, l’obésité est souvent associée à des comorbidités telles qu’un syndrome d’apnées du sommeil (SAS) ou un syndrome d’obésité hypoventilation (obésité morbide associée à une hypercapnie sans autre cause retrouvée). L’obésité représente un facteur de risque majeur du SAS (30 à 70 % des sujets ayant un SAS sont obèses). Les malformations maxillo-faciales, la macroglossie, certaines maladies neuromusculaires et endocriniennes sont également des facteurs de risque, comme la réduction de la surface des voies aériennes supérieures. Le nombre de SAS dépistés ne cesse d’augmenter en raison de l’information diffusée auprès des médecins généralistes et de la population ainsi que du développement de moyens simples de dépistage. Le SAS est associé à une morbidité cardiovasculaire et neuropsychique importante, à la survenue d’hypertension A. De Jong et al. artérielle, d’ischémie myocardique, d’accidents vasculaires cérébraux, d’accidents de la voie publique, ou d’un état dépressif. Des complications périopératoires directement liées au SAS sont possibles : difficulté de gestion des voies aériennes supérieures, ventilation au masque difficile voire impossible et intubation difficile, obstruction postopératoire des voies aériennes supérieures. Ventilation en préopératoire Dépistage et traitement du syndrome d’apnées du sommeil (SAS) En chirurgie programmée, certains patients se présentent avec une évaluation préalablement réalisée soit au cours d’un suivi régulier par un médecin traitant, soit dans le cadre de la préparation avant une chirurgie bariatrique. Une étude américaine menée auprès de 193 patients obèses morbides en préopératoire a révélé que les comorbidités (hypertension artérielle, SAS ou diabète) étaient toutes préalablement dépistées et traitées dans cette population. Les auteurs concluaient alors que des investigations supplémentaires à visée de dépistage de ces comorbidités n’étaient pas nécessaires en préopératoire. Cependant, ces résultats ne semblent pas totalement extrapolables à la population européenne, et le dépistage des comorbidités liées à l’obésité reste d’autant plus important que leur diagnostic et traitement en préopératoire permettent de ne pas augmenter le risque périopératoire, par rapport à des patients obèses ne présentant pas ces comorbidités. Une proportion non négligeable de la population obèse souffre de SAS, et l’obésité est le cofacteur qui contribue le plus à la sévérité de ce syndrome. La Société américaine d’anesthésiologie (ASA) a publiée des recommandations pour la prise en charge périopératoire des patients souffrant de SAS mais a reconnu l’insuffisance de la littérature corrélant ce syndrome aux complications postopératoires [3]. Chez ces patients présentant un SAS, une pression positive continue (PPC) nocturne pourra être instaurée avant l’opération, selon les recommandations de l’HAS publiées en 2014, sur « l’évaluation clinique et économique des dispositifs médicaux et prestations associées pour la prise en charge du syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil ». S’il est établi qu’il faut traiter par PPC les patients ayant un SAS caractérisé par un index d’apnées hypopnées (IAH) > 30 événements obstructifs par heure, la question reste entière pour les valeurs d’IAH inférieures. Pour ces valeurs, les données cliniques sont limitées et les recommandations de prise en charge ne sont pas unanimes. L’évaluation médico-économique a apporté un éclairage complémentaire à l’évaluation clinique. Il est suggéré que, parmi les patients ayant un SAS avec un IAH < 30, ceux qui ont une comorbidité cardiovasculaire grave (hypertension artérielle réfractaire, fibrillation auriculaire récidivante, insuffisance ventriculaire gauche sévère ou maladie coronaire mal contrôlée, antécédent d’accident vasculaire cérébral) et un IAH entre 15 et 30 avec au moins 10 micro-éveils par heure avec une augmentation documentée de l’effort respiratoire sont susceptibles de bénéficier du traitement par PPC. La PPC est proposée en première intention car elle est plus efficace sur la Comment ventiler le patient obèse en pré- et postopératoire ? réduction de l’IAH que les orthèses d’avancée mandibulaire (OAM). Un traitement peut être également proposé aux patients ayant un SAS avec un IAH < 30 sans comorbidité cardiovasculaire grave associée, pour améliorer les symptômes comme la somnolence diurne. Chez ces patients, les OAM sont recommandées en première intention plutôt que la PPC. Modalités de préoxygénation Au bloc opératoire comme en réanimation, en raison d’une réduction du temps d’apnée non hypoxique (c’est-à-dire la durée d’apnée suivant l’induction anesthésique pendant laquelle le patient ne présente pas de désaturation en oxygène), la préoxygénation en ventilation spontanée au masque facial ne permet pas d’éviter une désaturation rapide après induction malgré l’utilisation d’une fraction inspirée en oxygène (FiO2 ) élevée. La désaturation pendant l’intubation survient en 3 minutes en moyenne, parfois en moins d’une minute en cas d’obésité très sévère. Le volume pulmonaire de fin d’expiration est ainsi réduit de 69 % par rapport à la valeur de repos après induction anesthésique en position de décubitus dorsal. La principale cause de cette désaturation rapide est la réduction de la CRF. L’application d’une pression expiratoire positive (PEP) de 10 cmH2 O pendant la préoxygénation permet donc de réduire efficacement la surface des atélectasies, d’améliorer l’oxygénation, et d’augmenter le temps d’apnée sans hypoxie d’une minute en moyenne [4]. Un travail de notre groupe a récemment montré qu’une préoxygénation de 5 minutes en ventilation non invasive (VNI), associant une aide inspiratoire (AI) et une PEP, permettait l’obtention plus rapide d’une fraction expirée en oxygène > 90 %, sans retarder la désaturation en apnée après induction [5]. Dans un second travail, l’utilisation de la VNI permettait de limiter la diminution de volume pulmonaire et d’améliorer l’oxygénation par rapport à une préoxygénation conventionnelle au masque facial [6]. L’utilisation de la VNI en position proclive semble permettre d’un point de vue physiopathologique de limiter d’autant plus la baisse de la CRF par rapport à la position déclive. Les atélectasies (au scanner thoracique) sont ainsi diminuées après une préoxygénation en pression positive, pression positive maintenue pendant la ventilation au masque et l’intubation. L’oxygénothérapie nasale à haut débit semble également intéressante pour la préoxygénation des patients obèses au bloc opératoire. Une étude récente comparant oxygénothérapie par masque facial standard, PPC ou oxygénothérapie nasale à haut débit chez 33 patients, a montré que les niveaux médians de pression artérielle en oxygène (PaO2 ) à 1 et 3 minutes étaient comparables dans les 3 groupes. Le niveau de PaO2 était légèrement augmenté dans le groupe « oxygénothérapie nasale à haut débit », sans atteindre de différence significative [7]. Il faut souligner que les niveaux de PEP utilisés tout au long de la prise en charge périopératoire permettent de 301 s’opposer à la fermeture des alvéoles, due à la baisse de la CRF, mais ne permettent pas d’ouvrir les alvéoles une fois que celles ci sont collabées. Il est donc préférable d’appliquer sans attendre dès le début de la ventilation mécanique juste après l’intubation une PEP d’environ 10 cmH2 O associée à un volume courant de 6 à 8 mL/kg de poids idéal théorique (PIT), afin d’éviter le collapsus alévéolaire [6]. Des manœuvres de recrutement suivant l’intubation peuvent être réalisées afin de « ré-ouvrir » les alvéoles collabées [6]. Il faut néanmoins rester prudent et toujours évaluer les effets hémodynamiques d’une PEP élevée : risque de diminution de l’oxygénation artérielle en raison d’un retentissement sur le débit cardiaque et d’une hypotension par gêne au retour veineux. Ventilation en postopératoire L’application prophylactique d’une VNI après extubation diminue le risque d’insuffisance respiratoire aiguë de 16 % et la durée de séjour. De plus, chez les patients obèses hypercapniques, l’application d’une VNI post-extubation est associée à une diminution de la mortalité. Un essai randomisé contrôlé réalisé chez des patients obèses morbides, après chirurgie bariatrique par cœlioscopie, a montré une amélioration de la fonction ventilatoire après mise en route immédiate d’une PPC après l’extubation vs l’instauration plus tardive de PPC postopératoire (30 minutes après l’extubation) [8]. La VNI peut aussi être appliquée lors d’une insuffisance respiratoire aiguë pour éviter l’intubation. Elle est souvent indiquée en premier lieu lors d’une insuffisance respiratoire aiguë chez l’obèse. Chez les patients obèses en hypercapnie, il faut utiliser de plus hauts niveaux de PEP pendant plus longtemps pour réduire l’hypercapnie en dessous de 50 mmHg. La VNI est aussi efficace chez les patients présentant un syndrome obésité hypoventilation alvéolaire que chez les patients BPCO, lors d’une insuffisance respiratoire aiguë hypercapnique. Chez les patients avec SAS sévère connu, la ventilation à type de PPC établie en préopératoire doit être poursuivie en postopératoire. Les facteurs de risque de dépression respiratoire postopératoire incluent la sévérité sous-jacente du SAS, l’administration systémique d’opioïdes, l’utilisation de sédatifs, le site et le caractère invasif de la procédure chirurgicale et la survenue d’apnée pendant le sommeil paradoxal au 3e ou 4e jour postopératoire, lorsque les paramètres de sommeil sont rétablis. Les interventions postopératoires susceptibles de diminuer le risque de dépression respiratoire postopératoire sont l’analgésie postopératoire multimodale avec épargne morphinique, l’oxygénation par PPC, le positionnement du patient et le monitorage. Un apport supplémentaire en oxygène devrait être effectué de façon continue à tous les patients à risque périopératoire augmenté du fait de leur SAS jusqu’à ce qu’ils soient capables de maintenir leur saturation en oxygène de base en air ambiant. La PPC ou la VNI doivent être poursuivies chez les patients qui l’utilisaient en préopératoire. La PPC doit être reprise dès l’arrivée en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI) [9]. La compliance à la PPC ou à la VNI est meilleure si les patients utilisent leur propre équipement à l’hôpital. Le décubitus dorsal doit être évité, 302 si possible, chez les patients ayant un SAS à risque qui doivent être placés en position semi-assise. La saturation en oxygène doit être monitorée après la sortie de la salle de réveil, en unité de soins continus. Ce monitorage doit être maintenu aussi longtemps que le patient présente un risque accru de complications. En cas d’hypoxémies fréquentes et/ou sévères, l’initiation de séances de PPC ou de VNI doit être envisagée. Ainsi, le recours à la VNI associant l’AI et la PEP et/ou la PPC seule doit être large dans la période postopératoire, afin de réduire au maximum l’aggravation des atélectasies et la longue période de dépendance à l’oxygène réduisant ainsi le séjour du patient dans l’unité de soins post-chirurgicale et la durée totale d’hospitalisation [9]. L’oxygénothérapie à haut débit par Optiflow® n’a jamais été étudiée chez le patient obèse mais pourrait être envisagée afin de maintenir un faible niveau de pression positive tout au long de la phase postopératoire. L’oxygénothérapie à haut débit par Optiflow® permet de délivrer en continu grâce à des lunettes nasales de l’oxygène réchauffé et humidifié, avec une FiO2 maîtrisée et ajustable. Les débits peuvent atteindre 60 L/min avec une FiO2 à 100 % [10]. Un niveau modéré de pression positive a été mesuré avec ce dispositif [10], lorsque le patient respire la bouche fermée. La kinésithérapie respiratoire et l’éducation du patient à la réalisation d’exercices à type de spirométrie incitative ou respiration à grands volumes permettent également de limiter la réduction du volume pulmonaire induite par la chirurgie. En cas de survenue d’un SDRA, le décubitus ventral peut être réalisé chez les patients obèses. Il permet une amélioration du rapport PaO2 /FiO2 supérieure à celle du patient non obèse, sans être associé à plus de complications [1]. Il semble donc être une thérapeutique à la fois sûre et efficace chez le patient obèse en SDRA [1]. Conclusion Les patients obèses devant être opérés sont à risque de complications respiratoires, essentiellement du fait de leur prédisposition aux atélectasies. Pour lutter contre ces atélectasies et les complications respiratoires en général, la ventilation pré- et postopératoire est essentielle, notamment en cas de SAS associé. Le concept de « ventilation positive protectrice périopératoire » a ainsi été introduit ces dernières années La poursuite d’une ventilation par PPC déjà existante est fondamentale avant et après la chirurgie chez les patients qui en bénéficient. Chez les autres, la nécessité de l’instauration d’une ventilation par PPC doit être soulevée tout au long de la prise en charge périopératoire. Dans tous les cas chez le patient obèse, une longue préoxygénation, en position semi-assise, doit être pratiquée, éventuellement par VNI. En cas de survenue d’un SDRA, le décubitus ventral pourra être utilisé sans risque et améliorer l’oxygénation de façon plus importante que chez le patient non obèse. Ces mesures permettraient de s’opposer aux modifications respiratoires délétères induites par l’obésité et les pathologies associées et ainsi diminuer la survenue de complications respiratoires périopératoires. A. De Jong et al. Points essentiels • Les patients obèses présentent un risque augmenté d’atélectasies en peropératoire et postopératoire de par leur capacité résiduelle fonctionnelle réduite. Ces atélectasies peuvent être responsables d’une hypoxémie périopératoire, d’autant plus que leur consommation d’oxygène est augmentée par rapport aux patients non obèses. • Une ventilation protectrice en pression positive périopératoire, avec application d’une pression expiratoire positive, de petits volumes courants et réalisation de manœuvres de recrutement, permet de lutter contre ces atélectasies, de la préoxygénation à la période suivant l’extubation. • Une préoxygénation en position semi-assise et si possible en pression positive avec application d’une aide inspiratoire associée à une pression expiratoire positive est recommandée chez ces patients obèses. • L’obésité est un facteur de risque majeur de syndrome d’apnées du sommeil, qui devra être dépisté et traité si possible avant la chirurgie. • En cas de syndrome d’apnées du sommeil associé, une ventilation nocturne en pression positive déjà existante devra être poursuivie juste avant et dans les suites immédiates de la chirurgie, et instaurée en cas d’index d’apnées hypopnées > 30 ou de comorbidité cardiovasculaire grave. • En cas de survenue d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë, le décubitus ventral reste une thérapeutique sûre et efficace chez le patient obèse. Déclaration de liens d’intérêts Dr Jaber déclare être consultant auprès des sociétés Drager, Hamilton, Maquet et Fisher Paykel. Dr Futier déclare être consultant auprès des sociétés General Electric Medical Systems et Fresenius Kabi. Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] De Jong A, Molinari N, Sebbane M, Prades A, Futier E, Jung B, et al. Feasibility and effectiveness of prone position in morbidly obese patients with ARDS: a case-control clinical study. Chest 2013;143(6):1554—61. [2] Pelosi P, Croci M, Ravagnan I, Vicardi P, Gattinoni L. Total respiratory system, lung, and chest wall mechanics in sedated-paralyzed postoperative morbidly obese patients. Chest 1996;109(1):144—51. [3] Practice guidelines for the perioperative management of patients with obstructive sleep apnea: an updated report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on perioperative management of patients with obstructive sleep apnea. 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