Bonaparte et l’Escaut Le spectaculaire développement d’Anvers à l’époque française CONTENU = I nt r o d uction 1 L a p é r io d e f r an ç ai s e 2 Le projet européen de Napoléon 3 Th i e r r y L e n t z ( Fon da t i on Na pol é on , Pa r i s) L e s a s p ect s m ilitai r e s Le conflit entre l’Angleterre et la France sur la question d’Anvers J a m e s Da v e y ( Na t i on a l Ma r i t i m e Mu s e u m , Lon dre s) Les aigles impériales Pi e t de Gr ys e ( Mu s é e roya l de l ’ A r m é e e t d’ Hi s t oi re m i l i t a i re , Br u x e l l e s) L’ é cono m ie 4 1794 – 1814 : la guerre économique et commerciale franco-anglaise 5 Pi e r re Br a n da ( Fon da t i on Na pol é on , Pa r i s) La navigation commerciale dans le port d’Anvers, 1794–1814 P. Me n g i n L e c re u l x La construction du bassin Bonaparte et du bassin Guillaume 6 7 Hi l de Gre e f s ( Un i v e r s i t e i t A n t w e r pe n) 11 12 13 14 15 L’infrastructure militaire à Anvers pendant la période française 16 Le plan de l’Escaut de Beautemps-Beaupré 17 Innovations françaises et anglaises pendant la guerre 18 L’ u r bani s ation 19 J a n Pa r m e n t i e r ( M A S ) 9 Pi e t Lom ba e r de ( Un i v e r s i t e i t A n t w e r pe n) Projets urbanistiques français visant à faire d’Anvers une ville moderne 21 Mathieu-Ignace Van Brée, peintre à la cour de Bonaparte 22 Le palais royal sur le Meir 23 Fré dé r ic L ac aille (Mus é e nat ional du Châ t e au de Ve r s aille s) Le vol d’art par les Français à Anvers Nat as ja Pe e t e r s (Mus é e royal de l’Ar m é e e t d’His t oire m ilit aire , Br ux e lle s) Pi e t Lom ba e r de ( Un i v e r s i t e i t A n t w e r pe n) 8 L a cultu r e Ne na De Roe y (Er fg oe d Vlaande re n) Le modèle du Friedland, vaisseau de 80 canons Hé l è n e Trom pa re n t - de S e yn e s ( Mu s é e n a t i on a l de l a Ma r i n e , Pa r i s) A l be r t Hi m l e r Migrants et commerce à Anvers pendant la période française La flotte de Napoléon Bonaparte Ma r i e -Ma r t i n e A c e r r a ( Un i v e r s i t é de Na n t e s) J a n Pa r m e n t i e r ( M A S, A n v e r s) Ir Joseph Nicolas Mengin La légion d’honneur Pi e t de Gr ys e ( Mu s é e roya l de l ’ A r m é e e t d’ Hi s t oi re m i l i t a i re , Br u x e l l e s) 10 20 24 La vie culturelle à Anvers à travers un journal local 25 L’usage de traditions anversoises en tant que marqueurs identitaires du régime français 26 Jan Par m e nt ie r (MAS) Bre c ht De s e ure (Univ e r s it e it Ant we r pe n, Kat holie ke Univ e r s it e it L e uv e n) L’ h é r itage d e s F r an ç ai s 27 Les traces actuelles de la domination française 28 É p ilogue 29 Réflexions sur l’héritage français 30 C atalogue 31 Pie t Ve lde m an (Mus é e royal de l’Ar m é e e t d’His t oire m ilit aire , Br ux e lle s) L e e n Be ye r s e t Je f Vre lus t (MAS) Pi e t Lom ba e r de ( Un i v e r s i t e i t A n t w e r pe n) L a période française = Le projet européen de Napoléon « Une de mes plus grandes pensées avait été l’agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques qu’ont dissous les révolutions et la politique […] ; j’eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de la nation. C’est avec un tel cortège qu’il eût été beau de s’avancer dans la postérité et la bénédiction des siècles. Je me sentais digne de cette gloire ! […] Il [n’y a] en Europe d’autre grand équilibre possible que l’agglomération et la confédération des grands peuples ». C’est ainsi que Napoléon définit ce qu’il n’avait cessé d’appeler « mon système », dans une conversation de Sainte-Hélène1. A l’en croire, son projet visait à unir l’Europe tout en faisant de la France le moteur d’une intégration équilibrée. Dans son exil, le premier empereur des Français précisait enfin ses intentions. Jusque-là, il ne les avait guère précisées. Tout au plus peut-on se servir de quelques-unes de ses déclarations. Par exemple, après Tilsit, il déclara au Corps législatif : « La France est unie aux peuples de l’Allemagne par les lois de la Confédération du Rhin, à ceux de l’Espagne, de la Hollande, de la Suisse et de l’Italie par les lois de notre système fédératif »2. Plus tard, dans le préambule de l’Acte additionnel du 22 avril 1815, il confirma qu’il avait toujours eu pour but d’organiser « un grand système fédératif européen » qu’il jugeait « conforme à l’esprit du siècle, et favorable aux progrès de la civilisation ». On n’en saura guère plus sur ce qu’aurait dû ou pu être un tel « système fédératif ». On ajoutera même que les faits démentent presque toujours les affirmations d’apparences visionnaires et généreuses de l’empereur vaincu. La cohérence du vocabulaire ne corrige pas le pragmatisme. Si Napoléon eut l'intention de « fédérer » -c'est-à-dire organiser dans une structure à tendance égalitaire- les nations européennes, il le cacha autant aux autres puissances du continent qu'aux peuples concernés. Il ne cherchait certes pas « l'empire universel », car il était trop réaliste pour nourrir cet impossible rêve. Mais ce pragmatique ne voulut jamais s'enfermer dans une doctrine rigide. Il se contenta souvent de quelques principes simples hérités de la politique traditionnelle de la France au XVIIIè siècle : l'anglophobie ou la volonté de simplifier les cartes de l'Allemagne et de l'Italie. Au-delà, il ne voulut pas fixer fermement ses projets, son pragmatisme finissant par être un handicap dans un contexte international qui a toujours besoin de repères. Ainsi, Napoléon fut incapable d’approfondir ses alliances et, pis, en changea souvent. Il ne respecta pas toujours les traités qu’il avait signés. Il fut ambigu sur le problème des « nations » qu’elles soient polonaise, allemande ou italienne. Il brouilla les cartes avec l’instauration de royaumes au profit de sa famille3. Il ne précisa pas les buts suprêmes de la France ni l’objectif ultime du « système ». Il donna ainsi l’impression que la domination impériale était synonyme d’exploitation des conquêtes, alors même que, d’un autre côté, elle imposait au continent entier de profondes et bénéfiques réformes. Cette imprécision ne fit qu’augmenter l’inquiétude des puissances et faciliter la tâche de la diplomatie britannique, partisan de « l’équilibre » européen et adversaire de tout « système » continental. Dès lors, définir le projet européen de Napoléon n’est pas facile, surtout dans le cadre restreint de cette communication. Nous tenterons d’y parvenir, nous aussi pragmatiquement, autour de trois questions : comment le situer dans le contexte « géopolitique » et des traditions diplomatiques ? quels furent ses principes directeurs ? pourquoi échoua-t-il ? Projet napoléonien et géopolitique On a souvent réduit le système napoléonien aux seules guerres et conquêtes. Or l’Europe ne fut pas simplement divisée en deux camps pendant les vingt-cinq ans des conflits révolutionnaires et impériaux. Si tel avait été le cas, une coalition générale aurait été formée bien avant 1813. Pendant plusieurs années, au contraire, les « vieilles monarchies » se satisfirent de la domination française qui leur permettait d’avancer leurs pions et soutenait leurs intérêts. S’il y eut bien des « résistances », celles-ci furent précédées ou même concomitantes à des « collaborations »4. De son côté, la France tenta de profiter de ces divergences croisées entre les puissances pour asseoir sa prépondérance, souvent plus que son idéologie. De 1800 à 1814, tout ne s’est pas résumé en Europe à être pour ou contre Napoléon. Que l’empereur des Français ait occupé un espace politique important et que ses actions aient été le moteur principal du concert européen pendant quinze ans, explique cependant, mais sans le justifier, que l’historiographie de la période passe parfois par pertes et profits les autres éléments du puzzle des relations entre États. La « diplomatie savante » du XVIIIe siècle était d’autant moins dépassée que, par exemple, la géopolitique n’avait pas été bouleversée par la révolution et l’Empire. De 1800 à 1815, les États enclavés le restèrent, les îles continuèrent à être au milieu de la mer, le rêve d’un territoire « parfait » continua à être caressé par les monarques, leurs convoitises sur les ressources naturelles ou le contrôle des grandes voies de communication perdurèrent. De même, on n’oubliera pas la permanence des ambitions, des craintes ou des traditions. Ambitions de la France de pousser ses frontières jusqu’à ses limites naturelles, celles de l’Angleterre de limiter l’influence des grandes puissances sur le continent, de la Russie d’accéder à la Méditerranée, de l’Autriche, de l’Angleterre et de la France de l’en empêcher, etc. Cela étant, entend-on dire parfois, tout avait changé avec la Révolution dont Napoléon était l’héritier et l’exportateur. Qu’en est-il ? Le projet européen de Napoléon Thierry Lentz 7 et Wurtemberg en tête, se joignirent à l'impressionnante alliance monarchique contre la Révolution française. Seule la Russie restait pour l'heure en dehors du jeu. Même farouchement hostile aux révolutionnaires, Catherine II voulait digérer sa guerre turque, ses avancées polonaises et dépasser les préventions de ses alliés éventuels avant d'aller plus loin. En mobilisant l'Autriche et la Prusse, la guerre à l'Ouest lui laissait les mains libres. NAPOLEON TITEL ETC Plaats van werk Techniek, 43 x 81 x 11 cm (afmetingen), Edition of 8 NAPOLEON TITEL ETC Plaats van werk Techniek, 43 x 81 x 11 cm (afmetingen), Edition of 8 Une telle interprétation a deux inconvénients. D’une part, elle ferait considérer pour acquis que les révolutionnaires avaient pour unique visée stratégique que la « libération » des peuples. D’autre part, elle ferait passer les conséquences des conquêtes napoléoniennes pour leur cause. L’histoire de la diplomatie révolutionnaire ne se résume pas aux principes et à la générosité proclamés, pas plus qu’à l’inverse, le règne impérial ne saurait se réduire à des conquêtes et à la recherche de l’hégémonie. Les buts diplomatiques affichés par la France révolutionnaire se voulaient généreux. La grande nation n’ayant pas d’autres ambitions territoriales que ses limites naturelles, elle entendait appliquer ou imposer partout le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »5. Ces deux principes de base restèrent largement une déclaration d’intention, d’autant qu’ils étaient à certains égards antinomiques. Comment en effet allait-on faire prévaloir le droit des peuples pour les habitants de la rive gauche du Rhin, de la Belgique ou du sud-est (Avignon, Nice, Savoie) visés par de futures réunions au nom de la théorie des limites naturelles ? Malgré la générosité des principes, les révolutionnaires pratiquèrent une politique d'invasions et d'annexions. La guerre devint « impérialiste ». Et tandis que Dumouriez occupait Breda, la région de Nice fut érigée en département des Alpes maritimes et la principauté de Monaco lui fut agrégée. L'île de Sardaigne fut 8 Bonaparte et l’Escaut menacée6. Le duché de Deux-Ponts fut occupé. Sur le Rhin encore, les révolutionnaires de Mayence (proclamée « Athènes rhénane » par ses clubs) et d'autres villes allemandes demandèrent leur rattachement à la République. Le 1er mars 1793, la Convention prononça la réunion de Bruxelles à la France. Tournai, Louvain et, plus tard, toute les « provinces belgiques » connurent le même sort. Cela, L'Angleterre, encore moins que les autres puissances, ne pouvait l'accepter. Les bases de ce programme avaient été jetées par Danton dans un discours du 31 janvier : « Les limites de la France sont marquées par la nature »7. Ce disant, le tribun s'inscrivait dans une tradition minoritaire de l'Ancien Régime, hostile au statu quo qu'impliquait, par exemple, l'alliance autrichienne, au nom de « l'héritage politique » de Richelieu. Cette petite troupe de penseurs avait été soigneusement tenue à l'écart des affaires mais avait publié nombre d'essais prônant notamment l'accès de la France à sa limite naturelle du Rhin8. Lazare Carnot fut le principal rédacteur des rapports présentés à la Convention à partir du 24 février 1793. Des principes d'action généreux y étaient définis : droit des peuples, indépendance, sûreté de la nation au-dehors et unité au-dedans. Mais Carnot se plaçait aussi du point de vue des seuls intérêts de la France : celle-ci pouvait réunir à elle d'autres peuples pour cause de raison d'Etat. Pour atténuer cette contradiction qui est le nœud gordien de la diplomatie française de la période-, l'orateur précisait toutefois que l'ambition territoriale de la République se cantonnait aux « limites anciennes et naturelles de la France », soit le Rhin, les Alpes et les Pyrénées9. Pour justifier ce virage, ses promoteurs remontaient à l'histoire la plus ancienne, jusqu'à celle de la vieille Gaule pour ce qui concernait la limite du Rhin (la plus délicate à justifier), plus récente pour celle des Alpes et des Pyrénées (déjà largement reconnues) 10. Ils n’utilisaient pas le mot de frontière mais celui de limite, préférant une acception non juridique et non militaire (les frontières étaient liées à l'existence de forteresses défensives) fondée sur un « droit naturel » des nations qui rejetait d'avance les discussions et les compromis, mais excluait les guerres futures, une fois les ambitions françaises assouvies. Les limites naturelles s'imposaient ainsi comme une évidence indiscutable et bienfaisante : « Bonne et sage, la nature exclut les antagonismes de frontières et les heurts entre belligérants »11. Quoiqu'il en soit, l'irruption sur la scène diplomatique de cette théorie ne visait pas seulement à réunir sous la même bannière les révolutionnaires limitrophes ou à rendre justice aux Gaulois. Les Conventionnels y voyaient aussi un intérêt économique et stratégique. Les territoires réunis, Danton l’avait dit pour les Pays-Bas autrichiens, renfermaient des « trésors » en numéraire ou en œuvres d'art, en biens nationaux à réaliser, en armes pour équiper les troupes, de nouveaux marchés pour les commerçants français. Quant aux nouveaux citoyens ainsi recrutés, ils pourraient rejoindre les rangs des bataillons républicains en croisade pour la liberté ou, le cas échéant, s'arc-bouter sur des frontières plus faciles à défendre. La France prenait cependant un risque : en s'attaquant à la rive gauche du Rhin, dont les provinces belgiques faisaient partie, elle défiait encore davantage l'Angleterre et l'Autriche. La première voudrait à tout prix défendre la Hollande et le port d’Anvers. La seconde ne pouvait renoncer à sa prééminence dans le Saint Empire romain germanique, sous peine de voir la construction d'Otton 1er s'effondrer ou, pis encore, passer sous domination prussienne. De nombreux Etats allemands, Bavière Soyons réalistes : l’irruption sur la scène diplomatique de la théorie des limites naturelles ne visait pas seulement à réunir sous la même bannière les révolutionnaires limitrophes. Elle répondait aussi à des intérêts économiques et stratégiques. A la fin du Directoire, les « buts de guerre » français avaient considérablement évolué. La lutte contre les tyrans était abandonnée, les limites naturelles dépassées et le droit des peuples interprété de manière restrictive. Les annexions avaient commencé depuis plusieurs années12. Dans le même temps, le droit des peuples était surtout devenu celui des révolutionnaires amis de la République française avec la création des républiques sœurs en Italie, en Hollande ou en Helvétie13. Pour le reste, la diplomatie française en était presque revenue au jeu classique entre les puissances. Ni partisan des seules limites naturelles ni convaincu de la praticabilité du droit des peuples –qui contrecarrait ses propres projets-, Napoléon ne fut donc pas l’héritier des théories de la Révolution. Il fut plutôt celui de la politique réelle des révolutionnaires, singulièrement des directoriaux. Principes directeurs du projet Dans ce contexte géopolitique, diplomatique et idéologique, comment fonctionna le « système napoléonien » ? n commencera par une remarque que nous ne pourrons hélas pas développer : ce système ne fut pas seulement « continental »14. En effet, malgré la supériorité de la Royal Navy, les défaites à répétition de la marine française et la perte des colonies, Napoléon n’a jamais complètement renoncé à l’idée de domination des mers pour exploiter l’outre-mer : le délabrement de l’économie côtière et portuaire, la nécessité de restaurer même partiellement le commerce colonial et la continuation de la guerre totale contre l’Angleterre rendaient nécessaire d’y penser toujours. S’il a privilégié une politique de la terre, c’est en se pliant de mauvais gré aux réalités. Ce facteur ne doit pas être gommé de l’analyse de sa politique extérieure, même si la faiblesse maritime de l’Empire le fait passer au second plan et même si la domination continentale devint prioritaire. Cette domination fut imaginée par Napoléon autour de trois cercles concentriques : le premier, centre de tout, était constitué par l’Empire français, le second par les royaumes napoléonides et le troisième par un système d’alliance avec d’autres puissances européennes. Le projet européen de Napoléon Thierry Lentz 9 Premier cercle, la France impériale couvrait alors un bon tiers de l’Europe, pour environ 44 millions d’habitants, dans l’ancienne France, en Belgique, en Hollande, de part et d’autre du Rhin, en Italie du Nord, en Catalogne et dans l’actuelle Croatie. Les habitants des contrées annexées (on préférait dire : réunies) étaient considérées comme françaises. Partant, les néerlandais, belges, allemands, italiens qui les peuplaient avaient les mêmes droits et les mêmes devoirs que les habitants de « l’ancienne France ». Ils étaient pleinement soumis aux lois et codes napoléoniens, devaient l’impôt du sang à travers la conscription et l’impôt tout court à travers le système fiscal français. Les tribunaux étaient ceux de l’Empire et tous dépendaient de la Cour de Cassation parisienne. Des députés et sénateurs étaient désignés pour représenter ces annexés au Corps législatif et au Sénat. Leur système administratif était organisé autour de la structure départementale, avec ses préfets, sous-préfets et maires, tous soumis à l’autorité du gouvernement de Paris. L’Empire français compta jusqu’à cent trente-quatre départements en 1812 (dont quarante-cinq hors de l’ancienne France, les départements réunis), contre quatre-vingts trois en 1790, quatre-vingt dix-huit en 1799 et cent huit en 1804. Voici le tableau de leur formation : Année Nombre de départements Créations et suppressions 1800 102 Dont 9 départements « belges » constitués en 1795 1801 108 Création de six départements piémontais 1805 111 Création de trois départements dans l’exrépublique Ligurienne 1806 110 Suppression du département du Tanaro (Piémont) 1808 114 Création de trois départements toscans et d’un département parmesan 1809 117 Création du Tarn-et-Garonne et de deux départements romains 1810 120 Création de trois départements hollandais 1811 130 Réunion des deux départements corses en un seul, création de six départements hollandais, trois hanséatiques, de la Lippe (Allemagne) et du Simplon (Suisse) 1812 134 Création de quatre départements catalans 1813 130 Perte des quatre départements catalans 1814 87 Quarante-trois départements sont séparés de la France par le premier traité de Paris 1815 86 Perte des Alpes-Maritimes par le second traité de Paris Le chef-lieu du département pouvait accueillir en outre des unités déconcentrées des services de l’État : enregistrement et domaines, conservation des hypothèques, postes, conservation 10 Bonaparte et l’Escaut des forêts, droits réunis, régie des sels et tabacs, police, etc. Il devient ainsi une petite « capitale administrative ». Les neuf départements des « provinces belgiques » avaient été constitués par le décret du 9 vendémiaire an 4 (1er octobre 1795) : la Dyle (chef-lieu : Bruxelles, chef-lieu), l’Escaut (Gand), la Lys (Bruges), Jemmapes (Mons), les Forêts (Luxembourg), la Sambre-et-Meuse (Namur), l’Ourthe (Liége), la Meuse-Inférieure (Maëstricht), les Deux-Nèthes (Anvers). Ces départements étaient divisés en arrondissements, rappelés dans le tableau suivant : Dyle Bruxelles, Louvain, Nivelles Escaut Gand, Audenarde, Eeklo, Termonde Lys Bruges, Furnes, Ypres Jemmapes Mons, Charleroi, Tournai Forêts Luxembourg, Bittbourg, Diekirch, Neufchâteau Sambre-et-Meuse Namut, Dinant, Marche, Saint-Hubert Ourthe Liège, Huy, Malmédy Meuse-Inférieure Maëstricht, Hasselt, Ruremonde Deux-Nèthes Anvers, Breda, Malines, Turnhout Ces départements étaient répartis entre quatre divisions militaires : la 16e division, ayant son siège à Lille, pour la Lys, la 24e division, ayant son siège à Bruxelles, pour la Dyle, l’Escaut, Jemmape et les Deux-Nèthes, la 25e division, ayant son siège à Wesel, pour la Sambre-et-Meuse, l’Ourthe et la Meuse-inférieure et la 3e division, ayant son siège à Metz, pour les Forêts. Concernant les tribunaux, une cour d’appel siégeait à Liège, une autre à Bruxelles. Il y avait un tribunal d’instance dans chaque chef-lieu de département. Tous les citoyens de l’Empire ne parlaient pas le français, et pas seulement d’ailleurs ceux des territoires annexés de la rive gauche du Rhin, d’Italie, de Flandre, de Catalogne ou de Hollande. De nombreux dialectes et patois continuaient à être employés de préférence à la langue de Voltaire. Dans cette matière, de façon assez surprenante, l’administration napoléonienne se montra souple. Dans les départements réunis, si les actes officiels devaient être rédigés en français, la présence de leur traduction en « idiome du pays » était admise. De même, les affiches officielles comportaient les deux versions. Par ailleurs, pendant des délais plus ou moins longs (deux ans, parfois trois), certains niveaux de l’administration furent autorisés à conserver l’idiome pour les procès-verbaux, les rapports ou, plus simplement le dialogue avec la population. C’est ce que précisa par exemple un arrêté du 24 prairial an XI (13 juin 1803) fixant « l’époque à laquelle les actes publics devront être écrits en français dans les départements de la ci-devant Belgique, de la rive gauche du Rhin et de la 27ème division militaire [départements italiens] » au 1er juillet 1806. La même règle fut adoptée pour Gênes qui bien qu’annexée seulement en juin 1805 était depuis plusieurs années sous domination française. Par deux décrets du 20 juin 1806 et du 23 avril 1807, on prorogea le délai pour certains agents de terrain (gardes forestiers, agents subalternes des droits réunis, etc.) qui pouvaient continuer à rédiger leurs rapports en néerlandais, italien ou en allemand. Ces facilités furent retirées l’année suivante aux administrations de la rive gauche du Rhin. Des dispositions libérales furent encore stipulées par le traité du 18 octobre 1810 sur l’annexion de la Hollande et des provinces hanséatiques : « La langue allemande ou hollandaise pourra être employée concurremment avec la langue française dans les tribunaux, actes des administrations, actes des notaires et dans ceux sous signature privée ». Un décret du 30 janvier 1809 accorda encore un délai d’un an aux villes de Flessingue, Wesel, Cassel et Kehl pour rédiger leurs actes en français15. Sur le plan économique, Napoléon voulut aussi intégrer ces régions dans le « système français ». Le port et l’arsenal d’Anvers furent développés. La sidérurgie fut particulièrement choyée : elle représentait près des deux tiers de la production de l’Empire. Des chambres de commerce furent créées pour aider les producteurs et marchands, à Anvers, Bruges, Bruxelles, Gand et Ostende. Deuxième cercle, ce qu’on pourrait appeler les « royaumes frères », successeurs des « républiques sœurs » de la période révolutionnaire. Le retour des pratiques monarchiques le rendant possible, le nouveau Charlemagne imagina d’essaimer les principes de l’Empire et le sang des Bonaparte dans l’Europe qu’il dominait : c’était, croyait-il, une garantie pour son système. Les habsbourg et les Bourbon n’avaient pas agi autrement dans le passé. En quelques années, sa famille s’installa sur nombre de trônes européens : Joseph Bonaparte à Naples (1806-1808) puis en Espagne (1808-1813), Louis en Hollande (1806-1810), Jérôme en Westphalie (1807-1813), Murat à Berg (1806-1808) puis à Naples (1810-1815). Eugène de Beauharnais régna au nom de son beaupère en Italie, jusqu’en 1814. Élisa fut grande-duchesse de Toscane, Camille Borghèse, le mari de Pauline, gouverneur général des départements français au-delà des Alpes. Un bambin, NapoléonLouis, fils de Louis Bonaparte et Hortense de Beauharnais, fut grand-duc de Berg en titre après le départ de Murat pour le sud de l’Italie. Mais ces royaumes n’étaient pas indépendants. Napoléon se gardait le privilège de faire et défaire les rois, l’exemple le plus fameux étant celui de Louis Bonaparte, monté sur le trône de Hollande et forcé d’en descendre quatre ans plus tard. On leur imposait le modèle français, dans l’administration et les lois. Surtout, l’empereur mettait en coupe réglée leurs économies, au seul profit de l’Empire. « Prenez donc aussi pour devise : la France avant tout », écrivait-il à Eugène de Beauharnais16. Troisième cercle, celui des alliances. Ici, Napoléon hésita et changea souvent d’avis. Il savait que pour verrouiller définitivement le continent, il lui fallait bénéficier du soutien – sinon de l’amitié- d’une autre grande puissance. Sur le choix de l’alliance, il balança et changea d’avis. S’il n’envisagea jamais sérieusement un accord égalitaire avec l’Espagne, la Prusse ou les grands États allemands (ce qui fut probablement une erreur majeure), s’il frustra les Polonais par ses valses hésitations, s’il instrumentalisa l’alliance traditionnelle de la France avec l’Empire ottoman, il définit au moins deux grand systèmes successifs : le premier avec la Russie, ce que certains ont appelé avec optimisme le « partage du monde »17 issu des traités de Tilsit ; le second avec l’Autriche, autour de son mariage avec Marie-Louise. Ces deux projets de « troisième cercle » étaient antinomiques. Malgré leur accord sur les partages polonais, les Russes et les Autrichiens étaient presque des ennemis ou au moins des antagonistes naturels, les seconds barrant la route de la Méditerranée, interdisant toute progression significative dans les Balkans ou leur disputant aux seconds la protection de l’Allemagne. En résumé, l’ensemble napoléonien était bâti sur les deux sens que l’on peut donner, en français, au terme « empire ». Il était à la fois « domination » (l’empire des Français sur le continent) et « institution » (l’Empire français). Il illustra fort bien les définitions qu’ont esquissées les théoriciens de la notion d’Empire18. Il put jouir d’une étendue territoriale exceptionnelle et exerça une autorité sur des contrées dépassant de beaucoup les frontières de la « France ». Cet espace fut organisé en plusieurs niveaux de dépendance à l’égard du centre dans le but de créer une civilisation propre. Derrière un projet diplomatique évolutif visant à asseoir la prépondérance française, Napoléon est réputé avoir « modernisé » l’ensemble des États que la conquête plaça sous sa coupe. C’est probablement ce qui atténue l’échec final aux yeux de la postérité. Peut-être apparaît aussi dans ce thème une part remarquable de la nature du « système » : un sentiment de supériorité du choix de société issu des Lumières et de la Révolution française. Ce complexe était largement répandu au sein des élites françaises, comme l’exprime un texte de l’ambassadeur en Bavière, Otto, qui écrivait, en mai 1808, avec un optimisme démenti par les faits : « Toute l’administration bavaroise est convaincue que ce royaume étroitement uni à la France par les liens politiques les plus sacrés doit assimiler aux nôtres toutes ses institutions ; [elle] profitera de notre expérience sans éprouver les secousses qui ont précédé le règne glorieux de Sa Majesté l’Empereur »19. Ici, Napoléon est bien un homme du XVIIIè siècle, même s’il devint après sa chute le sujet romantique par excellence. Sa volonté de principe d’abolir la féodalité, de promouvoir l’égalité civile et d’imposer des choix administratifs ou financiers rationnels ne peut être contestée. Ce modèle structurel « français » était complété d’autres éléments comme l’adoption du système métrique, de poids et mesures uniques ou de la langue française comme facteurs sinon d’unification au moins de rapprochement des membres du système. Reste à s’interroger sur les méthodes, les résistances, le résultat de cette démarche, mais aussi sur la pertinence du placage pur et simple du modèle dans la plupart des États d’une Europe aussi « plurielle » que celle du début du XIXè siècle. De même, on ne peut non plus négliger une erreur stratégique majeure : outre sa politique d’expansion, sa diplomatie « vigoureuse » et son projet d’imposer les solutions françaises, l’empereur imagina de compléter l’hégémonie territoriale et politique par la domination économique, presque la mise au service de l’industrie française de l’ensemble du continent. Dès Le projet européen de Napoléon Thierry Lentz 11 lors, ce qui était jusqu’alors gênant pour les vassaux, confédérés et alliés devint insupportable. En ce sens, on ne peut pas dire que le Blocus continental fut un instrument d’intégration européenne et qu’il ait pu jouer le rôle d’un « marché commun ». En dépit de quelques indices favorables à cette thèse (création de routes et de canaux transeuropéens, mise en commun des moyens maritimes, tendance à unifier les poids et mesures), le but de ce système de prohibition et de contrôle était de favoriser les produits et productions françaises, contre ceux de l’Angleterre certes, mais aussi au détriment de ceux des autres continentaux. Il n’était pas question d’ouvrir les frontières françaises, d’abaisser les droits de douanes, de favoriser les échanges et encore moins de créer une zone de libre-échange. Ce fut même le contraire qui se passa. Et même lorsque l’application du Blocus paraissait relever d’accords politiques, les signataires s’apercevaient bien vite du sens que Napoléon souhaitait toujours donner à sa signature. L’exemple le plus spectaculaire en la matière est celui de la Russie après Tilsit, qui vit ses ports et son agriculture péricliter. La Confédération du Rhin, pourtant alliée plus sûre, fut logée à la même enseigne20. En lui interdisant de commercer avec l’Angleterre, l’empereur favorisa la hausse des prix, la chute des régions côtières et des industries sevrées de matières premières. La désorganisation d’économies qui auraient pu être prospères fut complétée par une quasi-obligation de ne traiter qu’avec la France pour les échanges. Finalement, remarque Silvia Marzagalli, « il manqua au Blocus l’ingrédient fondamental à la réussite de tout programme économique : les consensus des administrés »21. On ajoutera qu’il lui manqua aussi de présenter des avantages pour les économies des pays assujettis. Partant, les princes ne pouvaient accepter durablement ce moyen supplémentaire et douloureux de l’hégémonie française. L’échec du rêve « fédératif » En matière diplomatique, dit l’adage, il n’y a pas d’amitié mais seulement des intérêts. A force de ne défendre que les intérêts de la France, l’empereur en vint à écraser le moindre de ses alliés et, partant, à dissoudre l’utilité même d’une alliance avec lui. La souplesse ou même l’analyse tranquille des avantages et des inconvénients ne furent pas la marque de son action extérieure. A sa décharge, on dira que l’approfondissement d’une alliance a sans doute besoin de temps et d’une situation stable. C’est ce dont Napoléon ne bénéficia pas. La guerre (qui lui fut parfois imposée) et le mouvement (inhérent à l’histoire du système napoléonien) ne permirent pas de faire mûrir les ententes contractées. Seule l’expérience autrichienne parut devoir porter ses fruits. Elle s’étala sur trois années et put paraître solide parce que les intérêts des deux puissances étaient sinon mélangés, au moins convergents. Les défaites et l’entêtement de l’empereur à ne pas vouloir en tirer les conséquences en se retirant derrière le Rhin gâtèrent aussi cette alliance-là, qui aurait pu être la meilleure solution pour le système napoléonien. 12 Bonaparte et l’Escaut Le système napoléonien avait un adversaire implacable. Il heurtait en effet de front une autre conception de l’organisation européenne : celle de l’équilibre dont le chef de file et le principal profiteur était l’Angleterre. Celle-ci n’admettait pas qu’un Empire dominant remplace sur le continent le concert soi-disant égalitaire des puissances moyennes qui ne gênaient pas son commerce. C’est pour éviter une telle domination que l’Angleterre était devenue « l’ennemi héréditaire » de la France. Les deux puissances étaient en guerre, avec des accalmies, depuis plus de cent ans : ligue d’Augsbourg (1688-1697), succession d’Espagne (1701-1713), guerre de Sept-Ans (1755-1763), révolution américaine (1776-1783), Révolution française (depuis 1793)22. Rares étaient les conflits desquels les continentaux étaient sortis vainqueurs, ce qui aurait dû servir de leçon, ou au moins d’avertissement. L’erreur stratégique de Napoléon fut sans doute de ne pas rechercher un accommodement avec Londres. Même fragile, la paix d’Amiens (1802-1803) avait montré que cela n’était pas impossible. Un accord était envisageable en 1806 mais, grisé par le succès d’Austerlitz, l’empereur ne joua pas le jeu de la négociation offerte par un gouvernement anglais chancelant. Cette chance n’allait plus se représenter. Pis, avec l’instauration du Blocus puis l’invasion du Portugal et de l’Espagne, l’Empire français franchit, du point de vue britannique, un point de nonretour. Cette fois, la lutte serait une lutte à mort. Si les guerres napoléoniennes furent en dernière analyse des guerres franco-anglaises, ce furent les autres continentaux qui les menèrent sur terre par procuration. Vu de Londres, ces conflits étaient essentiellement économique22. Même si la bourgeoisie française avait elle aussi des vues sur le commerce européen ou mondial, le gouvernement impérial choisit une autre voie que celle empruntée par les Anglais : il voulait dominer l’économique (et rattraper son retard) par le politique et le territorial, ce qui rendait la tâche impossible et perpétuait les guerres. On ne cherchera pas ailleurs que dans la simplicité de ses buts et moyens cette « supériorité de l’Angleterre sur la France » débattue par François Crouzet dans un recueil d’essais sur la rivalité des deux nations23. Le projet anglais n’était pas moins hégémonique que celui de Napoléon. Mais il était d’une autre nature. L’Angleterre n’avait aucune ambition territoriale sur le continent. Elle souhaitait seulement pouvoir contrôler les affaires, éliminer un concurrent trop puissant et rétablir la liberté de commerce avec le marché européen. Pour cela, les grands ports occidentaux devaient rester ouverts et, en tout cas, échapper au contrôle de la France. Anvers constituait ainsi une pomme de discorde majeure, selon la fameuse expression selon laquelle le grand port constituait « un pistolet braqué sur le cœur de l’Angleterre ». Ailleurs, elle entendait éliminer systématiquement ses concurrents coloniaux : la destruction des empires français et hollandais des Antilles ou de l’océan Indien était un but de guerre primordial. Bien calée dans son île, rassurée sur la menace d’invasion par la supériorité incontestée de sa marine, Albion n’eut plus qu’à se montrer patiente et endurante. Antidémocratique, anti-doctrinale et au besoin violente (à l’intérieur comme à l’extérieur), l’oligarchie britannique avait les meilleures NAPOLEON TITEL ETC Plaats van werk Techniek, 43 x 81 x 11 cm (afmetingen), Edition of 8 cartes en main, pas moins de cynisme et plus de pragmatisme encore que son ennemi. Les forces qui se déchaînèrent sur le continent finirent par lui donner raison. Elle en encouragea l’émergence où en aggrava les conséquences grâce à ses moyens financiers. L’Angleterre ne gagna pas la guerre « à l’économie » tant s’en faut, mais largement par l’économie. « L’empire est voué à la mort », écrit Jean Tulard25. De son côté, Jean-Baptiste Duroselle, grand historien français des relations internationales, pour qui « tout empire périra », a expliqué leur chute autour de constatations dont plusieurs pourraient s’appliquer à l’édifice napoléonien26 : Une grande puissance est capable d’assurer sa sécurité à elle seule contre tout adversaire pris isolément. Ce fut le cas de l’Empire français qui fut vainqueur de toutes les luttes « bilatérales » et vainquit les petites coalitions : 1805, 1806, 1807, 1808, 1809 et même, à certains égards, le début de 1812 l’ont montré. Napoléon ne sut pas maintenir cette infériorité de l’adversaire au moment le plus crucial, c’est-à-dire après la retraite de Russie. L’erreur fut d’autant plus lourde de conséquences que ses moyens militaires avaient été largement entamés par la catastrophe. • La conquête au détriment de petits ou moyens États, ou sur la • périphérie des grands implique un système de compensations. C’est ce qu’assurément Napoléon n’appliqua pas. Certes, il donna quelques récompenses ou dédommagements à des alliés mineurs (Bavière ou Saxe, par exemple) mais ne voulut pas systématiser cette pratique à l’égard des autres puissances significatives comme l’atteste notamment son jeu, irritant pour la Russie et l’Autriche, sur la question du partage des possessions européennes de l’Empire ottoman ou l’incertitude qu’il entretint sur ses projets polonais. Les satellites rejetèrent de plus en plus un mode de fonctionnement fixé unilatéralement par la puissance dominante. Les inconvénients de la réduction permanente de leur indépendance finirent par dépasser l’avantage d’appartenir au système. Celui-ci en fut fragilisé. Si une grande puissance tente d’assurer son hégémonie, elle suscite contre elle de vastes coalitions qui finissent toujours par être victorieuses. Cette « règle » a toujours voulu que ceux qui ont tenté de remplacer l’équilibre européen par un autre système aient été brisés par les alliances des autres puissances. Louis XIV en avait déjà fait l’amère expérience. Écrasé par une ultime coalition qui réunit contre la France la plupart des États du continent, Napoléon suivit le Roi-Soleil sur la voie de la défaite, avec comme sanction supplémentaire la perte de Le projet européen de Napoléon Thierry Lentz 13 son trône. Guillaume II et l’Allemagne connaîtront le même destin en 1918. Certes, l’Europe continentale ne parvint pas facilement à s’unir, preuve que l’Empire napoléonien fut un temps jugé utile par les puissances dans le cadre de leurs ambitions traditionnelles, qu’il s’agisse de l’antagonisme austro-russe au centre et à l’est, des rivalités germaniques en Allemagne, des visées dominatrices dans le nord, autour de la concurrence suédo-danoise, des guerres commerciales, etc.. Partant, chaque puissance à son tour chercha longtemps les accommodements avec la puissance hégémonique, sorte de jeu du « plus malin » dans un environnement que Napoléon ne se lassa jamais de vouloir maîtriser à son profit. L’histoire (pas seulement celle du système napoléonien) nous l’a appris : on ne peut pas construire et unir l’Europe par la force hégémonique. Aux trois commodes « lois » empiriques empruntées à Duroselle, on pourrait en ajouter une, découlant d’ailleurs implicitement des autres : les empires finissent toujours par mourir de leur économie et de leurs finances, lorsque celles-ci sont ponctionnées au-delà du supportable par les dépenses militaires27. La puissance de l’Empire français dépendait largement de sa force militaire et celle-ci des richesses mobilisables, produites ou confisquées. La part des ressources de l’Empire absorbées par le développement ou le maintien de l’hégémonie ne cessa de croître, à la fois par la hausse des dépenses et la raréfaction des recettes. Il finit par être étouffé financièrement par l’érosion du « nerf de la guerre ». Avec l’Acte final du congrès de Vienne prit fin le système napoléonien. Né au moment où les armées de la République entendaient « apporter la liberté au monde », cet Empire paraissait à l’origine justifié par un désir humaniste de transformer l’organisation sociale d’une Europe dominée par les forces de « l’Ancien Régime ». Mais, dès la Révolution, la simplicité de cette analyse avait été battue en brèche par les arrière-pensées intérieures (Girondins contre Montagnards, théorie des frontières naturelles, besoins sonnants et trébuchants du Directoire, etc.) et, à l’extérieur, par le retour au premier plan de la politique traditionnelle, avec sa base de rivalités entre les puissances. Cette complexité, mélange doctrinal quasi-inextricable, se simplifia deux ou trois ans après l’accession aux affaires de Napoléon. L’obsession du « système européen » se substitua à l’aspiration à libérer les peuples. A la fin de l’épisode, on put même assister au spectacle pittoresque des puissances européennes feignant de ne voir en l’empereur des Français que le « destructeur des libertés auxquelles [elles] se proclamaient converties et dont [elles] assuraient devoir être désormais le plus fidèle soutien »28. En deux phrases simplificatrices mais éclairantes, Metternich a fort bien analysé le système napoléonien : « La Révolution française a été avant tout sociale ; c’est là le caractère particulier qu’elle eut dès l’origine. Son caractère politique, qui trouve sa plus haute expression dans Napoléon, était nul au début »29. Le système fut donc politique, en ce sens qu’il fut surtout destiné à 14 Bonaparte et l’Escaut asseoir la prépondérance française en Europe et au-delà. Les quatre dernières années du règne ramenèrent le système à ce qui en était perçu par les autres puissances : l’organisation d’une domination sans partage au seul bénéfice des intérêts français. La réaction des autres acteurs ne tarda pas et l’ultime coalition se consolida autour de l’idée qu’il était temps de revenir à une forme d’équilibre européen, réputé avoir préservé la paix en Europe pendant la seconde moitié du XVIIIè siècle. Tandis que la Russie comprenait que le règne napoléonien lui fermait la porte de l’Occident et ruinait son économie, que l’Autriche –nostalgique de la puissance du Saint Empire- voyait en l’hypertrophie de la France un risque d’être rejetée aux marges orientales, que la Prusse n’en finissait pas de ruminer son humiliation d’Iéna, que les puissances moyennes, notamment allemandes, se croyant libérées des fringales territoriales de leurs vieux voisins germaniques, se lassaient du joug de leur pesant protecteur, l’empereur des Français, s’il perçut la montée des périls, ne modifia pas ses pratiques. Il poursuivit sa marche en avant, sans fixer clairement les limites de son appétit. La prépondérance française était devenue insupportable aux autres acteurs, encouragés par l’Angleterre. Chacun son tour fut convaincu qu’il devenait impossible de recréer les conditions d’une vie internationale que nous dirions « multilatérale » et que le jeu « du plus malin » connaissait toujours le même gagnant et, surtout, les mêmes perdants. La notion d’équilibre est liée à celle d’indépendance des différentes entités étatiques et le système était trop hostile aux velléités d’indépendance, voire même de neutralité. C’est ainsi que se construisit la coalition finale dans laquelle le seul intérêt commun fut d’en finir avec l’Empire français et son animateur, de gagner la dernière guerre malgré les divergences. « Il se peut, écrivait Raymond Aron, que les alliés occasionnels soient, en profondeur, des ennemis permanents »30. C’est le spectacle qu’offrit l’alliance européenne contre Napoléon en 1813. Endnotes 1 Emmanuel de Las Cases, Mémorial de SainteHélène, 11 novembre 1816. Nous utilisons l’édition de Marcel D unan (Flammarion, 2 volumes, 1951). 2Discours du 17 août 1807, Le Moniteur, 17 août 1807. Souligné par nous. 3Alexander Grab, Napoleon and the Transformation Thierry Lentz — Directeur de la Fondation Napoléon 64. 12 Avignon et Comtat (1791), Savoie (1792), Nice (1793), Belgique (1795) et Genève (1795). Quant aux contrées rhénanes, si elles furent définitivement réunies en 1801 (traité de Lunéville), elles étaient of Europe, New-York/Londres, Palgrave Mac Millan, considérées comme françaises depuis plusieurs 2003, p. 19. années. 4Pour reprendre le titre d’un chapitre de Michael 13 Sur les républiques sœurs : Jean-Louis Harouel , B roers, Europe under Napoleon. 1799-1815, New Les Républiques sœurs, Paris, P.U.F., 1997 ; M. York, 1996, p. 99-101. Vovelle, Les républiques sœurs sous le regard de la 5 Ce principe fut proclamé dans un discours Grande Nation. 1795-1803. De l’Italie aux portes de Merlin de Douai, le 28 octobre 1790. Sur de l’Empire ottoman, l’impact du modèle républicain la politique extérieure de la France de 1789 français, Paris, L’Harmattan, 2000. Sur la politique à 1815, Thierry L entz, « De l'expansionnisme extérieure du Directoire : M. B elissa, Repenser révolutionnaire au système continental (1789-1815) l’ordre européen (1795-1802). De la société des », Histoire de la diplomatie française, Paris, Perrin, rois aux droits des nations, Paris, Belin, 2006, 2005, p 409-505. 6 Le débarquement fut un échec. Bonaparte y reçut son baptême du feu. 7Danton rentrait d’une mission en Belgique. Il s’exprima longuement à la tribune pour réclamer la réunion de Liège que venaient de demander 9 660 notamment p. 291-297. 14Sur cette idée, voir nos développements dans Nouvelle histoire du Premier Empire. III. La France et l’Europe de Napoléon (1804-1814), Paris, Fayard, 2007, p. 694-698. Thierry Lentz (dir.), Quand Napoléon inventait la été énorme. On trouve un utile développement sur France. Dictionnaires des institutions politiques, la position « belge » de Danton dans sa biographie administratives et de cour du Consulat et de l’Empire, par Louis B arthou (Albin Michel, 1932, p. 173178). 8 Citons pêle-mêle et sans prétendre à l’exhaustivité les écrits de lelong (1718), Bougeant (1727), Foncemagne (1764), voire certains passages de la les limites naturelles, sans être insurmontables, pouvaient contenir les ambitions expansionnistes. 9Sur les interventions de Carnot à cette époque : Marcel Reinhard, Le Grand Carnot, Hachette, éd. 1994, p. 358-366. 10Sur cette mythologie des frontières, voir Daniel sur la France. L’économique et l’imaginaire. XVIIèXXè siècles, Paris, Perrin, 1985 (2è éd., 1999). 25Jean T ulard, « Introduction », Les empires occidentaux de Rome à Berlin, Paris, P.U.F., 1997, p. 12. 26Jean-Baptiste Duroselle, Tout empire périra. Théorie des relations internationales, Paris, Économica, 1992, p. 272-273. 27 Idée magistralement développée par Paul Kennedy , Naissance et déclin des grandes puissances, première édition française en 1989 (Paris, Payot). 28Louis Villat, La Révolution et l’Empire. II. Napoléon (1799-1815), Paris, P.U.F., 1947, p. 333. 29 Mémoires, documents et écrits divers laissés par le prince de Metternich, Paris, Plon, 1880, t. I, p. 206. 30 Paix et guerre entre les nations, Calman-Lévy, édition 1982, , p. 40. Napoléon publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris, Plon, 1858-1869, n° 16824. 17Gherardo Casaglia, Le partage du monde. Napoléon et Alexandre à Tilsit, Paris, S.P.M., 1998. 18 Voir par exemple Jean T ulard, dir., Les empires occidentaux de Rome à Berlin, Paris, P.U.F., 1997. 19 Cité par Marcel Dunan , Napoléon et l’Allemagne. Le système continental et les débuts du royaume de Bavière. 1806-1810, Paris, Plon, 1943, p. 121. 20Roger Dufraisse , « Politique douanière française, Blocus et système continental en Allemagne », Revue du Souvenir napoléonien, n° 389, juin-juillet Gallimard, éd. 1997, p. 1125-1146 ; Denis Richet, Paris, Fayard, 2006. 24 François Crouzet , De la supériorité de l’Angleterre Paris, Tallandier, 2008. territoire. XVIè-XIXè siècles, Gallimard, 1998, et Lieux de Mémoire, sous la direction de Pierre Nora, par Pierre Branda, dans la dernière partie de son ouvrage Le prix de la gloire. Napoléon et l’argent, 16 Lettre du 23 août 1810, Correspondance de Nordman, Frontières de France. De l’espace au « Des limites d’Etat aux frontières nationales », 23 Cet aspect a été fort bien analysé et expliqué 15Pour tous ces aspects « administratifs », voir : citoyens sur 9 700 votants –mais l’abstention avait Paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre pour qui Même si l’empreur des Français ne fut pas toujours seul responsable des conflits, on doit ici constater qu’au final, puisqu’il fut vaincu, il n’eut pas raison au regard de l’Histoire. La construction impériale fut balayée et, avec elle, la prépondérance française. Un nouvel équilibre naquit de la catastrophe napoléonienne, à la fois fondé sur ce que les anglo-saxons appellent la balance of power et sur la conviction que le concert européen devait être administré en commun par les puissances, dans un sens conservateur et avec pour objectif de régler collectivement les conflits. Même portée par les idées anti-démocratiques (le renforcement des États passait par celui des familles régnantes), ce principe avait de beaux jours devant lui. Du système napoléonien, il ne resta rien en 1814. Napoléon rendit la France plus petite qu’il l’avait prise. Mais, nous le savons, son héritage n’est pas le système européen. Il est ailleurs et plus profond. 11Daniel Nordman, Frontières de France, op. cit., p. 1993, p. 5-23. 21 Voir Silvia M arzagalli, « Le Blocus continental pouvait-il réussir ? », Napoléon et l’Europe. Regards « Frontières naturelles », Dictionnaire critique de sur une politique, Paris, Fayard, 2005, p. 114. la Révolution française. Idées, Flammarion, 1992, 22Dans quelques pages superbes, Pierre Gaxotte a p. 217-231. Sur les limites naturelles selon les parlé de cette période, qui s’achèvera à Waterloo, révolutionnaires : Nelly Girard d’Albissin, Genèse comme d’une « seconde guerre de Cent-Ans » (Le de la frontière franco-belge. Les variations des limites siècle de Louis XV, Paris, Fayard, éd. 1997, p. 191- septentrionales de la France de 1659 à 1789, Picard, 196). 1970. La période française 15 Franse en Engelse innovaties in oorlogstijd Piet Lombaerde = Eindnoten rijk, maar ze werden geweigerd wegens hun dere oever volgens een cirkelboog. Door een onethische gebruik op tactisch gebied. In En- dwarse krachtwerking van het water op de geland had hij meer succes en zijn uitvindin- gierpont beweegt die zich naar de oever toe. met de snelheid des bliksems. De optische telegraaf gen kenden daar hun eerste toepassingen. Met de gierpont die Pierre Lair ontwikkelde in de Nederlanden (1800–1850), Leuven 1997, pp. William Congreve ontwikkelde brandraket- voor de Schelde ter hoogte van Antwerpen ten, die hij gebruikte om de Franse vloot in duurde een overtocht met verankering in het Boulogne in 1805 zware schade toe te bren- midden van de stroom vier en een halve mi- gen. Deze raketten waren ongeveer 1 meter nuut. Bij verankering aan de linker stroomoe- lang en konden 32 pond kruit vervoeren. Ze ver zeven minuten. Op een gierpont konden 1R. Korving en B. van der Herten (red.), Een tijding 59–68. 2 V. Enthoven (red.), Een haven te ver. De Britse expeditie naar de Schelde van 1809, Nijmegen 2009, p. 103. 3P. Bret, ‘Les armes nouvelles dans l’attaque et la Rond 1800 zagen naar aanleiding van de waren goedkoop en konden over lange af- vierhonderd personen plaatsnemen. Op 7 défense des ports pendant la Révolution française Frans-Engelse oorlogen diverse innovaties standen vrij trefzeker worden afgevuurd. In oktober 1811 werd ze bij keizerlijk decreet in et le Premier Empire’, in P. Lombaerde (red.), het licht, zowel op militair als op burgerlijk Boulogne werden vanop afvuurstellingen gebruik genomen. Naval Bases, Townplanning and Fortification during vlak. Enkele daarvan kenden hun oorsprong op 18 schuiten zowat 22 raketten in een half- in Antwerpen. Een greep uit deze nieuwe uur tijd afgestoken. De raketten werden zeer vondsten en hun toepassingen. succesvol ingezet bij de aanval op de vloot in the First French Empire in Europe and the United Samengestelde houten bogen en gewelven States, Antwerpen 1992, pp. 199–218. 4P. Lombaerde, ‘Een profusie aan projecten voor Rochefort (1809), evenals bij stadsbelegerin- Samengestelde houten bogen en ge- de stad Antwerpen tijdens het Franse bewind’, in gen, zoals in 1807 in Kopenhagen en in 1809 welven zijn de voorlopers van de latere ge- P. Lombaerde (red.), Antwerpen tijdens het Franse De Franse marine nam in 1798 de opti- in Vlissingen. Vooral de aanval op Kopenha- lamineerde liggers, die vandaag algemeen Keizerrijk 1804–1814. Marine-arsenaal, metropool en sche telegraaf van Claude Chappe (1763–1805) gen was erg moorddadig: daar vielen in drie in de bouw aangewend worden. Zij hebben in gebruik. Dit telegraafsysteem bestond uit dagen tijd 40 000 raketten op de stad, met de als voordeel dat ze grotere overspanningen een verticale mast waaraan een H-vormige bedoeling niet alleen de vitale plaatsen in toelaten dan bij het traditionele vakwerk en faites sur différens Travaux exécutés pour la constructie van beweegbare vleugels was be- de stad te treffen, maar ook het moreel van gemakkelijk monteerbaar zijn. Ingenieur van construction du pont de Nemours, pour celle de vestigd waarvan de standen overeenkwamen de bevolking aan te tasten. Bij de aanval op bruggen en wegen Louis-Charles Boistard met een gecodeerd tekensysteem. De eerste Walcheren werden deze brandraketten eerst (1763–1823) schreef deze uitvinding op zijn 6P. Lombaerde, ‘Louis-Charles Boistard bouwt voor telegraaflijn werd geïnstalleerd tussen Parijs, op Veere gericht, nadien werd een achthon- naam en besprak de toepassing in zijn boek Napoleon een ziekenhuis. De Sint-Bernardusabdij Saint-Malo en de oorlogshaven Brest. Vanaf derdtal vanop kanoneerboten op Vlissingen constructieleer Recueil d’expériences et d’ob- als Frans marinehospitaal (1809–1814)’, in F. 1805, toen de Franse marine een aanval op afgevuurd. Uit eigentijdse verslagen blijkt servations faites sur différens Travaux…. Boddaert et al., 750 jaar Sint-Bernardusabdij, Engeland voorbereidde, werd een ander sys- dat hun vernielingskracht enorm was, dat ze Daarin verwijst hij naar verschillende toepas- Deurne 1996, pp. 55–65. L.C. Boistard, o.c., p. teem uitgewerkt dat onafhankelijk van het veel slachtoffers eisten en dus inhumaan wa- singen ervan in gebouwen die hij opgericht 170. militaire d’Anvers, et pour la reconstruction du Chappenetwerk kon gebruikt worden. Artil- ren.2 In Antwerpen werd pas gevreesd voor had op het nieuwe marinearsenaal gelegen port de Flessingue, Parijs 1822, pp. 169–179. lerieofficier Charles Depillon (1768–1805) lag een aanval met Congreveraketten in februari op de gronden van de Sint-Michielsabdij, aan de basis van dat systeem, de zogeheten 1814, toen de geallieerden de stad bestookten evenals in het maritieme hospitaal in de semafoor. Die bestond uit een mast waaraan vanuit het noorden. Generaal Lazare Carnot Sint-Bernardusabdij van Hemiksem. In de drie armen waren bevestigd die standen van liet de nodige maatregelen nemen om de ‘ef- wasserij van deze onteigende abdij paste 45° konden innemen.1 Uit hun combinaties fecten van deze raketten te minimaliseren’.3 hij die innovatie toe.6 Samengevoegde bal- Telegrafen en semaforen Gierponten konden 342 tekens afgelezen worden. Met 5 Een bijzonder originele uitvinding Zo blijft het gewelf open en wordt het klas- taal en de overeenkomstige standen kon- was de gierpont, die gebruikt werd om de sieke driehoekige vakwerk overbodig. De Schelde over te steken. Ingenieur Pierre Lair constructie van het dak is lichter en kan (1769–1830), directeur van de Ecole du Génie gemakkelijk gemonteerd worden. In het Ant- Maritime, ontwikkelde in 1812 een systeem werpse scheepsarsenaal werd deze techniek van ‘vliegende’ platformen die met een lan- toegepast in de modellenzaal en de schrijn- ge koord of kabel werden vastgemaakt ofwel werkerij. Boistards samengestelde bogen en aan een ankerplaats in het midden van de gewelven, die hij met tekeningen illustreert, stroom, ofwel aan de oever.4 Door de stro- bestonden uit verschillende houten balkjes Zo ontstond een semafoortaal, bestaande uit woorden, zinsneden of zinnen. De masten, tot 9 meter hoog, werden op torens van NAPOLEON TITEL ETC Plaats van werk Techniek, 43 x 81 x 11 cm (afmetingen), Edition of 8 afgedankte kerken of op stadhuizen geplaatst, soms tot 10 kilometer afstand van Congreveraketten elkaar. Antwerpen maakte als belangrijk ma- Sint-Michielsabdij. Daar bevond zich immers Op militair vlak werden verschillende ming van het water konden de gierponten die onderling met elkaar verbonden werden. rinearsenaal deel uit van de Scheldelijn. Die het belangrijke scheepsarsenaal. Daarnaast nieuwe wapens gebruikt om de vijand zowel van de ene oever naar de andere slingeren. Daarmee kon hij ruimten van wel 120 meter verbond Antwerpen met fort Sint-Maria op werd voor burgerlijke doeleinden nog ge- op zee als op het land te bestoken. Belangrij- Een gierpont kon ook uit twee sloepen be- lang en 20 meter breed overspannen. de linker Scheldeoever, Verrebroek, Hulst, bruikgemaakt van de Chappetelegraaf. Die ke uitvinders waren de Engelse militair Wil- staan, met elkaar verbonden door een hou- Zaamslag, Terneuzen, Hoofdplaat (Oost- stond onder meer opgesteld op ‘De Thoren’ liam Congreve (1772–1828) en de Amerikaan ten platform. De afstand tussen het anker burg), Vlissingen, De Nolle en ten slotte in de Beddenstraat in Antwerpen en op het Robert Fulton (1765–1815). Laatstgenoemde waaraan de koord of kabel bevestigd is en de Tintonder. Berichten konden in de twee paleis van de prefect aan de Groenplaats. was de uitvinder van de onderzeeër en de vertrek- of aankomstplaats moet gelijk zijn richtingen doorgeseind worden. In Antwer- Beursgegevens en allerhande nieuwsberich- vlottende mijn of torpedo. Hij ontwikkelde aan minstens 1,5 maal de stroombreedte. De pen stond de semafoor op de toren van de ten werden ermee verspreid. deze heimelijke aanvalstuigen eerst in Frank- gierpont beweegt zich van de ene naar de an- 16 Bonaparte et l’Escaut l’arsenal et du port ken ondersteunen er het grote tongewelf. behulp van tabellen met de geheime codeden boodschappen doorgeseind worden. vestingstad, Antwerpen 1989, pp. 9-24. 5 L.C. Boistard, Recueil d’expériences et d’observations Le projet européen de Napoléon Thierry Lentz 17 CATALOGUE = Schenkkan met portretmedaillon De schenkkan werd in de periode 1809–1814 in de voetrand. De variatie aan getrokken Napoleon Bonaparte in Antwerpen vervaardigd door de uit Mons friezen is voor Antwerpen tot dan toe Joseph Lecocqmartin afkomstige zilversmid Joseph Lecocqmartin ongezien. De band met keizerlijke adelaars Antwerpen, 1809–1814 (1772–1850). De kan is van een uitzonderlijke versterkt het idee dat de kan bij een speciale Zilver en hout, H 34,5 cm; Ø voet 10,4 cm kwaliteit. Het ovale portretmedaillon van gelegenheid werd gemaakt, bijvoorbeeld Zilvermuseum Sterckshof Provincie Antwerpen Napoleon Bonaparte, voorgesteld als bij een van de bezoeken van Napoleon S2006/5 keizer, tussen twee lauriertakken is volledig aan Antwerpen of naar aanleiding van de geciseleerd en niet geappliqueerd zoals geboorte van zijn zoon, de koning van Rome, de nop bovenaan zou kunnen suggereren. op twintig maart 1811. De vierentwintig panden lopen van de schenktuit over de buik en de voet door tot Wim Nys Titel De schenkkan werd in de periode 1809–1814 geciseleerd en niet geappliqueerd zoals Titel De schenkkan werd in de periode 1809–1814 geciseleerd en niet geappliqueerd zoals Naam in Antwerpen vervaardigd door de uit Mons de nop bovenaan zou kunnen suggereren. Naam in Antwerpen vervaardigd door de uit Mons de nop bovenaan zou kunnen suggereren. Plaats, 1809–1814 afkomstige zilversmid Joseph Lecocqmartin De vierentwintig panden lopen van de Plaats, 1809–1814 afkomstige zilversmid Joseph Lecocqmartin De vierentwintig panden lopen van de Materiaal en afmetingen (1772–1850). De kan is van een uitzonderlijke schenktuit over de buik en de voet door tot Materiaal en afmetingen (1772–1850). De kan is van een uitzonderlijke schenktuit over de buik en de voet door tot Museum of plaats kwaliteit. Het ovale portretmedaillon van in de voetrand. Museum of plaats kwaliteit. Het ovale portretmedaillon van in de voetrand. Nummer Napoleon Bonaparte, voorgesteld als Nummer Napoleon Bonaparte, voorgesteld als keizer, tussen twee lauriertakken is volledig Wim Nys keizer, tussen twee lauriertakken is volledig Wim Nys